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"Transcript": "J. BOISSONNAT : Bonsoir. Nous voici donc réunis pour ce débat entre les deux participants au deuxième tour de l'élection présidentielle, M. Valéry GISCARD D'ESTAING et M. François MITTERRAND. Ce débat a été organisé par la commission de contrôle, avec l'accord des représentants des deux candidats. Il sera dirigé par deux journalistes choisis d'un commun accord, Michèle COTTA, journaliste à RTL, et moi-même, Jean BOISSONNAT, journaliste à L'Expansion et chroniqueur à Europe I. Nous devons veiller à l'organisation, à l'animation et au déroulement de ce débat. Chaque candidat disposera de cinquante minutes pour répondre aux questions que nous leur poserons et qu'ils se poseront l'un à l'autre. Puis, il leur restera à chacun cinq minutes pour conclure. Nous avons regroupé en trois grands thèmes les questions qui peuvent être posées : le premier, autour des problèmes de politique intérieure ; le deuxième, sur les questions de vie quotidienne des Français et de la vie économique ; le troisième, sur les problèmes de politique extérieure. Chacun de ces thèmes se déroulera pendant trente minutes. Puis, pendant une dizaine de minutes, nous poserons des questions de caractère plus général, avant que chaque candidat conclue en cinq minutes. La commission de contrôle a demandé à ce que les personnes qui sont présentes dans cette salle ne manifestent pas leurs sentiments pendant le déroulement du débat. Aussi, nous les remercions d'avance de bien vouloir taire ou leurs enthousiasmes ou leur réprobation pendant la durée de la discussion. Commençons donc par la politique intérieure. Michèle COTTA pose la première question. M. COTTA : J'ajoute que le tirage au sort a désigné M. François MITTERRAND pour parler le dernier, pour conclure cette émission, ce sera donc M. Valéry GISCARD D'ESTAING, si vous le voulez bien, qui parlera le premier. Alors, monsieur Valéry GISCARD D'ESTAING, monsieur MITTERRAND, au fond, à l'issue du 1er tour, vous avez devant vous à peu près le même problème. Vous avez obtenu l'un et l'autre, le 26 avril, plus de 25 %, le quart du corps électoral, mais l'un et l'autre vous avez besoin, pour être élus, d'un autre quart. Vous, François MITTERRAND, vous avez besoin des communistes, et vous, Valéry GISCARD D'ESTAING, vous avez besoin des électeurs de Jacques CHIRAC. Alors, ma première question est celle-ci : votre stratégie de reconquête à l'égard des électeurs chiraquiens n'est-elle pas trop rapide ? Lorsque vous dites : \"Jacques CHIRAC a eu raison\", parlez-vous seulement de sa lutte contre la bureaucratie ? Y a-t-il pour vous un Jacques CHIRAC qui a eu raison et un Jacques CHIRAC qui continuerait d'avoir tort ? Valéry GISCARD D'ESTAING : Le tirage au sort fait que je réponds le premier. Bonsoir, François MITTERRAND. Je veux dire dans quel esprit je suis venu participer à ce débat. Je souhaite d'abord que ce débat soit utile. Les Françaises et les Français ont un choix important à faire ; c'est un choix important en-raison de la situation internationale, en-raison aussi des alliances politiques de l'un ou de l'autre, qui font que la société française, donc la politique de la France, s'engagera dans des directions différentes, voire même opposées, suivant que vous-même, Monsieur MITTERRAND, ou moi, serons élus dimanche prochain. J'ai lu ou entendu que ce soir, on dirait s'il y a un vainqueur ou un vaincu. Je ne suis pas venu pour cela. C'est dimanche prochain que les Français, éclairés, diront qui doit être Président de la République. J'ai, pendant sept ans, eu des dialogues de ce type avec un certain nombre de dirigeants du monde. Je sais ce qu'en sont les règles. Il n'y a pas d'agression personnelle, c'est tout à fait inutile. On ne consacre pas de longs développements au passé, il est derrière nous, on regarde ce que l'on doit faire et ce que l'on propose, et c'est ce que je compte faire avec vous ce soir. Alors, à la question de Michèle COTTA, je dirai d'abord que je ne crois pas que l'intérêt de ce débat soit la politique du second tour. Je vous le dis franchement, je ne suis pas venu pour cela. Ce qui m'intéresse, c'est l'enjeu pour la France, ce que M. MITTERRAND ferait, ce que je ferais moi-même. En fait, depuis sept ans, j'ai pu gouverner,enfin... gouverner ... agir comme Président de la République,avec un Gouvernement, sans crise, et sans dissolution, avec une majorité qui était composée de deux tendances parti politique principales, le RPR et l'UDF. Elles se sont, à certains moments, bien entendues,au moment des élections de 1978,elles ont eu, à d'autres moments, des affrontements .. Au total, il n'y a jamais eu de motion de censure votée et il n'y a jamais eu de crise politique. Je n'aperçois aucune raison pour que cette situation soit modifiée après l'élection présidentielle. J'observe d'ailleurs que la totalité des dirigeants du RPR, la quasi totalité des élus de cette formation, veulent bien soutenir à l'heure actuelle ma candidature à la Présidence de la République, et comme j'ai indiqué moi-même qu'il n'y aurait pas de dissolution, il n'y a donc pas de problème politique à cet égard : il y aura tout de suite la reprise de l'action gouvernementale et parlementaire. Quand j'ai dit que Jacques CHIRAC avait eu raison de mettre l'accent sur un certain nombre de problèmes, qu'est-ce que j'ai voulu dire ? Dès le début de cette campagne campagne électorale, j'ai dit que j'écouterais ce qui sera dit dans cette campagne ; il y a des choses à apprendre. Une campagne révèle toujours un certain état d'esprit de la population. Les préoccupations de libertés économiques, de débureaucratisation de la société française, d'allègement de certaines charges, ont été exprimées notamment par Jacques CHIRAC et j'ai indiqué que ce serait un des enseignements à mettre en oeuvre à l'issue de cette élection, mais il y aura, bien entendu, beaucoup d'autres choses à faire. Je pose une question à François MITTERRAND, qui est dans la ligne de celle-ci : si vous êtes élu Président de la République, vous avez dit que vous formeriez un Gouvernement, ce Gouvernement se présentera-t-il devant l'Assemblée nationale ? J. BOISSONNAT : J'aurais voulu poser une question à M. François MITTERRAND, sur la question de M. GISCARD D'ESTAING, parce que M. François MITTERRAND a déjà eu l'occasion de dire qu'il ne serait pas le seul contraint de dissoudre l'Assemblée, si vous étiez élu. Il m'intéresserait de savoir, en votre présence, comment il argumente sur ce point. François Mitterand : Après avoir entendu ce qui vient d'être dit par M. GISCARD D'ESTAING, j'avais, moi aussi, envie de lui poser une question et, selon les règles qui ont été établies, ce sera donc une question indirecte, qui sera quand même entendue. Je voulais simplement qu'on m'explique, c'est-à-dire que l'autre candidat veuille bien m'expliquer .. Son raisonnement ne tombe-t-il pas dans le vide ? Le 17 mai 1974, vous déclariez,c'était une autre élection présidentielle, il y a sept ans,\"Je vous demande de me croire,vous vous adressiez aux Français,vous ne serez pas déçus .. Vous serez surpris par l'ampleur, par l'audace, par la rapidité du changement que je veux introduire dans la politique de notre pays\". Et voilà que celui que vous proclamez comme votre partenaire, avec lequel vous n'avez jamais eu d'ennuis,peut-être quelques troubles dans la majorité, en tout cas jamais de motion de censure,voilà que M. CHIRAC, responsable du RPR, vous répond, le 22 mars 1981, au Club de la Presse d'Europe I : \"La France est dans une situation extraordinairement difficile. Je suis certain que la voie que nous suivrons, si M. GISCARD D'ESTAING était réélu, serait la même et conduirait encore plus vite à des désordres plus graves \" Deuxième citation,il n'y en aura pas beaucoup,toujours de M. Jacques CHIRAC, le 9 mars 1981, à l'émission \"Cartes sur Table\" d'Antenne 2 : \"Nous sommes dans une situation extrêmement préoccupante qui exige un changement complet de politique, et on ne change pas de politique avec les mêmes hommes\". Et une troisième citation très rapide, toujours du même M. CHIRAC, en date du 4 mars 1981 : \"Oui, je porte un jugement négatif sur le septennat \" Sans doute, monsieur GISCARD D'ESTAING, considérez-vous que M. CHIRAC fait partie du choeur des pleureuses, mais n'empêche que j'aperçois une contradiction entre votre apparente tranquillité d'il y a un moment sur l'avenir de votre majorité, pour peu que vous soyez élu, et des déclarations qui montrent que, si vous êtes élu, vous n'avez pas de majorité ! M. COTTA : François MITTERRAND, vous n'avez pas répondu à la question de M. GISCARD D'ESTAING... François Mitterand : Mais, bien entendu, j'ai aussi une réponse à apporter. Je constituerai un Gouvernement, comme je le dois, après mon élection, quand le moment sera venu d'assumer mes responsabilités. Ce Gouvernement sera composé des personnes, femmes et hommes, que j'aurai choisis, ou dont je discuterai avec le Premier ministre que j'aurai choisi. Ces personnes seront celles qui auront approuvé mes options pendant la campagne présidentielle campagne électorale. Je ne serai pas en état de débattre ou de discuter, pour la raison que la campagne présidentielle m'absorbe, qu'elle requiert entièrement mon attention, que c'est à elle que je dois me consacrer, qu'elle est d'une nature particulière, que ce n'est pas l'affaire du parti PS, et je constituerai ce Gouvernement après la désignation du Premier ministre de telle sorte que celles et ceux qui m'auront approuvé dans ma démarche à moi, candidat des socialistes, puissent s'y retrouver. Je serai ainsi assuré de la cohérence de ce Gouvernement. Vous savez que d'autres formations politiques, nombreuses, m'ont rejoint pour le deuxième tour du scrutin et, bien entendu, la question qui m'est posée est : est-ce que vous ferez appel aux représentants de ces partis et, particulièrement, au parti communiste PCF, pour entrer dans ce Gouvernement ? Je rappellerai à cet égard que si l'union de la gauche s'est rompue en 1977, c'est précisément autour de la discussion sur un programme de gouvernement. Je ne peux donc pas considérer, à l'heure actuelle, que cette question soit réglée, et c'est une question sérieuse, la plus sérieuse de toutes. J'entends donc former un Gouvernement qui sera constitué par ceux qui m'auront approuvé, et ce n'est qu'après l'élection présidentielle et en vue des élections législatives, dont nous allons parler, j'imagine, tout à l'heure, que les organisations politiques responsables examinerons en-commun, si elles le désirent, si elles sont en mesure ou non de signer entre elles un contrat de gouvernement et, donc, d'aborder les élections législatives futures en situation d'accord. Quant au Gouvernement que j'aurai constitué, qui sera tout simplement le Gouvernement de la République, il se trouvera devant le problème suivant : est-ce qu'il y aura dissolution décidée par le Président de la République immédiatement, et dans ce cas-là il n'aura pas à se présenter devant l'Assemblée nationale, ou bien est-ce qu'il ira devant l'Assemblée nationale en attendant la sanction de cette Assemblée, pour peu qu'il y ait sanction d'ailleurs ? Ce qui veut dire que je ne compte pas soumettre la politique de ce Gouvernement à l'approbation de l'Assemblée nationale élue en 1978. Si je changeais d'avis, c'est-à-dire si j'avais le sentiment que cette Assemblée serait en mesure, par exemple, de voter une réforme du mode de scrutin, ce qui serait très intéressant pour la France. J. BOISSONNAT : Vous y êtes favorable ? François Mitterand : J'y serais favorable. J. BOISSONNAT : Dans quel sens ? François Mitterand : Je souhaite le scrutin proportionnel. J. BOISSONNAT : Tout de suite ? François Mitterand : Le plus tôt sera le mieux. M. COTTA : Vous aussi, monsieur GISCARD D'ESTAING ? Valéry GISCARD D'ESTAING : Non, pas du tout. François Mitterand : Si j'étais en mesure de le faire, je le ferais. Cela veut dire que je ne pose pas le problème de la dissolution en principe, c'est simplement une nécessité, car je veux conduire ma politique. Alors, il y aura des élections et le peuple décidera. Valéry GISCARD D'ESTAING : D'abord, dans vos premières remarques, vous avez fait des citations du 1er tour. Dans le 1er tour, chacun s'exprime avec une certaine véhémence. Bon. Vous avez trouvé des citations à cet égard, je pourrais trouver également des citations, monsieur MITTERRAND,je n'en cherche pas,à votre propos, ou de vous-même sur M. CHIRAC ; j'en ai une sous les yeux, je ne la lirai même pas tellement elle est sévère. Donc, laissons çà, cela ne m'intéresse pas. En fait, M. CHIRAC a indiqué, dès le lendemain du 1er tour. J. BOISSONNAT : Monsieur MITTERRAND voulait dire un mot ; est-ce que vous l'autorisez, monsieur GISCARD D'ESTAING ? François Mitterand : Je veux dire que, personnellement, je ne compte pas faire un Gouvernement avec M. CHIRAC au lendemain de mon élection ! Donc, le problème ne se pose pas pour moi. Valéry GISCARD D'ESTAING : Non, mais je veux dire que quand on invoque le témoignage de quelqu'un, encore faut-il porter sur ce quelqu'un un jugement positif. J'observe simplement que le lendemain du 1er tour M. CHIRAC a indiqué qu'il voterait pour moi à l'élection présidentielle. Pour moi, le critère,comme d'ailleurs vous l'indiquiez pour vous tout à l'heure,ce sont ceux qui élisent le Président de la République, et je note, je l'ai fait observer tout à l'heure, que la totalité des dirigeants de la majorité, les parlementaires de la majorité, avaient indiqué qu'ils voteraient désormais pour le Président de la République. Donc, la question de ma majorité,quand je dis \"ma\" ce n'est pas un \"ma\" possessif,est réglée, il n'y aura pas dissolution de l'Assemblée nationale. Un gouvernement sera constitué, ce gouvernement, bien entendu, comportera des personnalités représentatives de l'ensemble de la majorité et il se mettra au travail pour étudier par priorité et pour adopter les premiers textes concernant l'emploi et, notamment, l'emploi des jeunes, que je voudrais voir figurer à la session parlementaire de printemps. Mais la réponse que vous avez faite à ma question me surprend énormément, monsieur MITTERRAND. Nous ne sommes pas dans un régime présidentiel ou personnel. Vous m'avez fait des reproches à cet égard dans le passé,vous en avez encore plus faits au Général de GAULLE. j'ai là un certain nombre de textes, mais la Constitution dit que le Gouvernement est responsable devant le Parlement. Si vous agissez ainsi que vous dites, c'est-à-dire si votre Gouvernement ne va pas devant le Parlement, il ne pourra rien faire, il n'aura le droit de rien faire, il devra attendre le résultat des élections. Nous n'avons pas, en France, un système tel qu'un Président de la République, vous ou moi, ou d'ailleurs le Général de Gaulle dans le passé, puisse nommer un Gouvernement qui ne rend de comptes à personne et qui prenne des décisions importantes. Ceci est impossible. Si, donc, il ne va pas devant le Parlement, il ne pourra faire qu'une chose qui est ce qu'on appelle, vous connaissez la formule, expédier les affaires courantes. Or, j'ai lu dans vos déclarations, je crois que c'est à L'Express journal, que vous aviez l'intention de prendre tout de suite un certain nombre de mesures. Vous dites, par exemple : réduction du taux de la TVA sur les produits de grande consommation, recrutement d'un certain nombre de fonctionnaires. Ce sont des décisions qu'un Gouvernement chargé des affaires courantes ne peut pas prendre ! Donc, la procédure que vous indiquez n'est pas réalisable. Le Gouvernement doit aller devant l'Assemblée nationale. L'Assemblée peut, ou non, le censurer. Vous pourriez, comme Président de la République, la dissoudre ensuite à tout moment, mais j'estime qu'un Gouvernement, pour pouvoir exister en France,il n'y a jamais eu d'exemple en sens contraire,doit aller devant le Parlement. Nous sommes dans un régime où existe le contrôle parlementaire. J'ajoute ensuite qu'il y aura d'importantes négociations internationales au mois de juin, notamment sur l'Europe. Imaginez-vous un Gouvernement français qui aille dans les enceintes internationales alors qu'on saura qu'il a été nommé par le Président de la République et qu'il n'a même pas eu un contact avec la représentation nationale ? Si c'est la formule que vous choisissez, il expédiera les affaires courantes, c'est-à-dire qui règlent les petits problèmes du quotidien, il ne peut prendre aucune décision importante engageant la France. J. BOISSONNAT : Monsieur MITTERRAND souhaite répondre sur ce point. François Mitterand : Monsieur BARRE, que vous avez nommé, a mis quarante-et-un jours à se présenter devant l'Assemblée nationale. Je veux dire par là que pendant quarante-et-un jours, il a bien fallu qu'il fasse quelque chose ! Valéry GISCARD D'ESTAING : Non. François Mitterand : Ah ! Il n'a rien fait ? Valéry GISCARD D'ESTAING : Il a géré les affaires courantes, c'est une tradition, monsieur MITTERRAND, et cela veut dire, dans ce cas-là,c'est un point important,que votre dissolution ne pourra intervenir que mi-juin, ou fin juin, parce que si vous regardez le calendrier, comme je l'ai fait avec soin : l'installation d'un nouveau Président de la République se fait, à un jour près,il y a un petit problème en discussion,vers le 25 ou le 26 mai, qui est l'anniversaire de ma prise de fonctions ; la convocation de l'Assemblée nationale, c'est début juin... Il y a quelques jours nécessaires, d'autant plus que c'est l'Ascension à ce moment-là. Le Gouvernement va devant l'Assemblée nationale. S'il met du temps à y aller, comme l'avait fait M. BARRE, cela veut dire que votre dissolution ne peut intervenir qu'à la mi-juin et que, donc, les Français voteront à la mi-juillet ou fin juillet. Est-ce réaliste ? François Mitterand : Le Président de la République peut dissoudre quand il le veut et je dissoudrai quand je le déciderai. A ce moment-là, je ne serai pas dans l'obligation de vous rendre compte. J'agirai selon mes devoirs et la Constitution croyez-moi, sera respectée. J'ai l'intention de dissoudre et j'ai l'intention de faire procéder à des élections avant le 1er juillet. Si un argument majeur s'opposait à cela, de toutes manières ma décision serait maintenue, je veux dire par là que je ne serais pas en mesure de garder cette Assemblée nationale, et le problème, pour moi, serait de disposer d'une majorité, parce qu'on ne peut pas mener une autre politique sans une autre majorité. Quant au délai, monsieur GISCARD D'ESTAING, je verrai bien, mais supposons qu'il y ait la moindre raison qui puisse m'être objectée par d'autres juristes que par vous, comme je suis né légaliste, je le resterai. Cela ne m'empêchera pas, élu Président de la République, de mener la politique que j'entendrai mener, bien entendu avec le Parlement dès qu'il sera là. Valéry GISCARD D'ESTAING : Vous êtes bien changeant, monsieur MITTERRAND, parce qu'il y a quelques instants vous nous aviez dit que vous ne saviez pas si vous dissoudriez tout de suite, que vous étiez prêt à voir si, sur un sujet tel que, par exemple, la loi électorale, le Parlement ne pourrait pas plus ou moins en délibérer, puis vous revenez tout à coup en arrière, vous dites : \"Je dissoudrai tout de suite\", et même avec une précipitation très grande, car si vous voulez faire les élections avant la fin du moins de juin, il faut que le premier acte de votre septennat soit la dissolution ; vous n'avez pas le temps d'aller devant le Parlement, d'étudier le problème. Donc, vous prendrez en arrivant un décret de dissolution, vous ferez donc ce qu'a fait jadis MAC-MAHON, c'est-à-dire que, sans avoir rencontré la représentation nationale, sans même qu'un Gouvernement soit allé lui dire : \"Voilà mon programme\", vous direz : \"Messieurs les députés, je vous renvoie chez vous\", ce qui veut dire d'ailleurs que les conditions de l'élection et la signification pour le Président de la République seront très fortes, car si vous renvoyez les députés sans même qu'ils aient eu droit à un exposé de la politique de votre Gouvernement et à la possibilité d'exprimer la censure, et si ensuite le suffrage universel renvoie les mêmes, c'est un désaveu au Président de la République ! Il ne faut pas confondre avec la situation de 1978 dont nous avions débattu ; quand il y a une élection normale en France, si elle envoie une majorité différente, le Président de la République doit en tirer un certain nombre de conséquences, il doit, avec sagesse, essayer de trouver une formule. Mais si le Président de la Répulique prend l'initiative,et vous venez de le dire,de renvoyer la représentation parlementaire sans même la réunir, et si la même représentation parlementaire revient, quelle est l'autorité, quelle est la situation du Président de la République ? Et en tout cas, dans l'intervalle, le Gouvernement ainsi formé ne peut qu'expédier les affaires courantes, il ne peut entreprendre aucune des grandes actions, aucune des grandes décisions que vous avez évoquées dans vos déclarations récentes. J. BOISSONNAT : Monsieur GISCARD D'ESTAING, en ce qui concerne l'expédition des affaires courantes, je voudrais que vous puissiez préciser, avec M. MITTERRAND, trois points précis, parce que M. MARCHAIS a déclaré, au lendemain du comité central du parti communiste, qu'il attendait d'un Gouvernement de gauche trois mesures précises : la hausse du SMIC, le blocage des prix, la revalorisation des allocations familiales. Est-ce que, sur ces trois mesures précises, un Gouvernement ne peut pas agir sans avoir recours à l'Assemblée nationale ? François Mitterand : Je ne voudrais pas, si vous permettez, que nous passions notre temps à nous comporter en juristes compliqués discutant de choses que beaucoup de Français risquent de ne pas aimer, dans la mesure où cela les ennuiera. Je suis quelqu'un qui a toujours respecté la loi, et je la respecterai. J'ajoute que, comme vous serez à ce moment-là ancien Président de la République, vous ferez partie du Comité constitutionnel. Valéry GISCARD D'ESTAING : Du Conseil. François Mitterand : Du Conseil constitutionnel, et vous pourrez dire votre mot. J. BOISSONNAT : Et sur les trois problèmes que je viens d'évoquer, est-ce que les décisions peuvent être prises sans l'accord du Parlement ? M. COTTA : Et est-ce que vous les prendriez ? François Mitterand : Plusieurs de ces mesures sont d'ordre réglementaire, c'est-à-dire sont de l'autorité du Gouvernement. Valéry GISCARD D'ESTAING : Nous les retrouverons tout à l'heure. François Mitterand : Le Gouvernement, c'est toujours le Gouvernement de la République. Toujours. Valéry GISCARD D'ESTAING : Ce sont des points très importants. Nous n'allons pas y rester,j'ai des questions plus importantes encore à vous poser,mais ce sont des questions importantes car il ne faut pas faire croire aux Français que vous aurez le pouvoir de prendre en mai ou en juin des décisions que vous ne pourrez pas prendre parce que, légalement, vous ne pourrez pas les prendre. Quand vous dites, par exemple : je baisserai la TVA sur les produits de consommation courante, vous n'aurez pas le droit de le faire ! J. BOISSONNAT : Oui, mais on peut augmenter le SMIC, monsieur GISCARD D'ESTAING. Valéry GISCARD D'ESTAING : Ah, le SMIC, on peut le fixer. J. BOISSONNAT : et on peut bloquer les prix. Valéry GISCARD D'ESTAING : C'est à la limite. On n'a jamais pris, dans des périodes qui ne sont que des périodes électorales, des décisions qui bouleversent les conditions de l'activité. J. BOISSONNAT : C'est contraire à la coutume, mais ce n'est pas contraire à la loi. Valéry GISCARD D'ESTAING : C'est contraire à la coutume et une décision de cette nature serait d'ailleurs très vivement critiquée. Deuxième question à M. MITTERRAND. Il y a donc des élections. Si, comme vous le dites, vous renvoyez l'Assemblée nationale, c'est parce que vous voulez avoir une autre majorité et, cette autre majorité, on voit bien de qui elle est composée ; elle est composée des 26 % d'électeurs que vous avez eus PS,dont d'ailleurs quelques points de communistes,et puis il faut trouver 24 ou 25 autres, donc la totalité de l'électorat communiste PCF. Comme nous avons un scrutin d'arrondissement à deux tours et que vous venez de dire à l'instant que vous dissolvez tout de suite,donc il n'y a pas de changement de loi électorale,il faut un accord électoral ; vous n'allez pas le faire avec ceux que vous avez chassés, vous le ferez donc avec ceux que vous voulez ramener, c'est-à-dire avec le parti communiste. Quelles sont les conditions que le parti communiste vous demandera pour aboutir à un tel accord électoral ? Et deuxièmement, quant vous aurez nommé votre Premier ministre, ensuite, et qu'il viendra vous dire : \"Monsieur le Président de la République, voilà la liste des ministres et je vous propose des ministres communistes\", quelle sera votre réponse ? François Mitterand : J'ai déjà répondu au premier élément de la question posée, non pas spécialement par vous, mais par l'opinion publique, que j'ai souvent entendu poser tout le long de cette campagne ; j'ai d'ailleurs eu l'occasion d'y répondre au-cours des multiples débats qui m'ont conduit aux postes de télévision ou aux postes de radiodiffusion. J'ai dit, ce que je répète,car j'ai déjà abordé de moi-même ce sujet,que le premier Gouvernement que je constituerai sera composé des femmes et des hommes qui se seront engagés sur les options du candidat des socialistes, que je suis toujours. Bien entendu, à-partir du moment où les élections législatives devront être préparées, les organisations politiques responsables,vous savez que les partis politiques existent, ont des droits, sont reconnus par la Constitution dans son article 4, même quand le Président de la République les met gravement en cause,les organisations politiques se rencontreront, discuteront. Est-ce que les partis de gauche, notamment socialiste et communiste, seront en mesure d'aboutir, c'est-à-dire de signer un accord de gouvernement, de s'entendre pour la suite ? Je le saurai à ce moment-là. Est-ce qu'il auront réussi à vaincre les obstacles qui les ont dominés en 1977 ? C'est cette discussion sérieuse qu'il faut engager, que j'ai toujours souhaitée en tant que responsable du parti socialiste, hier. Donc, cette discussion aura lieu, les organisations politiques décideront souverainement, elles-mêmes, de ce qu'elles doivent faire, c'est-à-dire de leurs accords ou de leurs désaccords, et si elles sont d'accord il appartiendra aux Français de choisir c'est-à-dire que ce sont les Français qui auront le dernier mot puisqu'ils voteront pour l'élection des députés. A ce moment-là, je pourrai vous apporter la réponse. Mais je voudrais vous dire, à moins que vous n'ayez déjà des objections à me faire sur ce sujet, que cette question sans cesse posée, on s'aperçoit bien pourquoi elle l'est ; je trouve cela très intéressant, parce que moi, j'ai l'intention de parler de façon très claire, vous savez très claire. Cela fait déjà très longtemps que je me suis battu dans ce pays pour tenter de réussir l'union de la gauche, et je n'ai jamais désavoué ma démarche ; simplement, je me suis trouvé devant une situation qui la rendait impossible. A partir de là, j'ai dû le constater. Mais les socialistes, dont je ne suis plus le premier responsable, dont je ne serai plus responsable, ni membre,mais proche cependant,une fois élu Président de la République, le parti socialiste restera maître de ses décisions et, bien entendu, je pense qu'il restera, lui aussi, fidèle à l'axe de sa politique qui tend au rassemblement populaire autour de ses objectifs. Voilà ce que j'entends faire, et pour le reste . M. COTTA : Monsieur MITTERRAND, est-ce qu'au fond vous ne reculez pas pour mieux sauter ? Est-ce que cet accord avec les communistes, que vous ne recherchez pas entre le 1er et le 2ème tours de l'élection présidentielle, vous allez le rechercher dès que l'élection présidentielle sera terminée ? François Mitterand : Mais, madame COTTA, ce n'est pas mon affaire comme candidat à l'élection présidentielle. M. COTTA : Est-ce que ce n'est pas une réponse un peu facile ? François Mitterand : Vous vous trompez d'élection ! Il s'agit d'élire un Président de la République, il ne s'agit pas pour l'instant de constituer un Gouvernement sur la base d'une nouvelle majorité. On élira d'abord un Président de la République, ce Président de la République, ensuite, indiquera à quel moment auront lieu des élections législatives, et ceux qui voudront constituer une majorité, dans un camp comme dans l'autre, se réuniront pour en discuter. Voilà. A ce moment-là, bien entendu, je tiendrai compte de ce qui aura été décidé et je verrai bien quelle majorité aura été adoptée par les Français, puisque ce sont les Français qui décideront. J'ai personnellement le sentiment qu'élu Président de la République, c'est-à-dire disposant d'une majorité,la majorité, elle se formera le 10 mai,cette majorité-là aura une force entraînante, formidable. Ce sera un événement vous savez, pour la France, que l'élection d'un Président de la République socialiste ! Le rassemblement qui se constituera nous placera dans une situation psychologique et politique différente de celle d'aujourd'hui et j'espère, en effet, que ce rassemblement populaire se constituera. M. COTTA : Et si la majorité n'est pas conforme à ce que vous en attendez, vous gouvernerez avec elle ? François Mitterand : Je suis un démocrate. A ce moment-là, je serai contraint de répondre comme M. GISCARD D'ESTAING à Verdun-sur-le-Doubs, lorsqu'il pouvait redouter la victoire de la gauche en 1978 : j'appliquerai la loi et je resterai là où je suis, en essayant de veiller aux intérêts de la France de mon mieux. J. BOISSONNAT : Monsieur GISCARD D'ESTAING ? Valéry GISCARD D'ESTAING : On ne peut pas défendre des théories de cette nature, je vous le dis très franchement. D'abord, on ne peut pas conduire un peuple les yeux bandés ; c'est un peuple majeur, qui doit savoir où il va. Vous venez de nous dire il y a quelques minutes que vous prendriez une décision tout de suite qui était de dissoudre l'Assemblée nationale, parce que vous ne pouvez pas travailler avec la majorité qui existe, que vous avez qualifiée de conservatrice. Donc, vous renvoyez les députés. Et vous nous dites ensuite : \"Eh bien, on verra avec qui on s'entendra ...\" Mais on ne verra pas avec qui, puisque dès lors que la majorité s'en va, vous êtes obligé de rechercher un accord à l'intérieur de ceux qui vous auront soutenu, c'est-à-dire socialistes et communistes. Il n'y a aucune autre alternative. J'imagine qu'à l'heure actuelle, vous y avez réfléchi ; vous n'allez pas découvrir, le 15 juin, qu'un accord entre les socialistes et les communistes est impossible, alors qu'on sera au plein milieu de l'élection que vous aurez vous-même décidée ! Et deuxièmement, vous ne pouvez pas dire aux Français : je veux conduire un grand changement avec n'importe qui,c'est ce que vous êtes en-train de nous dire ! Yy compris même l'Assemblée actuelle, parce que dans ce cas-là ... ne la dissolvez pas ! Et surtout, si vous voulez conduire un grand changement avec n'importe qui, c'est que vous ne voulez pas conduire un grand changement, parce que vous savez très bien que le projet socialiste que j'ai là, qui est d'ailleurs un texte important dont nous lirons tout à l'heure des extraits, c'est un changement important de la vie de la France et que la majorité actuelle, non seulement n'y est pas favorable, mais y est absolument hostile. Si, donc, votre projet, votre ambition, c'est le projet socialiste ou une formule voisine, il faut avoir une majorité pour le faire, et je n'imagine pas l'autorité, ni intérieure ni extérieure, du Président de la République française,et cela compte . J'ai porté le poids de cette fonction pendant sept ans, je n'imagine pas son autorité si, étant élu avec les voix communistes, il voit revenir, après avoir congédié le Parlement, une majorité qui lui soit hostile, et il dit à ce moment-là : \"Mais, tout va bien ... je continue et je vais diriger les affaires de la France\". C'est totalement invraisemblable ! A verdun-sur-le-Doubs, ce que j'avais dit, c'est que dans une échéance électorale normale, le Président de la République en fonction a le devoir de tenir compte de ce que choisissent les électeurs, mais s'il prend l'initiative,car c'est vous qui prendrez l'initiative,de congédier le Parlement et si l'opinion publique le désavoue, car c'est çà que cela veut dire ,en renvoyant une majorité de sens inverse, le Président de la République n'a plus aucune autorité et, à mon avis, il ne peut pas rester. D'ailleurs, à mon avis, il ne resterait pas. Dans une autre situation, ce serait différent. La vérité, c'est que vous avez besoin d'une majorité pour faire ce que vous voulez faire et que, cette majorité, c'est l'alliance, d'ailleurs normale, vous l'avez dit tout à l'heure, des communistes et des socialistes. Mais, dans ce cas-là, il faut vous battre ouvertement pour dire : cette majorité, il faut la rassembler, d'abord lors de l'élection présidentielle, et ensuite lors de l'élection législative, sinon, nous entrons dans un système politique de désordre et de confusion comme la France en a connu dans le passé, et comme la Vème République, heureusement, nous en a délivré. J. BOISSONNAT : Messieurs, je me permets simplement de vous faire remarquer que, sur cette première partie de votre discussion, il reste à M. MITTERRAND un peu moins de 3 minutes et, à M. GISCARD D'ESTAING, un peu moins de 2 minutes. François Mitterand : Je voudrais répondre. Monsieur GISCARD D'ESTAING, je souhaite gagner l'élection présidentielle, je pense la gagner, mais quand je l'aurai gagnée je ferai tout ce qu'il conviendra de faire, dans-le-cadre de la loi, pour gagner les élections législatives. Et si vous n'imaginez pas ce que sera, à-partir de lundi prochain, l'état d'esprit de la France, sa formidable volonté de changement, alors c'est que vous ne comprenez rien à ce qui se passe dans ce pays ! Si tous ceux qui veulent se rassembler autour du Président de la République élu le 10 mai veulent l'aider par la suite, de plus en plus nombreux, à former la majorité législative, elle me trouvera à ses côtés. Quant à votre dégagement, disons, anti-communiste, permettez-moi de vous dire qu'il mériterait quelques correctifs, car c'est quand même un peu trop facile ! Vous comprenez, les travailleurs communistes sont nombreux et on finirait par croire, dans votre raisonnement,à quoi servent-ils ? Qu'ils servent à produire, à travailler, ils servent à payer les impôts, ils servent à mourir dans les guerres, ils servent à tout. Mais ils ne peuvent jamais servir à faire une majorité en France ! La façon dont vous le dites implique une sorte d'exclusion de la vie nationale qui n'est pas dans mon état d'esprit. De telle sorte que si les Français élisent une majorité, lors des élections législatives, qui soit une majorité de rassemblement populaire, bien entendu je travaillerai avec elle. J. BOISSONNAT : Monsieur MITTERRAND, êtes-vous satisfait de voir le score du parti communiste au 1er tour des élections présidentielles ramené à 15 % du corps électoral ? M. COTTA : Pardon. Une question complémentaire : à qui de vous deux cela fait-il le plus plaisir ? François Mitterand : Moi, je suis surtout satisfait d'avoir atteint 26 % et, bien entendu, quand on gagne des suffrages, on les prend à quelqu'un d'autre. Bon. Donc, je ne vais pas passer de temps à déplorer les difficultés des autres. Bien entendu, j'ai fait le compte, et je souhaiterais que les forces de la gauche soient encore plus puissantes ; je pense qu'un certain nombre de femmes et d'hommes qui n'étaient pas encore des nôtres le 26 avril viendront nous rejoindre le 10 mai, parce qu'ils sentent bien que c'est de ce côté-là que se trouve l'avenir, c'est-à-dire le changement. J. BOISSONNAT : Monsieur GISCARD D'ESTAING ? Valéry GISCARD D'ESTAING : D'abord, vous avez eu 26 % des voix. Pour employer l'expression d'un journal qui appuie votre candidature, vous avez donc été désavoué par 74 % des Français ! Il a dit que moi, j'ai été désavoué par. je ne me rappelle plus combien, 72. Mais je n'attaque pas du tout l'électorat communiste. En sept ans, monsieur MITTERRAND, je n'ai jamais eu un mot désobligeant pour la classe ouvrière française, jamais ; je la respecte dans son travail, dans son activité, et même dans son expression politique. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, dans de grandes régions industrielles, elle m'a placé devant vous lors des dernières élections ! Ce que je veux simplement dire, c'est qu'il faut que vous annonciez vos couleurs, et moi j'annonce mes couleurs. Vous venez de nous dire, et j'en prends acte, que vous souhaitez le succès d'une majorité de socialistes et de communistes lors des prochaines élections législatives. Il faut que les Français le sachent. Ce n'est pas du tout faire grief aux électeurs de choisir cette majorité, mais il faut que les Français le sachent, parce que ce que vous appelez le rassemblement, c'est une nébuleuse ; dans cette nébuleuse, il y a un noyau central qu'on connaît bien, c'est l'ancienne union de la gauche, c'est-à-dire l'ensemble des socialistes et des communistes, et puis alors, autour, il y a la nébuleuse de ceux qu'on peut tromper pendant un certain temps, et je ne veux pas qu'il y ait de Français trompés. Donc, si vous dites que vous souhaitez le succès d'une majorité de socialistes et de communistes, c'est parfaitement clair. Je ne vous en fais pas le reproche, mais je demande que ceci soit bien entendu et compris par nos concitoyens. François Mitterand : Vous trompez nos concitoyens lorsque vous prétendez avoir une majorité ! Ce que j'ai dit tout à l'heure de la pensée exprimée de M. CHIRAC au sujet de votre septennat, la dureté de ses propos, le sentiment de votre échec et que le changement de politique nécessaire devrait entraîner un changement d'homme, donc un changement de Président, le montre. Permettez-moi de vous dire que Jacques CHIRAC en a dit davantage ! \"Si l'on peut rendre à ce pays la confiance et l'espoir, fût-ce au-prix de la défaite du Président de la République,vous,c'est l'intérêt de la France qui m'importe, et non pas l'intérêt de tel ou tel homme, y compris le mien\". Et c'est avec cela que vous allez faire une majorité ? Moi, j'entends en effet, élu Président de la République, entraîner la majorité des Français qui aura voté pour moi le 10 mai, CQFD ! Le 10 mai, si je suis élu, c'est bien que j'ai la majorité, pardonnez cette vérité de LA PALICE ! Eh bien, toutes celles et tous ceux-là qui m'auront soutenu, oui, j'essayerai de faire avec eux une majorité pour les législatives. Valéry GISCARD D'ESTAING : Ce point est clair. J. BOISSONNAT : Monsieur MITTERRAND, vous avez 17 secondes à récupérer sur la suite du débat, car vous avez légèrement débordé, mais c'est tout à fait concevable. Valéry GISCARD D'ESTAING : Il me suffit de 20 secondes. Je voulais qu'il y ait un point clair, pour clarifier le débat. Les Français attendent des réponses. Si vous êtes élu Président de la République, vous souhaiterez l'élection d'une majorité composée de socialistes et de communistes lors des élections législatives qui entraînera la dissolution immédiate de l'Assemblée nationale. Je voulais que ce point soit connu. François Mitterand : Je souhaiterai battre les forces conservatrices qui ont marqué, sous votre conduite, le déclin de la France.",
"Abstractive_1": "Dans ce débat, Valéry Giscard D'Estaing et François Mitterrand discutent des institutions politiques. Valéry Giscard D'Estaing explique avoir gouverné sans crise et dissolution, et être soutenu par une majorité de députés. Valéry Giscard D'Estaing explique avoir des accords avec Jacques Chirac quant aux problèmes de libertés économiques, de débureaucratisation et d'allègement de charges, et explique qu'il a une majorité à l'Assemblée nationale pour gouverner. Valéry Giscard D'Estaing demande à François Mitterrand s'il présentera son gouvernement à l'Assemblée nationale alors qu'il n'a pas de majorité. François Mitterrand explique être soutenu par de nombreuses formations politiques, et qu'il fera appel aux représentants de ces formations pour créer un gouvernement avec les partis qui l'ont soutenu. François Mitterrand explique qu'il ne présentera pas son gouvernement à l'approbation de l'Assemblée nationale élue en 1978, et qu'il dissoudra l'Assemblée nationale. Valéry Giscard D'Estaing explique qu'il ne dissoudra pas l'Assemblée nationale, car il a une majorité. Valéry Giscard D'Estaing explique que François Mitterrand ne pourra pas faire de loi si son gouvernement n'a pas été approuvé par l'Assemblée nationale, et qu'il ne pourra travailler que sur les affaires courantes. Le présentateur rappelle avec François Mitterrand que les mesures centrales du parti de communiste ne peuvent être réalisées sans avoir la confiance du gouvernement. Valéry Giscard D'Estaing explique que François Mitterrand devra s'allier avec les communistes pour avoir une majorité à l'Assemblée nationale. François Mitterrand explique qu'il y aura des discussions, mais qu'il s'accordera avec les formations qui soutiennent son programme, et que s'il est élu président, il aura une majorité. Valéry Giscard D'Estaing critique l'approche de François Mitterrand qui souhaite s'allier avec quiconque s'accorde avec lui.\n",
"Abstractive_2": "Dans ce débat, Valéry Giscard D'Estaing et François Mitterrand débattent de la politique intérieure. Valéry Giscard D'Estaing ouvre le débat en expliquant que durant son septennat, il n'y a eu aucune crise importante, ou dissolution, avec une majorité claire, et qu'il n'y a pas de raison de changer. Il finit son tour en demandant à François Mitterrand avec quelle majorité il compte gouverner. François Mitterrand répond en citant Jacques Chirac, et en expliquant qu'il désavouait le plan de Valéry Giscard D'Estaing, qui n'a donc pas de majorité non plus. Il continue en expliquant qu'il aura un gouvernement cohérent qui approuve ses choix. Il explique aussi qu'il souhaite un scrutin proportionnel aux élections législatives. Valéry Giscard D'Estaing répond en expliquant que la majorité des parlementaires ont annoncé qu'ils voteraient pour lui, créent une majorité. Il explique ensuite que le gouvernement de François Mitterrand n'ira pas devant le Parlement, et n'aura donc que le droit de travailler sur les affaires courantes, et qu'il ne pourra pas baisser la TVA ou recruter des fonctionnaires. François Mitterrand répond qu'il dissoudra l'assemblée quand il le souhaite. Valéry Giscard D'Estaing répond que s'il dissout l'assemblée avant les élections législatives, et que les élections législatives lui renvoient la même assemblée, son gouvernement sera désavoué, et qu'il n'aura pas eu le temps de faire de grandes actions. François Mitterrand explique qu'il pourrait quand même hausser le smic, et bloquer les prix. Valéry Giscard D'Estaing explique que François Mitterrand souhaite avoir une majorité avec les communistes. François Mitterrand le nie, il explique qu'il mettra en place un gouvernement socialiste, et voir par la suite si un accord peut être mis en place. Valéry Giscard D'Estaing explique que c'est se voiler la face, qu'il devra dissoudre l'assemblée et s'allier aux communistes, et que dans le cas où cela ne fonctionne pas, il sera entièrement désavoué, et qu'il a donc besoin d'une alliance avec les communistes.\n",
"Abstractive_3": "Dans ce débat, François Mitterrand et Valéry Giscard D'Estaing discutent de la formation de leur gouvernement après l’élection présidentielle. François Mitterrand indique qu’il gouvernera avec ceux qui l’auront approuvé et qu’il tentera ensuite d’établir un accord politique avec les diverses formations politiques un accord pour les élections législatives. François Mitterrand entend dissoudre l’assemblée pour accélérer la tenue des élections. Valéry Giscard D'Estaing souligne qu’il a le soutien de CHIRAC. Valéry Giscard D'Estaing pourra donc s’appuyer sur la majorité en place pour établir un gouvernement. Valéry Giscard D'Estaing pense que son adversaire a réfléchi à un accord entre les communistes et les socialistes, sans quoi la dissolution de l’assemblée serait inconséquente. François Mitterrand entend simplement former sa majorité avec tous ceux qui l’auront soutenu au second tour de la présidentielle.\n",
"Extractive_1": "P1 : Alors, ma première question est celle-ci : votre stratégie de reconquête à l'égard des électeurs chiraquiens n'est-elle pas trop rapide ? VGE : En fait, depuis sept ans, j'ai pu gouverner,enfin... gouverner ... agir comme Président de la République,avec un Gouvernement, sans crise, et sans dissolution, avec une majorité qui était composée de deux tendances parti politique principales, le RPR et l'UDF. VGE : J'observe d'ailleurs que la totalité des dirigeants du RPR, la quasi totalité des élus de cette formation, veulent bien soutenir à l'heure actuelle ma candidature à la Présidence de la République, et comme j'ai indiqué moi-même qu'il n'y aurait pas de dissolution, il n'y a donc pas de problème politique à cet égard : il y aura tout de suite la reprise de l'action gouvernementale et parlementaire. VGE : Les préoccupations de libertés économiques, de débureaucratisation de la société française, d'allègement de certaines charges, ont été exprimées notamment par Jacques CHIRAC et j'ai indiqué que ce serait un des enseignements à mettre en oeuvre à l'issue de cette élection, mais il y aura, bien entendu, beaucoup d'autres choses à faire. VGE : Je pose une question à François MITTERRAND, qui est dans la ligne de celle-ci : si vous êtes élu Président de la République, vous avez dit que vous formeriez un Gouvernement, ce Gouvernement se présentera-t-il devant l'Assemblée nationale ? FM : Vous savez que d'autres formations politiques, nombreuses, m'ont rejoint pour le deuxième tour du scrutin et, bien entendu, la question qui m'est posée est : est-ce que vous ferez appel aux représentants de ces partis et, particulièrement, au parti communiste PCF, pour entrer dans ce Gouvernement ? FM : J'entends donc former un Gouvernement qui sera constitué par ceux qui m'auront approuvé, et ce n'est qu'après l'élection présidentielle et en vue des élections législatives, dont nous allons parler, j'imagine, tout à l'heure, que les organisations politiques responsables examinerons en-commun, si elles le désirent, si elles sont en mesure ou non de signer entre elles un contrat de gouvernement et, donc, d'aborder les élections législatives futures en situation d'accord. FM : Ce qui veut dire que je ne compte pas soumettre la politique de ce Gouvernement à l'approbation de l'Assemblée nationale élue en 1978. FM : Cela veut dire que je ne pose pas le problème de la dissolution en principe, c'est simplement une nécessité, car je veux conduire ma politique. VGE : J'observe simplement que le lendemain du 1er tour M. CHIRAC a indiqué qu'il voterait pour moi à l'élection présidentielle. VGE : Pour moi, le critère,comme d'ailleurs vous l'indiquiez pour vous tout à l'heure,ce sont ceux qui élisent le Président de la République, et je note, je l'ai fait observer tout à l'heure, que la totalité des dirigeants de la majorité, les parlementaires de la majorité, avaient indiqué qu'ils voteraient désormais pour le Président de la République. VGE : Donc, la question de ma majorité,quand je dis \"ma\" ce n'est pas un \"ma\" possessif,est réglée, il n'y aura pas dissolution de l'Assemblée nationale. VGE : Si vous agissez ainsi que vous dites, c'est-à-dire si votre Gouvernement ne va pas devant le Parlement, il ne pourra rien faire, il n'aura le droit de rien faire, il devra attendre le résultat des élections. VGE : Si, donc, il ne va pas devant le Parlement, il ne pourra faire qu'une chose qui est ce qu'on appelle, vous connaissez la formule, expédier les affaires courantes. FM : J'ai l'intention de dissoudre et j'ai l'intention de faire procéder à des élections avant le 1er juillet. P2 : Monsieur GISCARD D'ESTAING, en ce qui concerne l'expédition des affaires courantes, je voudrais que vous puissiez préciser, avec M. MITTERRAND, trois points précis, parce que M. MARCHAIS a déclaré, au lendemain du comité central du parti communiste, qu'il attendait d'un Gouvernement de gauche trois mesures précises : la hausse du SMIC, le blocage des prix, la revalorisation des allocations familiales. P2 : Est-ce que, sur ces trois mesures précises, un Gouvernement ne peut pas agir sans avoir recours à l'Assemblée nationale ? FM : Plusieurs de ces mesures sont d'ordre réglementaire, c'est-à-dire sont de l'autorité du Gouvernement. VGE : Si, comme vous le dites, vous renvoyez l'Assemblée nationale, c'est parce que vous voulez avoir une autre majorité et, cette autre majorité, on voit bien de qui elle est composée ; elle est composée des 26 % d'électeurs que vous avez eus PS,dont d'ailleurs quelques points de communistes,et puis il faut trouver 24 ou 25 autres, donc la totalité de l'électorat communiste PCF. VGE : Comme nous avons un scrutin d'arrondissement à deux tours et que vous venez de dire à l'instant que vous dissolvez tout de suite,donc il n'y a pas de changement de loi électorale,il faut un accord électoral ; vous n'allez pas le faire avec ceux que vous avez chassés, vous le ferez donc avec ceux que vous voulez ramener, c'est-à-dire avec le parti communiste. FM : Donc, cette discussion aura lieu, les organisations politiques décideront souverainement, elles-mêmes, de ce qu'elles doivent faire, c'est-à-dire de leurs accords ou de leurs désaccords, et si elles sont d'accord il appartiendra aux Français de choisir c'est-à-dire que ce sont les Français qui auront le dernier mot puisqu'ils voteront pour l'élection des députés. FM : J'ai personnellement le sentiment qu'élu Président de la République, c'est-à-dire disposant d'une majorité,la majorité, elle se formera le 10 mai,cette majorité-là aura une force entraînante, formidable. VGE : Et deuxièmement, vous ne pouvez pas dire aux Français : je veux conduire un grand changement avec n'importe qui,c'est ce que vous êtes en-train de nous dire !",
"Extractive_2": "VGE : Les Françaises et les Français ont un choix important à faire ; c'est un choix important en-raison de la situation internationale, en-raison aussi des alliances politiques de l'un ou de l'autre, qui font que la société française, donc la politique de la France, s'engagera dans des directions différentes, voire même opposées, suivant que vous-même, Monsieur MITTERRAND, ou moi, serons élus dimanche prochain. Les préoccupations de libertés économiques, de débureaucratisation de la société française, d'allègement de certaines charges, ont été exprimées notamment par Jacques CHIRAC et j'ai indiqué que ce serait un des enseignements à mettre en oeuvre à l'issue de cette élection, mais il y aura, bien entendu, beaucoup d'autres choses à faire. FM : Et voilà que celui que vous proclamez comme votre partenaire, avec lequel vous n'avez jamais eu d'ennuis,peut-être quelques troubles dans la majorité, en tout cas jamais de motion de censure,voilà que M. CHIRAC, responsable du RPR, vous répond, le 22 mars 1981, au Club de la Presse d'Europe I : \"La France est dans une situation extraordinairement difficile. Je suis certain que la voie que nous suivrons, si M. GISCARD D'ESTAING était réélu, serait la même et conduirait encore plus vite à des désordres plus graves \". J'entends donc former un Gouvernement qui sera constitué par ceux qui m'auront approuvé, et ce n'est qu'après l'élection présidentielle et en vue des élections législatives, dont nous allons parler, j'imagine, tout à l'heure, que les organisations politiques responsables examinerons en-commun, si elles le désirent, si elles sont en mesure ou non de signer entre elles un contrat de gouvernement et, donc, d'aborder les élections législatives futures en situation d'accord. Je souhaite le scrutin proportionnel. VGE : J'observe simplement que le lendemain du 1er tour M. CHIRAC a indiqué qu'il voterait pour moi à l'élection présidentielle. Un gouvernement sera constitué, ce gouvernement, bien entendu, comportera des personnalités représentatives de l'ensemble de la majorité et il se mettra au travail pour étudier par priorité et pour adopter les premiers textes concernant l'emploi et, notamment, l'emploi des jeunes, que je voudrais voir figurer à la session parlementaire de printemps. Si vous agissez ainsi que vous dites, c'est-à-dire si votre Gouvernement ne va pas devant le Parlement, il ne pourra rien faire, il n'aura le droit de rien faire, il devra attendre le résultat des élections. FM : J'ai l'intention de dissoudre et j'ai l'intention de faire procéder à des élections avant le 1er juillet. VGE : Donc, vous prendrez en arrivant un décret de dissolution, vous ferez donc ce qu'a fait jadis MAC-MAHON, c'est-à-dire que, sans avoir rencontré la représentation nationale, sans même qu'un Gouvernement soit allé lui dire : \"Voilà mon programme\", vous direz : \"Messieurs les députés, je vous renvoie chez vous\", ce qui veut dire d'ailleurs que les conditions de l'élection et la signification pour le Président de la République seront très fortes, car si vous renvoyez les députés sans même qu'ils aient eu droit à un exposé de la politique de votre Gouvernement et à la possibilité d'exprimer la censure, et si ensuite le suffrage universel renvoie les mêmes, c'est un désaveu au Président de la République ! FM : Est-ce que les partis de gauche, notamment socialiste et communiste, seront en mesure d'aboutir, c'est-à-dire de signer un accord de gouvernement, de s'entendre pour la suite ? Je le saurai à ce moment-là. On élira d'abord un Président de la République, ce Président de la République, ensuite, indiquera à quel moment auront lieu des élections législatives, et ceux qui voudront constituer une majorité, dans un camp comme dans l'autre, se réuniront pour en discuter. Voilà. VGE : Vous venez de nous dire il y a quelques minutes que vous prendriez une décision tout de suite qui était de dissoudre l'Assemblée nationale, parce que vous ne pouvez pas travailler avec la majorité qui existe, que vous avez qualifiée de conservatrice. Donc, vous renvoyez les députés. Et vous nous dites ensuite : \"Eh bien, on verra avec qui on s'entendra ...\" Mais on ne verra pas avec qui, puisque dès lors que la majorité s'en va, vous êtes obligé de rechercher un accord à l'intérieur de ceux qui vous auront soutenu, c'est-à-dire socialistes et communistes. FM : Je voudrais répondre. Monsieur GISCARD D'ESTAING, je souhaite gagner l'élection présidentielle, je pense la gagner, mais quand je l'aurai gagnée je ferai tout ce qu'il conviendra de faire, dans-le-cadre de la loi, pour gagner les élections législatives. Bien entendu, j'ai fait le compte, et je souhaiterais que les forces de la gauche soient encore plus puissantes ; je pense qu'un certain nombre de femmes et d'hommes qui n'étaient pas encore des nôtres le 26 avril viendront nous rejoindre le 10 mai, parce qu'ils sentent bien que c'est de ce côté-là que se trouve l'avenir, c'est-à-dire le changement. Le 10 mai, si je suis élu, c'est bien que j'ai la majorité, pardonnez cette vérité de LA PALICE ! Eh bien, toutes celles et tous ceux-là qui m'auront soutenu, oui, j'essayerai de faire avec eux une majorité pour les législatives. VGE : Vous venez de nous dire, et j'en prends acte, que vous souhaitez le succès d'une majorité de socialistes et de communistes lors des prochaines élections législatives.",
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