de-francophones commited on
Commit
44424e4
1 Parent(s): 5986b71

0e4606f7bdde5727f91c1107a8b21b1f6680ecc0575a240069385ca28735166d

Browse files
fr/959.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,171 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+ Les avis sur cette proposition sont rassemblés dans une section de Wikipédia:Pages à fusionner. Les modifications majeures apportées, entre temps, aux articles doivent être commentées sur la même page.
2
+
3
+
4
+
5
+ Vous venez d’apposer le modèle {{à fusionner}}, suivez ces étapes :
6
+
7
+ Apposez le bandeau sur les autres pages à fusionner :
8
+
9
+ Utilisez ce texte :
10
+ {{à fusionner |Fungi |Champignon}}
11
+
12
+ Important : ajoutez une section dans Pages à fusionner en motivant votre proposition.
13
+
14
+ Pour créer la section :
15
+
16
+ Créer la section sur la page des Pages à fusionner
17
+
18
+ Pensez à informer les contributeurs principaux de la page et les projets associés lorsque cela est possible.
19
+
20
+ Utilisez ce texte :
21
+ {{subst:Avertissement fusion |Fungi |Champignon}}
22
+
23
+ Taxons concernés
24
+
25
+ modifier
26
+
27
+ Les champignons sont des eucaryotes pluricellulaires ou unicellulaires. Le terme « champignon » est devenu ambigu car il désigne un taxon obsolète. Ce terme englobe à la fois les Fungi (ou mycètes), les oomycètes, les chytridiomycètes et les mycétozoaires. Leurs cellules, pourvues d'une paroi chitineuse ou cellulosique, sont immobiles et se nourrissent par l’absorption des molécules organiques directement dans le milieu. La cellule ou les cellules sont dépourvues de chlorophylles et/ou de plastes car ces organismes sont hétérotrophes vis-à-vis du carbone. Leur appareil végétatif est un thalle : ce sont donc des thallophytes. L'étude de ces champignons, la mycologie, est pratiquée par des mycologues.
28
+
29
+ Tous les véritables champignons appartiennent au groupe des eumycètes et se répartissent au sein des basidiomycètes, comme les amanites ou, pour quelques-uns, parmi les ascomycètes, à l'exemple des morilles ou des truffes. Deux groupes sont communément appelés « champignons » mais n'en sont pas au sens strict du terme : les oomycètes (plus proches génétiquement des algues brunes) et les myxomycètes.
30
+
31
+ Présents dans le registre fossile depuis 450 millions d'années, soit le Silurien, ils ont colonisé presque tous les milieux terrestres et même aquatiques en eaux douce, saumâtre et même marine (1500 espèces au moins, qui ont un rôle écologique important[1] ; via des symbioses avec des algues parfois).
32
+ Les premiers champignons mycorhiziens de type gloméromycètes ont vraisemblablement aidé les premières plantes terrestres à coloniser les terres émergées[2].
33
+
34
+ Ce qu'on appelle couramment « champignon » n'est en fait que la « fructification » temporaire et visible, le sporophore (autrefois appelé « carpophore »), d'un organisme à caractère plus durable et plus discret, le macromycète, dont la structure habituellement filamenteuse constitue le mycélium, formé de filaments généralement invisibles à l’œil nu lorsqu'ils sont isolés. Le sporophore se présente souvent sous forme d'un pied (le stipe) portant un chapeau. D'autres silhouettes de sporophores sont bien connues : en forme de petits buissons comme les clavaires, de langues sur le tronc des arbres comme les fistulines, de coupes comme les pézizes, de sphères comme les vesses-de-loup, etc.
35
+
36
+ Il existe une grande dispersion étymologique pour désigner les champignons, ce qui peut laisser penser que les hommes pré- et protohistoriques consommaient rarement ces organismes[3]. Cependant, la découverte en 1991 d'Ötzi révèle que cet homme, vivant vers 2500 av. J.-C., transportait dans son sac deux champignons, des polypores du bouleau, probablement à usage médicinal, et de l'amadou, probable allume-feu, ce qui suggère que les hommes de cette époque qui vivaient de chasse et de cueillette, ont récolté des champignons pour leur consommation, comme le font encore de nos jours maintes peuplades exploitant la nature[4].
37
+
38
+ Le terme champignon vient de l'ancien français du XIIIe siècle champignuel[5] (par substitution du suffixe -on*) du bas latin campinolius[6] « petits produits des campagnes » ou « qui pousse dans les champs » (dérivé en -ŏlu de campania), lui-même issu de la racine latine campus, « campagne », qui donne le champ[7], la plaine.
39
+
40
+ Le mousseron, perçu comme poussant dans la mousse, a donné en anglais le nom générique du champignon, mushroom. La racine de ce mot semble être la mousse, mais est plus probablement l'indo-européen *meu qui l’apparente au latin muscus (« mousse »), mucus (« morve »), mucor (« moisissure ») et au grec mykès (d'où les Mycètes) désignant d'abord les champignons en général[8]. Les termes grec et latin sont ainsi une allusion possible aux champignons qui se protègent contre la dessication par une couche de mucus qui recouvre leur chapeau et parfois aussi leur pied, ou à la mycophobie ancestrale, les champignons étant associés aux mucosités nasales repoussantes[8].
41
+
42
+ Selon une étymologie populaire, fungus et fongus sont la contraction du latin funus, « funérailles » et d'ago, « produire », rappelant les nombreux décès provoqués par les champignons toxiques[9]. Une origine plus probable de ce terme serait une allusion à l'aspect poreux ou spongieux des champignons : les mots espagnol (hongo) et italien (fungo) remontent en effet à une racine méditerranéenne[10], *sfong-/*fung-, qui a donné en grec spongos et en anglais sponge, signifiant « éponge », et en latin fungus qui signifie en même temps « champignon » et « éponge »[11].
43
+
44
+ Dans la langue commune, le terme « champignon » désigne un organisme vivant charnu, constitué généralement d'un pied surmonté d'un chapeau, à l'image du champignon de Paris ou du bolet.
45
+
46
+ Aussi loin que remontent les sources documentaires, les champignons ont attiré les hommes pour leurs propriétés comestibles ou hallucinogènes. Ils les ont aussi effrayés par leur toxicité. Les premières descriptions en langues européennes datent du Grec Théophraste (-371, -288) qui observe que les champignons (mykès) sortent des racines des chênes et que les Grecs savent les faire croître sur les fumiers[12]. On trouve de nombreuses mentions chez les auteurs gréco-latins de divers fungus (mykès) : Nicandre rapporte les noms de champignons mortels de l'olivier, du grenadier et de l’yeuse, Pline l'Ancien[13] et Dioscoride, décrivent l'agaricum[N 1] (ou en grec agaricon[14], ἀγαρικόν) et Athénée[15] comme ses prédécesseurs, distingue les champignons, la truffe et le pezis. La classification des champignons parmi les plantes vient des Grecs et perdurera jusqu'au XXe siècle.
47
+
48
+ Il faut attendre l'invention du microscope et son perfectionnement au XVIIe siècle pour découvrir les parties invisibles des champignons (nommées actuellement les "spores" et les "hyphes"), sans que l'on connaisse encore leurs rôles[16]. Au siècle des Lumières, les premières cultures de laboratoire permettent au botaniste italien Pier Antonio Micheli de décrire et dessiner les spores (qu'il appelle graines) de tous les grands groupes de champignons. Il est le premier à établir le cycle de développement partant de la spore, passant par le mycélium et donnant l'appareil reproducteur charnu (le sporophore). Mais comme ses contemporains, Michelli classe les champignons parmi les plantes et utilise les termes de graines, de fruits et même de fleurs pour désigner les parties qu'il dessine pourtant correctement (Nova plantarum genera (1729) Michelli[17]).
49
+ Linné ne sait que faire de ces êtres vivants qu'il classe comme Fungi[18] dans les Cryptogamia regroupant « les plantes dont les noces ne sont pas publiques » (Species plantarum, 1753).
50
+
51
+ La croyance en une génération spontanée a longtemps persisté même parmi les savants. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, les travaux sur la multiplication des champignons comme ceux de Micheli ou de Della Porta, Malpighi et Spallanzani ont eu beau réfuter cette croyance tenace, certains (comme le botaniste Medicus, directeur de l'université de Heidelberg) continuaient à penser que les champignons provenaient de la gelée issue de la décomposition des feuilles mortes[17].
52
+
53
+ Plusieurs mycologues sont considérés comme les pères de la classification mycologique moderne : Christiaan Hendrik Persoon qui publie deux volumes du Synopsis methodica fungorum en 1801, Elias Magnus Fries qui publie entre 1821 et 1832 les trois volumes de son Systema Mycologicum…, Lewis David von Schweinitz « père de la mycologie américaine » qui publie Synopsis Fungorum Carolinæ Superioris en 1822 et Miles Joseph Berkeley « père de la mycologie britannique » pour son apport dans la British Flora en 1836[19].
54
+
55
+ En 1827, J. J. Schilling décrit comment le mycélium naît de graines (samen) et comment il a suivi au microscope la germination d' Aspergillus niger. Schilling eut beau, lui aussi, publier des dessins soignés de ses observations, rien n'y fit : ceux qui considéraient les champignons comme le produit de la génération spontanée restaient toujours nombreux. On peut citer de grands noms des débuts de la mycologie comme Persoon, Rudolphi (1807), Link, Nees, Unger (1833) et même Naegeli (1842) et E.M. Fries[17]. Pourtant ce fut ce même Elias Magnus Fries (1794-1878), surnommé le « Linné des champignons », qui donna la première classification systématique des champignons dans Systema mycologicum (1821-1832) et marqua ainsi le début de la mycologie moderne. Ce n'est qu'avec le développement de la théorie cellulaire et de la théorie de l'évolution, dans la seconde moitié du XIXe siècle, que les botanistes cessent de croire dans la génération spontanée des champignons et qu'ils commencent à les détacher des plantes vasculaires. Ainsi, le botaniste autrichien Endlicher proposa de séparer le règne des Plantae en Cormophytes et Thallophytes ("plantes inférieures", non vascularisées), ces derniers regroupant les champignons, les algues et les lichens[N 2].
56
+
57
+ Les champignons sont considérés jusqu'au milieu du XXe siècle comme des plantes imparfaites en raison de leur immobilité mais leur inclusion dans le règne végétal tel qu'il a été défini par Linné a souvent été plus ou moins controversée. Comme celles des végétaux, leurs cellules possèdent une paroi et une vacuole mais, à la différence des plantes, leur paroi n'est pas constituée de cellulose mais de chitine, molécule que l'on trouve aussi chez les insectes et les crustacés. Jusqu'au milieu du XXe siècle, les naturalistes les considèrent comme des plantes primitives ou dégénérées (des thallophytes cryptogames)[20]. En 1969, Robert H. Whittaker les individualise enfin dans un règne particulier, les Fungi[16], le botaniste proposant une division en cinq règnes[21] : les procaryotes (ou bactéries, à cellules sans noyau), les protistes (eucaryotes unicellulaires), les végétaux Plantae (eucaryotes pluricellulaires photosynthétiques), les animaux Animalia (eucaryotes pluricellulaires hétérotrophes) et les champignons Fungi (eucaryotes pluricellulaires non-photosynthétiques).
58
+ Les champignons avaient enfin leur règne et on aurait pu attendre un répit dans les remaniements incessants des siècles passés. La coupure avec les plantes et les animaux semblait bien établie mais c'était sans compter sur les avancées techniques dans le séquençage des gènes.
59
+
60
+ La comparaison des séquences de gènes permet de reconstruire l'histoire évolutive des êtres vivants en suivant les modifications de leur génome. Ces nouvelles méthodes de phylogénie moléculaire vont alors faire voler en éclats la division en cinq règnes[16] : finie la division en procaryotes et eucaryotes, finie la division entre règne animal et règne végétal, finie l'unité des Fungi, etc. L'évolution des eucaryotes a donné naissance à deux grandes lignées de champignons : les eumycètes ou « vrais champignons » et les pseudomycètes ou « pseudochampignons » (comme les mildious). Les vrais champignons sont de proches parents des animaux alors que les pseudochampignons sont plus proches des plantes. Les pseudochampignons Oomycètes (hétérotrophes filamenteux comme les mildious) qui par certains caractères semblent proches des vrais champignons (Eumycètes) ne sont pourtant pas monophylétiques avec ces derniers : leur ressemblance est le fruit d'une convergence évolutive car de leur ancêtre commun (le plus proche), descendent aussi d'autres lignées.
61
+
62
+ Après avoir considéré les champignons comme des plantes primitives ou dégénérées (des thallophytes cryptogames, Endlicher 1840), puis comme des organismes formant un règne à part (le règne fongique parmi les cinq règnes, Whittaker 1969) et actuellement en 2013, comme un ensemble artificiel, polyphylétique, d'organismes présentant des caractères communs par convergence évolutive, le progrès des connaissances va certainement continuer à nous obliger à toujours revoir et perfectionner les classifications. Les études phylogéniques se poursuivent toujours car la place de plusieurs groupes de champignons est encore incertaine[16].
63
+
64
+ La classification des champignons relève de la mycologie. Elle évolue, notamment en raison des progrès de la génétique, y compris pour des organismes symbiotes (ex. : les lichens ont un temps été classés hors du monde fongique, et y ont récemment été réintroduits). Les listes et classifications sont donc régulièrement mises à jour[22]. Deux classifications sont actuellement proposées: la classification classique et la classification phylogénétique.
65
+
66
+ Les champignons ont été considérés jusqu'au milieu du XXe siècle comme des végétaux, en raison de leur immobilité et de la présence d'une paroi cellulaire épaissie, végétaux dits « cryptogames » car ne produisant pas de fleurs.
67
+
68
+ Mais les champignons constituent un règne à part car ils se différencient des plantes et des algues par plusieurs caractères[23],[24] :
69
+
70
+ Le botaniste Robert H. Whittaker a donc logiquement créé pour les champignons, en 1969, le règne spécifique des Fungi (du latin littéraire fungus, le champignon) pour y placer ces êtres particuliers, non seulement ceux produisant des sporophores, mais également dans les définitions les plus larges qui ont pu exister toutes sortes d'organismes eucaryotes multicellulaires ni végétaux, ni animaux, comme les moisissures, les rouilles, le mildiou, les saprolègnes, etc. et même parfois unicellulaires comme les levures.
71
+
72
+ L'usage du mot champignon s'est alors étendu dans le langage commun à des formes biologiques très diverses. Ainsi le terme de champignon est utilisé parfois extensivement pour désigner aussi bien des agents responsables de dermatophytoses (types d'affections rencontrées fréquemment sous les ongles des pieds), les feutrages des oïdiums qui parasitent le feuillage des végétaux, l'ergot de seigle, des plasmodes coloniaux comme les fleurs de tan, les Penicillium du fromage de Roquefort, etc. À l'analyse, il s'avère que certains de ces « champignons inférieurs » sont effectivement apparentés de manière très proche aux champignons à sporophores, alors que d'autres appartiennent à des groupes très distants. Les définitions des différents taxons scientifiques ont alors été précisées, mais l'emploi élargi du mot champignon est resté.
73
+
74
+ Il y a de très nombreuses espèces de champignons, dont épiphytes, endogés ou aquatiques, et il en reste beaucoup à découvrir. Sur les 100 000 espèces de champignons répertoriées en 2015 (sur un nombre total estimé[26] de cinq millions, voire de 10 millions d'espèces[27]), « près de 10 000 produisent des fructifications à l'œil nu, un peu plus de 1 100 sont comestibles et consommés comme aliments, et environ 500 sont utilisés comme remèdes dans la médecine traditionnelle de tous les pays en développement »[28].
75
+
76
+ La classification des champignons a été totalement revue :
77
+
78
+ La fructification chez les Eumycètes, appelée précisément sporophore (organe portant les spores permettant d'accomplir le cycle de vie, terme aujourd'hui préféré à « carpophore ») est particulièrement développée pour certaines espèces, le reste de l'organisme appelé le mycélium étant souterrain et donc invisible. Certains Eumycètes disposent de sporophores en surface tandis que d'autres, par exemple ceux des truffes, sont souterrains.
79
+
80
+ Il existe cependant bien d'autres espèces appelées champignons, qu'elles soient uni- ou pluri-cellulaire, tels que les rouilles, les levures, les moisissures ou encore certains parasites de l'homme . Bien qu'ayant été par le passé regroupées au sein d'un même groupe, elles peuvent n'avoir que peu de rapport entre elles. Les actuels taxons des Fungi / Mycota, des Oomycota, des Hyphochytriomycota, des Labyrinthulomycota, et des Mycetozoa ont été classés ensemble dans le passé comme faisant partie du règne végétal du fait de la présence d'une paroi cellulaire, et de plusieurs similitudes entre leurs cycles de vie et ceux des algues avec lesquelles ils formaient les thallophytes. Les Mycetozoa, souvent décrits comme des champignons-animaux ou amiboïdes, n'ont en fait en commun qu'une ressemblance externe de leur appareil sporifère et sont assez proches des amibes. Des découvertes ont montré que les Oomycota n'étaient en revanche pas des champignons, mais plutôt des cousins des algues et des diatomées. C'est par exemple pour cela que les traitements antifongiques contre le mildiou n'ont jamais été efficaces.
81
+
82
+ Transporté dans les sciences naturelles, le mystère demeura en partie, comme le montrent les premières classifications botaniques qui les laissèrent longtemps placées dans les cryptogames ou végétaux à reproduction cachée, principalement en raison de la discrétion et de la complexité de leur mode de reproduction.
83
+
84
+ Fungi - Basidiomycota, espèce Boletus chrysenteron (un Bolet)
85
+
86
+ Fungi - Basidiomycota, espèce Clavaria zollingeri (un clavaire)
87
+
88
+ Fungi - Basidiomycota, espèce Armillaria mellea
89
+
90
+ Fungi - Ascomycota, espèce Tuber melanosporum (une Truffe)
91
+
92
+ Fungi - Ascomycota, espèce Penicillium roqueforti
93
+
94
+ Fungi - Ascomycota, espèce Trichophyton rubrum (donne une mycose)
95
+
96
+ Fungi - Ascomycota, espèce Claviceps purpurea (donne l'ergotisme ou mal des ardents)
97
+
98
+ Fungi - Chytridiomycota, espèce Cladochytrium menyanthis
99
+
100
+ Chromalveolata - Oomycetes, espèce Phytophthora infestans (donne un mildiou)
101
+
102
+ Amoebozoa - Mycetozoa, espèce Fuligo septica
103
+
104
+ Basidiomycota - Meruliaceae, espèce Chondrostereum purpureum
105
+
106
+ Agaric des trottoirs perçant à travers le macadam en juin en région parisienne
107
+
108
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
109
+
110
+ Certains champignons microscopiques sont responsables de pathologies humaines infectieuses.
111
+
112
+ Certains champignons peuvent également se révéler pathogènes d'un point de vue toxique en cas d'ingestion.
113
+
114
+ En France, les pharmaciens jadis formés à identifier les principaux champignons comestibles et vénéneux, le sont de moins en moins depuis les années 2000[29].
115
+
116
+ Plusieurs espèces de champignon sont utilisées pour épurer un milieu (eau, air, sol) ou un substrat de culture d'un ou plusieurs polluants ou éléments chimiques indésirables : c'est la technique de mycoremédiation.
117
+
118
+ Un des critères permettant d'identifier les champignons peut être l'odeur qu'ils dégagent[30]. Les fonges émettent des composés organiques volatils montrant une grande diversité de structures chimiques : composés aromatiques, terpènes, dérivés d’acides gras (notamment l'octène-1-ol-3 que l'on retrouve chez de nombreuses espèces telles que les champignons de couche, les cèpes ou les girolles)[31]. Le ratio bactérie/champignon dépend du pH. Le ratio odeur de champignon (principalement l'octénol) / odeur de terre (due à la géosmine produite par des bactéries) permet à un écologue d'évaluer la richesse d'un sol par son odeur. Plus un sol sent l'octénol, plus il est riche en champignon et est acide (exemple : mor, moder de landes ou de forêts de résineux issues de la dégradation lente d'une litière acidifiante). Plus un sol sent l'odeur de terre, plus il est riche en bactéries qui traduisent un recyclage rapide de la matière organique avec des vers de terre (surnommés par Aristote "les intestins de la terre") consommateurs de ces bactéries (exemple : mull de pelouse, d'agrosystème, de forêt productive)[32].
119
+
120
+ Il existe principalement deux grandes catégories de champignons parasitant les arbres[33], soit les champignons saprophytes qui se nourrissent d’arbres en décomposition et les champignons lignivores qui se nourrissent de matière organique vivante, c'est-à-dire la cellulose et la lignine des arbres
121
+
122
+ Ces champignons sont des parasites véritables des arbres, puisqu'ils s'attaquent à de la matière végétale vivante causant leur dépérissement jusqu'à leur mort après quelques années dans certains cas, selon la virulence du champignon en question.
123
+
124
+ Le parasitisme par les champignons se produit quelquefois en réponse à un stress important que l’arbre a subi. Par exemple : le bris d'une branche, l'écorce détériorée par les mammifères s'en nourrissant et même un accident de voiture ayant partiellement altéré son écorce[34]. Ainsi, l'arbre ayant perdu sa couche de protection externe est exposée à plusieurs parasites dont les spores des champignons. De plus, dans ces cas, l'impact écologique sur l’abondance d’une espèce d’arbre dans nos forêts est souvent minime, puisque le phénomène se produit à petite échelle, à l’exception de tous les phénomènes naturels causant des stress beaucoup plus importants. Il faut noter qu’une perte en matière végétale vivante (arbre dans ce cas) ne peut qu’être bénéfique pour les organismes décomposeurs qui ont besoin de cette matière morte afin d’assurer leur survie et le maintien des réseaux trophique de l’écosystème.
125
+
126
+ Par contre, certains champignons n’ont pas besoin de profiter de ces altérations majeures. Effectivement, les champignons ayant pour hôte une famille ou espèce d’arbres en particulier[35] réussiront à trouver une petite faille dans la défense de ceux-ci et pourront, par un simple contact, le parasiter et causer sa mort à court ou long terme. Ainsi, un champignon pourrait avoir comme hôte primaire, par exemple, un insecte, qui lui permettra de passer à travers la barrière végétale d’un arbre et d’y implanter ledit parasite mycologique. C'est ce type de champignon qui aura un plus grand impact sur la diversité forestière, surtout si aucune mesure de protection n’est prise et que l’espèce de champignon est une espèce exotique, c’est-à-dire qu’elle s’est répandue dans une région ou sur un continent où elle n’était pas présente auparavant.
127
+
128
+ D'un point de vue écologique, une espèce envahissante[36] va créer un déséquilibre naturel dans les écosystèmes déjà en place dans une région donnée. Ainsi, une espèce de champignon envahissante fera compétition à d’autres espèces animales et végétales, dites indigène, afin d’obtenir des ressources nécessaires pour assurer sa survie, ce qui finira par dégrader l’habitat de plusieurs autres espèces, altérer les ressources en eau et minéraux disponibles et même causer la quasi-disparition d’espèces locales qui n’auront pas pu compétitionner avec la nouvelle espèce. On peut nommer comme exemple la maladie hollandaise de l’orme.
129
+
130
+ La cueillette de champignons correspond principalement à la collecte de champignons comestibles à usage domestique ou dans un but commercial, plus rarement de champignons hallucinogènes ou aux médicinaux. La récolte concerne également les mycologues qui déterminent les espèces au cours d'excursions mycologiques, ou encore la prospection pour la mise en marché de champignons dans des domaines innovants (cosméceutique (en), pharmaceutique, nutraceutique, etc.).
131
+
132
+ Les prélèvements en grande quantité, voire la « sur-récolte », entraînent des atteintes à la biodiversité forestière, des troubles à l’ordre public, voire des infractions plus graves (destruction, dégradation …). La cueillette des champignons, qu'elle soit familiale ou commerciale, peut ainsi être réglementée[37].
133
+
134
+ L'utilisation des champignons remonte probablement aux temps les plus reculés. Ainsi Ötzi qui vivait au Chalcolithique (4 546 ± 15 ans BP) portait sur lui deux types de champignons, un morceau d'Amadouvier sur lequel étaient fixés des cristaux de marcassite (associé à un silex, il était utilisé pour la production du feu) et des morceaux de polypores du bouleau enfilés sur une lanière de cuir, à usage probablement médicinal (vermifuge)[38].
135
+
136
+ Toutes les mythologies ont en commun de considérer les champignons comme étant les produits d'une réaction mystérieuse entre la terre humide et un élément surnaturel. Ainsi dans la mythologie nordique, le premier homme Odin chevauche Sleipnir dans une forêt ou dans le ciel par des nuits orageuses, poursuivi par des démons. Des gouttes d'écume ensanglantée tombant de la bouche de son cheval Sleipnir donnent naissance à l'amanite tue-mouches dont la poussée est stimulée par la foudre[39].
137
+
138
+ Les différentes dénominations des champignons rappellent leur rôle néfaste. Sénèque les appelle voluptuarium venenum, « poison voluptueux », et Pline anceps cibus, « mets suspect ». Encore appelés Mycètes ou Fungi, ils ont une étymologie en lien avec leur rôle funeste. Mycète vient du grec mykes, « mucus » apparenté à de la moisissure et pourriture. Une étymologie populaire de Fungi en fait la contraction du latin funus, « funérailles » et d'ago, « produire », rappelant les nombreux décès provoqués par les champignons[40]. Ainsi selon Pline, la quatrième femme de l'empereur romain Claude aurait empoisonné son mari en remplaçant son mets favori, l'Amanite des Césars, par l'Amanite phalloïde, champignon probablement responsable aussi de la mort de l’empereur du Saint-Empire Romain Germanique Charles VI[41].
139
+
140
+ Au Moyen Âge, les champignons sont classés au plus bas de l'« échelle des êtres ». À l'exception des champignons comestibles (moins de 0,1 % de l'ensemble des espèces fongiques), ils sont associés à la mort et la putréfaction, considérés comme pervers (forme du pied de champignons phalliques). Considérés comme des « excréments de la terre », diaboliques et démoniaques, les adeptes de la magie noire les utilisent dans leurs élixirs[42]. Selon la théorie enthéogène des religions, certains champignons hallucinogènes sont à l'origine du phénomène magique et religieux : sorciers, chamanes et autres grands prêtres de différentes ethnies, souvent très éloignées géographiquement les unes des autres, utilisent ces substances sacrées accompagnant le surgissement des civilisations (tels les chamanes Paléo-Sibériens avec l'Amanita muscaria, ou le língzhī, « champignon divin » de la Chine)[43]. Il est ainsi possible que les autorités religieuses du Moyen Âge aient fait du champignon un élément chtonien maléfique pour empêcher la diffusion de ce savoir millénaire chamanique devenu ésotérique[44]. Les épidémies de mal des ardents qui s'abattent sur des régions au Moyen Âge, tuent des dizaines de milliers de personnes et provoquent des ravages jusqu'au XVIIe siècle[45].
141
+
142
+ En Asie, le champignon est symbole de longévité, par exemple, pour les Coréens le champignon magique est l'un des dix symboles de longévité et aussi un symbole de fertilité[46]. Dans la peinture chinoise c'est le cerf qui apporte le champignon, tous deux sont des symboles de longue vie, la croyance chinoise voulant que le cerf vive très vieux et soit donc le seul animal capable de trouver le champignon sacré de l’immortalité[47],[48].
143
+
144
+ « Autant de sons nés du même instrument, autant de champignons nés d'une même humidité[49]. » Ainsi Zhuangzi explique-t-il que les êtres sont l'émanation fugitive d'une seule et même essence.
145
+
146
+ En Pologne, consommer des champignons à Noël facilitait les contacts avec les morts[50].
147
+
148
+ En héraldique le champignon est également le symbole de la fertilité ainsi que de la puissance sexuelle[51].
149
+
150
+ La rapidité de croissance des champignons fascine. Ils sont présents dans l'imagerie populaire sous forme de champignons géants, thème qui intéresse encore les journalistes : en juillet 2006 sur l'île taïwanaise de Taitung on aurait découvert deux champignons plats de 60 cm de diamètre et pesant chacun environ 20 kg[52]. En juillet 2007 un champignon géant de plus de 70 cm de haut et pesant plus de 20 kg aurait été découvert au Mexique, dans la forêt de Tapachula (Chiapas), à la frontière du Guatemala[53].
151
+
152
+ L'armillaire d'Ostoya (Armillaria ostoyae) est particulièrement connu pour détenir le titre du plus grand organisme vivant, un individu couvrant une surface de 8,9 km2 ayant été trouvé en Oregon, dans l'ouest des États-Unis[54].
153
+
154
+ Termitomyces titanicus est le plus grand champignon comestible sur terre avec un « chapeau » atteignant un diamètre d'un mètre[55].
155
+
156
+ Dans son roman Voyage au centre de la Terre, Jules Verne évoque une forêt de champignons géants.
157
+ Dans la bande dessinée L'Étoile mystérieuse, le héros Tintin est confronté à des champignons géants à la croissance instantanée. On retrouve le même thème dans le jeu de société pour enfants Spirou et les champignons géants.
158
+
159
+ L'artiste chrétien médiéval représente rarement les champignons, considérés comme maléfiques, si ce n'est pour évoquer leur symbolisme démoniaque. Un bolet à pied rouge et une amanite tue-mouches figurent au centre du triptyque Le Jardin des délices de Jérôme Bosch[56]. Tout comme dans les aventures d'Alice au pays des merveilles, le champignon évoquerait plutôt les effets hallucinogènes de certains champignons, dits magiques, modifiant la perception de la réalité[57].
160
+
161
+ Les artistes contemporains s'intéressent eux aussi aux champignons, fascinants parce qu'ils poussent dans la pourriture et prolifèrent sur des organismes morts[58].
162
+
163
+ Par exemple un artiste comme Michel Blazy travaille, entre autres, sur les moisissures et pourrissements microscopiques générés par les altérations biologiques sur des installations éphémères. La prolifération incontrôlée de micro-organismes dont les transformations et changements d’état sont autant de moments nécessaires à l’activation de ce type d'œuvre et à son développement, au sens propre du terme[59].
164
+
165
+
166
+
167
+ Les champignons sont utilisés depuis peu dans la mode. En effet, on a réussi à créer un cuir à base de champignons. Son nom commercial est le Muskin, nom donné par l'entreprise Grado Zero Espace. Ce cuir est une peau extraite du chapeau du champignon. Ce cuir n'utilise pas de substance chimique et n'est pas toxique, il est 100% biodégradable[61].
168
+
169
+
170
+
171
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/96.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,281 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ L'Airbus A350 XWB est un avion de ligne long-courrier et gros porteur du constructeur européen Airbus. Initialement baptisé A350, ce modèle était dérivé de l'A330 ; toutefois, à la suite des remarques des compagnies aériennes, il a été décidé à la mi-juillet 2006 d'en revoir le concept et de le munir d'un fuselage plus large, à la fois par rapport aux A330 et A340, et surtout par rapport à son principal concurrent, à cette époque, le Boeing 787 [3]. Cette évolution permet aujourd'hui à l'A350 de concurrencer aussi le nouveau Boeing 777x (dont le premier vol, initialement prévu le 13 mars 2019, a finalement eu lieu le 25 janvier 2020).
4
+
5
+ Le projet a été ainsi rebaptisé « A350 XWB », pour eXtra Wide Body – « fuselage extra-large », en anglais. Cette modification tardive, ainsi qu'une conception faisant davantage appel aux matériaux composites, ont fortement augmenté les coûts de conception de l'avion[4] et ont reporté de 2011 à 2014 son entrée en service[5].
6
+
7
+ Il a effectué son premier essai en vol, le 14 juin 2013 à 10 h[6], à Toulouse-Blagnac. La première certification de type est délivrée le 30 septembre 2014 par l'AESA[easa 1]. L'appareil obtient ensuite, pour la première fois dans l'histoire, la certification ETOPS370 avant sa première livraison, le 15 octobre 2014. Enfin, la FAA délivre sa certification de type à l'A350-900 le 12 novembre 2014[7] à la suite de laquelle le premier exemplaire d'A350-900 (MSN6) est livré à Qatar Airways le 18 décembre 2014[Note 2]. La cérémonie de la livraison a lieu à Toulouse en grande pompe, le 22 décembre 2014.
8
+
9
+ À partir du 26 décembre 2014, l'appareil commence par effectuer quatre rotations par jour entre Doha et Charjah, pour des vols d'entraînement sans passager[8]. Finalement, le 15 janvier 2015, MSN6 réalise son premier vol commercial de Doha à Francfort, en respectant le calendrier prévu.
10
+
11
+ L'A350-1000 a obtenu sa certification de type le 21 novembre 2017. Après plusieurs reports dus aux difficultés d'intégration de la classe affaires QSuite, le premier A350-1000 de série, MSN88 a été officiellement délivré à Qatar Airways le 20 février 2018, accessoirement dernier jour de Fabrice Brégier à la tête d'Airbus Avions Commerciaux.
12
+
13
+ En dépit d'une qualification de type commune (Common type rating) avec l'A330 accordée par l'EASA[easa18 1], l'A350 XWB est un nouvel avion, et non pas une évolution de l'A330 comme envisagé au début du programme. Les moteurs, l'aile, et la structure sont propres à l'A350 et il dispose d'un certificat de navigabilité de type différent de celui de l'A330 (EASA.A.151 pour l'A350, EASA.A.004 pour l'A330).
14
+
15
+ Les 6 premiers appareils accumulaient 7 400 heures de vols avec 98 % de fiabilité, à la fin du mois de septembre 2015. Au contraire des difficultés rencontrées par les programmes de l'A380 et du B787, l'A350 ne subit donc guère de problèmes de jeunesse. De fait, le taux de fiabilité de l'A350 est actuellement d'environ 98 %, après 6 ans de service[Note 3],[10].
16
+
17
+ Airbus et Boeing sont confrontés depuis les années 1970 à un marché de plus en plus marqué par la hausse continue du prix du pétrole.
18
+
19
+ Après le lancement du nouveau projet 7E7 de Boeing, marqué par la recherche du meilleur rendement (d'où le « E » pour efficiency: rendement), Airbus se décide en septembre 2004 à étudier un nouvel appareil. Les ingénieurs d'Airbus, alors encore mobilisés par les études de l'A380, reprennent alors les travaux portant sur l'allongement du rayon d'action de l'A330-500 en proposant de lui adjoindre une nouvelle voilure en composite.
20
+
21
+ Le programme initial de l'A350 est officiellement annoncé[11] le 6 octobre 2005 par EADS, maison-mère d'Airbus.
22
+
23
+ Celui-ci comporte alors deux versions, l'A350-800 et l'A350-900, capables de transporter de 250 à 300 passagers sur des étapes sans escale de 13 900 à 16 300 kilomètres. Ces deux premières versions de l'A350 sont très proches de l'A330 : même structure en aluminium, même taille, sauf pour la version 900 qui est plus longue d'1,6 mètre que l'A330-300.
24
+
25
+ Pour propulser l'A350, Airbus avait alors sollicité le motoriste General Electric avec les réacteurs de la série GEnx, qui équiperont aussi le B-787, et Rolls-Royce avec une autre version dédiée de la famille Trent, le 1700.
26
+
27
+ Initialement positionné comme une riposte face au 787 et à certains modèles du 777 de Boeing, il s'avère aussi un concurrent pour l'A330. Airbus souhaitait surtout ne pas faire de l'ombre aux nouvelles versions de l'A340, malgré les signes annonciateurs du désintérêt grandissant des compagnies aériennes pour les quadriréacteurs de moins de 400 passagers.
28
+
29
+ Lors du lancement du programme en octobre 2005, le marché semblait donner raison à Airbus, car l'A350 comptait 140 appareils en commandes fermes de la part de neuf compagnies clientes[12]. Le premier prototype de l'A350 devait voler initialement en 2009 avec une mise en service attendue pour 2011.
30
+
31
+ Fin mars 2006, Steven Udvar-Hazy, président fondateur d’ILFC, compagnie de location d'avions et deuxième acheteur mondial d’avions civils, affirme publiquement qu'Airbus devrait revoir de fond en comble son A350, sous peine de devoir se contenter de 25 % d'un marché promis au quasi-monopole du 787 de son rival Boeing[13]. Après le gel par la compagnie Emirates de ses commandes d'A340-600 qui sont jugés plus chers à exploiter que les très long-courriers de la famille 777 de Boeing, le doute s'installe chez Airbus.
32
+
33
+ Le 11 mai 2006, la chaîne d'information française BFM TV annonce la possibilité pour Airbus d'abandonner le projet, ou de le repenser en raison du faible nombre de commandes face à son concurrent le Boeing 787. La raison évoquée serait la consommation de carburant, supérieure de 20 % à celle du Boeing 787.
34
+
35
+ Le 16 mai 2006, Noël Forgeard, coprésident du groupe EADS, déclare au Salon aéronautique international de Berlin qu'Airbus présenterait à l'été 2006 un nouveau projet avec de substantielles modifications par rapport à celui de l'A350. La presse évoquera alors pendant un temps les noms d'A370 ou A280 pour ce projet, même si ceux-ci n'ont jamais été officiellement utilisés par Airbus.
36
+
37
+ Le 17 juillet 2006, Christian Streiff, nouveau président d'Airbus, a présenté au Salon aéronautique de Farnborough le nouveau programme de l'A350 baptisé A350 XWB pour EXtra Wide Body[14].
38
+
39
+ Compte tenu des modifications, le budget de développement est passé d'environ 3,5 à 9,5 milliards d'euros. Le fuselage du nouvel appareil sera équipé de hublots agrandis et sera plus large que celui du 787 de 30 cm. La construction fera davantage appel aux matériaux composites. L'aile aura 33° de flèche et sera munie d'un nouveau type de winglet incurvé[15].
40
+
41
+ Destiné à remplacer à terme la famille des A330/A340, l'A350 XWB sera disponible sous trois versions principales plus cinq variantes, au lieu de deux versions à l'origine. Il sera un concurrent du 787 mais aussi du 777. Il pourra transporter jusqu'à 350 passagers (en trois classes) et atteindre 18 000 km de rayon d'action.
42
+
43
+ Le financement de ce nouveau projet a été décidé par le conseil d'administration du groupe EADS en décembre 2006.
44
+
45
+ Le développement de l'A350 s'effectue dans un contexte tendu, avec d'une part une crise structurelle au sein du groupe EADS et d'autre part une concurrence exacerbée entre Airbus et Boeing dans le cadre d'une forte valorisation de l'euro face au dollar et la flambée du prix du pétrole.
46
+
47
+ Les compagnies aériennes clientes dictent les évolutions du projet sur fond de surenchère technologique entre Boeing et Airbus, obligeant notamment Airbus à utiliser de façon plus importante les matériaux composites afin de réduire la masse à vide[16]. Les matériaux employés sont des composites (53 %), de l'aluminium ou de l'alliage aluminium-lithium (19 %), du titane (14 %) et de l'acier (6 %)[17].
48
+
49
+ En juin 2008, Airbus décide de proposer des variantes à plus faible rayon d'action pour les trois versions de l'A350 XWB pour limiter la masse de l'avion et réduire les coûts opérationnels. Le fait de proposer des variantes plutôt qu'une version dédiée, à l'instar du Boeing 787-3, permet ainsi à Airbus de réduire les coûts de développement tout en élargissant la gamme des A350 XWB[18].
50
+
51
+ Le 15 novembre 2009, Airbus remit définitivement des documents requis en faveur de la certification de l'A350-941 à l'Agence européenne de la sécurité aérienne[easa 1].
52
+
53
+ Le prototype de l'A350 XWB effectue son premier vol d'essai de quatre heures le 14 juin 2013[19] avec une mise en service attendue à l'été 2014, mais une utilisation plus importante de matériaux composites pour limiter le poids du nouvel avion pourrait entraîner des retards dans ce calendrier. Les matériaux composites représentent 53 % de la masse structurale de l'appareil, contre 19 % pour l'alliage aluminium-lithium, ce qui n'a pas empêché en 2009 un surpoids constaté de 2,2 tonnes sur l'A350-900 à 115,7 tonnes[20] alors que les premiers B787 assemblés et non livrables souffriraient du problème d'embonpoint de 6 tonnes par rapport à la spécification de Boeing (MZFW, c'est-à-dire la masse maximale structurale sans carburant, de 161 tonnes)[21]. Cela serait une des raisons pour lesquelles Airbus a reporté son assemblage des premiers appareils d'essai[Note 4].
54
+
55
+ Cinq appareils sont prévus pour les vols d'essai pour un total de 3 000 heures répartis sur quinze mois, à partir de mai 2013. Les MSN2 et MSN5 sont équipés d'une cabine passagers afin de valider au plus tôt les caractéristiques de confort acoustique du fuselage, de compatibilité électromagnétique et de confort[20]. Donc, MSN 6 deviendra l'appareil qui effectuera le premier vol commercial auprès de la compagnie Qatar Airways tandis que Singapore Airlines aussi recevra sans délai MSN 8.
56
+
57
+ Le projet ayant pris du retard, l'assemblage final du premier A350 XWB MSN5000, destiné aux tests statiques, débuta le 5 avril 2012[22],[23]. Celui de MSN1 pour le premier vol fut enfin démarré le 23 octobre 2012[24]. Les trois mois de nouveau retard sont expliqués par la fabrication de deux premières paires d'ailes pour MSN1 et MSN2. En effet, en raison de la difficulté entre nouvelles technologies et maturité industrielle, les responsables de la chaîne d'assemblage final de Broughton décidèrent d'en assembler de façon manuelle, afin d'éviter des fautes de programmation (bugs). Il faut plus de 15 000 opérations accompagnées de changements d'outils, outils complètement nouveaux. À partir de la troisième paire, le problème n'existe plus[25].
58
+
59
+ Concernant les batteries lithium-ion qui sont 30 % moins lourdes, le choix d'Airbus est un peu différent. D'une part, le constructeur européen a prévu d'installer quatre batteries d'une tension de 28 volts sur l'A350XWB au lieu des deux du B787, deux batteries servant aux fonctions primaires (allumage de l'APU également) et les deux autres pour les fonctions de secours[Note 5]. D'autre part, Airbus s'adressa à Saft, leader mondial dans le domaine et qui possède 70 % de part de marché dans l'aéronautique alors que la synthèse des deux batteries de 32 volts de Boeing est plus compliquée : c'est Thales qui est maître d'œuvre des équipements ; GS Yuasa fabrique l'électro-chimie ; l'électronique revient à Securaplane, une filiale de Meggitt[26]. Enfin, le constructeur décida, le 15 février 2013, de retourner à son Plan (projet) B, à savoir les batteries traditionnelles nickel-cadmium, afin d'assurer la première livraison sans délai[27].
60
+
61
+ Le premier prototype MSN1, immatriculé F-WXWB, a effectué son premier roulage sans moteur le 26 février 2013[28]. Le premier vol a eu lieu le 14 juin 2013 à Toulouse-Blagnac de 10 h à 14 h 6[29].
62
+
63
+ Le second prototype MSN3, immatriculé F-WZGG, a effectué son premier vol le 14 octobre 2013 à Toulouse-Blagnac et ce conformément au programme initialement prévu pour la campagne de certification[30]. Cet appareil est destiné aux essais de performance de l'A350 XWB. Le troisième prototype MSN2, immatriculé F-WWCF, est sorti d'usine le 2 janvier 2014[31]. Cet exemplaire arbore une livrée spéciale dite « Carbone », rappelant que l'A350 est fabriqué avec 53 % de matériaux composites[32]. MSN2 est par ailleurs le premier A350 à disposer d'une véritable cabine pouvant accueillir des passagers (elle sera d'abord utilisée pour effectuer les tests systèmes et air conditionné avant de recevoir des passagers, plus tard dans l'année)[33].
64
+
65
+ L'A350-900 obtient son certificat de type le 30 septembre 2014 de la part de l’Agence européenne de la sécurité aérienne, conformément au calendrier prévu par Airbus[34].
66
+
67
+ MSN001
68
+
69
+ MSN002
70
+
71
+ MSN003
72
+
73
+ MSN004
74
+
75
+ MSN005
76
+
77
+ Certes, il fallait que le constructeur règle un nouveau problème chaque jour, selon Didier Evrard, responsable du programme A350, en mai 2012, étant donné qu'il s'agit d'un nouvel appareil. Prudemment, Airbus décida, en dépit des quelques mois de retard requis, de construire son fuselage à partir de quatre grands panneaux, deux formant les flancs, auxquels s'ajoutent le panneau du dessous et le pavillon alors que celui du B787 est fabriqué d'un seul tenant en autoclave. La conception d'Airbus semble l'emporter sur celle de Boeing à la suite de l'incendie d'un B787 à Londres en juillet 2013[Note 6]. L'A350 n'est produit qu'à 50 % par des fournisseurs extérieurs au groupe, contre 70 % pour le dreamliner. Par ailleurs, Airbus a renoncé provisoirement aux batteries au lithium pour rester fidèle à la technologie du nickel-cadmium, jusqu'à ce que la nouvelle technologie soit considérée suffisamment mûre pour emporter la confiance des clients et des actionnaires[6].
78
+
79
+ Un autre défi du constructeur de Toulouse, c'est son rythme de production. Dès 2018, non seulement la cadence de dix exemplaires par mois devra être atteinte mais aussi l'assemblage d'un appareil devra se faire en 10 semaines, au lieu de 14 semaines pour les A330. Plusieurs assemblages seront effectués dès que les tronçons seront arrivés à Toulouse[36]. Alors que Boeing prévoit 168 livraisons de B787 par an à la fin de la décennie, Airbus est en train d'étudier une cadence de 15 exemplaires par mois, soit 180 appareils en un an. Sa décision sera prise en 2016[37].Si Airbus recevait en mai 2015 des pièces équivalant à trois exemplaires par mois, la production de l'A350 est fortement contrôlée et spontanément ralentie, comme le précisait le responsable Didier Evrard, afin d'éviter le risque accompagné du développement, notamment en raison de nouveaux matériaux[Note 7]. Toutefois, l'assemblage sera désormais accéléré et le constructeur prévoit la livraison de 15 appareils en 2015[39].
80
+
81
+ Airbus envisage ETOPS 420[40]. À la suite du succès des vols d'endurance et d'évaluation en ligne en août 2014 ainsi que la fiabilité de l'A330, l'A350XWB décrocha, le 15 octobre 2014, d'abord ETOPS 370[41].
82
+
83
+ L'A350 est équipé de deux réacteurs de dernière génération Trent XWB de Rolls-Royce, un réacteur entièrement nouveau et non dérivé de celui proposé sur le Boeing 787.
84
+
85
+ Réacteur Rolls-Royce Trent XWB-84.
86
+
87
+ Les vols d'essai du Trent XWB-84 de Rolls-Royce furent réalisés sur un A380 (réacteur no 2 en bleu).
88
+
89
+ Moteur avec le train d'atterrissage. Salon aéronautique international de Berlin 2016.
90
+
91
+ Si le constructeur européen souhaite que soient disponibles tous les moteurs à haute taille des trois fournisseurs actuels de l'A330, afin d'attirer tous les clients de ce dernier, l'A350XWB ne peut s'équiper actuellement que de celui de Rolls-Royce.
92
+
93
+ La poussée du moteur de Pratt & Whitney est insuffisante, sans nouveau développement coûteux.
94
+ Quant à General Electric, il n'accepte toujours pas de participer au programme de l'A350XWB[42]. En effet, ce fabricant américain profite énormément de son moteur GE90 qui équipe uniquement le Boeing 777-300ER, dont l'A350-1000XWB sera concurrent. Il est donc peu probable que celui-ci développe un moteur pour l'A350XWB qui pourrait nuire à l'excellente rentabilité du GE90[42]. General Electric avait proposé à Airbus son moteur GEnx du B787 mais celui-ci est insuffisant pour l'A350-1000XWB. Par ailleurs, les compagnies aériennes n'ont actuellement pas assez de possibilité à négocier les prix de moteur, lorsqu'ils achètent le Boeing 777-300ER, étant donné qu'il n'existe pas de concurrence[43].
95
+
96
+ Cette motorisation unique de l'A350 XWB fut l'un des principaux obstacles en 2012 au contrat avec le groupe Air France-KLM, client exclusif de General Electric et de CFM International[44]. Toutefois, l'amélioration des caractéristiques techniques permet malgré tout à Airbus d'augmenter ses ventes, en dépit de ce désavantage.
97
+
98
+ Le Trent 1700-75 de 330 kN (75000 livres) était à l'origine prévu pour l'A350-800, complété par une version Trent XWB-79 pour les appareils "hot and high". Ces derniers étaient destinés aux clients utilisant les aéroports situés dans la zone tropicale ou ceux de haute altitude où la densité d'air diminue.
99
+
100
+ Malgré le retrait du catalogue de cette version de l'A350, ce moteur, qui avait été certifié avec le Trent XWB-84[Note 9], demeure toujours disponible pour les compagnies aériennes qui souhaiteraient commander l'A350-900 dans sa version Régional avec MTOW reduit. Structure de moteur essentiellement identique, ce réacteur peut prolonger sa vie d'usage[45].
101
+
102
+ L'A350-941 s'équipant le Trent XWB-75 obtint sa certification en mars 2019[46] auprès de l'EASA[47].
103
+
104
+ Le Trent 1700-84 de 374 kN (84 000 livres) est la première motorisation qui a été proposée pour l'A350-900. Il s'agissait alors du plus gros moteur construit par Rolls-Royce.
105
+
106
+ Le premier test sur banc a eu lieu le 17 juin 2010 à Derby. Dérivé de la famille Trent, il est le premier à intégrer des disques aubagés monoblocs ("blisks") dans son compresseur et une turbine IP à deux étages. Il a été testé en vol sur A380 à l'automne 2011.
107
+
108
+ Le 18 février 2012, Airbus annonça que le premier vol d'essai de ce réacteur Trent XWB-84 s'était déroulé avec succès. D'une part, le moteur remplaçant l'un des quatre réacteurs du prototype A380 fonctionna parfaitement pendant plus de cinq heures de vol ainsi que jusqu'à Mach 0,9, à 84 000 livres (374 kN) de pleine poussée et à 43 000 ft (13 100 m) d'altitude. D'autre part, la qualité de ce réacteur nouvellement conçu fut confirmée : consommation de carburant réduite et niveau sonore plus faible. Les vols d'essai accumuleront jusqu'à 175 heures, soit trois fois plus que les essais standards, afin que le programme puisse intégrer la correction d'éventuels problèmes liés au développement de la nouvelle génération.
109
+
110
+ Le 7 février 2013, le réacteur Trent XWB-84 (84 000 livres, soit 38 tonnes) pour l'A350-900XWB obtint sa certification européenne par l'AESA4. Cette certification recouvre également ses variantes moins puissantes destinées à l'A350-800XWB, à savoir les Trent XWB-75 (75 000 livres) et Trent XWB-79 (79 000 livres). Il entra en service en 2015.
111
+
112
+ Pendant le développement du Trent XWB-84, les présidents de Emirates et de Qatar Airways avaient exprimé la ferme volonté que l'A350-1000 dépasse 300 tonnes de masse maximale au décollage afin de disposer d'au moins 15 000 km d'autonomie[43].
113
+
114
+ Pour cela, la poussée du réacteur devait atteindre 431 kN (97 000 livres) au lieu de 413 kN (93 000 livres)[48], prévu initialement avec le modèle Trent XWB-93, et ce sans modifier ni sa taille ni son diamètre. Ceci nécessitait donc que le réacteur tourne plus vite. Un Trent XWB-84 est parvenu à atteindre les 100 000 livres de poussée, mais en conditions de laboratoire, lors d'essais au banc.
115
+
116
+ Pour cela, il a fallu trouver de nouveaux matériaux dans les parties haute pression afin de résister à une plus haute température prévue[49]. Le nouveau réacteur est le premier moteur du fournisseur britannique qui profite d'une dernière technologie, l'impression tridimensionnelle, tout comme l'A350 lui-même[Note 10]. Elle concerne une pièce de 1,5 mètre de dimension en titane[51].
117
+
118
+ Le premier exemplaire du Trent XWB-97 arriva à Toulouse le 23 septembre 2015[52]. Ses vols d'essai débutèrent le 5 novembre 2015, selon Airbus[53].
119
+
120
+ Des études ont été menées depuis par Rolls-Royce pour la mise en œuvre éventuelle d'une version de 470 kN (105 000 livres) afin d'équiper une éventuelle version allongée de l'A350. Face aux difficultés de Rolls-Royce pour fiabiliser ses nouveaux moteurs[54], Airbus n'a pas donné suite pour le moment à cette nouvelle évolution du Trent XWB. Le constructeur européen a préféré attendre de nouvelles évolutions technologiques attendues dans les prochaines années, comme l'Ultrafan[55], qui pourraient permettre d'acter une version Neo (New Engine Option) de l'A350.
121
+
122
+ Avec l'A350 XWB, Airbus souhaitait proposer un avion capable de s'adapter plus facilement aux attentes multiples des compagnies aériennes clientes. Aux trois versions initialement prévues en juin 2008 , Airbus souhaitait proposer jusqu'à cinq variantes de ces trois versions en juin 2011 avec des MTOW soit réduites, soit augmentées.
123
+
124
+ Le 17 septembre 2014, le PDG Fabrice Brégier a cependant annoncé la suspension du développement de la version 800. Il n'existe donc aujourd'hui que deux versions de l'A350 au catalogue de Airbus : la version 900, qui est déclinée avec une variante Régional ou ULR, et la version 1000.
125
+
126
+ Airbus propose aussi un ACJ350 XWB comprenant deux déclinaisons affaires de son appareil sous les dénominations ACJ350-900 et ACJ350-1000.
127
+
128
+ Une variante ULR de la version 1000 et une nouvelle version allongée de l'A350 sont toujours envisagées par Airbus.
129
+
130
+ L'A350 XWB se positionne plus comme un concurrent du Boeing 777 que du Boeing 787, car Airbus a pour politique commerciale de proposer plutôt ses nouveaux appareils face à des concurrents de conception plus ancienne. Fabrice Brégier déclare à ce sujet, en novembre 2016, que « l'A350-1000 va tuer le 777ER »[56]. De ce fait, le 787-8 connaît un grand succès commercial car il n'existe plus d'appareil équivalent chez Airbus, l'A340-200 n'ayant en effet pas été remplacé et le projet A30X (qui est susceptible de proposer une version entre 200 et 250 passagers) n'étant pas attendu avant le milieu de la prochaine décennie. Ceci a d'ailleurs conduit Airbus à annoncer, en juillet 2014, le lancement du nouvel A330neo et ce afin de compléter la gamme de l'A350 XWB pour maintenir sa présence sur l'ensemble du marché aéronautique.
131
+
132
+ Cette version était destinée à concurrencer le Boeing 787-9 et devait remplacer à terme l'A330-200. Initialement, celle-ci proposait à l'origine 270 sièges, répartis sur 3 classes, pour une autonomie de 15 700 km[57], conçue en tant que concurrent du prototype du 787-9 qui avait permis de proposer une masse maximale au décollage accrue qui était passé de 248 à 259 tonnes. Les livraisons de la version de base étaient à l'origine prévues pour l'année 2016.
133
+
134
+ En dépit d'un nombre considérable de commandes, ce type subit l'augmentation du prix de carburant. À la suite de plusieurs conversions de contrat de la version 800 en versions 900 et 1000, notamment celle de Qatar Airways annoncée le 3 décembre 2012 [58] et d' Aeroflot annoncée le 22 octobre 2013[59], le carnet de commande de l'A350-800 ne comptait plus que 79 exemplaires à la fin du mois d'octobre 2013, avec cependant des bénéfices économiques pour Airbus qui vendait finalement des appareils plus grands et ayant un tarif plus élevé que ceux d'origine[60].
135
+
136
+ Il a un alliage en carbone: un materiau recent dans son utilisation en aéronautique. En s'adaptant à la situation, le constructeur lança d'abord en 2012 de nouvelles évolutions des A330-200 et A330-300, avec 242 tonnes de masse maximale au décollage[61], puis le programme de l'A330neo, qui leur permettent de mieux affronter la concurrence du Boeing 787. D'où, l'A350 se positionnait désormais presque exclusivement comme un concurrent du Boeing 777.
137
+
138
+ Dans un premier temps, Airbus avait confirmé, le 13 janvier 2014[62], vouloir maintenir cette version et cependant réfléchir à augmenter les capacités de celle-ci d'une vingtaine de sièges pour s'approcher de celles du Boeing 787-9 afin de mieux concurrencer ce dernier. Le PDG Fabrice Brégier est revenu ensuite sur cette décision en annonçant la suspension du développement de cette version le 17 septembre 2014. Les huit derniers A350-800 commandés par la compagnie Asiana Airlines ont été alors convertis en commande pour le modèle A350-900[63].
139
+
140
+ Depuis février 2018, le programme n'apparait plus dans le détail officiel des commandes d'Airbus ; ceci signifiant que la cellule n'est plus offerte à la commercialisation et que le développement de cette version est donc aujourd'hui définitivement abandonné.
141
+
142
+ L'A350-900 est le premier modèle A350 et remplace l'A340-300 dont la production a été arrêtée. Sa longueur est de 67 mètres, sa masse maximale au décollage (MTOW) est de 280 tonnes, il peut accueillir 325 passagers dans une configuration 3 classes standard et sa portée est de 15 000 km[64],[65].
143
+
144
+ Celui-ci était destiné à concurrencer à l'origine le Boeing 777-200ER. Airbus indiquait alors que, par siège, le Boeing 777-200ER avait un poids à vide plus lourd de 16%, une consommation de carburant supérieure de 30% et des coûts d’exploitation plus élevés de 25% par rapport à l’A350-900.
145
+
146
+ Cela a conduit Boeing à proposer notamment le 787-10, avec un poids à vide moins élevé mais avec un rayon d'action plus limité.
147
+
148
+ Avant d'exploiter l'A350-900, Lufthansa estime en mai 2015 que cet appareil ne consommera qu'à peine 2,9 litres de carburant par passager aux 100 km[66]. Il s'agit d'un chiffre quasiment identique à celui de l'A380[67].
149
+
150
+ Airbus avait envisagé trois variantes de la version 900 :
151
+
152
+ La première certification de type, en tant qu'A350-900 (sans suffixe XWB, dénomination de catalogue), fut autorisée par l'Agence européenne de la sécurité aérienne le 30 septembre 2014, de sorte qu'Airbus puisse livrer ses appareils[69],[easa 2]. La particularité de l'A350 se trouve dans l'autorisation du pilotage. Ce dernier fut autorisé en tant que double approbation pour les A330/A350. À savoir, l'A350-900 et l'A330 sont considérés comme variantes du même type d'appareil[easa 3] selon lequel la permission de pilotage est commune entre ces deux modèles. De même, l'AESA conclut que la cabine de l'A350-900 est considérée en tant que variante de l'A330-200[easa 4].
153
+
154
+ Avec 8 membres d'équipage dans la cabine, jusqu'à 400 sièges sont autorisés. Afin d'accueillir plus de passagers, il faut que l'équipage se compose de 9 personnes[easa 5]. D'ailleurs, le nombre de sièges varie d'après la configuration de portes. L'A350-941 standard est autorisé jusqu'à 385. Avec la configuration A-A-A-A, l'appareil peut accueillir 440 passagers tandis que la configuration C-A-C-A n'assure que 330 sièges[easa 6].
155
+
156
+ L'appareil est pareillement capable de transporter 41 tonnes de fret en conteneurs, auquel s'ajoute 3,468 tonnes de capacité à l'arrière pour le cargo sans conteneurs[easa 7].
157
+
158
+ Ce type de l'appareil -941 obtint son ETOPS, le 3 avril 2019, pour 180 minutes ou plus de 180 minutes selon la condition de la compagnie aérienne[easa18 2].
159
+
160
+ Le 20 mai 2019, 3 premiers appareils d'ACJ350-941XWB (version vip) furent commandés par le gouvernement allemand[70].
161
+
162
+ Cette variante, qui se positionne en concurrente du Boeing 787-10 et se veut complémentaire de l'A330-900neo, fut confirmée au salon du Bourget en juillet 2013 à la suite des annonces de Boeing concernant les évolutions du B787[71].
163
+
164
+ Le constructeur confirma que le premier client identifié est Etihad Airways avec 24 appareils de commande effectuée en novembre 2013[72]. Selon la présentation du constructeur tenue le 14 janvier 2014 par John Leahy, les performances de l'A350-900 Regional équivaudraient à celles du B787-10, ou légèrement meilleures, avec 250 tonnes de MTOW[73].
165
+
166
+ D'autres compagnies exploitent aujourd'hui cette version comme Singapore Airlines, depuis décembre 2018[47], mais Airbus a fait le choix de ne pas distinguer cette variante dans son détail de commandes.
167
+
168
+ Cette variante exploite des moteurs Trent XWB-75, destinés à l'origine à la version 800, dont la puissance réduite à 75 000 livres permet des intervalles plus longs entre les opérations de maintenance afin de réduire les coûts d'exploitation. Sa certification reste comme une variante d'A350-941[easa18 3].
169
+
170
+ Le 17 août 2015, un responsable d'Airbus déclare que le constructeur est en train de développer une version de type -900, le ULR (pour Ultra Long Range), qui sera capable de relier Singapour à New York sans escale, soit 15 344 km. Cette ligne, anciennement exploitée par l'A340-541 de Singapore Airlines jusqu'en 2013, profitera, dès 2018, de 25 % moins de consommation de carburant en comparaison de son prédécesseur. Dans cette optique, il faut une modification de la configuration afin de réduire le poids de l'appareil ainsi que la certification de ETOPS 420, initialement prévu par Airbus. Si peu de compagnies aériennes ont besoin de ce rayon d'action, le nouveau modèle sera « prestigieux » selon un analyste[74],[75].
171
+
172
+ À la suite d'une conversion de 7 appareils de ce type par SIA, Airbus lança formellement le programme de l'A350-900ULR le 13 octobre 2015. La compagnie singapourienne ajouta simultanément 4 exemplaires de commande ferme, modèle -900[76]. En mai 2018, Singapore Airlines annonce qu'elle mettra l'Airbus A350-900 ULR en service sur la ligne Singapour-New York à partir d'octobre 2018. La liaison en question couvrira une distance de 16 700 km en 18 h 45 min, ce qui en fera la plus longue en service[77].
173
+
174
+ Selon John Leahy, cette version intéresse plusieurs compagnies aériennes du Golfe, et Airbus en attend un certain nombre de commandes[78].
175
+
176
+ Au regard de la spécification, le constructeur précise encore que l'A350-900ULR a une masse maximale au décollage portée à 280 tonnes, ce qui correspond au MTOW maximal de l'A350-900. La quantité de carburant disponible a été augmentée jusqu'à 165 000 litres au lieu de 141 000, mais sans ajouter aucun réservoir supplémentaire[76]. Par ailleurs, Airbus impose des limitations de la charge utile en limitant le nombre de sièges proposés et en réduisant le nombre de conteneurs embarqués[79].
177
+
178
+ Il a effectué son premier vol le 23 avril 2018. À la suite de la certification obtenue le 30 septembre[easa18 3], le premier vol commercial a lieu le 11 octobre 2018 entre Singapour et New York pour une liaison de 16 700 kilomètres d'une durée de dix-huit heures et trente minutes[80].
179
+
180
+ L'A350-1000 est le second modèle A350 et remplace l'A340-600 dont la production a été arrêtée. Cette version était initialement destinée à concurrencer le Boeing 777-300ER, mais Airbus a été conduit à revoir les caractéristiques techniques de ce modèle afin de mieux répondre aux nouvelles versions du Boeing 777X.
181
+
182
+ Sa longueur est de 74 mètres, sa masse maximale au décollage (MTOW) est de 316 tonnes, il peut accueillir 366 sièges dans une configuration 3 classes standard et sa portée est de 14 800 km[81].
183
+
184
+ L'A350-1000 avait deux objectifs au sein de la gamme Airbus. Premièrement, proposer aux compagnies une autre solution que l'A340-600, dont le succès commercial n'a pas été au rendez-vous. Deuxièmement, concurrencer de manière directe le Boeing 777-300ER qui constituait la référence dans cette catégorie. Pour ce faire, les performances de l'A350-1000 étaient assez proches de celles du Boeing 777-300ER, en se contentant d'un réacteur 18 % moins puissant (431 kN contre 512 kN), d'où d'importantes économies de carburant. Ceci a conduit Boeing à limiter la puissance du GE9X qui équipe les 777X à 470 kN.
185
+
186
+ La masse maximale au décollage a augmenté jusqu'à 316 tonnes[82] tandis que la poussée du réacteur est fixée à 431,5 kN[easa18 4],[Note 9] Dans cette optique, une équipe de 400 ingénieurs fut chargée de son développement afin de trouver les meilleures solutions[43]. En raison d'une plus grande masse, la version -1000 dispose d'un nouveau train d'atterrissage renforcé doté d'un bogie de deux fois trois roues[83] ainsi que de pièces de voilure modifiées (90 % de la totalité), en dépit de la même taille que le modèle -941[82]. Les bords de fuite ont été allongés, augmentant de 4 % la surface alaire. Sa configuration finale a été gelée en 2011, la phase de conception détaillée a été achevée en 2012.
187
+
188
+ En octobre 2013, le directeur du programme Didier Evrard confirma que l'A350-1000 XWB était déjà entré en phase industrielle[84]. En juin 2015, le programme respectait le calendrier. Un certain nombre de sous-ensembles importants, tels que le caisson central de voilure, furent fabriqués pour le prototype. Ensuite, la production des premières ailes fut commencée en août au Royaume-Uni[85]. Puis, en novembre 2015, Airbus commença les vols d'essai du réacteur RB211 Trent XWB-97 en utilisant un de ses A380, durant 120 heures. Le 24 novembre, le premier fuselage fut achevé à Hambourg[86]. L'assemblage final a débuté le 10 février 2016. Le premier exemplaire est assemblé le 18 avril et est entré en phase de test de ses différents systèmes. Le premier vol d'essai a été effectué le 24 novembre 2016. Trois Airbus A350-1000 participeront à la campagne d'essais en vol qui doit démarrer d'ici à la fin de cette année[87]. Sa certification et la première mise en service sont attendus pour l'année suivante[83].
189
+
190
+ En 2016, François Caudron, responsable marketing chez Airbus, estimait que L’A350-1000 était parfaitement placé pour une lutte en tête à tête contre le 777X : "Il est 35 tonnes plus léger, affiche une portée supérieure de 400 milles, et un coût par vol inférieur de 15 %. Certes, le 777-9 a 32 sièges de plus. Encore faut-il les remplir : il faut que 26 de ces sièges soient occupés pour que la compagnie gagne de l’argent."[88]
191
+
192
+ La première version d’essai de l'A350-1000 (MSN059) est sortie des usines de Toulouse le 19 juillet 2016. Le premier vol a eu lieu le 24 novembre 2016 à Toulouse-Blagnac[89]. Tous les objectifs de performance ont été atteints ou dépassés mais le respect des spécifications de poids n’a pas été respecté, contrairement aux premiers -900. Sa masse de base maximale au décollage de 308 tonnes a été portée à 311 tonnes avant d’offrir une version possible de 316 tonnes, qui est apparue dans la mise à jour de sa fiche de certificat de type du 29 mai 2018. Cela a porté son rayon d'action de 14 720 à 15 560 km pour offrir une meilleure concurrence au Boeing 777-9.
193
+
194
+ La certification de type a été obtenue le 21 novembre 2017[easa18 5] et le premier appareil de série a été livré à Qatar Airways le 20 février 2018. Il entre en service commercial le 24 février 2018 sur la ligne Doha - Londres Heathrow[90].
195
+
196
+ En octobre 2018, Qatar Airways annonce avoir converti cinq A350-900 actuellement en commande en A350-1000. Cette modification de commande renforce le positionnement de Qatar Airways en tant que principal client de l'A350-1000, avec une flotte de 42 avions[91].
197
+
198
+ En 2018, A350-1041 obtint successivement l'approbation d'ETOPS : 120 minutes (6 février), 180 minutes (19 juin) et enfin plus de 180 minutes (6 juillet)[easa18 6].
199
+
200
+ En novembre 2019, le passage de 440 à 480 passagers au maximum dans l’A350-1000, soit une capacité similaire à celle du Boeing 777X, a été certifié par l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA)[92], mais il nécessite pour cela l’installation de portes de secours modifiées (type A+), avec toboggan d’évacuation à deux « pistes ».
201
+
202
+ En 2011, les projets de Boeing de proposer des versions de son nouveau 777X, avec 17 000 km d'autonomie, ont conduit Airbus à envisager la possibilité de développer une variante de l'A350-1000 avec une autonomie étendue[93]. Cependant, l'absence d'engagement ferme de Airbus sur ce projet ont conduit les compagnies Emirates et Qatar Airways à se tourner vers le Boeing 777-8 en 2014.
203
+
204
+ Le 25 août 2017, Qantas annonce, dans le cadre de son projet Sunrise[94],[95],[96], son intention de créer des liaisons directes entre l'Australie et l'Europe. Airbus est alors de nouveau sollicité pour proposer cette variante avec une plus forte masse au décollage et une plus grande capacité en carburant.
205
+
206
+ Le 13 décembre 2019, la compagnie australienne a annoncé que son choix se portait finalement sur l’A350-1000[97], et ce au détriment du Boeing 777-8 pour lequel Boeing avait annoncé, en août 2019, le report de son développement[98].
207
+
208
+ La commande de Qantas porterait sur une douzaine d’exemplaires, dont les caractéristiques exactes demeurent à définir.
209
+
210
+ Les dernières évolutions du programme de l'A350-1000 permettent aujourd'hui à Airbus d'envisager assez aisément une nouvelle augmentation de son MTOW à 319 tonnes. Avec un emport de carburant supplémentaire, identique à celui de l'A350-900 ULR, cette nouvelle variante de l'A350-1000 pourrait atteindre le rayon d'action nécessaire à la réalisation des vols prévus par Qantas, en limitant néanmoins la charge utile (nombre de sièges et de conteneurs) afin de respecter la charge structurelle maximale.
211
+
212
+ Cependant, Airbus devra prendre en compte notamment les contraintes pour les réacteurs Trent XWB-97, pour lesquels une augmentation de puissance de plus de 3 % semble aujourd'hui peu envisageable sans nouvelle évolution technique majeure.
213
+
214
+ Les premiers vols commerciaux de cette nouvelle version de l’A350 sont attendus pour le premier semestre 2023.
215
+
216
+ Airbus propose également une version privée de son A350 XWB disponible en version ACJ350-900 ou ACJ350-1000. Airbus l'a dévoilée le 23 mai 2016 lors du salon EBACE (European Business Aviation Convention) de Genève.
217
+
218
+ Cet appareil est décrit par Airbus comme l'avion VIP, le plus confortable, le plus moderne et le plus « capable » des avions d’affaires au monde.
219
+
220
+ En version -900, sa cabine de 854 m3 , 270 m2 lui permet de transporter jusqu'à 25 passagers sur 11 100 nm/20 557 km (soit des vols dépassant 22 heures).
221
+
222
+ Il bénéficie d'équipements Easyfit, (des centaines de points d’attache répartis tout au long du fuselage en fibre de carbone), permettant une plus grande flexibilité dans la création de cabines sur mesure. Selon John Leahy, directeur des opérations d’Airbus, les clients de la gamme ACJ « veulent le meilleur et le plus moderne des avions », et l’ACJ350 avec Easyfit « personnifie ce besoin »[99].
223
+
224
+ Il est doté de nouveaux systèmes tels que l’OANS (Onboard Airport Navigation System) pour le déplacement de l’avion dans les aéroports, ou le ROPS (Runway Overrun Prevention System) pour éviter les sorties de pistes par mauvais temps.
225
+
226
+ À ce jour, le gouvernement allemand a commandé trois ACJ350-900 et un client anonyme a commandé deux ACJ350-900.
227
+
228
+ Le marché des avions capables de transporter plus de 400 passagers a profondément changé lorsque Boeing a annoncé, en septembre 2011, le développement de nouvelles versions du Boeing 777 capables de rivaliser notamment à l'A380-800.
229
+
230
+ Cette annonce a contraint Airbus à étudier d'une part l'augmentation de capacité de l'A350 et d'autre part d'envisager de revoir le positionnement de l'A380. Une tendance que le marché aéronautique n'a fait que confirmer par la suite. Ainsi, dès le 26 septembre 2013, la compagnie allemande Lufthansa, connue pour être un des principaux clients du constructeur européen, passe commande de 34 Boeing 777-9, d'une capacité de 407 sièges, et ce en renonçant par ailleurs à trois options concernant des commandes d'A380.
231
+
232
+ Les déclarations successives des dirigeants de Airbus confirmaient que le constructeur européen privilégiait dans un premier temps l'amélioration des caractéristiques du nouvel A350-1000, tout en se refusant à développer une version allongée qui aurait porté préjudice à la carrière commerciale de l'A380 :
233
+
234
+ John Leahy estimait par ailleurs que l'A350-1000 avait tué le Boeing 777-300ER, que la clef de la réussite passait actuellement par le coût d'exploitation par passager et par km. D'ailleurs, dénonça-t-il, Boeing avait ajouté 40 sièges supplémentaires au Boeing 777-9X, en faisant un appareil trop lourd et trop grand pour remplacer idéalement le Boeing 777-300ER.
235
+
236
+ Cependant, entre 2016 et 2018, la presque totalité des compagnies aériennes clientes de l'A380[100], notamment Emirates, délaissèrent celui-ci au profit du Boeing 777-9X et ce sans que l'A350-1000 ne parvienne à capter ces nouvelles commandes. Une des premières réponses de Airbus a été alors d'augmenter les capacités de l'A350-1000[101], celui-ci devrait ainsi gagner 20 sièges supplémentaires d'ici 2020 (soit 389 sièges au total en 3 classes) pour mieux concurrencer le Boeing 777-9X.
237
+
238
+ Le 14 février 2019, Tom Enders, le président exécutif de Airbus, annonça la fin du programme A380[102], ce qui ouvrait de nouvelles perspectives au développement d'une version allongée de l'A350 au cours des prochaines années.
239
+
240
+ Une version allongée de l'A350, provisoirement baptisée A350-1100, -2000 ou -8000 dans la presse selon les périodes, devra pouvoir concurrencer un hypothétique Boeing 777-10X attendu par certaines compagnies aériennes, notamment Singapore Airlines[103].
241
+
242
+ Une des solutions envisagées par Airbus[104] consistait à ajouter un tronçon supplémentaire de 4 m, afin de rester dans la limite de quatre paires de portes de sortie, pour gagner une vingtaine de sièges supplémentaires. L'augmentation modeste de la MTOW de 308 à 319 tonnes n'aurait alors besoin que de 3 % de puissance supplémentaire au niveau des réacteurs, et ce afin de rester dans les limites des capacités de Rolls-Royce Trent XWB -97, tout en offrant une autonomie de 14 100 km (7 600 nmi). Cette solution sera finalement partiellement adoptée pour augmenter le nombre de sièges sur l'A350-1000, mais sans ajout d'un nouveau tronçon, en gagnant de l’espace grâce à une nouvelle conception des galleys et à une nouvelle disposition des toilettes. Cela a ainsi permis de limiter l'augmentation de la MTOW à 316 tonnes pour rester performant par rapport au Boeing 777-9X.
243
+
244
+ Une autre solution plus ambitieuse consisterait à réaliser une version allongée de 6 m de l'A350-1000 pour pouvoir atteindre une capacité de plus de 400 passagers. Cette version de l'A350 pourrait atteindre alors une longueur totale de près de 80 m, plus long donc que l'A340-600 et équivalent à la longueur de l'A380-900 (dont les dimensions avaient été limitées à un carré de 80 m de côté). En plus de la modification du train d'atterrissage et de l'agrandissement de la surface alaire, cette solution nécessiterait par ailleurs le développement d'une nouvelle version du Trent-XWB offrant une poussée de 470 kN (105 000 livres), équivalente à celle fournie par le GE9X qui équipe le Boeing 777X, et ce afin de conserver un confortable rayon d'action.
245
+
246
+ Les contraintes techniques, notamment au niveau de l'envergure de l'appareil[105] et de la fiabilité des réacteurs[106], les coûts de développement importants et la faible demande du marché aéronautique actuel[107] retardent pour le moment la mise en œuvre de tels projets, que cela soit pour la version allongée de l'A350 ou pour son concurrent le Boeing 777-10X.
247
+
248
+ Airbus devrait donc à priori attendre la possible mise en œuvre de versions Neo (New Engine Option) de l'A350[108], dans la seconde moitié de la décennie 2020-2030, pour proposer cette augmentation de capacité. Airbus pourrait alors s'appuyer sur le développement de moteurs à taux de dilution élevé poursuivi par Pratt & Whitney, sur le Geared Turbofan, ou encore Safran, dont un test au sol d’un démonstrateur est prévu en 2021, ainsi que Rolls-Royce, qui vise une mise en service de son projet Ultrafan en 2025[109].
249
+
250
+ Le coût de développement du programme A350 était initialement estimé à environ 4 milliards d'euros. Après l'annonce en mai 2006 de modifications substantielles à apporter au programme, certains analystes ont ré-estimé le coût total du programme à environ 8 milliards d'euros[110].
251
+
252
+ Suivant l'Allemagne et la France qui ont accordé 2,5 milliards d'euros d'aides remboursables, le Royaume-Uni annonce le 14 août 2009 qu'il fait de même à hauteur de 340 millions de livres (environ 400 millions d'euros) pour le développement du long-courrier A350 XWB. Cela dans le but de créer plusieurs milliers d'emplois en Angleterre[111].
253
+
254
+ Actuellement, le Conseil pour la recherche aéronautique civile française (CORAC) exécute un soutien direct et important en faveur du programme de l'A350-1000, car « les masses et les interfaces composites-métal ne sont pas les mêmes ». Notamment, il faut « obtenir un gain de masse d'une tonne »[112]. En effet, le Sénat juge que le gouvernement des États-Unis effectue un soutien budgétaire massif à Boeing[Note 11].
255
+
256
+ Avant son lancement industriel, le programme A350 a été dirigé par Olivier Andries en tant que vice-président exécutif pour la stratégie d'Airbus et mené par Neil Scott lui-même secondé par l'ingénieur en chef Dougie Hunter. Au début de l'année 2007, ils ont été remplacés à la tête du programme par Didier Evrard[115] et Gordon McConnell en tant qu'ingénieur en chef.
257
+
258
+ À la suite du succès de programme respectant le calendrier, l'Association des journalistes professionnels de l'aéronautique et de l'espace octroya le Prix Icare 2015 à Didier Evrard le 22 mai 2015, en appréciant sa gestion de qualité sur le programme effectuée depuis 2007. Il avait été nommé directeur général de tous les programmes d'Airbus le 1er janvier 2015[116].
259
+
260
+ Cinq mois après le lancement du programme, Airbus enregistre sa première commande ferme de 20 appareils par China Eastern le 26 octobre 2006. En 2007 les ventes s’enchaînent pour atteindre 289 appareils vendus dans l'année, dont 101 en configuration A350-800. Cette version sera finalement abandonnée en 2011 et les ventes converties en configuration A350-900 et A350-1000. La crise du marché aérien entre 2008 et 2012, et le retard pris par le programme entraînent un ralentissement des ventes et quelques annulations. Le premier vol de l'appareil le 14 juin 2013 permet à Airbus de relancer son carnet de commande. 2014 est marquée par l'annulation par Emirates de 70 commandes le 11 juin. Mais le 18 novembre 2019, Emirates annonce au Dubai Airshow une commande de 50 A350-900.[1] Ce qui porte le carnet de commande à 963 exemplaires dont 787 en version -900 et 176 en version -1000.
261
+
262
+
263
+
264
+ *Au 30 juin 2020
265
+
266
+ de sièges [Note 12]
267
+
268
+ Qatar Airways, livraison le 22 décembre 2014. Premier vol vers Francfort, le 15 janvier 2015.
269
+
270
+ Finnair, livraison le 7 octobre 2015.
271
+
272
+ Le cockpit est équipé de 6 principaux écrans de grande taille.
273
+
274
+ Winglet sophistiquée en trois dimensions.
275
+
276
+ Le pare-brise arbore un liseré noir, parfois comparé à un « masque de raton-laveur ».
277
+
278
+ Les forme et taille du hublot furent améliorées (un grand hublot par rangée).
279
+
280
+ Sur les autres projets Wikimedia :
281
+
fr/960.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,81 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ modifier
4
+
5
+ Le championnat d'Europe de football est une compétition européenne entre les meilleures sélections nationales masculines de football, organisée par l'UEFA. Imaginé dès 1927 par Henri Delaunay, il est créé en 1956 sous le nom de Coupe d'Europe des nations. Il se déroule tous les quatre ans, alternant les années paires avec la Coupe du monde. Sa première édition se tient en 1960. Il est rebaptisé Championnat d'Europe des nations en 1968, lors du changement de formule qui voit l'introduction d'une phase de poules au tour préliminaire. L'appellation générique simple Euro, utilisée couramment pour désigner le Championnat d'Europe des nations, figure sur le logo officiel de la compétition depuis 1996.
6
+
7
+ Des compétitions équivalentes existent dans les cinq autres unions continentales. Sur le plan sportif, l'Euro est, avec la Copa America, la compétition internationale de football la plus prestigieuse après la Coupe du monde.
8
+
9
+ Le Portugal a remporté la 15e édition en France en 2016. La 16e, l'Euro 2020, a été reportée en 2021 en raison de la pandémie de Covid-19.
10
+
11
+ En 1927, le secrétaire général de la Fédération française de football, Henri Delaunay, émet l'idée d'organiser une compétition internationale continentale sur le territoire européen, mais le projet n'aboutit pas en l'absence d'une organisation européenne tandis que la FIFA concentre tous ses efforts sur la Coupe du monde naissante. En 1954, l'UEFA voit le jour et décide d'étudier ce projet. Elle annonce que la première édition aura lieu en 1960[2].
12
+
13
+ La première Coupe d'Europe des nations débute sous un format classique de coupe à élimination directe où les équipes s'affrontent en matchs aller-retour, à commencer par un tour préliminaire (dont sont exemptées un certain nombre d'équipes en fonction du nombre total d'inscrits), suivi de huitièmes de finale et quarts de finale. Les quatre demi-finalistes issus de cette première phase décident d'un pays hôte pour y disputer le tournoi final comprenant les demi-finales (sur un match), le match de la troisième place et la finale.
14
+
15
+ Seulement dix-sept nations (aucune britannique) sont inscrites à la première édition de 1960 qui s'achève en France. Le tout premier match de la Coupe des nations à lieu à Moscou le 28 septembre 1958, où l'URSS rencontre la Hongrie en match aller de huitièmes de finale. La finale, jouée à Paris le 10 juillet 1960, est remportée 2-1 par l'URSS emmenée par Lev Yachine face à la Yougoslavie après prolongation. L'URSS devient ainsi la première nation à inscrire son nom au palmarès[3]. Il s'agit de son seul trophée continental[4]. On note que le quart de finale entre l'Espagne et l'URSS fut controversé. Aucun des deux matchs prévus n'eut lieu, les Espagnols, par l'intermédiaire de Franco, refusant de rencontrer l'équipe soviétique. L'URSS se qualifia donc par forfait pour le dernier carré.
16
+
17
+ Lors de la seconde édition, en 1964[5], la compétition est de nouveau perturbée par des enjeux politiques, en effet, la Grèce refuse d'affronter l'Albanie en raison d'un conflit entre les deux nations. La phase finale a lieu en Espagne où la sélection ibérique bat son homologue soviétique, tenante du titre , 2-1 à Madrid devant 125 000 spectateurs.
18
+
19
+ Pour l'édition 1968[6], l'UEFA renomme sa compétition en Championnat d'Europe des Nations et décide d'améliorer le format. La formule du tour préliminaire à élimination directe (auquel toutes les équipes ne participent pas) ne donne pas satisfaction et pose un problème d'organisation avec le nombre croissant d'inscriptions. Le tour préliminaire et les huitièmes de finale sont ainsi remplacés par une phase de poules qui présente l'avantage d'être insensible au nombre total de participants. Les équipes engagées sont réparties en huit groupes, et celles arrivant en tête de chaque groupe se qualifient pour les quarts de finale (par matchs aller-retour). La formule pour la fin de la compétition reste inchangée, les quatre demi-finalistes disputent la phase finale qui a lieu cette année là en Italie. C'est le pays organisateur, qui remporte l'épreuve 2-0 contre la Yougoslavie, après un match rejoué à la suite d'un premier match nul 1-1. Cette victoire permet aux Italiens d'oublier leur surprenante élimination à la Coupe du monde 1966 contre la Corée du Nord. La Squadra Azzurra passa néanmoins à un côté de pièce de l'élimination puisqu'elle se qualifia lors de sa demi-finale face à l'URSS par... tirage au sort ! Les deux équipes ayant fait nul, la séance de tirs au but n'existant pas encore (elle ne sera instaurée que pour la Coupe du monde 1970, deux ans plus tard) et les délais ne permettant pas de rejouer le match, l'arbitre procéda à un « pile ou face » à l'issue de la prolongation qui tourna à l'avantage des Italiens.
20
+
21
+ Pour l'épreuve de 1972[7], le même schéma est retenu, et c'est au tour de la Belgique d'organiser la phase finale. L'Allemagne de l'Ouest avec Gerd Müller remporte l'édition en battant l'URSS 3-0.
22
+
23
+ Au cours de l'édition de 1976[8], le format est de nouveau reconduit, la phase finale ayant lieu en Yougoslavie. La compétition est remportée par la Tchécoslovaquie contre l'Allemagne de l'Ouest aux tirs au but et sans que le match ne soit rejoué au préalable, il s'agit d'une double première. Cette séance de tirs au but est aussi restée dans les mémoires grâce au Tchécoslovaque Antonín Panenka qui offre le titre à la Tchécoslovaquie en réussissant son penalty avec une pichenette en plein centre de la cage tenue par Sepp Maier, un geste qui depuis porte son nom.
24
+
25
+ Pour l'édition de 1980, l'UEFA décide de modifier le format de la compétition. Les quarts de finale par match aller-retour sont abandonnés. En plus du pays organisateur, qualifié d'office, les vainqueurs des poules préliminaires, au nombre de sept (au lieu de huit précédemment) sont directement qualifiés pour la phase finale désormais élargie à huit équipes[9]. Les équipes sont réparties en deux groupes de quatre équipes, et le vainqueur de chaque groupe se qualifie pour la finale. L'Allemagne de l'Ouest est sacrée championne d'Europe pour la seconde fois, cette fois-ci en l'emportant en finale contre la Belgique 2-1 grâce à un doublé de Horst Hrubesch.
26
+
27
+ Pour l'Euro 1984[10] qui se déroule en France, le format est retouché : les deux premiers de chaque groupe disputent une demi-finale pour pouvoir accéder à la finale. La France remporte l'épreuve à domicile en s'imposant 2-0 en finale contre l'Espagne, grâce à des buts de Michel Platini et de Bruno Bellone. Lors de la compétition, Platini marque un total record de neuf buts, deux du pied gauche, cinq du pied droit et deux de la tête. Ce record n'a toujours pas été battu, la deuxième meilleure performance d'un buteur au cours d'un Euro étant de six buts. L'UEFA, soucieuse à l'époque de limiter le nombre de matchs, décide de supprimer le match pour la troisième place en contrepartie de l'ajout des demi-finales.
28
+
29
+ Pour l'édition de 1988[11] qui se déroule en Allemagne de l'Ouest, c'est au tour de Marco van Basten de devenir l'homme du tournoi en permettant aux Pays-Bas de s'imposer en finale contre l'URSS grâce à un but qui sera désigné le plus beau du tournoi[12].
30
+
31
+ Le même format est reconduit une dernière fois pour l'Euro 1992 qui se déroule en Suède. La Yougoslavie, qui avait brillamment obtenu sa qualification, est exclue de la phase finale en raison de la guerre civile qui s'y déroule. Elle est remplacée à la dernière minute par son dauphin dans la poule de qualification, le Danemark, qui... remporte le tournoi à la surprise générale en s'imposant 2-0 en finale face à l'Allemagne réunifiée.
32
+
33
+ Après l'éclatement de l'Union soviétique, un nombre important de nouvelles nations adhèrent à l'UEFA à partir de 1992. Israël décide également de rejoindre l'UEFA en raison de sa mauvaise entente avec les nations arabes. Avec des qualifications concernant 48 nations au lieu des 32 pour les précédentes campagnes, l'UEFA décide d'élargir le nombre de participants à la phase finale de huit à seize équipes à partir de l'Euro 1996[13] qui se déroule en Angleterre. Le format de la phase finale change avec la mise en place de quatre poules de quatre équipes au premier tour, les deux premiers de chaque poule se qualifiant pour les quarts de finale. Il est également décidé de mettre en pratique la nouvelle règle du but en or. C'est d'ailleurs par l'application de cette règle que l'Allemagne remporte le titre contre la Tchéquie, grâce à un but d'Oliver Bierhoff en prolongation, sans avoir à jouer plus de 95 minutes.
34
+
35
+ Pour l'Euro 2000[14], l'UEFA décide d'accorder l'organisation de la phase finale à deux nations : la Belgique et les Pays-Bas. C'est de nouveau par un but en or que le vainqueur est désigné; en effet, la France championne du monde en titre égalise dans le temps additionnel de la seconde mi-temps et arrache la prolongation en finale contre l'Italie, puis obtient le titre au bout de 103 minutes de jeu, David Trezeguet marquant le but de la victoire.
36
+
37
+ L'Euro 2004[15] est organisé au Portugal, la règle du but en or est remplacée par celle du but en argent. La Grèce s'impose 1-0 contre le pays organisateur.
38
+
39
+ L'Euro 2008[16] se déroule en Suisse et en Autriche avec un format similaire au précédent Euro. La règle du but en or ou en argent est supprimée. C'est l'Espagne qui remporte le tournoi en battant l'Allemagne en finale sur le score de 1 à 0.
40
+
41
+ L'Euro 2012, toujours à 16 participants, se déroule en Pologne et en Ukraine. L'Espagne remporte à nouveau le trophée en dominant largement l'Italie en finale sur le score de 4 à 0. Ce score est l'écart de buts le plus large pour une finale d'une compétition majeure. L'Espagne enchaîne également un triplé inédit Euro - Coupe du monde - Euro à cette occasion.
42
+
43
+ L'Euro 2016 se déroule en France et change de formule. Désormais 24 nations (au lieu de 16) sont présentes en phase finale. Dans une interview donnée au journal France Football du mardi 30 novembre 2012, Jacques Lambert le président du comité d'organisation statuait sur le format de la compétition : six groupes de quatre équipes au premier tour dont les deux premières sont qualifiées pour les huitièmes de finale, ainsi que les quatre meilleurs troisièmes[17]. Le Portugal profite de ce format pour être le premier repêché du premier tour (en tant que meilleur 3e de poule) d'un tournoi à remporter le sacre.
44
+
45
+ La compétition est organisée depuis l'origine tous les quatre ans les années paires en décalage de deux ans avec la Coupe du monde. L'UEFA supervise toute l'organisation que cela soit sur le plan sportif, réglementaire, commercial et financier. Le choix du pays ou des pays organisateurs s'effectue après déposition des candidatures cinq ans au moins avant le tournoi final par un vote au sein du comité exécutif de l'UEFA[18].
46
+
47
+ De 1960 à 1976, le choix du pays organisateur s'effectue par un accord entre les quatre demi-finalistes, avant que l'UEFA décide de mettre en place une phase finale élargie avec des matchs de poules à partir de 1980. Trois pays ont déjà organisé la compétition à deux, voire trois reprises : la France (1960, 1984 et 2016), la Belgique (1972 et 2000) et l'Italie (en 1968 et 1980). LUEFA privilégie cependant la diversité sur son choix. C 'est ainsi que l'on a pu voir de nombreux pays organiser ce tournoi (Espagne, Yougoslavie, Allemagne, Suède, Angleterre, Pays-Bas, Portugal) et les Championnats d'Europe suivants ne dérogent pas à la règle puisque qu'en 2008 ce fut au tour du tandem Suisse-Autriche[19] puis du tandem Pologne-Ukraine[18] en 2012.
48
+
49
+ Un certain nombre de stades sont retenus pour le déroulement de la compétition. Pour être choisis, ces stades doivent respecter des normes strictes fixées par l'UEFA.
50
+
51
+ La compétition comprend une phase qualificative et un tournoi final. Le nombre toujours croissant d'inscrits et le succès grandissant du Championnat d'Europe incite l'UEFA à développer le tournoi final en augmentant le nombre de participants. De quatre de 1960 à 1976, la phase finale passe ainsi à huit de 1980 à 1992, puis à seize de 1996 à 2012, et enfin à vingt-quatre à partir de 2016. Depuis 1980, tout pays organisateur de la phase finale y est qualifié d'office.
52
+
53
+ Dix-sept nations prennent part à la première édition en 1960 se terminant par un tournoi à quatre équipes. Similaire à celle de la Coupe d'Europe des clubs, la compétition est une succession de tours (préliminaire, huitièmes de finale, quarts de finale) par match aller-retour à élimination directe. La formule est reconduite en 1964, mais, en raison du problème posé par le nombre de participants, l'UEFA décide pour les éditions suivantes (de 1968 à 1976) de remplacer le tour préliminaire et les huitièmes de finale par des groupes de qualification (huit au total) où chaque équipe à l'intérieur de son groupe dispute un mini-championnat avec match aller-retour. Le premier de chaque groupe se qualifie pour les quarts de finale. En 1980 la mise en place d'un véritable tournoi final à huit équipes (au lieu de quatre) avec désignation anticipée du pays-hôte (qualifié d'office) entraine une modification de la phase qualificative. La partie à élimination directe (quarts de finale) est supprimée et chaque vainqueur de groupe de qualification est qualifié directement pour le tournoi final. Cette réforme ne rend pas la phase de qualification plus facile pour autant : tandis que le nombre de membres affiliés à l'UEFA augmente (33 nations), le nombre de groupes de la phase préliminaire diminue de huit à sept (en raison de la huitième place réservée au pays organisateur, qualifié d'office).
54
+
55
+ Un second bouleversement a lieu pour l'Euro 1996 suite à l'explosion de l'Union soviétique et de la Yougoslavie. 47 nations sont alors affiliées à l'UEFA, et quinze places sont mises en jeu pour la phase finale (l'Angleterre étant qualifiée d'office en tant que pays-hôte). Les sept groupes qualificatifs qui concernaient quatre à cinq nations passent à huit groupes de cinq à six nations. Pour l'Euro 2004 qui a lieu au Portugal, dix groupes de cinq nations sont mis en place, tous les premiers se qualifient et les deuxièmes s'affrontent en barrages pour les cinq places restantes. Pour l'Euro 2008, l'UEFA met en place sept groupes de sept à huit nations, les deux premiers de chaque groupe se qualifient pour la phase finale.
56
+
57
+ De 1960 à 1976, la phase finale comprend seulement les demi-finales, le match pour la troisième place et la finale, et se déroule dans l'un des quatre pays qualifiés.
58
+
59
+ De 1980 à 1992 huit nations participent à la phase finale. Elles sont réparties en deux poules de quatre. En 1980, chaque poule voit le premier se qualifier pour la finale et le second disputer le match pour la troisième place. À partir de 1984 la formule est reconduite à la seule différence que les deux premiers de chaque poule se qualifient pour les demi-finales (qui déterminent les deux finalistes), matchs rajoutés en échange de l'abandon du match pour la troisième place.
60
+
61
+ De 1996 à 2012 le tournoi final concerne seize équipes, réparties en quatre poules de quatre équipes, les deux premiers se qualifient pour les quarts de finale, suivis des demi-finales et de la finale.
62
+
63
+ À partir de l'Euro 2016, 24 équipes réparties en 6 poules de 4 disputent la phase finale. Les deux premiers de chaque groupe ainsi que les 4 "meilleurs troisièmes" se qualifient pour les huitièmes de finale, qui sont normalement suivis de quarts de finale etc.. Michel Platini, alors président de l'UEFA au moment de la décision du passage à vingt-quatre équipes, en a déjà fait l'expérience en tant que joueur, car cette formule, qui permet à seize équipes de disputer au minimum quatre matchs, a été utilisée en Coupe du monde de 1986 à 1994.
64
+
65
+ L'écart du nombre de participants en phase finale entre les années 1960 et 2020 rend délicates les comparaisons entre éditions du Championnat d'Europe. Deux périodes se distinguent cependant clairement l'une de l'autre : de 1960 à 1976 les huitièmes de finale (éventuels) et quarts de finale sont disputés hors tournoi (c'est-à-dire avant), alors qu'à partir de 1980 les éventuels huitièmes et quarts de finale sont joués lors de la phase finale.
66
+
67
+ Ce tableau montre, pour chaque édition, le nombre de nations inscrites (Total), le nombre de nations prenant part à la phase finale (Phase finale), le nombre de nations qualifiées d'office en tant que pays-hôtes (Qualifiés d'office), le nombre de nations ayant pris part aux qualifications et parvenant à se qualifier pour la phase finale (Qualifiés sur le terrain), et le nombre de nations ayant pris part aux qualifications (Participants). Pour l'édition 2016, le pays qualifié d'office (France) est affecté à un groupe de qualification et dispute des matchs amicaux aller-retour contre l'ensemble des membres de ce groupe, ceci afin de régler le problème lié à la recherche d'une équipe disponible pour jouer en amical aux dates réservées pour les compétitions officielles.
68
+
69
+ Le trophée Henri-Delaunay, qui récompense le vainqueur du Championnat d'Europe, a été nommé ainsi en hommage à Henri Delaunay qui était à l'origine du projet, mais est décédé cinq ans avant la première édition de 1960. Ce trophée en argent a été créé par M. Chobillon (déjà auteur de celui de la Coupe de France)[20] de la maison Arthus-Bertrand à Paris en 1960 et a coûté 20 251 francs français (3 087 euros). Sa valeur est estimée à 35 000 francs suisses (22 500 euros). Il pèse huit kilos, socle compris. Il mesure 42 cm et 50 cm avec le socle[21], et y sont inscrits les noms des vainqueurs, qui en reçoivent une réplique réduite.
70
+
71
+ Dans le cas où une nation remporterait le titre à cinq reprises ou au moins trois fois consécutivement, elle se verrait remettre une réplique du trophée à l'identique. Jusqu'à présent, aucune nation n'a rempli ces conditions.
72
+
73
+ La coupe a la forme d'une amphore grecque. Sur le trophée original de 1960, était gravée la reproduction d'une partie d'un bas-relief antique grec datant du IVe siècle av. J.-C., représentant un jeune homme tenant un ballon (le bas-relief est exposé au Musée archéologique d'Athènes)[20].
74
+
75
+ Depuis l'édition 2008, une nouvelle version du trophée, plus grande et sans socle, est décernée à chaque vainqueur.
76
+
77
+
78
+
79
+ Le tableau suivant présente le bilan par nation ayant atteint au moins une fois le dernier carré.
80
+
81
+ (ou demi-finaliste depuis 1984)
fr/961.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,114 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ modifier
4
+
5
+ La Ligue des champions de l'UEFA (UEFA Champions League), parfois abrégée en C1 et anciennement dénommée Coupe des clubs champions européens (de sa création en 1955 jusqu'en 1992), est une compétition annuelle de football organisée par l'Union des associations européennes de football (UEFA) et regroupant les meilleurs clubs du continent européen[1]. C'est la compétition interclubs de football la plus prestigieuse d'Europe devant la Ligue Europa.
6
+
7
+ Le vainqueur de la compétition est automatiquement qualifié pour l'édition suivante. Il participe également à la Supercoupe de l'UEFA ainsi qu'à la Coupe du monde des clubs de la FIFA.
8
+
9
+ Le Real Madrid est le club le plus titré dans l'histoire de la compétition avec treize victoires[2]. Le Liverpool FC est le tenant du titre.
10
+
11
+ L'idée d'une coupe d'Europe interclubs est née dans l'esprit de journalistes parisiens ; les chocs Wolverhampton Wanderers - Honvéd Budapest puis Wolverhampton Wanderers - Spartak Moscou de décembre 1954 achèvent de les convaincre[3]. En effet, après les victoires des Wolves, le Daily Mail proclame le club « champion du monde des clubs ». Gabriel Hanot réplique dans L'Équipe en lançant un appel à la fondation d'une coupe d'Europe : une série d'articles du quotidien sportif parisien explique des semaines durant les avantages d'une telle épreuve, et les premières réactions sont plutôt positives[4]. Dès le 16 décembre 1954, Jacques de Ryswick signe un article présentant le « projet de coupe d'Europe interclubs ». Devant les réactions positives de l'Europe entière, L'Équipe rédige le 25 janvier 1955 un avant-projet de règlement signé par Jacques Ferran. Le 3 février 1955, le quotidien publie la liste des clubs invités à disputer la première édition de l'épreuve, et durant le mois de février, les clubs confirment leur participation[3]. Le 26 février 1955, la FIFA contacte L'Équipe pour lui confirmer que ses statuts n'empêchent pas l'organisation d'une telle compétition : « L'organisation d'un pareil tournoi n'est pas subordonnée à l'autorisation préalable de la FIFA, dont les statuts (art. 38) ne visent que les compétitions entre équipes représentatives nationales »[5]. L'UEFA vient à peine d'émerger des limbes, et ses statuts sont quasi vierges. Le 1er mars, le comité exécutif de l'UEFA se déclare inapte à assurer correctement l'organisation d'une telle épreuve et laisse à chaque fédération le libre choix d'accepter ou pas de prendre part à cette épreuve. On se retrousse alors les manches à L'Équipe en s'occupant d'aller démarcher les fédérations. La FFF se laisse finalement convaincre malgré la délicate question de surcharge du calendrier. Chaque fédération doit désigner son représentant et la plupart d'entre elles ne désignent pas le champion en titre mais font un choix par popularité du club à condition que celui-ci ait déjà remporté le championnat national au moins une fois[6],[7]. Les 2 et 3 avril, L'Équipe réunit les dirigeants des clubs participants à Paris pour définir les dates de la compétition et leur faire approuver le règlement[7].
12
+
13
+ Revirement de situation le 8 mai, alors que tout est bouclé avec seize clubs partants (la désignation arbitraire des huitièmes de finale a même déjà eu lieu[8]). La FIFA sent le danger de laisser à des intervenants extérieurs la prise en main de compétitions et pousse finalement l'UEFA à prendre en charge l'organisation de l'épreuve[3]. La FIFA interdit même l'utilisation du mot « Europe » dans le nom de l'épreuve désirant réserver ce terme aux compétitions entre équipes nationales[3]. L'UEFA et la FIFA font le maximum pour décider les Anglais à participer mais la FA reste inflexible : c'est non ! Le Chelsea FC était pourtant partant[9]; mais son forfait est rendu officiel le 26 juillet 1955[3].
14
+
15
+ La Coupe des clubs champions européens (CCC) connaît un immense succès dès sa première édition (mais elle porte un coup fatal aux matchs amicaux de prestige qui agrémentaient jadis les milieux de semaine[10]). Elle se joue alors en matchs aller-retour à l'exception de la finale.
16
+
17
+ Après deux éditions de cette compétition, la Coupe Latine qui voyait s'affronter les champions d'Espagne, d'Italie, de France et du Portugal prit beaucoup moins d'importance et fut finalement dissoute. En 1960, l'UEFA et la CONMEBOL créent la Coupe intercontinentale qui voit s'opposer le vainqueur de la Coupe des clubs champions européens face à celui de la Copa Libertadores et où le gagnant se voit considérer comme le « meilleur club du monde ».
18
+
19
+ Avec la mise en place de la Coupe d'Europe des vainqueurs de coupe de football en 1960 puis de la Coupe UEFA en 1971, elle est alors parfois abrégée en C1, en référence au classement des trois compétitions européennes qui se déroulent à cette époque.
20
+
21
+ La première édition de la Coupe d'Europe des clubs champions européens voit s'opposer seize grands clubs du continent et parmi eux sept étaient les champions en titre de leur propre pays. Le premier match se tient le 4 septembre 1955, à Lisbonne devant 30 000 spectateurs : le Sporting Portugal et les Yougoslaves du Partizan Belgrade y font match nul 3-3, João Baptista Martins inscrit le premier but de la compétition à la 14e minute. À la suite de la faible affluence des supporteurs du Stade de Reims lors du match face aux Danois du AGF Århus en huitième de finale (6 500 spectateurs), le président du club champenois décide de jouer les matchs suivants au Parc des Princes[3]. Un choix payant puisque plus de 35 000 personnes assistent aux victoires de Reims lors des matchs allers du quart et de la demi-finale[3]. Le Stade de Reims, emmené par son milieu offensif Raymond Kopa, accède à la finale le 18 avril 1956 en éliminant le Hibernian FC (score cumulé : 3-0). Le Real Madrid s'impose en demi-finale contre l'AC Milan du redoutable Gunnar Nordahl malgré une défaite 2-1 à San Siro (score cumulé : 5-4)[11]. La finale se déroule sur un match unique à Paris le 13 juin 1956 ; mené 2-0 puis 3-2 par le Stade de Reims, le Real Madrid finit par s'imposer 4-3 à la suite d'une égalisation de Marquitos et un dernier but d'Héctor Rial[11].
22
+
23
+ Le spectacle est donc bien au rendez-vous et les clubs participants engrangent de larges bénéfices, Jacques Ferran indique dans son journal : « si Reims parvenait en finale, son bénéfice serait de 20 millions »[3]. La Coupe d'Europe des clubs champions augmente aussi les ventes de L'Équipe par rapport à l'année précédente de 7,5 % en décembre 1955, de 30,05 % en avril 1956 pour la demi-finale de Reims et de 12,5 % lors de la semaine de la finale[3].
24
+
25
+ À la suite du succès de la première édition, l'UEFA décide de s'investir davantage dans la compétition et exige que chaque fédération envoie son champion. Le Real Madrid, bien que n'étant pas le champion d'Espagne, a quand même pu participer en tant que tenant du titre. Cinq nouvelles nations se joignent à la compétition, y compris les Anglais avec Manchester United[12]. Avec 22 équipes partantes, un tour préliminaire est mis en place et un tirage au sort désigne les 12 clubs qui y participent, les autres clubs rejoignent le Real Madrid en huitièmes de finale.
26
+
27
+ La finale oppose le Real Madrid aux Italiens de l'AC Fiorentina, le 30 mai 1957, au Stade Santiago Bernabéu devant plus de 120 000 personnes[13]. Les Madrilènes s'imposent 2-0 après un penalty inscrit par Alfredo Di Stéfano et une réalisation de Francisco Gento[12]. Le trophée est remis au capitaine Miguel Muñoz par le général Franco[12].
28
+ Le Real Madrid remporte également les trois éditions suivantes : en 1958 contre l'AC Milan, en 1959 de nouveau contre le Stade de Reims et en 1960 contre l'Eintracht Francfort, au terme d'une finale prolifique (7 buts à 3) dans laquelle Ferenc Puskás signe un quadruplé et Alfredo Di Stéfano un triplé.
29
+
30
+ La domination du Real Madrid prend fin en 1961, cette année-là le Benfica Lisbonne joue sa première finale contre le FC Barcelone au Stade du Wankdorf en Suisse. Emmené par son capitaine et avant-centre José Águas (qui finira meilleur réalisateur de la compétition avec 11 buts) et par son meneur de jeu Mário Coluna, les Portugais s'imposent 3 buts à 2.
31
+
32
+ La saison suivante, le Benfica Lisbonne joue sa deuxième finale contre l'ogre de la compétition, le Real Madrid et ses stars Ferenc Puskás, Alfredo Di Stéfano et Francisco Gento. Cette finale qui a lieu au Stade olympique d'Amsterdam permet l'éclosion d'un tout jeune joueur qui inscrit un doublé, Eusébio, et voit le Benfica Lisbonne s'imposer sur le score de 5 buts à 3. En 1963, le Benfica Lisbonne atteint sa troisième finale consécutive. Malgré un but d'Eusébio, les Portugais s'inclineront 2 buts à 1 face à l'AC Milan. Puis en 1964, c'est l'autre club de Milan, l'Inter Milan, qui bat le Real Madrid 3 buts à 1 et remporte le trophée. En 1965, le Benfica Lisbonne joue sa quatrième finale en cinq éditions contre l'Inter Milan qui remporte la finale pour la deuxième fois de suite sur le score de 1 but à 0. Enfin, en 1966, le Real Madrid revient au premier plan et remporte sa sixième C1 (et également la sixième pour Francisco Gento, un record) face au surprenant Partizan Belgrade (2-1).
33
+
34
+ La première équipe non latine à remporter le trophée est le Celtic Glasgow, en 1967. Les Écossais battent en finale l'Inter Milan 2 buts à 1. Manchester United lui succède l'année suivante en disposant également en finale d'un ancien double vainqueur de la décennie, le Benfica Lisbonne, sur le score de 4 buts à 1 après prolongation. Le deuxième succès de l'AC Milan, en 1969 est un peu le chant du cygne des équipes latines : vainqueurs de douze des quatorze premières éditions, il faudra attendre seize ans avant que l'une d'entre elles (la Juventus) n'inscrive de nouveau son nom au palmarès. Le finaliste malheureux de cette édition, l'Ajax Amsterdam, préfigure la domination néerlandaise à venir...
35
+
36
+ La victoire du Feyenoord Rotterdam face au Celtic Glasgow en 1970 est suivie d'un triplé de l'Ajax Amsterdam. En 1971, l'équipe entrainée par Rinus Michels — qui prône un « football total » assez révolutionnaire — s'impose contre les surprenants Grecs du Panathinaïkos 2 buts à 0. Le départ de Rinus Michels n'empêchera pas les Amstellodamois de conserver leur trophée l'année suivante, en battant l'Inter Milan grâce à un doublé de Johan Cruijff. Puis en 1973, face à la Juventus, 1 but à 0. Cependant cette domination européenne s'arrête avec le départ ou la fin de carrière de ses joueurs-cadres.
37
+
38
+ Le triplé de l'Ajax Amsterdam est suivi d'un autre triplé, celui du Bayern Munich de Franz Beckenbauer, Gerd Müller et Sepp Maier, qui forme alors l'ossature de l'équipe nationale de RFA, championne d'Europe en 1972 et du monde en 1974.
39
+
40
+ Le premier sacre des Bavarois en 1974 a d'ailleurs failli ne pas avoir lieu, le Bayern n'égalisant qu'à l'ultime minute des prolongations lors de la finale contre l'Atlético Madrid. La règle des tirs au but n'étant pas encore instaurée, la finale est rejouée le surlendemain (ce sera le seul cas dans l'histoire de la compétition) et le Bayern Munich s'impose largement 4 buts à 0. Il s'impose de nouveau en 1975 contre Leeds United. Les exactions des supporteurs anglais lors de cette finale au Parc des Princes vaudront trois ans de suspension européenne au club anglais. Les Allemands conserveront une nouvelle fois leur trophée en 1976, en battant l'AS Saint-Étienne 1 but à 0.
41
+
42
+ Déjà vainqueur l'année précédente de la coupe UEFA, le Liverpool FC bat en finale en 1977 les Allemands du Borussia Mönchengladbach sur le score de 3 buts à 1. Les Reds conservent leur trophée en 1978 face aux Belges du FC Bruges ; mais, contrairement à ses deux prédécesseurs, ne réussissent pas la passe de trois : ils sont éliminés dès le premier tour de l'édition 1978-1979 par un autre club anglais, Nottingham Forest. Promu de D2 l'année précédente, le surprenant champion anglais va jusqu'au bout et est sacré face à Malmö FF (1-0). Les hommes de Brian Clough conservent également leur titre européen en 1980 face au Hambourg SV. le club entre ainsi dans l'histoire comme étant le seul à avoir été plus de fois champion d'Europe que champion national. En 1981, le Liverpool FC récupère son bien en disposant du Real Madrid en finale. Puis c'est une autre équipe anglaise, Aston Villa, qui lui succède l'année suivante en battant le Bayern Munich. La série de six victoires consécutives des clubs anglais (un record) est brièvement interrompue par le sacre du Hambourg SV en 1983 aux dépens de la Juventus. Cependant, c'est le Liverpool FC qui s'impose de nouveau en 1984 contre l'AS Rome, qui devient à l'occasion le premier club à être battu en finale sur son terrain. Cette finale est également la première qui se joue aux tirs au but et la série est marquée par la performance du gardien des Reds, Bruce Grobbelaar.
43
+
44
+ Le Liverpool FC est de nouveau finaliste l'année suivante face à la Juventus, mais la domination anglaise est stoppée nette par le drame du Heysel où 39 spectateurs, la plupart italiens, trouvent la mort dans une bousculade avant le coup d'envoi de la finale. La victoire de la Juventus (1 but à 0 sur un penalty de Michel Platini) passe presque inaperçue : la remise de la coupe se faisant rapidement dans les vestiaires, sans cérémonial. À la suite de ce qui est le paroxysme des débordements des supporteurs anglais lors de leurs déplacements sur le continent, l'UEFA exclut tous les clubs anglais des coupes européennes pour cinq ans, et le Liverpool FC pour une durée indéterminée.
45
+
46
+ Aucun pays ne profitera durablement du bannissement des clubs anglais. Les vainqueurs des trois éditions suivantes sont inédits : en 1986, le Steaua Bucarest devient le premier club de l'Est à l'emporter en battant à la surprise générale le FC Barcelone aux tirs au but (lors d'une séance où le gardien roumain Helmuth Duckadam repousse les quatre tentatives catalanes) ; lui succède le FC Porto en 1987 et le PSV Eindhoven en 1988. Un seul ancien vainqueur s'imposera durant cette période : emmené par son trio néerlandais Gullit-van Basten-Rijkaard, l'AC Milan d'Arrigo Sacchi signe un doublé en 1989 et 1990. Le dernier vainqueur de la formule par élimination directe sera lui aussi inédit : l'Étoile rouge de Belgrade remporte la coupe en 1991 en battant l'Olympique de Marseille aux tirs au but.
47
+
48
+ L'année suivante est une édition de transition : la coupe change de formule et voit l'introduction d'une phase de poules après les huitièmes de finale (deux poules de quatre équipes pour les huit équipes restantes, en lieu et place des quarts de finale et demi-finales, les vainqueurs de poules s'affrontant directement en finale). Cette dernière édition sous l'appellation Coupe des clubs champions européens, voit le premier sacre du FC Barcelone qui s'impose face à l'UC Sampdoria après prolongation (1-0). Cette finale du club génois ouvre une série record de sept finales consécutives d'un représentant italien (pour deux victoires seulement).
49
+
50
+ En 1992, la coupe est rebaptisée « Ligue des champions ». Depuis lors son format fut régulièrement modifié : la phase de groupes à huit équipes apparut en 1992 puis fut élargie à seize en 1994, vingt-quatre en 1997 et trente-deux en 1999. Cette phase de groupes à trente-deux qualifiait les deux premières équipes pour une seconde phase de groupes à seize. En 2003, elle a été remplacée par des huitièmes de finale à plus grand enjeu.
51
+
52
+ Historiquement, la compétition prenait le format d'une coupe où seuls les champions et le tenant du titre participaient. Cependant, depuis 1997, les vice-champions nationaux des meilleurs pays peuvent y participer, suivis des troisièmes et quatrièmes depuis 1999.
53
+
54
+ La première édition sous ce nouveau format voit le premier sacre d'un club français, l'Olympique de Marseille, qui bat en finale le 26 mai 1993 l'AC Milan 1-0 sur une tête de Basile Boli juste avant la mi-temps. En 1994, l'AC Milan prend sa revanche et surclasse 4-0 le FC Barcelone de Johan Cruyff, pourtant grand favori. L'année suivante, alors qu'une phase de poules à 16 équipes est instaurée, l'AC Milan défend son titre mais s'incline en finale face à l'Ajax Amsterdam 1-0 (qui remporte le dernier titre d'un club néerlandais en Ligue des champions à ce jour). En 1996, l'Ajax Amsterdam est encore finaliste face à une autre équipe italienne, la Juventus, qui s'impose aux tirs au but et remporte le trophée pour la seconde fois.
55
+
56
+ Puis l'arrêt Bosman changera la donne, puisque depuis (hormis lors de l'édition 2003-2004), aucune équipe ne faisant pas partie des quatre grands championnats européens (Allemagne, Angleterre, Espagne et Italie) ne réussira à atteindre la finale. En 1997, pour la troisième année consécutive, le tenant du titre se retrouve en finale et s'incline. En effet, cette année là, le Borussia Dortmund remporte son premier titre en battant la Juventus — pourtant favorite — sur le score de 3 à 1.
57
+
58
+ En 1997-1998, 24 équipes prennent part à la compétition, les deuxièmes des huit grands championnats étant autorisés à participer pour la première fois. Cette saison-là, la Juventus atteint la finale pour la troisième année consécutive mais s'incline face au Real Madrid sur le score de 1-0. C'est le retour sur le devant de la scène du club madrilène qui remporte son septième trophée, trente-deux ans après son dernier sacre. En 1999, une autre équipe met fin à une longue disette (trente-et-un ans) : en finale, Manchester United — mené au score dès le début du match — inscrit deux buts dans les arrêts de jeu pour renverser le Bayern Munich (2-1). Il s'agit du premier sacre d'un club anglais depuis le drame du Heysel en 1985. Le club d'Alex Ferguson remporte également le championnat et la coupe d'Angleterre, s'offrant un triplé historique.
59
+
60
+ En 1999-2000, 32 équipes participent à l'épreuve, cette fois les troisièmes et quatrièmes des grands championnats intègrent la compétition qui se présente sous un format à deux phases de groupes. Le Real Madrid confirme son retour au premier plan en gagnant la compétition pour la huitième fois. Emmené par Raúl et Redondo, il défait le Valence CF sur le score de 3-0 à l'occasion de la première finale entre deux équipes d'un même pays. L'année suivante, le Bayern Munich efface le traumatisme de 1999 en venant à bout du Valence CF (finaliste malheureux pour la seconde fois consécutive) aux tirs au but (1-1 ap, 5-4), grâce notamment à une grande performance de son gardien Oliver Kahn. Puis en 2002, le Real Madrid avec ses « Galactiques » remporte son troisième titre en cinq ans en dominant le Bayer Leverkusen 2 buts à 1. En 2003, la finale oppose de nouveau deux clubs d'un même pays avec une affiche entre l'AC Milan et la Juventus (tombeuse du Real Madrid en demi-finale, 3-4). Le match, très fermé, se maintient à 0-0 après la prolongation. Les Milanais l'emportent finalement 3-2 aux tirs au but et glanent leur sixième trophée.
61
+
62
+ Lors de l'édition 2003-2004 un nouveau changement de formule s'opère, la deuxième phase de groupes est remplacée par des huitièmes de finale. Ce format plus propice aux surprises et aux incertitudes permet d'assister à l'une des finales les plus surprenantes de cette période, opposant les Portugais du FC Porto aux Français de l'AS Monaco. Au terme d'un match à sens unique, les hommes de José Mourinho surclassent ceux de Didier Deschamps, vite privés de leur meneur de jeu Ludovic Giuly sur blessure, sur le score de 3-0. Les éliminations précoces des vainqueurs des dernières éditions (le Bayern Munich, Manchester United et la Juventus en huitièmes de finale, le Real Madrid et l'AC Milan en quarts de finale) marquent cette édition, notamment celle des « Galactiques » du Real Madrid face à l'AS Monaco (4-2, 1-3).
63
+
64
+ Pour sa cinquantième édition, la compétition se conclut par la plus folle finale de l'épreuve. En effet, le 25 mai 2005 au stade olympique Atatürk, le Liverpool FC remporte le cinquième titre de son histoire face à l'AC Milan au terme d'un incroyable renversement de situation. Menés 3-0 à la mi-temps, les Reds inscrivent trois buts en six minutes avant l'heure de jeu, avant de résister aux nombreux assauts milanais pendant soixante minutes et de triompher aux tirs au but par 3 buts à 2.
65
+
66
+ Dans les douze années qui suivent, deux clubs se démarquent du reste : le FC Barcelone qui parvient à se qualifier pour les demi-finales à huit reprises et remporte quatre fois le trophée[14] et le Real Madrid qui se qualifie pour les demi-finales huit fois consécutivement (un record) et remporte quatre fois le trophée.
67
+
68
+ Dès 2006, le FC Barcelone bat le Arsenal FC en finale. En 2007, le Liverpool FC et l'AC Milan se retrouvent pour un nouveau face à face mais cette fois c'est le club italien qui l'emporte (2 buts à 1) permettant à son capitaine emblématique Paolo Maldini de soulever son cinquième trophée. L'année suivante voit une première finale 100 % britannique avec la victoire de Manchester United sur le Chelsea FC. Les Red Devils et leur star Cristiano Ronaldo accèdent de nouveau en finale l'édition suivante mais se heurtent au FC Barcelone de Lionel Messi qui marque le but du 2 à 0. Champion d'Italie depuis 5 ans, l'Inter Milan est de nouveau vainqueur de la C1 en 2010 (quarante-cinq ans après son dernier succès dans cette compétition) en battant le Bayern de Munich 2 buts à 0. Puis en 2011 on assiste à un remake de la finale de 2009, qui voit de nouveau un succès du club catalan face aux mancuniens (3 buts à 1). En 2012, neuf ans après le rachat du Chelsea FC par le milliardaire russe Roman Abramovitch qui marqua une nouvelle ère pour le club, les Blues décrochent enfin la C1 en battant le Bayern de Munich chez eux à l'Allianz Arena. C'est la cinquième défaite en finale du club allemand qui ouvre pourtant le score à la 83e minute mais les Anglais égalisent deux minutes avant la fin du temps règlementaire puis gagnent le match 4 tirs au but à 3. Les Bavarois se rattrapent l'année suivante en remportant leur cinquième trophée face au Borussia Dortmund 2 buts à 1 (première finale 100 % allemande).
69
+ L'édition 2013-2014 voit la première finale qui oppose deux clubs d'une même ville : le Real Madrid et l'Atletico Madrid. Ce dernier ouvre le score à la 36e minute mais les Merengues égalisent d'une tête de Sergio Ramos dans les arrêts de jeux (90+3). Le Real gagne finalement 4 buts à 1 en prolongation. C'est la dixième victoire tant attendue du club de la capitale espagnole dans la compétition. L'année suivante voit le retour au premier plan du FC Barcelone, avec en face la Juventus qui revient douze ans après sa dernière finale. Menant au score dès le début, le Barça l'emporte finalement 3-1 pour la cinquième victoire de son histoire.
70
+
71
+ En 2016, deux ans après sa Décima face à son grand rival madrilène, le Real Madrid — entraîné cette fois par Zinédine Zidane — l'emporte une nouvelle fois au détriment de l'Atlético Madrid de Diego Simeone. Dos à dos (1-1) à l'issue du temps règlementaire, la finale se joue finalement aux tirs au but et les Merengues l'emportent 5 tirs au but à 3. Toujours en grande forme, le Real Madrid se retrouve de nouveau en finale en 2017 face à la Juventus, finaliste malheureux deux ans plus tôt. Les Madrilènes s'imposent 4 buts à 1 grâce notamment à un doublé de Cristiano Ronaldo, devenant ainsi la première équipe à remporter la compétition deux années consécutives depuis le passage au format Ligue des champions. L'année suivante, le Real Madrid gagne une nouvelle fois la compétition en battant 3-1 le Liverpool FC de Jürgen Klopp et réalise ainsi le triplé (ce qui n'était plus arrivé depuis celui du Bayern Munich de 1974 à 1976). Zinédine Zidane devient par ailleurs le premier entraîneur à remporter trois fois de suite cette compétition[15].
72
+
73
+ En 2019, quatorze ans après le dernier titre acquis face à l'AC Milan lors du « miracle d'Istanbul », Liverpool remporte la compétition face à Tottenham (qui jouait sa première finale dans la compétition) dans une finale 100 % anglaise (la deuxième de l'histoire après celle de 2008 ayant vu la victoire de Manchester United sur Chelsea). Les hommes de Jürgen Klopp gagnent ainsi le sixième titre du club du nord de l'Angleterre. Cette édition voit notamment l'élimination surprise du Real Madrid, triple vainqueur et tenant du titre, dès les huitièmes de finale par l'Ajax Amsterdam.
74
+
75
+ Le trophée était initialement remis pour une année au club vainqueur, qui devait le rendre deux mois avant la finale suivante. En 1966, le Real Madrid remporta une sixième fois la coupe et l'UEFA décida d'en faire don définitivement au club. Le nouveau trophée mis en jeu la saison suivante prit la forme qu'on lui connaît aujourd'hui, celle de « la coupe aux grandes oreilles »[16]. Dès lors, tout club qui remportait la compétition trois fois de suite ou cinq fois au total se voyait décerner définitivement l'édition actuelle du trophée original. Alors le club reprenait le cycle à zéro et un nouveau trophée était fabriqué.
76
+
77
+ Ainsi cinq clubs ont conservé un trophée original, répartis comme suit :
78
+
79
+ Cependant, depuis 2009, la règlementation prévoit (dans les mêmes conditions d'obtention) une distinction spéciale au lieu de la remise du trophée original. Celle-ci prend la forme d'un badge, porté par les joueurs pendant les matchs de Ligue des Champions, qui mentionne le nombre de victoires totales de la compétition par le club. Le trophée original, qui peut être par exemple vu lors de la finale de la compétition, est lui conservé par l'UEFA tandis qu'une réplique à l'identique de celui-ci est remise au club vainqueur[17].
80
+
81
+ Le logo de la Ligue des champions, connu sous le nom de Starball, apparait en même temps que l'hymne lors de l'édition 1992-1993. Il est composé de huit étoiles noires formant un ballon, représentants les huit clubs qui sont alors présents lors de la phase de groupes[18].
82
+
83
+ L'hymne de la Ligue des champions de l'UEFA est commandé par l'UEFA en 1992 au compositeur Tony Britten. C'est un arrangement de l'hymne Zadok the Priest composé par Georg Friedrich Haendel en 1727 pour le couronnement du roi de Grande-Bretagne George II. Il est interprété par le Royal Philharmonic Orchestra et par les chœurs de l'Academy of St Martin in the Fields. Les paroles, qui évoquent le fait que la compétition regroupe « les meilleures équipes », sont déclamées dans les trois langues officielles de l'UEFA, à savoir l'anglais, le français et l'allemand[19].
84
+
85
+ Le refrain de l'hymne est joué avant chaque match de Ligue des champions, ainsi qu'au début et à la fin des retransmissions télévisées des matchs. L'hymne complet dure trois minutes, et comprend deux courts couplets et le refrain. L'hymne est un symbole fort de la Ligue des champions : une enquête au début des années 2000 a montré qu'il est plus identifié par les supporters à la compétition que le logo ou même le nom[20].
86
+
87
+ Depuis l'édition 2008-2009 (excepté en 2013), l'hymne de la finale est interprété en live par un ou plusieurs artistes.
88
+
89
+ Les revenus générés par la Ligue des champions, comme les droits de diffusion télévisuelle ou les ventes de billets, sont gérés de façon centralisée par l'UEFA[21].
90
+
91
+ Une grande partie de ces recettes sont redistribuées aux clubs qui ont participé à la compétition : une partie est utilisée pour couvrir les frais d’organisation de la compétition et le reste revient à l’UEFA.La redistribution des recettes aux clubs est répartie comme suit :
92
+
93
+ Le nombre de clubs qualifiés par fédération ainsi que leur point d'entrée dans la compétition sont déterminés par les coefficients UEFA. Les meilleures associations peuvent avoir au maximum quatre clubs en Ligue des champions alors que pour les associations les plus faibles, seul le champion peut prendre part à la compétition. Lors des tirages au sort des matchs des tours préliminaires et de la phase de groupes, l'UEFA prend garde à ce que deux clubs d'une même association ne se rencontrent pas. Le tenant du titre est lui automatiquement qualifié, il en va de même pour le vainqueur de la Ligue Europa (si l'association a moins de quatre places qualificatives en Ligue des champions, elle en reçoit une de plus)[17].
94
+
95
+ À l'exception de la finale, toutes les rencontres ont lieu le mardi et le mercredi (si le match aller a lieu le mardi, le match retour a lieu le mercredi et vice versa). Pour les rencontres aller-retour à élimination directe, l'équipe ayant cumulé le plus de buts pour elle l'emporte. En cas d'égalité, la règle des buts marqués à l'extérieur s'applique ; et si elle ne donne rien le match retour est augmenté d'une prolongation ; et, si aucun nouveau but n'y est inscrit, d'une séance de tirs au but.
96
+
97
+ À partir de 2018, la formule de la Ligue des champions de l'UEFA se présente ainsi [17]:
98
+
99
+ Le vainqueur de la Ligue des champions de l'UEFA est officiellement champion d'Europe des clubs. Il rencontre le vainqueur de la Ligue Europa pour le lancement de la saison européenne suivante lors de la Supercoupe de l'UEFA. En décembre de l'année même, il participe également à la coupe du monde des clubs organisée par la FIFA dans un pays donné, et qui réunit les six vainqueurs continentaux (le club européen est directement admis en demi-finale).
100
+
101
+ Avant 2005, le vainqueur de la compétition affrontait à Tokyo celui de la Copa Libertadores (Amérique du Sud) lors de la Coupe intercontinentale.
102
+
103
+ 22 clubs ont remporté le tournoi depuis sa création en 1955. Le Real Madrid est le plus titré de l'histoire de la Ligue des champions avec 13 titres en 16 finales jouées. Deux autres formations ont atteint au moins dix finales : l'AC Milan (11) et le Bayern Munich (10).
104
+
105
+ 18 clubs ont atteint la finale sans jamais parvenir à la gagner. L'Atlético Madrid est le finaliste le plus malheureux avec trois finales jouées et donc aucune victoire.
106
+
107
+ La Juventus et le Benfica Lisbonne sont les deux seuls clubs titrés à avoir perdu plus de finales qu'ils n'en ont remportées. Ils restent d'ailleurs tous deux sur une série de 5 défaites consécutives en finale.
108
+
109
+ Des clubs de 10 pays différents ont remporté au moins une édition du tournoi.
110
+
111
+ Les clubs espagnols ont connu le plus de succès, remportant un total de 18 éditions.
112
+ L'Angleterre est deuxième avec 13 victoires et l'Italie troisième avec 12 victoires. Les autres vainqueurs sont l'Allemagne (7), les Pays-Bas (6), le Portugal (4) puis l'Écosse, la Roumanie, la Serbie et la France avec une victoire chacun. La Grèce, la Belgique et la Suède ont eux envoyé des clubs en finale sans réussir à soulever la coupe.
113
+
114
+ Mise à jour le 11 mars 2020
fr/962.html.txt ADDED
The diff for this file is too large to render. See raw diff
 
fr/963.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,151 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ Le Yangzi Jiang (en français fleuve Bleu, Yang-Tsé-Kiang ou simplement Yang-Tsé, en chinois Chang Jiang c'est-à-dire long fleuve) est le plus important des fleuves chinois avec un débit moyen de 30 000 m3/s et une longueur de 6 300 km. Il prend sa source dans l'ouest du pays sur le plateau tibétain, dans une région aride et dépourvue d'habitants à plus de 5 300 mètres d'altitude. Son cours prend d'abord une orientation sud-ouest et il descend du plateau de manière torrentielle en circulant dans des gorges profondes creusées dans les monts Hengduan. À près de 2 000 kilomètres de sa source le Yangzi arrive aux abords du plateau Yunnan-Guizhou et prend une direction générale d'ouest en est qu'il va conserver jusqu'à son débouché dans la Mer de Chine orientale. Il traverse successivement le riche bassin agricole du Sichuan et sa capitale économique Chongqing, les défilés des trois Gorges avant de pénétrer dans une vaste plaine caractérisée par de nombreux lacs et de grandes concentrations humaines dont la ville de Wuhan. En quittant cette plaine il passe par un dernier étranglement avant de former un delta de près de 200 kilomètres de long sur lequel se trouve une dizaine de villes millionnaires dont les mégapoles de Nankin et Shanghai.
4
+
5
+ Le fleuve et ses affluents drainent un bassin hydrographique de 1,8 million de kilomètres carrés peuplé par plus de 430 millions d'habitants. Le fleuve traverse les provinces du Qinghai, du Yunnan, du Sichuan, du Hubei, du Hunan, du Jiangxi, de l'Anhui et du Jiangsu et ses affluents irriguent également le Tibet, le Shaanxi, le Henan, le Guizhou, le Guanxi, le Guandong, le Fujian et le Zhejiang. Depuis plusieurs milliers d'années ses ressources en eau jouent un rôle central dans l'économie agricole de la Chine (en particulier la culture du riz et les pêcheries) et la survie de sa population. Les hommes ont tenté depuis plus de 4 000 ans de maitriser ses crues violentes en construisant des réseaux de digues. L'essor fulgurant qu'a connu l'économie chinoise depuis les années 1990 a entrainé la construction d'aménagements gigantesques sur son cours (barrages, canaux d'irrigation, lacs de retenue) tel que le barrage des Trois-Gorges. Mais l'industrialisation croissante du bassin versant, l'artificialisation du fleuve et de ses affluents ainsi que la croissance démographique ont entrainé des désastres écologiques en décimant les espèces endémiques. Les responsables chinois tentent désormais de concilier les besoins économiques et la préservation des écosystèmes.
6
+
7
+ Le Yangzi est le troisième fleuve du monde par sa longueur après l'Amazone et le Nil et par son débit après l'Amazone et le Congo. Ce n'est que le 10e fleuve pour la superficie de son bassin versant mais celui-ci est le plus peuplé.
8
+
9
+ Le Yangzi Jiang (chinois simplifié : 扬子江 ; chinois traditionnel : 揚子江 ; pinyin : Yángzǐ Jiāng ; Wade : Yang²-tzu³ Chiang¹ ; EFEO : Yang-tseu Kiang ; cantonais Jyutping : Joeng⁴-zi² Gong¹ ; litt. « fleuve Yangzi »écouter) ou Chang Jiang (长江 / 長江, Chángjiāng, « long fleuve » écouter) ne désigne en chinois que la partie aval du fleuve entre Nankin et l'embouchure[1]. Ce nom vient du petit bourg de Yangzi près de Yangzhou. Traditionnellement Yangzi Jiang (chinois : 揚子江) désigne la partie située en aval de Yangzhou[2] ou plus largement entre Nankin et l'embouchure. Les Européens ont retenu ce nom et l'ont appliqué à tout le fleuve. Le fleuve s'appelait autrefois Jiang Shui ou simplement Jiang. Le mot Shui en chinois classique désignant les fleuves ou rivières en général, et Jiang était le nom propre du Yangzi Jiang. Le sens du mot Jiang s'est élargi depuis, il signifie maintenant « fleuve » en général[note 1]. De nos jours pour leschinois, c'est le Chang Jiang, littéralement le « long fleuve » ou également Wanli Changjiang, le «Fleuve des mille li». Il est appelé en tibétain Dri chu (འབྲི་ཆུ་, Wylie bri chu, lit. « fleuve de la femelle du yack »).
10
+
11
+ Traditionnellement, chaque partie du fleuve porte un nom propre (en particulier dans la littérature). Ces différentes appellations sont déclinées dans le tableau ci-dessous[2] :
12
+
13
+ Le Yangzi est situé en Chine centrale et du sud qu'il traverse d'ouest en est. Il est long de 6 300 km et son bassin versant a une superficie de 1,8 millions de km2. Son bassin versant est compris entre les latitudes nord 35°54' et 24°17' et les longitudes est 112°25' et 90°33'. Avec ses affluents il irrigue plus de 95% des provinces du Sichuan, du Hubei, du Hunan, du Jiangxi et des municipalités de Chongqing et de Shanghai, 50 à 75% du Guizhou, 25 à 50% du Shaanxi, de l'Anhui, du Jiangsu et du Yunnan, 10 à 25% des provinces du Qinghai, du Zhejiang, du Henan, du Gansu, du Guangxi, du Guangdong, du Fujian et de la région autonome du Tibet. Son cours est tradictionnellement divisé de la manière suivante[3]. Le cours du Yangzi est habituellement divisé en trois sous-ensembles[4] :
14
+
15
+ La localisation précise de la source du Yangzi est longtemps restée inconnue, initialement à cause de l'absence d'outils de mesure précis, puis du fait de la situation reculée de la région des sources et enfin à cause de la complexité du réseau hydrographique sur le plateau tibétain. Il y a 3 000 à 4 000 ans le Yangzi, au débouché des Trois Gorges, pénétrait dans une région occupée par un grand nombre de lacs et de marécages qui ont été asséchés par la suite. La population était clairsemée et les habitants n'étaient pas capables de déterminer si le Yangzi était l'affluent du Han ou l'inverse bien que le débit moyen du Yangzi est 10 fois supérieur à celui de son affluent. En effet le cours du Han est à certains endroits très large (1 000 à 2 000 mètres) tandis que le lit du Yangzi Jiang peut s'étrangler à 200 mètres au niveau des Trois Gorges notamment à leur débouché avant Yijiang (passe de Nanjin). Un chapitre consacré au Grand Yu figurant dans le plus ancien des écrits chinois, le Classique des documents rédigé sans doute vers 500 avant J.C., corrige cette erreur mais indique que la source du Yangzi se situerait dans les monts Min et que la rivière Tuotuo (la véritable source) serait un affluent situé plus à l'est. Le fleuve Min va longtemps être considéré comme la source du Yangzi pour plusieurs raisons : à son confluent à Yibin le Yangzi/Jinsha a un débit moyen supérieur de seulement un tiers à celui de le Min, sa largeur est généralement inférieure car le fleuve circule la plupart du temps dans une vallée encaissée (150 à 200 m contre 400 à 1 000 mètres) et son cours n'est pas navigable contrairement à celui du fleuve Min. C'est le voyageur/géographe Xu Xiake (1587-1641) qui établit le premier que le Yangzi/Jinsha constitue le fleuve principal. Une expédition, organisée sous l'empereur Kangxi effectue une première reconnaissance de la région des sources sur le plateau tibétain sans toutefois parvenir à identifier précisément l'origine du Yangzi. Un atlas géographique publié en 1718 consigne ces découvertes. En 1761 Chi Zhaonan décrit de manière détaillée les différents cours d'eau situés dans la région des sources du Yangzi[5].
16
+
17
+ La recherche de la véritable source du Yangzi Jiang est relancée à partir des années 1970 lorsque plusieurs expéditions scientifiques chinoises sont organisées. Les trois principaux cours d'eau contribuant à la formation du Yangzi Jiang dans cette partie du plateau tibétain sont le Chumar, le Tuotuo et le Dangqu. La rivière Chumar est rapidement exclue en tant que source car son débit est le plus faible et elle s'assèche souvent en hiver. Le Dangqu a un débit cinq à six fois plus important que le Tuotuo et son bassin versant a une superficie plus importante. Mais la commission officielle chinoise retient le Tuotuo comme la source officielle du Yangzi Jiang pour plusieurs raisons : son origine est mieux établie, la distance à vol d'oiseau de l'estuaire est nettement plus importante et sa longueur est plus importante d'une vingtaine de kilomètres (des mesures effectuées par la suite prouveront que le Dangqu est en fait plus long de 12 km)[6]. D'un point de vue hydrologique son cours, plus long que celui du Tuotuo, en fait la véritable source du Yangzi.
18
+
19
+ Le Yangzi prend sa source sur le plateau tibétain dans la province chinoise du Qinghai au pied du mont Geladaindong qui culmine à 6 621 mètres et constitue le plus haut sommet des monts Tanggula. La source elle-même est située à une altitude de 5 395 mètres au pied du glacier sud qui descend de cette montagne. Après avoir émergé d'un canyon étroit la rivière circule sur un terrain relativement plat sillonné de petits cours d'eau et entouré de sommets arrondis. Le sol, couvert de neige en hiver, se transforme en prairie à la belle saison. La présence d'une épaisse couche de pergélisol (la température moyenne annuelle est inférieure à 0 °C) ne lui a pas permis de creuser un lit et la rivière, peu profonde, s'étale largement dans un paysage désolé et inhabité, balayé par des vents violents et dépourvu de toute végétation arbustive. La première section du fleuve, longue de 346 kilomètres, est baptisée Tuotuo. Sur cette partie de son cours d'eau la rivière descend d'une altitude de 5 400 à 4 470 mètres (pente de 2,69 ‰). Le bassin versant associé a une superficie de 17 600 km2[7].
20
+
21
+ Toute cette partie du plateau tibétain faiblement arrosé (moins de 250 mm de précipitations annuelles) est occupée par une steppe pratiquement déserte. La région des sources fait partie de la division administrative de niveau bourg de Tanggulashan (Préfecture autonome mongole et tibétaine de Haixi) qui occupe une superficie de 47 540 km2 mais compte seulement 1 300 habitants (densité : 0,03 habitants/km2). Ceux-ci sont concentrés dans une dizaine de hameaux situés le long des deux axes de transport qui relient Golmud à Lhassa et qui ont été construits côte à côte : la Route nationale 109 et la ligne ferroviaire Qing-Zang. Les habitants vivent de l'élevage de troupeaux de moutons. Une grande partie de la région des sources fait partie de la réserve naturelle des Sources des trois rivières (Sanjiangyuan) qui protège notamment les abords du mont Geladaindong et une grande partie du cours du Dangqu[8] .
22
+
23
+ La confluence avec le premier affluent d'importance - le Dangqu venu du sud - marque la fin de cette section et le cours d'eau prend alors le nom de Tongtian. Le Dangqu est long de 352 km et son bassin versant a une superficie de 30 786 km2. D'un point de vue hydrologique son cours, plus long que celui du Tuotuo, en fait la véritable source du Yangzi, mais officiellement et pour des raisons historiques (la source du Dangqu n'a été découverte qu'à la fin du XXe siècle) le gouvernement chinois a maintenu que le Tuotuo constituait la première section du Yangzi. Le Dangqu prend sa source à une altitude moins élevée que le Tuotuo et son cours, beaucoup moins pentu, divague au milieu de marécages. Après ce confluent le Tongtian continue de progresser sur le plateau glacé sur une longueur de 278 km (pente de 0,9 ‰) avant de recevoir son deuxième affluent d'importance venu du nord : la rivière Chumar longue de 515 km est alimentée par la fonte des neiges en provenance des monts Kunlun. Son bassin versant d'une superficie de 20 800 km2, caractérisé par la rareté de la végétation, est couverte de dunes de sable. Le long de cours d'eau l'érosion intense donne une couleur rouge aux eaux. Après ce confluent, le Tongtian parcourt 550 km dans un paysage montagneux. Le cours d'eau, dont la largeur se resserre entre 50 et 200 m, circule dans un canyon. Il dessert une première ville d'importance, Yushu, avant de recevoir un affluent de la rive droite : la rivière Batang. Il a alors parcouru 828 km depuis son confluent avec le Danqqu[7].
24
+
25
+ Cultures en terrasses au débouché des gorges du Saut du tigre (Yunnan).
26
+
27
+ Le premier coude du Jinsha (cours supérieur du Yangzi) à Shigu dans la province du Yunnan.
28
+
29
+ À partir de son confluent avec la rivière Batang le fleuve prend le nom de Jinsha (« sables dorés ») (autrefois Shengshui ou Lishui) qui lui a été donné à cause de la couleur jaune/dorée du sable de la rivière. Cette partie du fleuve est longue de 2 290 km. Le fleuve, qui perd 3 300 mètres d'altitude (pente de 1,45 ‰) entre ses deux extrémités, dispose d'un gros potentiel hydroélectrique. Jusqu'à la ville de Shigu le fleuve se dirige vers le sud-sud-est dans une vallée rectiligne qui est parallèle à celle de ses principaux affluents situés à l'est et des fleuves Mékong et Salouen à l'ouest. Il forme une frontière naturelle entre la région autonome du Tibet et la province du Sichuan. La Jinsha circule à travers des canyons profonds (jusqu'à 2 000 mètres) creusés dans les monts Hengduan où le cours d'eau semé de rapides se resserre jusqu'à 80 mètres de largeur. Dans des passages plus larges le fleuve, dont le lit atteint 200 mètres de large, est encombré de bancs de sable et d'ilots et est encadré par des terrasses sédimentaires. À Shigu le fleuve effectue un coude à 180 degrés et repart vers le nord. Il traverse les gorges du Saut du tigre, un canyon spectaculaire de plus de 2 000 m de profondeur devenu un lieu d'excursion touristique prisé[9].
30
+
31
+ Au niveau de la ville de Dongchuan, il part brusquement vers le nord et serpente dans les monts Hengduanshan au Yunnan, puis commence une inflexion vers l'est où il est rejoint par d'importants affluents (Yalong, Min et Jialing) qui le transforment en un gigantesque cours d'eau boueux, tourbillonnant et chargé des déchets et rejets des 120 millions d'habitants et cultivateurs du bassin du Sichuan.
32
+
33
+ La dernière section du cours supérieur, entre Yibin et Yichang, est longue de 1 040 kilomètres. La pente moyenne est de 2 ‰ et le bassin versant associé a une superficie de 530 000 km2. La largeur du lit du fleuve est comprise généralement entre 200 et 300 mètres dans les sections les plus étroites et 600 à 800 mètres dans les zones de plaines. Il y a de nombreux de sable et parfois le fleuve se divise en plusieurs chenaux. Le fleuve devient navigable. Cette section du fleuve est baptisé Chuan par les Chinois. La caractéristique la plus marquante de cette section du fleuve est que les principaux affluents du fleuve et peut être certains affluents secondaires, en particulier ceux de la rive droite, ont été capturés par le Chuan. Avant qu'il ne parvienne à rejoindre la mer de Chine orientale en perçant ce qui est aujourd'hui le défilé des trois gorges, le Chuan coulait dans le sens opposé vers le sud-ouest ce que montre bien l'orientation des affluents principaux au niveau de leur confluent[9].
34
+
35
+ Au niveau de son confluent avec le fleuve Jialing, un de ses principaux affluents, le Yangzi traverse l'agglomération de Chongqing, une des grandes villes de l'intérieur de la Chine avec ses 8 millions d'habitants. Cette ville détient également le record des pluies acides pour toute l'Asie orientale, des nuages sulfureux surplombant en permanence les vallées abritées de ce grand centre industriel.
36
+
37
+ À partir de la ville de Baidi, le fleuve Yangzi doit se frayer un chemin entre les monts Daba et les monts Wuling. Sur une longueur de 310 kilomètres il se faufile à trois reprises dans des gorges étroites et profondes taillées dans des roches dures. Entre ces Trois Gorges le cours du fleuve, qui peut creuser son lit dans des roches plus tendres, s'élargit. Le premier de ces défilés, le plus impressionnant, est la gorge de Qutang, longue de 8 kilomètres. La largeur du fleuve se rétrécit à 100 mètres et il est dominé par des montagnes qui le surplombent de 1 200 mètres. Les gorges de Wu sont une succession de gorges qui s'échelonnent sur 45 kilomètres entre Wushan et Guandukou (Badong). Enfin la gorge de Xiling, longue de 66 kilomètres, est comprise entre Zigui et le défilé de Nanjin, immédiatement en amont de la ville Yichang qui marque la limite inférieure du cours supérieur et l'arrivée dans un paysage de plaines. Xiling est formé d'une série de sept gorges. Cet ensemble de défilés, à cause de ses rapides, limitait fortement la navigabilité du fleuve avant la construction du barrage des Trois-Gorges édifié à une vingtaine de kilomètres en amont du défilé de Nanjin. Ce barrage gigantesque, inauguré en 2003, le plus grand des barrages jamais construit, retient à pleine capacité un plan d'eau situé 110 mètres plus haut que le fleuve en aval. Le lac de barrage créé ainsi s'étend sur une longueur de 660 km jusqu'à la ville de Chongqing et a permis de supprimer les obstacles à la navigation. Une série d'écluses permet à des navires de 10 000 tonnes de franchir le barrage. Les Trois-Gorges sont également un site de navigation touristique très fréquenté.
38
+
39
+ Après les Trois Gorges, le fleuve continue sa course vers la côte, mais en s'élargissant et en s'apaisant car son altitude n'est plus que de 10 mètres et il se trouve encore à 1 600 kilomètres de son embouchure. Il pénètre dans une région de plaines et sa pente devient très faible : 34 mm/km jusqu'à Wuhan et 14 mm/kilomètre par la suite. Selon la classification officielle le cours moyen du Yangzi débute immédiatement au sortir des gorges en amont de Yichang. Le fleuve traverse d'abord la province de Hubei baptisée la province des mille lacs car elle est parsemée de lacs et de méandres abandonnés. De nombreux affluents convergent dans cette plaine. Ce sont d'abord sur sa rive droite le Yuan et le Xiang, affluents de la rive droite qui se déversent par l'intermédiaire du lac Dongting, puis le Han, son affluent le plus long, qu'il reçoit sur sa rive gauche au niveau de la mégalopole de Wuhan. Entre Zhucheng (à une soixantaine de kilomètres en aval de Yichang) et le canal de communication avec le lac Dongting, le cours du fleuve divague fortement. Sur sa rive gauche la plaine Jianghan, une région de production agricole intensive, est sillonnée de milliers de canaux de drainage et les terres sont protégées par un immense réseau de digues. Sur la rive droite des déversoirs permettent en temps de crue de dériver les eaux excédentaires vers le lac Dongting. Toutefois celui-ci a vu sa superficie divisée par quatre au cours du siècle passé : les habitants ont progressivement colonisé ses rives en créant des polders tandis que les dépôts de sédiments arrachés par le fleuve à son cours moyen, ont fortement diminué sa capacité d'absorption des crues. Avant l'aménagement du barrage des trois gorges, le fleuve devenait navigable à partir de Yichang jusqu'à l'estuaire, créant une voie de communication parfaite pour écouler vers l'extérieur les productions locales. Aussi la densité des villes à vocation essentiellement commerciales s'accroit sur le cours du fleuve lui-même (Jinzhou, Shashi, Yueyang et Jiujiang) et celui de ses affluents navigables (Changsha et Nanchang)[10]. Le fleuve atteint à la hauteur de la mégalopole de Wuhan une largeur de deux kilomètres. En aval de Wuhan le Yangzi reçoit sur sa rive droite les eaux du Gan par l'intermédiaire du lac Poyang. La convergence de tous ces affluents depuis Yichang (Yuan , Xiang, Han et Gan) est à l'origine de crues violentes malgré le rôle amortisseur joué par les deux lacs en particulier le lac Dongting dont la superficie peut passer de 6 000 à 20 000 km2, ce qui permet de détourner une partie des eaux excédentaires. Mais malgré la profondeur et la largeur du lit du fleuve, celui-ci ne permet d'écouler qu'environ 46 000 m3/s. Lorsque le débit du fleuve dépasse 75 000 m3/s, comme en 1931, des inondations catastrophiques ont lieu.
40
+
41
+ Immédiatement après le déversoir du lac Poyang, en aval de Hukou, commence le cours inférieur d'une longueur de 938 km. Le fleuve est encombré de bancs de sable et se subdivise parfois en plusieurs bras. Le fleuve devient plus large à partir d'Anqing et la vitesse de ses eaux diminue. Une grande partie des alluvions transportées jusque là se déposent dans le lit du fleuve. À partir de Tongling les effondrements des berges sont fréquents. Arrivé à Jiangyin la largeur du fleuve passe de 1,4 à 5,7 kilomètres. C'est dans cette partie du fleuve que l'on peut commencer à trouver des esturgeons, des spatules et des alligators de Chine.
42
+
43
+ L'estuaire du Yangzi, qui officiellement débute à Xuluijing et s'étire jusqu'à la bouée 50 au débouché du fleuve dans la mer de Chine orientale, est long de 182 kilomètres et forme un large delta. Le cours du fleuve se subdivise une première fois en chenal nord et sud à la hauteur de l'île de Chongming. Celle-ci, longue de 32 kilomètres et large de 6,5 kilomètres a été formée par les dépôts alluvionnaires du Yangzi. La branche sud se subdivise à son tour au niveau des îles de Changxing et de Hengsha en chenal nord et sud. À la hauteur de ces iles sur la rive sud, se trouve Shanghai, la plus peuplée des villes chinoises et le moteur de son économie. Le fleuve reçoit la rivière Huangpu qui traverse cette mégapole. Enfin le banc de sable de Jiuduansha entraine la partition du chenal sud en passage nord et passage sud. Le fleuve se jette dans la mer par quatre chenaux : la branche nord, le chenal nord, le passage nord et le passage sud. Le passage nord constitue la principale voie d'eau pour la navigation au niveau du port de Shanghaï. Ces différents chenaux s'étalent sur 90 kilomètres du nord au sud[11].
44
+
45
+ La partie du delta formé par le fleuve qui n'a pas été occupée par les constructions, rassemble des terres agricoles, des lacs, des étangs, d'innombrables îlots et des milliers d'hectares de roselières.
46
+
47
+ Le Yangzi a plus de 7 000 affluents. Huit d'entre eux ont un bassin versant d'une superficie supérieure à 80 000 km2 : quatre sont situés sur le cours supérieur (Yalong, Min, Jialing, et Wu) et quatre se jettent dans le cours moyen du Yangzi : Yuan, Xiang via le lac Dongting, Gan via le lac Poyang et Han. 49 affluents ont un bassin versant d'une superficie supérieure à 10 000 m2 et le bassin versant de 437 affluents dépassent les 1 000 km2[12].
48
+
49
+ Les principaux affluents du Yangzi sont d'amont en aval [12] :
50
+
51
+ Il existe un très grand nombre de lacs sur le bassin du Yangzi Jiang. Leur superficie totale est d'environ 20 000 km2 soit 4% de celle du bassin versant. Ils sont principalement concentrés sur les cours moyen et inférieur du fleuve (92% de la superficie totale) notamment avec quatre des cinq plus grands lacs de Chine : le lac Dongting, le lac Poyang, le lac Tai et le lac Chao. Leur superficie a régressé de plus de 30% depuis 1949 du fait de la conjugaison de plusieurs facteurs : la construction d'ouvrages de contrôle des crues, un meilleur drainage des terrains, la lutte contre les parasites vivant dans les eaux stagnantes, l'envasement et la progression des terres cultivées par asséchement des rives. La circulation des eaux des principaux lacs, qui étaient autrefois directement connectés au fleuve Yangzi, est désormais bloquée (sauf dans le cas de Dongting et Poyang) par des écluses mises en place à la fin des années 1980. En conséquence les lacs ne peuvent plus jouer avec autant d'efficacité leur rôle d'amortisseur de crues[13]. Il y avait en 2009 46 000 réservoirs construits sur l'ensemble du bassin versant du Yangzi représentant une capacité de stockage de 250 milliards de m3. 166 de ces réservoirs ont à eux seuls une capacité de 191 milliards de m3.
52
+
53
+ La civilisation chinoise se développe initialement à partir du cours moyen du fleuve Jaune et s'étend à la Chine du nord. Mais très rapidement le fleuve Yangzi va jouer un rôle central dans l'histoire de la Chine.
54
+
55
+ Les premières traces d'activité humaines le long du fleuve remontent à 27 000 ans et ont été découvertes dans la région des Trois Gorges[14]. La culture de Hemudu et celle de Majiabang, qui sont les premières à cultiver le riz, occupent les terres autour du Yangzi inférieur à compter du 5e millénaire avant J.C.[15]. La culture de Liangzhu qui les remplace à compter du 3e millénaire avant J.C. est manifestement influencée par celle de Longshan qui occupe le cours moyen du Fleuve Jaune et crée les premiers éléments de la civilisation chinoise. On sait que les habitants du bassin versant du Yangzi, les Yue, avaient des coutumes très différentes de leurs voisins du nord, se noircissant les dents, tatouant leurs corps et vivant dans des petits villages entourés de roseaux[16] et étaient considérés comme des barbares par leurs voisins du nord. La vallée du Yangzi moyen est occupée à l'époque par des cultures néolithiques beaucoup plus sophistiquées[17],[18]. Par la suite ce seront les premières à passer sous l'influence culturelle de la Chine du nord. La plaine Jianghan, que traverse le cours moyen du Yangzi et subit les crues périodiques du fleuve qui reçoit plusieurs de ses grands affluents est à l'époque occupée par des marécages. Les premiers occupants commencent néanmoins à coloniser cette région dès le néolithique[19],[20].
56
+
57
+ Sur le cours inférieur du Yangzi deux tribus de Yue, les Gouwu et les Yuyue, entrent dans la sphère d'influence culturelle des Zhou (Chinois du nord) à compter du IXe siècle av. J.-C. et forment les royaumes de Wu et de Yue. Leurs habitants sont réputés pour leurs épées, leurs navires et comme pêcheurs. Ils adoptent les institutions politiques, l'écriture en caractères chinois et les technologies militaires de leurs puissants voisins du nord. L'état de Jing implanté initialement au nord de la Chine étend son emprise cours moyen du Yangzi en progressant le long du fleuve Han, affluent du Yangzi. Au cours de cette expansion il prend le nom d'état de Chu[21],[22]. Ayant établi sa capitale au milieu du cours moyen du Han, les dirigeants de l'état de Chu (500 ans avant J.-C.) contribuent à accélérer la colonisation du cours moyen du Yangzi.
58
+
59
+ Les États du bassin du Yangzi jouent un rôle politique croissant dans l'histoire de la Chine durant la Période des Printemps et Automnes (771-481) et celle des Royaumes combattants (481-221 av J.C.). Les conflits, qui embrasent la Chine du Nord, s'étendent au bassin du Yangzi lorsque l'État de Wu pour contrer la puissance croissante de son voisin, l'État de Chu, s'allie à l'État de Jin. Wu parvient en 506 av. J.-C. à saccager Ying, la capitale de son adversaire. Mais Chu s'allie à l'État de Yue et en 473 av. J.-C., Goujian, le roi de cet État, vainc et annexe l'État de Wu. Il déplace sa capitale dans la ville de Wu dans ce qui est aujourd'hui la ville de Suzhou. En 333 av J.-C., Chu prend le dessus sur son rival et annexe l'État de Yue.
60
+
61
+ En Chine du Nord, l'État de Qin fondé sur le bassin du Wei, affluent du Fleuve Jaune, monte rapidement en puissance en mettant en place une organisation étatique qui s'appuie sur une énorme armée financée par les excédents agricoles. L'état de Qin commence à étendre son territoire au bassin versant du Yangzi en annexant les États de Ba et de Su en 316 av JC. Tous deux sont situés dans le Sichuan sur la cours supérieur du Yangzi. En 278 av JC, Quin, qui achevé la conquête de la Chine du Nord, attaque l'état de Chu qui domine le cours inférieur du Yangzi et constitue son dernier grand rival. Après sa victoire Qin Shi Huang fonde le premier empire chinois[13]. C'est l'état de Qin qui réalise les premiers travaux d'irrigation d'envergure dans le bassin du Yangzi : le système d'irrigation de Dujiangyan créé en 256 avant J.C. près de Chengdu (Sichuan) dérive les eaux de la Min, un affluent du Yangzi. Il permet d'accroitre fortement la production agricole de la plaine environnante. Les ressources excédentaires produites permettent à l'état de Qin de réaliser la campagne d'unification de la Chine. Cet ouvrage toujours opérationnel 2 260 ans après leur réalisation est classé au patrimoine mondial de l'Unesco en tant que plus ancien ouvrage hydraulique du monde[23]. Après sa victoire l'empereur Qin Shi Huang étend son territoire vers le sud en annexant grande partie de la région de Guangzhou, du Guangxi et sans doute aussi du Fujian en effectuant une poussée jusqu'à Hanoï. Pour permettre cette conquête en facilitant le ravitaillement des armées, il fait construire le canal Lingqu qui met en communication la rivière Xiang, affluent du fleuve Yangzi Jiang avec la rivière Li qui fait partie du bassin versant de la rivière des Perles et irrigue les territoires ennemis. Ce canal long de 32 kilomètres, qui épouse les courbes de niveau du relief, est le premier ouvrage de ce type construit par l'homme[24].
62
+
63
+ Le territoire de l'empire a été divisé en 36 commanderies[13]. La chute de la dynastie Qin intervient très rapidement (206 av J.C.) et l'empire éclate alors en plusieurs états. Les commanderies du sud forment le royaume de Nanyue dont le territoire comprend le Guandong, le Guangxi et Yunnan tandis que le reste de l'empire se retrouve divisé en 18 royaumes. Très vite, deux puissances en émergent ː le royaume du Chu occidental, dirigé par Xiang Yu et le royaume de Han dirigé par Liu Bang. La guerre Chu-Han (206-202 av JC) les opposent et s'achève par la victoire du Han. Lui Bang se proclame empereur et fonde la dynastie Han. Sous le règne de ces empereurs (206 av J.C. - 220 après J.C.), la région du Yangzi joue un rôle croissant. Les systèmes d'irrigation, qui avaient commencé à être mis en place sous les Qin sont étendus. Certaines zones inondables sont transformées en terres agricoles et des digues sont construites le long du fleuve, en particulier sur le cours moyen[25], ainsi que le long de ses affluents pour les protéger des crues saisonnières.
64
+
65
+ À la chute de la dynastie Han débute la période des trois royaumes (220-280 ap JC) La Chine éclate en trois états : le royaume de Wei qui domine le bassin du fleuve Jaune au nord, celui de Wu qui s'étend au cours moyen et inférieur du Yangzi et le royaume de Shu centré sur le bassin du Sichuan. Les Wu généralisent la pratique du tuntian qui permet de mobiliser de vastes ressources humaines, notamment les réfugiés chassés par les conflits en cours et les soldats désœuvrés, pour tranformer des terrains en friche en terres agricoles. Ce système permet de créer les premiers polders dans les zones inondables du cours inférieur et moyen du Yangzi. Cette organisation sera reprise de manière systématique par les successeurs des Wu. Le royaume initie la mise en valeur du delta du Yangzi, une région de marais jusque là impropre à une exploitation agricole, avec les premiers travaux hydrauliques autour du lac Tai. Ce début de mise en valeur est également lié à l'implantation de la capitale à Nankin et à l'afflux de réfugiés fuyant les combats dans le nord de la Chine[26].
66
+
67
+ Sous les dynasties Sui (581–618) et Tang (618–907) les ouvrages hydrauliques se multiplient dans la région du lac Tai et à sa périphérie au sud : construction de digues pour protéger des crues du fleuve mais également de l'envahissement des terres du delta par la mer, construction de réservoirs (bei-tang) pour irriguer les terres durant la saison sèches, constructions de canaux destinés selon le cas à drainer ou à irriguer, multiplication des polders (weitian), gagnés sur les hauts fonds lacustres et les terres marécageuses. Le delta du Yangzi et sa périphérie deviennentt une région agricole exportatrice.
68
+
69
+ Le Yangzi devient l'artère principale du système de voies fluviales de la Chine de l'intérieur et le restera jusqu'à la construction du réseau de chemins de fer au XXe siècle. Le Grand Canal qui relie le Yangzi au fleuve Jaune (1 776 km) est achevé sous la dynastie Sui (581–618 ap. JC) et sera en partie refondu et complété entre 1271 et 1633 pour lui permettre de desservir Pékin. Dans sa partie sud il traverse le delta du Yangzi. Il est utilisé principalement pour transporter en Chine du nord, les excédents agricoles produits dans cette région. Au plus fort de son utilisation il est sillonné par 8 000 jonques et sampans[27] qui transportent chaque année environ 300 000 tonnes.
70
+
71
+ La mise en valeur agricole du cours moyen du Yangzi est beaucoup plus tardive. Elle se fait principalement au XIIe siècle sous la dynastie des Song du sud et est parachevée sous les dynasties Ming et Qing qui en font à son tour une région agricole clé de l'empire chinois. Deux régions agricoles importantes sont ainsi créées. Le bassin du Nanyang au nord du Hubei où domminent les digues (di) et enceintes (yan). Les principaux ouvrages sont les systèmes d’irrigation de Liumenyan et Hongquebei et la canalisation de la rivière Bai (affluent du Han) qui permet de créer une liaison fluviale entre Pékin et le moyen Yangzi. La deuxième région est la plaine des deux lacs (Dongting et Poyang) une zone dépressionnaire qui était jusqu'à cette époque un immense marécage sillonné par de multiples cours d'eau. Les aménagements effectués se traduisent par la création d'un ensemble de lacs et la création de polders protégés par des digues circulaires (weiyuan)[28].
72
+
73
+ Sur le plan politique, le Yangzi, trop large pour être franchi par un pont devient une frontière naturelle qui sépare la Chine du nord et la Chine du sud. Le fleuve joue ce rôle de frontière en particulier durant les dynasties du Nord et du Sud (420-589) et à l'époque des Song du sud (1127-1279). De nombreuses batailles ont lieu le long du fleuve, la plus connue étant la bataille de la Falaise rouge (208) à l'époque des Trois Royaumes. Durant les guerres entre les dynasties Jin et Song, plusieurs batailles navales ont lieu sur le fleuve. Les plus connues sont la bataille de Caishi (1161) qui permet aux Song de repousser l'invasion des Jin et la bataille de Tangdao qui a lieu la même année.
74
+
75
+ Sous la dynastie Song ((960-1279) le bassin versant du Yangzi inférieur (le Jiangnan) devient la région la plus prospère du territoire chinois et fournit entre un tiers et la moitié des revenus du pays. La région du cours moyen autour de Wuhan, le Janghan, deviendra à son tour un important grenier à céréales à compter de la dynastie de Ming(1368-1644)([29].
76
+
77
+ La révolte des Taiping, un grand soulèvement populaire, balaye entre 1851 et 1864 le bassin versant des cours inférieur et moyen du Yangzi. Son origine est multifactorielle : forte croissance démographique, série de catastrophes naturelles (crues des principaux fleuves), pression fiscale et incompétence des gouvernants. Les insurgés occupent Nankin en 1853 dont ils font leur capitale et prennent rapidement le contrôle de l'ensemble du bassin versant du fleuve jusqu'à Wuhan mais ils échouent dans leurs tentatives de conquérir Shanghai, Pékin et le cours supérieur du Yangzi. C'est seulement en 1864 que les Qin parviennent à reprendre Nankin et à vaincre les principales armées de la rébellion. Le bilan de la révolte sur le plan humain est terrible : 10 à 30 millions de morts et 30 millions de fugitifs[30]. Les villes et les régions de l'intérieur sont désertées au profit des villes côtières comme Shanghaï dont la population connait une croissance exponentielle.
78
+
79
+ Les premiers bateaux à vapeur à circuler sur le Yangzi, sont des navires anglais armés qui viennent appuyer les troupes anglaises au cours de la première guerre de l'opium qui oppose le Royaume Uni à la Chine. Le traité de Tien-Tsin (1858) impose à la Chine notamment la libre circulation de bateaux de commerce et militaires européens sur le Yangzi et l'ouverture au commerce international de plusieurs ports situés sur ce fleuve : Hankou et Nankin dans un premier temps puis Wuhan et Jiujiang une fois que les Qing ont reconquis les territoires occupés par la révolte des Taiping[31]. Un premier armateur britannique, la China Navigation Company, est créée en 1876 pour transporter marchandises et passagers le long du cours du fleuve. Des armateurs chinois créent leurs propres flottes de navires à vapeur qui remontent le fleuve jusqu'à Yichang à 1 600 kilomètres de l'embouchure. Les navires océaniques parviennent à remonter jusqu'à Hankow à 1 000 kilomètres de l'embouchure tandis que les 300 premiers kilomètres du fleuve sont accessibles par n'importe quel navire de haute mer de l'époque.
80
+
81
+ Avec l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping en 1979, les dirigeants chinois adoptent une politique d’ouverture (kaifang) qui est d'abord testée dans le sud de la Chine (Zone économique spéciale de Shenzhen). Elle est ensuite progessivement étendue au bassin du Yangzi à compter de 1990 d'abord dans le delta (Nouvelle Zone de Pudong à Shanghai) puis à l'intérieur des terres[28]
82
+
83
+ Le Yangzi est un fleuve typique des régions soumises au régime de la mousson avec des précipitations concentrées durant l'été et un minimum durant l'hiver. 70% du bassin fluvial du Yangzi étant situé dans des régions de hautes montagnes ou de collines, les phénomènes d'érosion et de ravinement généré par les crues éclairs sont omniprésents. En conséquence le fleuve transporte une proportion importante de sédiments[32].
84
+
85
+ La majorité du bassin versant du fleuve est situé dans les régions tempérées ou sous l'influence de la mousson. La hauteur des précipitations reflète cette situation avec une moyenne annuelle de 1 087 mm. Mais la distribution spatiale de ces précipitations est hétérogène. Elles sont les plus faibles au niveau des sources sur le haut plateau tibétain : inférieures à 50 mm au tout début du cours, elles restent inférieures à 200 mm sur les 1 200 premiers kilomètres jusqu'à Yushu. Malgré le climat glacé de ce plateau et des zones montagneuses environnantes, qui sont favorables aux chutes de neige et permettent la présence de nombreux glaciers[note 3], l'essentiel de l'apport en eau se fait sous forme de pluie : la fonte des glaces ne représente que 7,7 % du volume à Yushu. En aval de cette ville, la hauteur des précipitations augmente rapidement et est compris entre 600 et 1 200 mm sur tout le cours moyen et inférieur du fleuve. Les précipitations sont supérieures à 1 200 mm dans la partie occidentale du Sichuan, la partie occidentale des monts Daba et sur le bassin fluvial des fleuves se jetant dans les lacs Dongting et Poyang[33].
86
+
87
+ Les précipitations sont réparties de manière inégale au cours de l'année[34] :
88
+
89
+ Précipitations annuelles moyennes sur le bassin versant du Yangzi Jiang.
90
+
91
+ Températures annuelles moyennes sur le bassin versant du Yangzi Jiang.
92
+
93
+ Le débit total du fleuve a été observé pendant 64 ans (1923–1986) à Datong, ville située à quelque 511 kilomètres de son embouchure dans la mer de Chine orientale. Datong est la dernière station de mesure sur le fleuve qui échappe à l'influence de la marée[35]. Au niveau de cette station, le débit annuel moyen ou module observé sur cette période était de 28 811 m3/s pour un bassin versant de 1 712 673 km2. Cette surface représente plus de 95 % du bassin versant total de 1 800 000 km2 du fleuve, et ne diffère que de peu avec le débit final à son embouchure. La lame d'eau écoulée dans le bassin versant du fleuve atteint donc le chiffre de 531 millimètres par an.
94
+
95
+ Le débit moyen évolue de la manière suivante de l'amont vers l'aval :
96
+
97
+ Le bassin versant du Yangzi est situé dans la région des moussons d'été. Les crues du Yangzi constituent un phénomène récurrent qui découle de la concentration des précipitations sur la période estivale (70 à 80% des précipitations annuelles) et du volume des précipitations important sur une grande partie du bassin versant et particulièrement élevé dans sa partie sud-est. Lorsque le courant El Niño est actif, les anticyclones positionnés sur le nord-ouest de l'Océan Pacifique se renforcent et la mousson d'été génère des précipitations plus importantes. Les crues ont lieu principalement en juin et juillet. Elles sont souvent dévastatrices et ont contribué à freiner le développement de cette région en particulier le long des cours moyen et inférieur (de Yichang à l'estuaire). Depuis plus de mille ans les hommes tentent de lutter contre les crues sur cette partie du cours du fleuve en construisant des digues (2 000 km le long du Yangzi). Leur sommet domine désormais de 10 à 15 mètres la plaine environnante et le lit du fleuve a été surélevé par le dépôt de sédiments (on parle de fleuve suspendu). De nombreux lacs, en particulier le lac Dongting et le lac Poyang jouent un rôle central dans la gestion des crues en recueillant une grande partie des eaux excédentaires. Mais ces étendues d'eau ainsi que les zones marécageuses ont été en grande partie transformées en polders, un phénomène ancien mais qui s'est accéléré récemment. Au cours au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, les hommes ont largement modifié les conditions d'écoulement du Yangzi et de ses affluents. Ils ont défriché une grande partie des forêts étaient prépondérantes sur le cours supérieur du fleuve et de ses affluents, accentuant les phénomènes d'érosion et donc de comblement des lacs par les sédiments et réduisant la capacité d'absorption des pluies par les sols désormais dénudés[36].
98
+
99
+ Les crues sur le Yangzi constitue un phénomène récurrent. Au cours des 1000 dernières années la fréquence des crues s'est accrue passant de 5 ans en moyenne durant la dynastie Song-Yuan (960-1367) à 3 ans dans la deuxième moitié du XXe siècle et elle s'est encore accélérée au cours de la première décennie du XXe siècle. Le débit sur le bassin versant est compris entre 20 000 m3/s et 90 000 m3/s. Sur la période 1865-1895 il y a eu 11 crues avec un débit supérieur à 45 000 m3/s sur le cours supérieur, 17 crues avec un débit supérieur à 50 000 m3/s sur le cours moyen et 6 crues avec un débit supérieur à 60 000 m3/s sur le cours inférieur. Alors que le débit moyen du fleuve tend à diminuer au cours des cinquante années analysées, le débit durant les crues durant les crues tend à augmenter. La dernière crue majeure du fleuve au 21e siècle a eu lieu en 1998. Elle a duré deux mois et demi avec un débit atteignant 45 000 à 50 000 m3/s sur le cours supérieur, 60 000 à 70 000 m3/s sur le cours moyen et 75000 à 80 000 m3/s sur le cours inférieur. Cet épisode a mis en évidence que les ouvrages mis en place pour réduire les inondations, la réduction de la taille des lacs et l'érosion affectant un tiers de la superficie du bassin fluvial ont contribué à accroitre le niveau des eaux durant la crue[36].
100
+
101
+ En juin 2020, la crue à atteint un record datant de 1940. Au 24 juin, les eaux sont montées 5 mètres au-dessus du niveau habituel dans le Xian de Qijiang de la municipalité de Chongqing. Selon la Direction nationale des situations d’urgence, plus de 11 millions de personnes dans 24 provinces du sud de la Chine ont été affectées par ces inondations dues à de fortes pluies, 500 000 ont été évacuées, 9 300 bâtiments ont été détruits, le tout causant une perte économique de 24 milliards de yuans (3 milliards d’euros). Au moins 39 personnes sont mortes ou portées disparues[37].
102
+
103
+ Le Yangzi Jiang alimente en eau 40 % du territoire chinois et 70 % de la production rizicole[38].
104
+
105
+ Le bassin versant du Yangzi avec son système de lacs forme un ensemble d’habitats aquatiques très variés qui a permis à de nombreux types d'espèces d'y vivre. On trouve 370 espèces de poissons ce qui place le fleuve au premier rang parmi les fleuves asiatiques. Sur ces 370 espèces, 294 sont des poissons d'eau douce, 22 vivent dans des eaux saumatres, 9 sont des espèces circulant entre la mer et le fleuve et 45 sont des espèces marines. 142 de ces espèces sont endémiques (vivent uniquement dans le bassin fluvial du Yangzi) dont 112 vivent sur le cours supérieur du fleuve, 21 sur le cours moyen et inférieur et 9 sur l'ensemble du bassin versant. 188 espèces vivent uniquement dans la Réserve naturelle des espèces de poisson endémiques du cours supérieur du Yangzi. Neuf d'entre elles figurent sur la liste des espèces à protéger dont trois au niveau maximal (niveau I) : l'esturgeon chinois, l'esturgeon du Yang Tsé et l'espadon de Chine. Six espèces bénéficient d'une protection de niveau inférieur (niveau II) : le taimin du Sichuan (de la famille du saumon), la loche de Chine, sinocyclocheilus grahami, le Dali schizothoracin, la grande anguille marbrée et le trachidermus fasciatus[39].
106
+
107
+ Les caractéristiques de certaines des espèces spécifiques au bassin versant du Yangzi sont détaillées ci-dessous :
108
+
109
+ Le bassin fluvial du Yangzi abrite également 145 espèces d'amphibiens dont 49 ne vivent que dans cette région. La plupart de ces dernières se trouvent sur le cours supérieur du fleuve ainsi que ses affluents. Cinq de ces espèces sont inscrites sur une liste dont la conservation est suivie par l'état chinois : la salamandre géante de Chine, le triton bosselé de Guizhou, le triton bosselé noir et le crapaud buffle asiatique. 62 espèces d'amphibiens sont considérées comme menacées. Le cours moyen et inférieur du Yangzi offrent des environnements particulièrement favorables aux amphibiens, mais le milieu naturel y a eté en grande partie détruit ou fragmenté entrainant le déclin des espèces qui y vivaient[40].
110
+
111
+ L'équipement de la Chine en barrages hydroélectriques débute en 1912. Jusqu'en 1949, la guerre civile ainsi que le conflit avec le Japon freinent la réalisation de ces ouvrages et les seuls barrages d'une taille significative sont construits par l'occupant japonais dans le nord de la Chine. Après la victoire du parti communiste chinois en 1949, la priorité est donnée à l'irrigation par rapport à la production d'électricité pour faire face à la forte croissance de la population qui atteint 583 millions d'habitants en 1953. Dans un contexte politique très agité (notamment Révolution culturelle), plusieurs grands barrages sont construits entre 1960 et 1979 sur les affluents du Yangzi : barrage de Zhexi sur le fleuve Zi en 1962 (947 MW), barrage de Danjiangkou sur le fleuve Han en 1973 (900 MW) et barrage de Wujiangdu sur le fleuve Wu en 1979. À compter des années 1980 les dirigeants chinois optent pour une politique d'ouverture et de privatisation partielle. La Banque mondiale et la banque pour le développement en Asie ainsi que des gouvernements étrangers consentent des prêts qui permettent de lancer des projets de centrales hydroélectriques ambitieux[41].
112
+
113
+ La barrage de Gezhouba construit sur le cours moyen du Yangzi en 1988 est le premier ouvrage de grande taille (2 715 mégawatts) réalisé sur le fleuve. La construction du barrage des Trois-Gorges, situé en aval de Gezhouba à la limite de la région montagneuse du cours supérieur du Yangzi et de la plaine du moyen Yangzi, doit établir un nouveau record mondial en matière de puissance installée (22 500 MW). Sa construction est lancée en 1993 malgré une opposition domestique et internationale qui souligne les répercussions du projet : le déplacement de 1,3 million de personnes, la disparition de terres agricoles fertiles, l'engloutissement de nombreux sites historiques et l'impact écologique. Les partisans mettent en avant la prévention des crues, l'amélioration de la navigabilité, la production de l'électricité et le rôle symbolique d'un projet qui démontre les nouvelles capacités de la Chine. L'opposition intérieure qui ne dépasse pas le cercle des hydrologues en Chine, est muselée. Toutefois à la fin des années 1990, plusieurs événements et catastrophes mettant en évidence les atteintes écologiques produites par une croissance débridée (crue de 1998 du Yangzi, tempêtes de sable à Pékin...) entrainent une certaine sensibilisation de la société civile[41].
114
+
115
+ La décentralisation de l'État, les réformes économiques (ouverture aux investissements étrangers, économie de marché) entrainent une croissance annuelle de plus de 10 % sur la période 1990-2004. Pour faire face à la croissance de la consommation et décarboniser sa production d'énergie, les dirigeants chinois lancent un plan ambitieux de construction de centrales hydroélectriques qui prévoit de disposer d'une capacité de 270 GW en 2015 et de 330 GW en 2020. Les ingénieurs maitrisent désormais la technologie et il n'est plus nécessaire d'importer les équipements qui sont produits localement. De plus la Chine peut autofinancer ses projets. La construction des barrages est alors réalisée à un rythme étonnamment rapide. Celle-ci est confiée à cinq sociétés contrôlées par l'État chinois[41]. Au cours des décennies 2000 et 2010 le Yangzi et ses affluents sont équipés d'un très grand nombre de barrages qui contribuent à faire de la Chine à compter de 2010 le plus grand producteur mondial d'énergie hydroélectrique. La puissance totale installée sur le bassin versant du Yangzi dépasse fin 2019 les 111 000 MW et ceux-ci produisent annuellement plus de 500 TWh/a. Plusieurs grands barrages ajoutant une capacité de 30 000 MW doivent être inaugurés en 2020/2021.
116
+
117
+ Les principaux barrages hormis ceux des Trois-Gorges de Gezhouba et le Goupitan (construit sur l'affluent Wu) sont installés sur le cours supérieur du fleuve Yangzi (Jinsha) et sur ses premiers grands affluents qui descendent comme lui du plateau tibétain : le Yalong et le Dadu affluent du Min. Les plus importants sont :
118
+
119
+ Durant plusieurs millénaires et jusqu'au milieu du XXe siècle aucun pont ne franchissait le Yangzi entre Yibin et l'embouchure du fleuve à Shanghai, soit sur près de 3 000 kilomètres. Le fleuve, du fait de sa largeur, constituait une barrière physique séparant la Chine du nord de la Chine du sud. Pour traverser les voyageurs et les marchandises devaient emprunter des ferrys. Ainsi les passagers des deux artères ferroviaires principales du pays reliant Pékin à Canton d'une part et Péking à Shanghaï d'autre part devaient quitter leur train respectivement à Wuhan et Nankin pour franchir le fleuve à bord de ferrys avant de poursuivre leur trajet ferroviaire jusqu'à leur destination. À la suite de la prise de pouvoir des communistes en 1949, les dirigeants chinois font appel aux ingénieurs soviétiques pour concevoir et construire le pont de Wuhan à usage mixte ferroviaire/routier. La construction débute en 1955. Celui-ci devient le premier pont à franchir le Yangzi en 1957 supprimant la rupture de charge sur la ligne de chemin de fer Pékin-Canton. Il est suivi par un pont ferroviaire à voie unique construit à Chongqing (1959) puis par le pont de Nankin à usage mixte qui permet à parti de 1968 d'établir la continuité de la ligne ferroviaire Pékin-Shanghaï et qui est marqué au cours de sa construction par la rupture des relations entre la Chine et l'Union soviétique. Par la suite les ingénieurs chinois devront se passer de l'assistance des soviétiques. Durant la décennie 1980 le rythme de construction des ouvrages de franchissement du Yangzi se ralentit mais il reprend vigoureusement dans les années 1990 et se poursuit depuis. Désormais le fleuve est franchi par des dizaines d'ouvrage dont certains établissent des records comme le pont suspendu de Jiangyin (portée 1 385 mètres) inauguré en 1999, le pont suspendu de Runyang (portée 1 490 mètres) achevé en 2005 et le pont à haubans de Sutong (portée 1 088 mètres) inauguré en 2008.
120
+
121
+ Le pont de Jiujiang est un pont à trois arcs achevé en 1992.
122
+
123
+ Le pont de Yichang est un pont suspendu construit en 1996.
124
+
125
+ Le pont de Sutong qui relie Nantong à Suzhou était un des plus longs ponts à haubans lorsqu'il a été achevé en 2008.
126
+
127
+ Les grandes concentrations humaines de la Chine du nord, en particulier les agglomérations de Pékin et Tianjin, ne disposent pas de ressources en eau suffisantes. En 2012 pour la ville de Pékin les ressources combinées des rivières proches étaient en mesure de fournir environ 120 m3 d'eau à chaque habitant alors que selon la norme établie par les Nations Unies, le seuil de détresse hydrique est fixé à 500 m3 par habitant. Pour remédier à cette situation, la ville de Pékin tente de réduire les quantités d'eau consommées et puise dans les ressources de la province de Hebei et dans les nappes phréatiques dont le niveau baisse de 2 à 3 mètres par an. Alors que la Chine du nord relativement aride connait une pénurie chronique, la Chine du sud bénéficie de précipitations abondantes et dispose au contraire de ressources en eaux excédentaires[104].
128
+
129
+ Le projet de transfert d'eaux sud-nord (en chinois 南水北调工程; en pinyin : Nánshuǐ Běidiào Gōngchéng) est évoqué dans les années 1960 par Mao : son objectif est de détourner une partie des eaux du Yangzi et de ses affluents pour fournir de l'eau au nord de la Chine. Il ne prend corps qu'au début des années 2000 . Ce gigantesque projet comprend la construction de trois ensembles de canalisations pour amener l'eau vers le nord :
130
+
131
+ Le projet, qui devrait être achevé dans son ensemble en 2050, devrait détourner 45 milliards de mètres cubes d’eau à l'horizon 2050 par an soit environ 1 400 m3/s (pratiquement l'équivalent du débit du Rhône à son embouchure)[105]. En 2014 sa mise en œuvre avait déjà couté 79 milliards d'US$[106].
132
+
133
+ Le projet a un impact humain et écologique. Pour surélever le barrage du barrage du Danjiangkou il a fallu déplacer 345 000 personnes qui occupaient des terrains désormais sous les eaux. Les prélèvements sur le Han pourraient menacer les ressources en eau de la région traversée par ce fleuve et il est question de prélever une fraction des eaux du barrage des trois gorges pour le transférer dans le barrage du Danjiangkou[104].
134
+
135
+ En mai 2006, des experts chinois ont publié des rapports alarmants sur l'état de la pollution du fleuve. L'approvisionnement en eau potable de l'agglomération de Shanghai pourrait devenir problématique si aucune solution n'est trouvée. L'autre problème concerne le nombre d'espèces animales peuplant les rives du fleuve : leur nombre est passé de 126 au milieu des années 1980 à 52 en 2002.
136
+
137
+ Le tiers de la pollution proviendrait des engrais chimiques, des pesticides et des rejets agricoles, le reste venant des villes, du secteur industriel et des bateaux. D'ailleurs ces eaux sont considérées comme les plus turbides de la planète, avec un transport de sédiments qui est estimé à 680 millions de tonnes par an[107].
138
+
139
+ Bien qu'il alimente 40 % du territoire chinois et fournisse l'eau nécessaire à 70 % de la production rizicole, 25 milliards de tonnes d'eaux souillées urbaines et industrielles y sont déversés chaque année[38].
140
+
141
+ L'érosion des sols touche 622 200 km2 soit 34,6% de la surface du bassin versant du Yangzi. Le fleuve et ses affluents emportent 2,4 milliards de tonnes de sédiments par an. L'érosion touche plus particulièrement le cours inférieur du fleuve Jinsha (Yangzi, le bassin versant de la Hialing, de la Tuo, le cours moyen de la Min, les cours supérieurs de la Wu et de la Chishui, la région des Trois-Gorges et le cours supérieur de la Han. Cette érosion est principalement liée à la conversion des régions vallonnées couvertes de forêts et des prairies en terres cultivées mais également à l'exploitation de carrières, la construction de routes, l'exploitation des mines et différents projets de construction. La superficie touchée s'accroit de 1 000 km2 par an ce qui accroit la masse des sédiments emportés de 150 millions de tonnes[108].
142
+
143
+ Les barrages et retenues d'eau perturbent l'écoulement du fleuve et son écosystème[109].
144
+
145
+ Les sédiments transportés par le fleuve jouent un rôle central dans le maintien du lit du fleuve, la relation du fleuve avec ses lacs et la formation de son estuaire. Les barrages et les réservoirs modifient le processus de transport des sédiments ce qui affecte directement le cours du Yangzi l'habitat des organismes aquatiques[110].
146
+
147
+ Sur les autres projets Wikimedia :
148
+
149
+
150
+
151
+ Les coordonnées de cet article :
fr/964.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,23 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+ Une chanson, ou un chant, est une œuvre musicale composée d'un texte et d'une mélodie destinée à être interprétée par la voix humaine. Cette interprétation peut se faire sans accompagnement instrumental, c'est-à-dire a cappella, ou au contraire être accompagnée d'un ou plusieurs instruments (guitare, piano, groupe, voire un big band ou un grand orchestre symphonique). Elle peut être à une voix (monodie) ou à plusieurs (polyphonie) comme dans une choral.
2
+
3
+ Simple comptine enfantine de quelques mots ou longue chanson de geste (voir les 4 002 vers de La Chanson de Roland du XIIe siècle), cette expression littéraire et musicale peut revêtir des formes et des structures diverses (couplet/refrain, strophe ou laisse, canon, mélodie accompagnée ou lied allemand…) et couvrir des genres bien différents comme la musique traditionnelle ou folklorique, la musique classique ou ethnique, le rock 'n' roll ou le jazz, le rap ou le slam.
4
+
5
+ La création d'une chanson nécessite généralement la participation de deux artistes : l'auteur des paroles (parolier) et le compositeur de la musique. Leur travail se fait à leur gré, la mélodie naissant parfois du texte ou le texte de la mélodie, ou même les deux simultanément comme pour certains auteurs-compositeurs.
6
+
7
+ L'interprète (le chanteur ou la chanteuse) donne vie à la création. Certains artistes comme Georges Brassens, Jacques Brel, Charles Aznavour ou Jean-Jacques Goldman, (parmi bien d'autres), réunissent les trois fonctions et sont alors nommés auteurs-compositeurs-interprètes ou chansonniers dans la tradition jusqu'au début du XXe siècle.
8
+
9
+ Parfois, un quatrième musicien intervient : l'arrangeur musical, celui qui harmonise et donne la couleur particulière à la chanson par son orchestration (organisation des instruments d'accompagnement, notamment lors d'un enregistrement).
10
+
11
+ Une chanson est composée le plus souvent d’une introduction, d’un couplet, d’un refrain, d'un pont et d’une fin. La longueur de ses éléments varie en fonction des choix opérés par les auteurs-compositeurs et aussi en lien avec les médias qui diffusent les chansons (notamment la radio, qui impose des critères plus ou moins stricts).
12
+
13
+ Le couplet est l'une des deux structures mélodiques constitutives se déroulant en alternance avec le refrain et dont la principale caractéristique est de présenter des paroles différentes à chaque nouvelle exposition, ce qui permet de faire évoluer le contenu du récit. La musique, c’est-à-dire les accords du couplet souvent ne changent pas au cours de la chanson.
14
+
15
+ Le refrain est la répétition régulière de paroles d’une même chanson. C’est la partie de la chanson dont les gens se souviennent le plus souvent. Généralement, les différents refrains d'une même chanson possèdent non seulement les mêmes paroles, mais aussi la même mélodie.
16
+
17
+ Il peut y avoir un pré-refrain qui est une courte partie qui se trouve directement avant un refrain mais qui se distingue du couplet par les paroles et sa musique.
18
+
19
+ Le pont désigne une partie dont les accords se différencient des accords principaux. C’est une partie distincte de la chanson qui n’est pas du tout pareil au couplet ou au refrain.
20
+
21
+ Entre chaque section il est aussi possible d’avoir un ou plusieurs interludes qui ne contiennent pas de paroles.
22
+
23
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/965.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,59 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ La chapelle Sixtine, appelée originellement chapelle de Sixte, est une des salles des palais pontificaux du Vatican et fait partie des Musées du Vatican. Remplaçant la chapelle Pauline puis le palais du Quirinal, la chapelle Sixtine est le lieu où, traditionnellement depuis le XVe siècle, les cardinaux réunis en conclave élisent le nouveau pape, et obligatoirement depuis la constitution apostolique édictée par Jean-Paul II en 1996, intitulée Universi Dominici gregis[1].
4
+
5
+ La plus grande chapelle du Vatican doit son nom au pape Sixte IV, qui la fit bâtir de 1477 à 1483. Elle fut consacrée lors de la fête de l'Assomption, le 15 août 1483. Sa voûte, décorée de fresques achevées par Michel-Ange en quatre ans, fut inaugurée par Jules II le 31 octobre 1512. Le mur du fond comporte une immense fresque illustrant le Jugement dernier, peinte près d'un quart de siècle plus tard par Michel-Ange alors sexagénaire et dévoilée par Paul III, après six ans de travaux, le 1er novembre 1541.
6
+
7
+ Précédée d'une antichambre - la Sala Regia -, la chapelle se situe à l'angle sud-ouest du palais. Elle communique avec les chambres de Raphaël, qui abritent aujourd'hui la collection d'art religieux moderne. Ses architectes présumés sont Baccio Pontelli et Giovannino de' Dolci. Elle comprend un souterrain, un entresol et la chapelle proprement dite. Elle est ceinte, en hauteur, d'un chemin de garde défensif.
8
+
9
+ Son plan est simple : c'est une salle rectangulaire de quelque 40 mètres de long sur 13 mètres de large et 21 mètres de hauteur (on observe que 21 : 13 = 1,61, ce qui correspond au nombre d'or souvent utilisé par les architectes de jadis), coiffée d'une voûte en berceau et éclairée de douze fenêtres cintrées. Le sol est recouvert de marbres polychromes. Un jubé grillagée en marbre, œuvre de Mino da Fiesole sépare l'espace réservé aux clercs de celui accessible aux laïcs.
10
+
11
+ La chapelle doit sa célébrité à son exceptionnelle décoration peinte, réalisée par les plus grands artistes de la Renaissance, parmi lesquels Michel-Ange, Le Pérugin, Sandro Botticelli, Domenico Ghirlandaio, Cosimo Rosselli et Pinturicchio. Chaque jour, quelque 10 000 touristes la visitent, avec des pointes de 20 000 personnes aux périodes d'affluence. Cette concentration humaine provoque de multiples exhalaisons de gaz carbonique et risque, à terme, d'endommager les peintures[2].
12
+
13
+ Dès 1368 est mentionnée l'existence d'une chapelle papale, la « Capella magna » (la Cappella Maggiore en italien), destinée à accueillir les célébrations liturgiques ou cérémonielles de la cour pontificale[3] et depuis 1492, les conclaves. Elle est décorée, entre autres, par Giottino, Giovanni da Milano et Fra Angelico[4].
14
+
15
+ Pendant la Papauté d'Avignon, la ville de Rome subit de graves troubles civils. Plusieurs monuments chrétiens délaissés tombent en ruine. La « Capella magna » est délabrée, si bien qu'après le retour des papes à Rome en 1455, les conclaves doivent se tenir dans la Chapelle Paolina[5].
16
+
17
+ Des travaux de rénovation sont commandés par le pape Sixte IV, lors de son jubilé de 1475. Le projet est confié à deux architectes dont les noms de Baccio Pontelli et de Giovannino de' Dolci ont été suggerés par des historiens sans toutefois en apporter la preuve[5]. Ils auraient reproduit les dimensions du Temple de Salomon (soit 40,92 mètres de long sur 13,41 mètres de large et 20,69 mètres de haut), en application de la théologie du successionisme (en)[6]. Les travaux débutent en 1477 et sont achevés vers la fin 1480. La chapelle est fortifiée contre de nombreux ennemis potentiels, tels la République de Florence ou les Turcs de Mehmed II[7]. Sa structure, recouverte d'une couche de briques, est couronnée d'une voûte en berceau maçonnée remplaçant la précédente construction en bois. Un jubé — ou plus précisément une transenne — divise la chapelle en deux parties. Le sol comprend deux niveaux, dont un étage supérieur percé de douze hautes fenêtres cintrées[8]. Les conclaves pourront s'y dérouler de nouveau à partir du XVIe siècle, les cardinaux siégeant sur des banquettes en pierre qui longent les trois côtés[5].
18
+
19
+ Les fresques sont réalisées, entre 1481 et 1482, par les meilleurs peintres florentins, ombriens et toscans de l'époque (Domenico Ghirlandaio, Sandro Botticelli, Cosimo Rosselli, Pinturicchio, Luca Signorelli et Le Pérugin). Le Maestro dell'Annunciazione Gardner aurait peint la voûte d'un ciel bleu constellé où de petites boules de cire dorée, collées sur la peinture, représentaient les étoiles. Un tel décor, plus simple à réaliser que des fresques à personnages, était fréquent dans les chapelles contemporaines. Toutefois, les examens effectués lors des dernières restaurations n’ont mis au jour aucune trace de bleu[9]. Sixte IV consacre la nouvelle chapelle, dédiée à Notre-Dame de l’Assomption, le 15 août 1483[6]. Ses emblèmes héraldiques peints et sculptés représentant des feuilles de ch��ne et des glands, symbolisant son patronyme Della Rovere (du chêne en italien)[8] parsèment le décor[5].
20
+
21
+ L'intérêt de la chapelle réside non seulement dans les célèbres fresques de sa voûte, dues à Michel-Ange, mais aussi dans les peintures moins connues de ses murs, œuvres d'artistes aussi éminents que Botticelli, Le Pérugin, le Pinturicchio ou Domenico Ghirlandaio. Ces scènes ont, semble-t'il, été commandées par Sixte IV ou par un théologien de la cour pontificale, dans le but politique précis de démontrer la primauté de la papauté et son indépendance face aux monarques de la chrétienté. Ces murs sont divisés horizontalement en trois bandes séparées par des entablements, et verticalement par des lésènes. Le long de la bande inférieure se déploie une rangée de damas peints en trompe-l’œil, ornés de feuilles de chêne et de glands (armes parlantes expliquées ci-dessus). À la bande médiane sont placées, face à face, des scènes de la vie de Moïse (sur la paroi sud, à gauche lorsqu'on fait face à l'autel) et du Christ (sur la paroi nord, à droite face à l'autel) ; des inscriptions (tituli) expliquent ces correspondances. La bande supérieure montre les portraits des trente-deux premiers papes, insérés dans des niches monochromes[5].
22
+
23
+ Les scènes de la vie de Moïse et du Christ représentent :
24
+
25
+ Les artistes se sont amusés à glisser de nombreux clins d'œil dans leurs peintures, et notamment à y cacher des portraits de leurs contemporains[10].
26
+
27
+ La décoration du plafond de la chapelle Sixtine fut commandée par le pape Jules II, au début de son pontificat (1503-1513), pour remédier aux désordres causés par les constructions de la basilique Saint-Pierre et de la tour Borgia, qui avaient fragilisé la chapelle. En 1504, une longue fissure provoqua des dégâts si importants que le pape chargea Michel-Ange de refaire la décoration de l'édifice[6]. En mai 1508, l'artiste signa le contrat prévoyant la représentation des douze apôtres sur les pendentifs, agrémentée de motifs ornementaux dans les parties restantes. Mais Michel-Ange jugea ce sujet trop pauvre. Sur sa requête, et grâce à l'aide des théologiens de la cour papale, il conçut neuf scènes centrales inspirées du néoplatonisme, représentant des épisodes de la Genèse.
28
+
29
+ La série commence par La Séparation de la lumière d'avec les ténèbres et se poursuit avec la célèbre Création d'Adam où Dieu tend la main vers le premier Homme pour lui insuffler la vie, puis la Tentation et d'autres épisodes. Ces panneaux sont encadrés de sculpturaux athlètes nus (les célèbres ignudi), qui soutiennent des médaillons en camaïeu d'or illustrant des scènes tirées du Livre des Rois. Critiquée dès l'origine, la présence des ignudi reste, aujourd'hui encore, sujette à discussion : faut-il y voir des éléments païens, sans rapport aucun avec le caractère sacré de la composition ou, au contraire, des anges dépourvus d'ailes, mais faisant partie intégrante du programme iconographique ? À la base de la structure architectonique, douze voyants dont sept prophètes et cinq sibylles siègent sur des trônes monumentaux, au-dessus d'ancêtres du Christ logés sur les voussures ou dans les lunettes situées dans les parois nord et sud, et sur le mur d'entrée. Enfin, sur les pendentifs des quatre angles, l'artiste a peint des épisodes du salut miraculeux du peuple d'Israël.
30
+
31
+ Michel-Ange dessina de nombreuses études et cartons préparatoires et conçut des dizaines de personnages aux poses variées. Un travail aussi démesuré ne pouvait qu'affecter sa santé (cf. l'article détaillé et le témoignage de Michel-Ange lui-même). Toutefois, l'image d'un Michel-Ange peignant couché semble tenir de la légende. Une esquisse de Michel-Ange dans la marge d'un sonnet adressé à Giovanni di Benedetto da Pistoia le représente d'ailleurs debout la tête inclinée vers l'arrière et le bras tendu vers le haut.
32
+
33
+ Ces représentations impressionnantes, qui démontrent une parfaite maîtrise du mouvement des corps et de l'anatomie humaine, ont radicalement transformé la peinture occidentale. En août 1510, Michel-Ange avait terminé la première moitié de la voûte, du mur d'entrée jusqu'à la Création d’Ève. Les travaux étaient probablement achevés avant le 31 octobre 1512, où Jules II présida les vêpres solennelles de la Toussaint avant de célébrer la messe dès le lendemain[2].
34
+
35
+ Dans son roman historique Le ciel de la chapelle Sixtine[11], Leon Morell décrit dans le détail, avec vraisemblance, la réalisation de la fresque.
36
+
37
+ Une restauration générale de la chapelle Sixtine a eu lieu de 1981 à 1989. Elle a été financée par la Nippon Television Network Corporation, en échange d'un droit sur les images. À la place des tons sombres et enfumés qui avaient valu à Michel-Ange le surnom de « terrible souverain de l'ombre », on a découvert des couleurs étonnantes mais néanmoins typiques du maniérisme : de hardis roses pastel, des jaunes citron, des verts acides, des bleus lapis-lazuli, des mauves saturés… Pour traduire la diaprure de certains vêtements, Michel-Ange a utilisé, au plafond, la technique du cangiante, jadis dissimulée par l'encrassement mais aujourd'hui clairement visible. La polémique se poursuit quant au bien-fondé de cette restauration : elle aurait notamment supprimé des ombres ajoutées par Michel-Ange au noir de charbon, en surface des peintures et non dans leurs pigments.
38
+
39
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
40
+
41
+ Michel-Ange Le Jugement dernier après restauration.
42
+
43
+ Le PéruginLe Christ remet à saint Pierre les clefs du Paradis.
44
+
45
+ Sandro BotticelliLa punition des Lévites rebelles (détail).
46
+
47
+ Sandro BotticelliLa jeunesse de Moïse (détail).
48
+
49
+ Michel-AngeLa voûte de la chapelle Sixtine après restauration.
50
+
51
+ Pavement en mosaïquesde marbre dit « Cosmati », clôture du chœuret, à gauche, tribune de la Chorale[13].
52
+
53
+ La Création d'Adam après restauration.
54
+
55
+ Michel-AngeVoûte et fenêtres de la chapelle Sixtine.
56
+
57
+ Exemple des différentes sections sur les murs de la chapelle, le rideau de fausses tentures peintes aux couleurs héraldiques de la famille de Sixte VI, les fresques représentant des épisodes de la vie de Moïse et du Christ, la galerie des papes et les lunettes représentant les ancêtres du Christ.
58
+
59
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/966.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,209 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+ Le charbon est une roche sédimentaire combustible, riche en carbone, de couleur noire ou marron foncé, formée à partir de la dégradation partielle de la matière organique des végétaux. Il est exploité dans des mines appelées charbonnages en tant que combustible.
2
+
3
+ Couvrant 27,1 % des besoins énergétiques mondiaux en 2017, le charbon est la seconde ressource énergétique de l'humanité, derrière le pétrole (32,0 %), et la première source d'électricité avec 38,5 % de sa production en 2017.
4
+
5
+ Plus de 70 % de la consommation mondiale en 2019 sont concentrés sur trois pays : Chine 51,7 %, Inde 11,8 % et États-Unis 7,2 %.
6
+
7
+ Souvent appelé houille, il était autrefois appelé charbon de terre en opposition au charbon de bois.
8
+
9
+ Au cours de plusieurs millions d'années, l'accumulation et la sédimentation de débris végétaux dans un environnement de type tourbière provoque une modification graduelle des conditions de température, de pression et d'oxydo-réduction dans la couche de charbon qui conduit, par carbonisation, à la formation de composés de plus en plus riches en carbone : la tourbe (moins de 50 %), le lignite (50 à 60 %), la houille (60 à 90 %) et l'anthracite (93 à 97 %). La formation des plus importants gisements de charbon commence au Carbonifère, environ de -360 à -295 Ma.
10
+
11
+ Les réserves mondiales de charbon sont estimées à 1 070 Gt (milliards de tonnes) fin 2019, dont 23,3 % aux États-Unis, 15,2 % en Russie, 13,9 % en Australie et 13,2 % en Chine, soit 132 ans de production au rythme de 2019 ; cette production est à près de 80 % située dans cinq pays : la Chine (47,3 %), l'Inde (9,3 %), les États-Unis (7,9 %), l'Indonésie (7,5 %) et l'Australie (6,2 %) ; elle a progressé de 154 % en 45 ans (1973-2018) malgré une baisse de 2,3 % en 2015 et de 5,9 % en 2016, avant de remonter de 3,2 % en 2017, de 3,8 % en 2018 et de 1,5 % en 2019. L'AIE prévoit que la production mondiale devrait être stable entre 2018 et 2023, la baisse de la consommation en Europe et Amérique du nord étant compensée par son augmentation en Inde et en Asie du Sud-Est.
12
+
13
+ Son extraction dans les mines a rendu possible la révolution industrielle au XIXe siècle. Sa combustion engendre 44,2 % des émissions de CO2 dues à l'énergie en 2017, contre 34,6 % pour le pétrole et 20,5 % pour le gaz naturel. Pour atteindre l'objectif des négociations internationales sur le climat de maintenir la hausse des températures en deçà de 2 °C par rapport à l'ère préindustrielle, il faudrait globalement s'abstenir d'extraire plus de 80 % du charbon disponible dans le sous-sol mondial, d'ici à 2050.
14
+
15
+ Le charbon est une roche sédimentaire combustible composée essentiellement de carbone, d'hydrogène et d'oxygène[1]. Ce sont les observations au microscope d'Hutton et de Link, vers 1840, qui ont permis la découverte de la composition du charbon[2].
16
+
17
+ Il se forme sur plusieurs millions d'années à partir de l'accumulation de débris végétaux qui vont sédimenter et carboniser progressivement à la suite d'une modification graduelle des conditions de température et de pression.
18
+
19
+ Ses propriétés physicochimiques dépendent donc essentiellement du « lithotype », qui reflète le degré de carbonisation du charbon (le « rang » du charbon)[1] ; Plus le rang est élevé, plus sa teneur en eau est faible et sa teneur en carbone est forte, plus son pouvoir calorifique est important. Les charbons de rang supérieur sont donc des combustibles de meilleure qualité. Les charbons de rang inférieur sont plus brunâtres, plus ternes et plus friables tandis que les charbons de rang supérieur sont plus noirs, plus durs et plus résistants[1].
20
+
21
+ Les principaux gisements datent du Carbonifère, environ de -360 à -295 Ma[1], plus particulièrement d'une période de climat chaud et humide favorable à la croissance de vastes forêts luxuriantes en bordure de zones marécageuses, appelées forêts équatoriales du Carbonifère[3]. Les gisements de charbon sont issus d'un processus de « carbonification » ou « houillification » qui prend environ 300 à 500 millions d’années pour transformer un végétal (feuilles, branches, arbres ...) morts en anthracite (le charbon ayant le plus grand pourcentage de carbone)[2].
22
+
23
+ Quelques conditions géologiques sont nécessaires : Une très grande quantité de débris végétaux doit s'accumuler dans une couche d'eau peu profonde et faible en dioxygène (environnement de type tourbière), ce qui permet à une partie de la matière organique d'échapper à l'action des décomposeurs. Au cours de plusieurs millions d'années, l'accumulation et la sédimentation de ces débris végétaux provoquent une modification graduelle des conditions de température, de pression et d'oxydoréduction dans la couche de charbon qui conduit, par carbonisation, à la formation de composés de plus en plus riche en carbone : la tourbe (50 à 55 %), le lignite (55 à 75 %), la houille (75 à 90 %) et l'anthracite (> 90 %). La qualité du charbon, appelée « maturité organique », dépend donc des conditions physico-chimiques, ainsi que de la durée de sa formation.
24
+
25
+ Selon une étude ayant comparé l'horloge moléculaire et le génome de 31 espèces de basidiomycètes (agaricomycètes : « pourriture blanche », groupe qui contient aussi des champignons ne dégradant pas la lignine (pourriture brune) et des espèces ectomycorrhiziennes), l'arrêt de formation du charbon à la fin du Carbonifère semble pouvoir être expliqué par l'apparition de nouvelles espèces de champignons capables de dégrader la totalité de la lignine grâce à des enzymes (les lignine-peroxydases)[4].
26
+
27
+ Friedrich Bergius a tenté vers 1913 de transformer en laboratoire du bois en charbon. Il lui était possible de reproduire le facteur pression, par contre, il lui était impossible de recréer le facteur temps[5].
28
+
29
+ Il existe de nombreuses variétés de charbon, que l'on distingue selon plusieurs critères dont les principaux sont :
30
+
31
+ La plupart de ces critères sont corrélés avec l'âge du charbon : les charbons les plus récents (lignite) sont assez humides et contiennent relativement beaucoup de matières volatiles inflammables, tandis que les plus vieux (anthracites) se sont naturellement dégazés au cours du temps ; ils sont difficiles à enflammer, mais plutôt secs et quasiment constitués de carbone presque pur, ils ont un fort pouvoir calorifique.
32
+
33
+ Un autre critère important, bien qu'il n'intervienne pas dans les classifications, est la composition des matières minérales. Certains charbons (par exemple, charbons indonésiens) ont des cendres majoritairement composées d'oxydes de calcium ou de sodium, dont le point de fusion est assez bas ; ces cendres emportées dans les fumées de combustion auront tendance à se coller sur les parois des fours ou chaudières et les colmater. D'autres charbons (par exemple, charbons australiens) ont des cendres très abrasives composées essentiellement de silice et d'alumine ; la conception des fours ou chaudières où seront brûlés ces charbons devra donc être adaptée.
34
+
35
+ Pour classifier les charbons, on doit en faire l'analyse.
36
+ Les propriétés des charbons (analyse, pouvoir calorifique…) sont données soit sur brut c'est-à-dire pour le charbon tel qu'il sera brûlé, soit sur sec, c'est-à-dire pour un charbon préalablement séché, soit sur pur, c'est-à-dire pour la partie réellement combustible du charbon, hors cendres et humidité.
37
+ L'analyse immédiate est par définition donnée sur brut et l'analyse élémentaire généralement donnée sur pur.
38
+
39
+ Anthracite.
40
+
41
+ Houille.
42
+
43
+ Bloc de lignite à usage domestique.
44
+
45
+ Morceaux de tourbe.
46
+
47
+ L'analyse immédiate détermine la composition du charbon selon les 4 composants :
48
+
49
+ L'analyse élémentaire donne la composition chimique du charbon en carbone (C), azote (N), oxygène (O), hydrogène (H), soufre (S).
50
+
51
+ La plupart des pays exploitant (ou ayant exploité) des mines de charbon, ont développé leur propre classification. Au niveau international, c'est la classification américaine (ASTM) qui fait référence.
52
+
53
+ Elle est basée sur la teneur en matières volatiles et sur l'indice de gonflement ; elle comprend :
54
+
55
+ Elle est basée sur la teneur en matières volatiles pour les charbons de plus haute qualité et sur le pouvoir calorifique supérieur (PCS) pour les autres.
56
+
57
+ Les teneurs en matières volatiles sont données en pourcentage de la masse du charbon "pur" (sans humidité, ni matières minérales) et les PCS (pouvoirs calorifiques supérieurs) sont donnés sur une base hors cendres (mais y compris l'humidité naturelle).
58
+
59
+ Elle comprend les catégories suivantes :
60
+
61
+ Il existe plusieurs classifications du charbon, qui peuvent dépendre de sa composition chimique, de la nature des débris végétaux, ou de son utilisation pratique.
62
+
63
+ Les principales catégories de charbon reposent sur la teneur en carbone, correspondant à l'évolution du charbon au fil du temps :
64
+
65
+ Marco Polo signalera, à son retour de Chine, que les Chinois chauffaient leurs maisons et cuisaient leurs aliments en faisant brûler d’étranges pierres noires. Mais c’est au XVIIIe siècle que se généralise son utilisation, notamment à cause de la révolution industrielle. Les motivations venaient des effets de déboisement massif provoqué par le développement des industries grandes dévoreuses de bois. La fourniture de combustible devenait une préoccupation et la cherté du bois devenait réelle dans les villes. Seul le charbon fournit assez de chaleur pour faire marcher les machines à vapeur. À partir de là commence l'exploitation industrielle des mines de charbon un peu partout en Europe, puis dans le monde.
66
+
67
+ Dans les zones charbonnières, les enfants travaillaient à la mine dès 13 ans. Le métier était dangereux, les coups de grisou fréquents, l'extraction à la pioche et à la pelle puis à la haveuse. Aujourd'hui, les normes de sécurité ont beaucoup évolué.
68
+
69
+ En 1800, avant la révolution industrielle, la consommation énergétique mondiale était de 305 Mtep (sources d'énergie commerciales seulement), 97 % de cette énergie étant issue de l'exploitation de la biomasse (bois surtout), 3 % par le charbon, ce combustible devenant majoritaire au début du XXe siècle en raison des besoins massifs des machines à vapeur. Depuis la fin de la première Guerre mondiale, la part du charbon dans le mix énergétique mondial baisse (50 % en 1920, 40 % en 1946, 24 % en 2000) au profit du pétrole et du gaz[7]. Au cours des années 2000, cette part a remonté, le charbon étant repassé au deuxième rang des énergies primaires utilisées derrière le pétrole en raison des réserves estimées à plus de 150 ans, d'une bonne disponibilité et d'une répartition géographique homogène, ce qui en fait une énergie encore extrêmement compétitive[8] ; mais de 2013 à 2016, sa consommation a recommencé à baisser : -4 % en 3 ans, avant une légère remontée de 1,5 % entre 2016 et 2019[b 1].
70
+
71
+ En France, la stratégie malthusienne des compagnies débouche sur une sous-production et une pénurie, aggravée lorsque les Allemands détruisent les puits pendant la première guerre mondiale. Pour pallier la pénurie, l'État et la Bourse favorisent la multiplication par huit de la production hydroélectrique dans les années 1920. Après la Libération, les dirigeants communistes Benoît Frachon et Maurice Thorez lancent la « bataille pour la production » et les mines sont nationalisées pour former Charbonnages de France ; en 1958, le record national historique de production est atteint (58,9 Mt), suivi d'un déclin inexorable, les réserves s'épuisant ; l'émergence du nucléaire permet de remplacer le charbon, les centrales à charbon étant de plus en plus approvisionnées en charbon importé.
72
+
73
+ À l'occasion de la COP23, 25 pays et régions ont créé la Powering Past Coal Alliance, s'engageant à fermer leurs centrales au charbon d'ici 2030 ; parmi les signataires se trouvent le Royaume-Uni, la France, l'Italie, le Canada et ses principaux états, le Mexique, mais aucun des grands pays producteurs et consommateurs de charbon : Chine, Inde, États-Unis, Russie, Allemagne, Australie, Indonésie, Pologne[9]. L'élimination accélérée du charbon se confirme dans les pays développés : la France s'est engagée à fermer ses centrales d'ici à la fin du quinquennat ; l'Italie et la Grande-Bretagne feront de même en 2025. Des électriciens comme l'espagnol Iberdrola ont eux aussi programmé la fin de leurs capacités de production au charbon et le français Engie est en train de vendre ou de fermer celles qu'il détient dans le monde entier. Même aux États-Unis, malgré les mesures favorables au secteur prises par Donald Trump, la consommation de charbon va continuer à baisser : depuis 2016, pour la première fois, le gaz naturel a dépassé le charbon dans la production d'électricité américaine, et les prévisions 2017 de l'Agence internationale de l'énergie prévoyaient que la demande de charbon des États-Unis chuterait de 480 Mt en 2016 à 426 Mt en 2040 ; mais les pays développés représentent moins de 20 % de la demande mondiale et celle des pays émergents continue à croître, en particulier celle de l'Inde qui devrait doubler d'ici 2040 ; au total, la demande mondiale devrait croître de 5 % d'ici 2040[10].
74
+
75
+ Le rapport 2018 de l'Agence internationale de l'énergie sur le charbon prévoit que la consommation mondiale de charbon, après deux années de baisse suivies d'une augmentation de 1 % en 2017, et probablement encore en 2018, pourrait rester stable d’ici à 2023 ; la part du charbon dans la consommation mondiale d’énergie pourrait passer de 27 % en 2017 à 25 % en 2023. La baisse de la demande envisagée en Europe et en Amérique du Nord serait plus que compensée par une forte croissance de la consommation en Inde et en Asie du Sud-Est : entre 2017 et 2023, +25,8 % en Inde, et +39 % en Asie du Sud-Est ; la demande de la Chine baisserait de 3 %, mais toute variation de cette dernière aurait un impact majeur sur l'évolution mondiale[11].
76
+
77
+ Les négociateurs des États membres de l'Union européenne et du Parlement européen sont parvenus le 19 décembre 2018 à un accord sur la fin des subventions au charbon : les nouvelles centrales électriques émettant plus de 550 grammes de CO2 par kilowattheure d'électricité et démarrant leurs opérations après l'entrée en vigueur de la nouvelle législation ne pourront pas participer aux « mécanismes de capacité » ; pour les centrales déjà en fonctionnement, leur participation ne sera possible que jusqu'au 1er juillet 2025[12].
78
+
79
+ En mai 2019, le groupe minier anglo-australien BHP, premier groupe minier mondial, annonce son intention de se retirer progressivement de l'extraction de charbon thermique (utilisé dans les centrales électriques), même s'il reste un producteur majeur de charbon à coke, essentiel à la production d'acier ; quelques mois plus tôt, Glencore avait annoncé qu'il n'accroîtrait plus ses capacités de production de charbon thermique ; Rio Tinto a pris la même direction dès 2014 et n'a plus aucune activité en 2019 dans le charbon thermique ; Wesfarmers, un groupe multi-diversifié qui est le premier employeur d'Australie, a délaissé le charbon thermique en 2018 pour se réorienter notamment vers le lithium[13].
80
+
81
+ La préparation du charbon, également appelée lavage du charbon, désigne le traitement du minerai tout venant qui permet de garantir la qualité constante du charbon et de mieux l’adapter à des utilisations finales particulières. Ce traitement dépend des propriétés du charbon et de l’usage auquel il est destiné. Un simple broyage peut suffire mais il se peut aussi qu’un
82
+ processus plus complexe soit nécessaire pour réduire les impuretés ; on broie alors le minerai brut, puis on trie les fragments par taille ; les grands fragments sont en général triés
83
+ par flottation : on nettoie le charbon des impuretés en le plongeant dans un bac rempli d’un liquide d’une gravité particulière, normalement composé d’eau et de fines particules de magnétite en suspension. Le charbon étant plus léger, il flotte à la surface et peut être séparé des minerais plus lourds et des autres impuretés qui coulent au fond. Les fragments plus petits sont traités de diverses manières, dans des centrifugeuses par exemple, qui séparent les solides et les liquides contenus dans un récipient en le faisant tourner à très grande vitesse. D’autres méthodes sont basées sur les différentes propriétés de surface du charbon et des résidus. Dans le cas de la «flottation par écumage», on élimine les particules de charbon avec une mousse que l’on produit en soufflant de l’air dans un bain d’eau contenant certains réactifs chimiques. Les bulles attirent le charbon mais pas les résidus et sont enlevées pour récupérer les particules de charbon. Les récents progrès technologiques ont permis d’augmenter la quantité de particules de charbon ultra fines récupérées[1].
84
+
85
+ Sur le site minier, le transport se fait généralement par convoyeur ou camion.
86
+
87
+ Un charbonnier est un navire vraquier destiné à transporter exclusivement du charbon.
88
+
89
+ Les terminaux charbonniers sont les infrastructures portuaires spécialisées dans l'accueil de ce type de navires.
90
+
91
+ Lorsque les sites de consommation de charbon (centrales électriques, aciéries) sont éloignés des terminaux charbonniers d'importation, le transport terrestre du charbon se fait par barges sur les fleuves et canaux, par chemin de fer ou même par camion.
92
+
93
+ Les coûts de transport varient fortement en fonction de l'offre et de la demande, mais de façon générale le transport maritime est peu coûteux, d'où le développement des centrales à charbon en bord de mer ; par contre, les transports terrestres sont très coûteux, beaucoup plus que ceux du transport de pétrole par oléoduc ou du gaz par gazoduc, ce qui fait perdre au charbon sa compétitivité par rapport au pétrole et au gaz dès lors que la distance entre le terminal charbonnier et le site de consommation devient importante[14]. Pour tenter de résoudre ce problème, des carboducs transportant des particules de charbon en suspension dans de l'eau ont été construits, en général sur de courtes distances, mais parfois à longue distance, par exemple aux États-Unis, où le carboduc de Black Mesa (Arizona), en fonction de 1970 à 2005, utilisait 5,5 millions de litres d'eau par an pour transporter le charbon sur 437 km jusqu'au Nevada[15].
94
+
95
+ Le stockage du charbon s'effectue, en fonction des aléas de la production, du transport et de la consommation, soit sur le carreau de la mine, soit au niveau des terminaux charbonniers, soit à celui des sites de consommation.
96
+
97
+ Les réserves prouvées mondiales de charbon sont estimées fin 2019 à 1 069,6 Gt (milliards de tonnes) ; elles sont disséminées sur tous les continents dans plus de 70 pays. Les principales réserves sont situées aux États-Unis (23,3 %), en Russie (15,2 %), en Australie (13,9 %), en Chine (13,2 %) et en Inde (9,9 %). Si les consommations restaient constantes, les réserves connues de charbon pourraient durer 132 ans tandis que les réserves de pétrole et de gaz naturel s'épuiseraient en 50 ans[b 2].
98
+
99
+ Production de charbon des cinq principaux producteursSource : BP[b 3]
100
+
101
+ Selon BP, la production mondiale de charbon atteint 167,58 EJ en 2019, en hausse de 1,5 % ; elle a progressé de 16,6 % entre 2009 et 2013, puis a chuté de 8 % en trois ans avant de remonter de 9,3 % entre 2016 et 2019 ; la Chine concentre 47,6 % de la production, suivie par l'Indonésie (9,0 %), les États-Unis (8,5 %), l'Australie (7,8 %), l'Inde (7,6 %) et la Russie (5,5 %)[b 4].
102
+
103
+ Les statistiques en tonnes donnent un classement assez différent, car le pouvoir calorifique d'une tonne de lignite est très inférieur à celui d'une tonne d'anthracite :
104
+
105
+ Selon l'Agence internationale de l’énergie (AIE), la production mondiale de charbon atteignait 7 813 Mt (millions de tonnes) en 2018 contre 3 074 Mt en 1973, soit une progression de 154 % en 45 ans[k 1]. En tonnes équivalent pétrole (tep), la production mondiale de charbon atteignait 3 773 Mtep en 2017[k 2] et représentait 27,1 % de la production totale d'énergie primaire contre 24,5 % en 1973[k 3].
106
+
107
+ Après une période de forte croissance, cette production a connu un ralentissement marqué à partir de 2012 ; sa part dans la production mondiale d'énergie primaire a commencé à baisser en 2014, puis en 2015 c'est la quantité produite qui a reculé pour la première fois (-2,3 %) ; mais en 2017 et 2018, elle a repris son ascension :
108
+
109
+ Le rapport 2019 de l'AIE sur le charbon constate que la production mondiale a connu en 2018 un accroissement de 250 Mt (millions de tonnes, et non tep), soit +3,3 %, mais que malgré deux années de croissance, la production est encore inférieure de 162 Mt à son pic de 2013. La production a commencé à baisser en 2014, pour la première fois du siècle, baisse qui s'est poursuivie en 2015 et 2016, mais s'est inversée en 2017. La hausse de 2018 a surtout été le fait de la Chine : +152,9 Mt, soit +4,5 % (mais sa consommation ne s'est accrue que de 1 %), de l'Indonésie : +53,9 Mt, soit +10,9 %, et de l'Inde : +45,4 Mt, soit +6,3 % (consommation : +5,5 %) ; à l'inverse, la production a reculé aux États-Unis : -17,3 Mt, soit -2,5 % (elle a décliné d'un tiers depuis 2008, est la consommation américaine est tombée à son plus faible niveau depuis 1971), en Australie : -16,4 Mt, soit -3,3 %, en Allemagne : -6,1 Mt, soit -3,5 %, et en Pologne : -4,7 Mt, soit -3,7 %[18].
110
+
111
+ La consommation mondiale de charbon s'est élevée à 157,86 EJ en 2019, en baisse de 0,6 % ; elle a progressé de 12 % entre 2009 et 2013, puis a reculé de 4 % en trois ans avant de remonter de 1,5 % de 2016 à 2019 ; les principaux pays consommateurs sont la Chine (51,7 %), l'Inde (11,8 %) et les États-Unis (7,2 %)[b 1].
112
+
113
+ Le charbon couvrait 27,1 % des besoins énergétiques mondiaux en 2017, contre 24,5 % en 1973 ; il est la seconde ressource énergétique de l'humanité, derrière le pétrole (32,0 %) et devant le gaz naturel (22,2 %)[k 3].
114
+
115
+ Il est également le combustible fossile le plus utilisé dans le monde pour la production d'électricité, source de 38,5 % de l'électricité produite en 2017 contre 38,3 % en 1973[k 5].
116
+
117
+ De nombreux pays l'utilisent encore comme source d'énergie principale en 2017 comme la Chine (63,8 %, en baisse : 70,6 % en 2010)[19], l'Afrique du Sud (74,3 % de la consommation d'énergie primaire)[20], la Pologne (47,6 %)[21] et l'Inde (44,3 %)[22].
118
+
119
+ La crise du Covid-19 pourrait accélérer la transition énergétique et le recul de l'industrie du charbon en Europe et aux États-Unis. Ainsi, le Royaume-Uni n'a pas utilisé ses centrales au charbon pendant deux mois. L'Agence internationale de l'énergie prévoit pour 2020 une chute de la consommation de charbon pour la production d'électricité de 22 % en Europe et de 26,5 % aux États-Unis. Les mesures de confinement ayant entrainé une diminution de la demande d'électricité et une chute des prix du gaz, la consommation de charbon a chuté à des niveaux historiques ; la part des énergies renouvelables et des centrales à gaz a augmenté en contrepartie. Toutefois, l'Europe et les États-Unis ne représentent que 10 % de la consommation mondiale de charbon, et la consommation pourrait repartir de plus belle en Chine comme en Inde. Selon Wood Mckenzie, la Chine se prépare à autoriser 130 GW de nouvelles capacités de production d'électricité au charbon au cours des cinq prochaines années et atteindrait ainsi un pic de 1 200 GW ; la consommation mondiale de charbon devrait commencer son déclin à partir de 2025[23].
120
+
121
+ En 2018, la consommation mondiale de charbon a progressé de 66 Mtce (millions de tonnes équivalent-charbon), soit +1,2 % ; la Chine a contribué pour près de moitié à cette hausse : +28,4 Mtce (+1,0 %) ; sa consommation avait connu trois années de baisse (2014-2016), mais s'est redressée depuis 2017 ; elle est consacrée à 66,5 % à la production d'électricité et de chaleur ; la part de la Chine dans la consommation mondiale de charbon vapeur atteint 53,2 % ; la Chine occupe une place prépondérante dans les industries de l'acier et du ciment, grandes consommatrices de charbon : en 2018, sa part dans la consommation mondiale de charbon à coke atteint 59,2 %. L'Inde est le second pays consommateur de charbon, après avoir dépassé les États-Unis en 2015 ; sa consommation a progressé de 30,4 Mtce, soit +5,5 %. A l'inverse, la consommation de charbon des États-Unis a baissé pour la cinquième année consécutive, atteignant son plus bas niveau depuis 1978, du fait de la concurrence du gaz de schiste et secondairement des énergies renouvelables[18].
122
+
123
+ La consommation mondiale de charbon se répartissait en 2016 entre la production d'électricité et de chaleur, principale utilisation du charbon : 62,1 % (centrales électriques 44,8 %, cogénération : 16,7 %, production de chaleur pour les réseaux de chaleur : 0,6 %), les utilisations diverses dans l'industrie : 22,2 %, la cokéfaction (production de coke pour la sidérurgie) : 8,0 %, les utilisations pour les besoins de l'industrie énergétique : 2,0 %, les usages résidentielles (chauffage, cuisine) : 1,9 %, tertiaires : 0,9 % et agricoles : 0,4 %, la production de gaz : 0,4 % et de combustibles liquides (pétrole synthétique, etc): 0,3 %, les utilisations non énergétiques (carbochimie, goudron de houille, etc) : 1,5 %[16].
124
+
125
+ En 2017, la puissance totale des centrales à charbon de l'Union européenne atteint 156,9 GW, dont 48,6 GW en Allemagne, 28,8 GW en Pologne, 15,4 GW au Royaume-Uni, 10,5 GW en Espagne. Dix pays de l'Union ont annoncé qu'ils sortiraient totalement du charbon avant 2030, dont le Royaume-Uni, la France, l'Italie, l'Autriche et les pays scandinaves[24].
126
+
127
+ Dans son rapport Coal 2018, l’AIE estime que la consommation mondiale de charbon pourrait rester stable d’ici à 2023 : la baisse de la demande, envisagée en Europe et en Amérique du Nord, serait plus que compensée par une forte croissance de la consommation en Inde (+26 %) et en Asie du Sud-Est (+39 %) ; elle baisserait légèrement (-3 %) en Chine[11].
128
+
129
+ Le rapport annuel 2014 de l'AIE sur le charbon prévoit que la consommation mondiale de charbon devrait encore croître de 2,1 % par an d'ici à 2019 ; la Chine consommera 61 % de production mondiale : 471 millions de tonnes équivalent charbon (Mtec) sur un total de 772 Mtec, suivie par l'Inde : +177 Mtec, les pays de l'ASEAN : +79 Mtec et l'Afrique : +38 Mtec ; par contre, la consommation de charbon baissera de 54 Mtec en Amérique du Nord et de 14 Mtec en Europe. Depuis 2011, le marché du charbon est marqué par une offre excédentaire, qui a tiré les prix vers le bas : 70-80 dollars la tonne en 2014 sur le marché européen, contre 120 dollars en 2011[25].
130
+
131
+ Un an plus tard, l'AIE revoit en forte baisse le taux prévisionnel de croissance de la demande de charbon dans son scénario central : +0,8 % par an sur 2013-2020. Selon Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE, « la Chine est définitivement entrée dans une nouvelle ère, dans laquelle sa croissance économique ralentit, l’intensité énergétique de sa croissance décline, et la dépendance au charbon diminue, sous l’influence des préoccupations environnementales comme la pollution de l’air et la réduction des émissions de CO2 ». L’AIE estime même que la Chine pourrait déjà avoir atteint son «  peak coal  » : des premières données sur 2015 indiquent que la demande de charbon en Chine aurait été inférieure à celle de 2013. Dans un scénario que l’AIE juge désormais « probable », la demande mondiale de charbon baisserait de 0,1 % par an entre 2013 et 2020, tirée à la baisse par un recul en Chine (-1,2 % par an, contre +0,8 % dans le scénario central). La moitié de la croissance de la demande mondiale prévue vient désormais de l’Inde : +4,1 % par an d’ici 2020, qui deviendrait le deuxième consommateur mondial, devant les États-Unis, dès 2018[26].
132
+
133
+ En 2018, les exportations de charbon ont atteint 1 420,1 Mt, en progression de 4,2 % sur l'année, de 33,2 % depuis 2010 et de 131 % depuis 2000. Les principaux exportateurs sont l'Indonésie : 439 Mt, l'Australie : 382 Mt et la Russie : 210 Mt ; les principaux importateurs sont la Chine : 295,4 Mt, l'Inde : 240,2 Mt, le Japon : 185,1 Mt et la Corée du Sud : 142,0 Mt[18].
134
+
135
+ Pour la production d'électricité et de chaleur (ses deux usages principaux) le charbon est concurrencé par le gaz naturel, qui explique la forte baisse de consommation de charbon aux États-Unis depuis 2008 où le gaz est passé de 8 à 4 $/MBtu suite à l'extraction massive de gaz de schiste ; le durcissement des normes de protection de l’environnement édictées par l’Environmental Protection Agency (EPA) y a également contribué avant que, malgré le soutien du président Donald Trump les centrales continuer de fermer car trop chères face au gaz[27].
136
+
137
+ En Russie, la consommation de charbon a été divisée par deux de 1980 à 2009 du fait de l’effondrement économique qui a suivi la disparition de l’Union Soviétique et d’un prix du gaz très bas sur le marché intérieur.
138
+ En Europe, la crainte de dépendre d'un approvisionnement gazier en provenance de Russie a atténué la concurrence gazière.
139
+ En Chine, le fort ralentissement de la consommation d'électricité depuis 2014 ainsi que le renforcement des mesures de protection de la qualité de l'air (interdiction de construire de nouvelles centrales thermiques charbon dans la région de Beijing-Tianjin-Hebei ainsi que sur les deltas du Yangtze et de la Pearl River, instauration de nouvelles normes de qualité de l'air impliquant l'abaissement de la concentration en particules dans toutes les régions critiques) et les investissements massifs dans la production d'électricité nucléaire et renouvelable ont abouti à une baisse significative de la consommation de charbon, en partie au profit du gaz naturel[28].
140
+
141
+ La consommation de charbon est soutenue par la compétitivité de la thermoélectricité et l'expansion de la sidérurgie dans les pays émergents ; mais le recul de la production d'acier en Chine depuis 2013, du fait de la conversion progressive de l'économie chinoise vers un modèle de consommation de pays développé, laisse prévoir un retournement dans la progression du charbon à coke, d'autant plus que des progrès techniques réduisent la consommation de charbon, de la fabrication du coke à celle de la fonte dans le haut-fourneau, et que la part de l'acier produit à partir de ferraille dans des fours électriques est passée de 17 % en 1970-74 à 26 % en 2014[28].
142
+
143
+ En Europe et en Amérique du Nord, la thermoélectricité charbon perd de sa compétitivité face au thermique gaz et aux renouvelables (éolien et solaire PV) dont les coûts ont beaucoup baissé. Elle reste avantageuse en Asie, surtout où les systèmes électriques ne disposent pas encore de moyens de gestion de l'intermittence et de la variabilité. Il n'en irait sans doute pas de même si était prise en compte le coût des émissions de GES par l'intermédiaire d'un prix du carbone d'au moins 50 $/tonne[28]. Après une baisse vers 2015-2016, la production mondiale de charbon est repartie à la hausse en 2017 et 2018 et début 2019 une inversion de tendance n'est pas attendue avant 2023[29]. La Chine — où la construction de centrales à charbon décélère — consomme 48 % de la production mondiale, mais la consommation progresse principalement en Inde et en Asie du sud[29]. En 2018, l'électricité est produite à 38 % par le charbon, un taux mondial qui reste très stable[29].
144
+
145
+ Dans les vieux pays charbonniers, en Europe principalement, l’extraction souterraine de plus en plus profonde de veines de moins en moins épaisses est devenue si coûteuse que les mines ont dû être fermées les unes après les autres au cours de la deuxième moitié du XXe siècle. En 2016, les grandes régions d’extraction du charbon se sont déplacées vers le Powder River Basin (PRB) dans l’ouest des États-Unis, l’ouest de la Chine, le Queensland en Australie, le Kalimantan en Indonésie, la Sibérie orientale en Russie, la Mongolie et l’Afrique australe. Les méthodes d’extraction souterraine se sont améliorées, mais sont loin d’assurer des productivités du travail et une souplesse de gestion comparables à celles des mines à ciel ouvert. La productivité du travail ne dépassait pas, au milieu des années 2000, 300 tonnes/homme/an en Chine et 500 à 700 t/h/an en Allemagne et en Pologne contre 11 000 à 13 000 t/h/an dans les mines à ciel ouvert d’Australie, du Canada ou d’Australie[28].
146
+
147
+ Les coûts de transport internationaux, importants du fait du pouvoir calorifique modeste du charbon, ont néanmoins baissé grâce à la modernisation et extension de la flotte des vraquiers dont les capacités unitaires sont passées de celle d’un Handymax (50 000 tpl) à celle d’un Panamax (70 000 tpl) ou d’un Capesize (100 000 tpl), parallèlement à l’extension et à la mécanisation des installations portuaires de chargement (Richards Bay en Afrique du Sud ou Newcastle en Australie) et de déchargement (Anvers-Rotterdam-Amsterdam dits ARA en Europe) dont les capacités ont été multipliées par 12 entre 1980 et 2015[28].
148
+
149
+ Le gaz de houille est obtenu par le procédé chimique de pyrolyse, qui consiste à décomposer un composé organique par la chaleur, en absence d’oxygène, pour obtenir un solide carboné, une huile ou un gaz. On produit ainsi un gaz brut riche en hydrogène (H2), méthane(CH4), monoxyde de carbone (CO) et aussi du carbone impur tels le coke et le sulfure d’hydrogène. Ces gaz étaient fabriqués dans des usines à gaz et étaient stockés dans des gazomètres puis servaient dans un premier temps à des fins d’éclairage puis par la suite à des fins de chauffage[30].
150
+
151
+ La liquéfaction du charbon (en anglais « Coal-To-Liquids » ou « CTL ») est une conversion du charbon en hydrocarbures liquides proches des carburants issus de la pétrochimie. L’Afrique du Sud, pour des raisons d'indépendance énergétique, a développé plusieurs usines. Sasol y produit aujourd'hui à partir du charbon près de 30 % de la consommation en hydrocarbures liquides du pays, par la voie indirecte et le procédé Fischer-Tropsch[31].
152
+
153
+ De premiers impacts directs et indirects existent à ce stade : Les chantiers produisent des poussières susceptibles de causer la silicose quand elles sont inhalées durant une longue période (cause fréquente de mortalité des mineurs).
154
+
155
+ Certaines mines affectent directement la faune et la flore en détruisant leur habitat (mines à ciel ouvert, crassiers) ou indirectement par les pollutions directes ou indirectes ou par des modifications environnementales telles que les rabattements de nappe induits par les pompages de dénoiement des mines ou causés par l'utilisation d'une eau de surface pour les besoins miniers (arrosage pour abattement des taux d'empoussièrement, lavage du charbon, etc.).
156
+
157
+ Selon les caractéristiques du gisement, le charbon est plus ou moins riche en éléments indésirables (soufre, métaux lourds, radionucléides) et il peut laisser se dégazer du grisou.
158
+
159
+ La carbochimie quand elle est associée aux bassins charbonniers a été et reste une source importante de pollution. Elle a au XXe siècle laissé de lourdes séquelles de pollution de nappes, sols et sédiments.
160
+
161
+ La combustion du charbon est également une activité particulièrement polluante, plus que pour d'autres énergies fossiles en raison de la quantité de produits indésirables que contient le charbon.
162
+
163
+ Au cours de la pyrolyse, le charbon émet de nombreux gaz et particules volatiles toxiques et polluantes : HAP, dont benzène et ses dérivés aromatiques (notamment le benzo[a]pyrène), goudrons, dérivés du phénol comme les dioxines… Lorsque le charbon se met à brûler, il émet des oxydes de soufre et d'azote qui acidifie l'air, ainsi que des suies et d'autres éléments toxiques comme le cadmium, l'arsenic ou le mercure.
164
+
165
+ La combustion du charbon libère dans l'air des quantités importantes de soufre, qui contribue au phénomène de pluies acides et avec le CO2 (transformé en acide carbonique dans l'eau aux phénomènes d'acidification des eaux de surface et des mers. Or, dans un milieu acide ou acidifié, les métaux lourds, dont ceux mis en circulation par la combustion du charbon sont plus mobiles dans l'environnement, plus « biodisponible » et plus « bioassimilables ».
166
+
167
+ De nombreux foyers utilisent le charbon pour le chauffage et/ou pour la cuisine, en produisant une fumée nuisible à la santé : L'OMS estime que plus de 1,3 million de personnes meurent chaque année des suites de problèmes respiratoires causés par des combustibles solides (bois, herbacées, tourbe, bouses séchées et charbon)[32].
168
+
169
+ Un rapport publié en juin 2016 par WWF et trois autres ONG avec le soutien de l'Union européenne évalue à 22 900 décès prématurés les impacts de la pollution atmosphérique causée par les centrales au charbon de l'Union européenne en 2013, un bilan comparable à celui des accidents de la route : 26 000 décès. Ces centrales ont aussi été responsables en 2013 de 11 800 nouveaux cas de bronchite chronique et 21 000 admissions à l’hôpital. Les impacts transfrontaliers sont très importants : les centrales polonaises ont causé 4 700 décès prématurés dans les pays voisins et les centrales allemandes 2 500 décès ; l'impact le plus élevé dû à des centrales étrangères est celui de la France : 1 200 décès causés par les centrales allemandes, britanniques, polonaises, espagnoles et tchèques[33].
170
+
171
+ Le charbon est majoritairement formé de carbone. Sa combustion libère donc énormément de dioxyde de carbone (gaz à effet de serre).
172
+
173
+ L'Agence internationale de l'énergie évalue les émissions mondiales de CO2 dues au charbon à 14 500 Mt en 2015, contre 5 503 Mt en 1973 et 8 398 Mt en 1990 ; la progression depuis 1990 est de 72,7 %[34].
174
+
175
+ En 2017, 44,2 % des émissions dues à l'énergie proviennent du charbon, contre 34,6 % pour le pétrole et 20,5 % pour le gaz naturel ; cette part du charbon est en forte hausse : elle n'était que de 35,6 % en 1973[k 6].
176
+
177
+ Si la tendance se poursuit, en 2030 les émissions mondiales seront accrues de 14,0 Gt CO2 (+ 56 %), et les émissions de 7,5 Gt CO2 (+80 %) avec 4,8 Gt CO2 provenant du charbon. En 2050, la situation serait pire encore avec un accroissement de 30,5 Gt CO2 (+ 300 %) et 21,1 Gt CO2 en plus issus du charbon. Si les meilleures technologies actuellement disponibles (en 2000-2005) pour un charbon plus « efficace » et plus propre étaient utilisées partout, l'augmentation des émissions serait diminuée de 22 % relativement au niveau attendu en 2050, et de 11 % par rapport au niveau attendu en 2030. L'espoir de technologies propres fait envisager à certains une atténuation plus importante de l'augmentation des émissions (de 9,7 Gt CO2 ; soit une baisse relative de 32 % par rapport au scenario « business as usual » pour 2050, et de 18 % par rapport au même scenario pour 2030). Équiper toutes les centrales au charbon de ces technologies coûteuses et en grande partie encore hypothétiques d'ici 2030 ou 2050 semble cependant peu réaliste, et « en tous cas, même un déploiement total des meilleures technologies de charbon propre disponibles ne fait que limiter l’augmentation d’émissions de CO2 »[35].
178
+
179
+ La combustion du charbon libère aussi d'autres gaz à effet de serre (NOx en particulier).
180
+
181
+ Dans le cadre des négociations internationales sur le climat, tous les pays se sont engagés à maintenir la hausse des températures en deçà de 2 °C par rapport à l'ère préindustrielle. Or Christophe McGlade et Paul Ekins, chercheurs à l'UCL (University College London), soulignent dans la revue Nature que pour aboutir à ce résultat, il faudrait que globalement, les pays s'abstiennent d'extraire un tiers des réserves de pétrole, la moitié des réserves de gaz et plus de 80 % du charbon disponibles dans le sous-sol mondial, d'ici à 2050. Les chercheurs montrent ainsi, pays par pays, que cela concerne l'essentiel des immenses réserves de charbon qui se trouvent en Chine, en Russie, en Inde et aux États-Unis[36].
182
+
183
+ Sous la pression de l'Initiative Climate Action 100 +, composée de plus de trois cents investisseurs menés par l'Église d'Angleterre, le groupe Glencore, premier exportateur mondial de charbon, s'engage en février 2019 à plafonner sa production de charbon à son niveau actuel (150 millions de tonnes par an) et à cesser de faire des acquisitions d'ampleur dans ce secteur[37]
184
+
185
+ En 2020, les banques françaises ont toutes publié des stratégies de sortie du charbon en ligne avec les objectifs de l'Union européenne, soit à la fin de la décennie actuelle[38].
186
+
187
+ L'industrie cherche (notamment dans le contexte du marché du carbone) à « verdir » le charbon en projetant pour le futur proche une filière dite « clean coal » associant une combustion mieux contrôlée à un meilleur lavage des fumées et vapeurs, et à la capture et séquestration du dioxyde de carbone qui fait l'objet de tests et recherches au niveau de la post-combustion, de la précombustion ou avec une oxycombustion[39]. Le charbon ne pourrait devenir réellement propre que par la séquestration géologique du dioxyde de carbone (CCS), or si un meilleur contrôle de la combustion et du refroidissement des gaz permet de réduire les dioxines, SOx et NOx, la récupération du plomb et du mercure des vapeurs de combustion n'est pas encore au point.
188
+
189
+ La question se pose aussi du devenir et de la gestion des énormes crassiers de cendres et mâchefers ou du plomb, mercure et autres toxiques récupérés.
190
+
191
+ Enfin, le captage du CO2 n'est pas encore au point à échelle industrielle, et il consomme des quantités significatives d'énergie ou de ressources. Et le stockage géologique n'est pas sans risques si le CO2 reste sous forme de gaz.
192
+
193
+ Évoluer vers le charbon propre a un coût exorbitant pour les pays pauvres ; selon l'AIE, il faudrait 1 500 milliards de dollars d'investissements cumulés (auquel il faudrait ajouter les coûts d'entretien) rien que pour mettre aux normes des meilleures pratiques des années 2000 les centrales électriques au charbon de 2001 à 2030. Les coûts seraient encore bien plus élevés si une très faible émission de CO2 est visée[40]. Des pays comme l'Allemagne peuvent investir dans un charbon « propre » (mais ne l'ont pas fait) en espérant pouvoir valoriser ces investissements sous forme de techniques, savoir et savoir-faire, brevets et équipements de captation des polluants et du carbone, mais pour les pays pauvres, l'investissement paraît impossible, d'autant que l'exploitation et le transport de nouvelles ressources charbonnières devrait elle-même nécessiter pour la même période (2001-2030) un besoin supplémentaire en investissements cumulés d'environ 398 milliards USD. En outre ces techniques devraient augmenter le prix du charbon, ce qui pourrait le rendre moins compétitif face aux alternatives renouvelables (solaire, éolien, énergies marines, méthanisation, méthanation, etc.)
194
+
195
+ Comme le charbon est abondant, et qu'il pose des problèmes qui concernent aussi l'industrie pétrolière et gazière (dont pour la difficile dépollution du mercure) ainsi que des industries lourdes très émettrices de CO2 comme la métallurgie et les cimentiers, de nombreux programmes de R&D pour la capture et séquestration du dioxyde de carbone ont été lancés dans le monde, dont aux États-Unis (projet « FutureGen »), en Australie (COAL21) et en Europe (projets « Castor », « Hypogen » et « ENCAP »). Ces recherches impliquent en France des entités nationales telles que le BRGM, Gaz de France, Total, Air liquide, EDF, Arcelor, CNRS, GEOSTOCK, INERIS, Groupe Lafarge, SARP Industries[41], Schlumberger, l'Institut français du pétrole, Charbonnages de France, le Club CO2 et le Réseau des technologies pétrolières et gazières (RTPG), etc. avec le soutien de l'ADEME, qui peuvent coopérer avec d'autres groupes européens (Siemens par exemple) ou extra-européens. Mais à ce jour, les prototypes les plus avancés ne peuvent traiter qu'une infime partie des émissions totales.
196
+
197
+ Dans tous les cas, à moyen ou long terme, développer l'efficience énergétique et diminuer l'appel aux énergies fossiles et donc au charbon, au profit d'énergies renouvelables, propres, sûres et décentralisées devrait être une priorité estiment la plupart des experts[42].
198
+
199
+ La séquestration géologique du dioxyde de carbone est controversée car elle serait, selon ses détracteurs, limitée et risquée et car elle pourrait décourager les efforts nécessaires pour diminuer les émissions de CO2[43].
200
+
201
+ L'extraction du charbon dans les mines est un travail dangereux (espérance de vie réduite pour les mineurs[44]) surtout quand le charbon est exploité dans des galeries souterraines : coup de grisou, intoxications, silicose, effondrements. L'inhalation de poussière de charbon est l'un des facteurs de maladies articulaires[45] et de maladies respiratoires[46],[47], dont silicose[48] et de risque accru de cancer du poumon[49] et du larynx[50].
202
+
203
+ Les mineurs sont aussi exposés au radon[51],[52] (gaz radioactif qu'ils inhalent, et qui devient alors source de cancer des poumons[53],[54],[55]) et ses produits de dégradation[56] ; certains charbons contiennent des quantités significatives d'uranium qui en se dégradant libère du radon : dans la mine de charbon de Figueira (sud du Brésil), on a trouvé une radioactivité ambiante 30 fois supérieure à la moyenne des mines de charbon[57], qui pourrait expliquer une mortalité anormalement élevée chez les mineurs qui y travaillent.
204
+
205
+ En France, deux maladies professionnelles liées à l'extraction du charbon sont reconnues par la Sécurité sociale :
206
+
207
+ Autres références :
208
+
209
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/967.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,153 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+ Si vous disposez d'ouvrages ou d'articles de référence ou si vous connaissez des sites web de qualité traitant du thème abordé ici, merci de compléter l'article en donnant les références utiles à sa vérifiabilité et en les liant à la section « Notes et références »
2
+
3
+ En pratique : Quelles sources sont attendues ? Comment ajouter mes sources ?
4
+
5
+ modifier
6
+
7
+ La charge électrique est une propriété fondamentale de la matière qui lui permet d'interagir par le biais de champs électromagnétiques. Il s'agit d'une grandeur scalaire, qui joue pour l'interaction électromagnétique le même rôle que la masse[N 1] pour l'interaction gravitationnelle. Toutefois, contrairement à cette dernière, il existe deux types de charges électriques, que l'on distingue par leurs signes, positif ou négatif. Des charges de même signe se repoussent, tandis que celles de signes opposés s'attirent. Dans la matière ordinaire, il y a équilibre entre les charges positives et négatives, on parle de neutralité électrique.
8
+
9
+ L'unité usuelle de mesure de la charge est le coulomb (C). Toutefois, dans certains contextes, d'autres unités comme l'ampère-heure (A h) sont parfois utilisées.
10
+
11
+ La charge électrique se conserve toujours et constitue une propriété essentielle des particules élémentaires soumises à l'interaction électromagnétique. La matière électriquement chargée est influencée par, et produit, les champs électromagnétiques. Depuis l'expérience de Millikan en 1909, il a été mis en évidence que la charge électrique est quantifiée : toute charge Q quelconque est un multiple entier de la charge élémentaire, notée e[N 2], qui correspond à la valeur absolue de la charge de l'électron, avec e ≈ 1,602 × 10−19 C. Toutefois, en raison de la petitesse de cette valeur, il est souvent possible de considérer la charge comme une quantité continue lorsque des quantités macroscopiques de charges sont considérées[N 3]. En électronique, le caractère discret de la charge électrique se manifeste cependant par un type de bruit particulier appelé « bruit de grenaille ».
12
+
13
+ La charge électrique est une notion abstraite, comparable à celle de masse, qui permet d'expliquer certains comportements. Contrairement à la masse, la charge électrique peut prendre deux formes, que l'expérience amène à considérer comme « opposées » ; on les qualifie arbitrairement de « positive » et « négative ».
14
+
15
+ Deux charges de même nature, deux charges positives par exemple, se repoussent, alors que deux charges de nature opposée s'attirent. On appelle ce phénomène interaction électromagnétique.
16
+
17
+ L'interaction entre les charges et un champ électromagnétique est la source d'une des quatre forces fondamentales. Ces champs électromagnétiques, en mécanique classique, obéissent aux équations de Maxwell.
18
+
19
+ La charge électrique peut être directement mesurée avec un électromètre. Son unité est le coulomb. Les particules observées possèdent des charges qui sont des multiples entiers de la charge élémentaire qui est une constante physique fondamentale (excepté pour les particules appelées quark qui ont une charge électrique correspondant à un entier multiplié par e/3). Les quarks ont des charges fractionnaires de -1/3 ou +2/3, mais des quarks libres n'ont jamais été observés. La raison théorique avancée pour expliquer cette observation est la liberté asymptotique. La nature discrète de la charge électrique a été démontrée par Robert Millikan dans l'expérience qui porte son nom.
20
+
21
+ La charge électrique est découverte par les anciens Grecs qui constatent que le frottement de la fourrure sur diverses substances, telles que l'ambre, produit un déséquilibre de charge électrique (phénomène triboélectrique). Les Grecs notent que des boutons en ambre chargés pouvaient attirer des objets légers tels que des cheveux. Ils remarquent également que s'ils frottent l'ambre assez longtemps, ils peuvent même obtenir une étincelle. Le mot « électricité » dérive de « ηλεκτρον », le mot grec pour « ambre ».
22
+
23
+ Au XVIIIe siècle, l'étude de l'électricité devient populaire. On réalise des expériences d'électrostatique au cours desquelles, à l'aide de dispositifs jouant le rôle de condensateurs tel que la bouteille de Leyde, on atteint des tensions suffisamment élevées pour provoquer des commotions. Par une série d'expériences (1733), l'intendant du Fay distingue deux sortes d'électricité : l'électricité vitreuse (+) et l'électricité résineuse (-) correspondant aux deux types de comportement de la matière lors d'une électrisation par frottement.
24
+
25
+ À la même époque, Benjamin Franklin imagine l'électricité comme étant un type de fluide invisible présent dans toute la matière. Il pose comme principe que le frottement de surfaces isolantes met ce fluide en mouvement et qu'un écoulement de ce fluide constitue un courant électrique. Il pose également comme principe que la matière contenant trop peu de ce fluide est chargée négativement, chargée positivement sinon. Arbitrairement, en tout cas pour une raison qui nous est inconnue, il identifie le terme « positif » avec le type de charge acquis par une tige de verre frottée sur de la soie, et « négatif » avec celui acquis par une tige en ambre frottée avec de la fourrure. Peut-être dû au potentiel électrique de la matière.
26
+
27
+ Nous savons maintenant que le modèle de Franklin était trop simple. La matière se compose réellement de deux genres d'électricité : les particules appelées « protons » qui portent une charge électrique positive et les particules appelées « électrons » qui portent une charge électrique négative.
28
+
29
+ Le courant électrique peut avoir différentes causes : un écoulement de particules négatives, par exemple dans un conducteur métallique, ou un écoulement de particules positives, ou encore un écoulement de particules négatives et positives dans des sens opposés, par exemple dans une solution ionique.
30
+
31
+ Pour réduire cette complexité, les électriciens emploient toujours la convention de Franklin et imaginent le courant électrique, connu sous le nom de « courant conventionnel », comme constitué d'un écoulement de particules exclusivement positives.
32
+
33
+ Le courant conventionnel simplifie les concepts et les calculs, mais masque le fait que dans quelques conducteurs (électrolytes, semi-conducteurs, et plasma) les deux types de charges électriques se déplacent dans des directions opposées, ou que dans les métaux, les charges négatives sont quasi exclusivement responsables de la circulation du courant. Ces derniers paramètres sont l'affaire des scientifiques de recherche sur le sujet et des ingénieurs de conception en électrotechnique et électronique.
34
+
35
+ Hormis les propriétés décrites concernant l'électromagnétisme, la charge est un invariant de la théorie de la relativité : n'importe quelle particule de charge q, quelle que soit sa vitesse, gardera toujours sa charge q
36
+
37
+ Dans le système international d'unités, la charge électrique a pour unités le coulomb[1], de symbole C, qui constitue une unité dérivée, dont le nom vient de celui du physicien français Charles-Augustin Coulomb. Par définition, c'est la quantité de charge transportée en 1 seconde par un courant électrique ayant une intensité de 1 ampère[2]. Par suite 1 C = 1 A s, et la charge électrique Q a pour dimensions [Q]=A.T.
38
+
39
+ Dans le contexte industriel ou en ingénierie, l'ampère-heure (A h, aussi écrit ampèreheure) ou ses sous-multiples sont couramment employés à la place du coulomb, par exemple pour indiquer la capacité d'une batterie, avec 1 A h = 3 600 C. L'intérêt de cette unité est de pouvoir rapidement évaluer la durée de fonctionnement d'une batterie débitant un courant d'intensité donnée, ainsi par exemple une batterie d'une capacité de 30 A h délivrant un courant d'intensité 1 A pourra théoriquement fonctionner 30 heures, 15 heures si le courant est de 2 A, etc.
40
+
41
+ Mise en évidence en 1785 par le physicien français Charles-Augustin Coulomb, la loi de Coulomb permet d'exprimer la force
42
+
43
+
44
+
45
+
46
+
47
+
48
+
49
+ f
50
+
51
+
52
+
53
+
54
+
55
+ 12
56
+
57
+
58
+
59
+
60
+ {\displaystyle {\vec {f}}_{12}}
61
+
62
+ exercée par une charge électrique de valeur
63
+
64
+
65
+
66
+
67
+ q
68
+
69
+ 1
70
+
71
+
72
+
73
+
74
+ {\displaystyle q_{1}}
75
+
76
+ sur une autre charge électrique de valeur
77
+
78
+
79
+
80
+
81
+ q
82
+
83
+ 2
84
+
85
+
86
+
87
+
88
+ {\displaystyle q_{2}}
89
+
90
+ , toutes deux supposées ponctuelles[N 4], et fixes dans le référentiel d'étude.
91
+
92
+ La loi de Coulomb s'écrit:
93
+
94
+ avec:
95
+
96
+ Clairement, si les charges sont de même signe, alors la force est répulsive, alors que dans le cas contraire elle est attractive.
97
+
98
+ La loi de Coulomb a une forme similaire à la loi de Newton pour la gravitation universelle, qui permet d'exprimer la force
99
+
100
+
101
+
102
+
103
+
104
+
105
+
106
+ F
107
+
108
+
109
+
110
+
111
+
112
+ 12
113
+
114
+
115
+
116
+
117
+ {\displaystyle {\vec {F}}_{12}}
118
+
119
+ exercée par une masse
120
+
121
+
122
+
123
+
124
+ m
125
+
126
+ 1
127
+
128
+
129
+
130
+
131
+ {\displaystyle m_{1}}
132
+
133
+ sur une autre masse
134
+
135
+
136
+
137
+
138
+ m
139
+
140
+ 2
141
+
142
+
143
+
144
+
145
+ {\displaystyle m_{2}}
146
+
147
+ [N 5], supposées ponctuelles, et qui s'écrit avec les mêmes conventions que précédemment:
148
+
149
+ avec G constante de gravitation universelle, G = 6,674 08 × 10−11 m3 kg−1 s−2.
150
+
151
+ Par comparaison des deux expressions, il est clair que les deux forces varient en raison inverse du carré de la distance, sont toutes deux de portée infinie, et que la charge électrique joue pour en électrostatique le même rôle que la masse (gravitationnelle) pour la gravitation universelle.
152
+
153
+ Toutefois, deux différences majeures sont à signaler:
fr/968.html.txt ADDED
The diff for this file is too large to render. See raw diff
 
fr/969.html.txt ADDED
The diff for this file is too large to render. See raw diff
 
fr/97.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,259 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+ Des passages de cet article sont désuets ou annoncent des événements désormais passés. Améliorez-le ou discutez-en. Vous pouvez également préciser les sections à actualiser en utilisant {{section à actualiser}}.l'article doit être mis à jour pour mentionner la vente par Bombardier de la totalité de sa participation dans l'A220 incluant son opération d'assemblage de cockpit à Saint Laurent (Montréal)
2
+
3
+
4
+
5
+ Airbus Helicopters
6
+
7
+ Airbus Commercial Aircraft, connu sous le nom Airbus est un constructeur aéronautique européen dont le siège social se trouve à Blagnac, dans la banlieue de Toulouse, en France. Division détenue à 100 % par le groupe industriel du même nom, l'entreprise fabrique plus de la moitié des avions de lignes produits dans le monde, et est le principal concurrent de Boeing.
8
+
9
+ Airbus fut fondé en tant que consortium par des fabricants européens à la fin des années 1960. Airbus Industrie est devenue une société par actions simplifiée (SAS) en 2001, filiale d’EADS renommé Airbus Group en 2014 puis Airbus en 2017. BAE Systems détenait 20 % d’Airbus entre 2001 et 2006.
10
+
11
+ Ainsi en 2010, 62 751 personnes sont employées sur 18 sites d'Airbus situés en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Espagne. Même si les pièces des avions Airbus sont essentiellement fabriquées en Europe certaines proviennent du monde entier. Mais les chaînes d'assemblage final (FAL) se trouvent à Toulouse (France), Hambourg (Allemagne), Séville (Espagne), Tianjin (Chine), Mobile (États-Unis) et Mirabel (Canada). Des filiales d'Airbus se trouvent aussi aux États-Unis, en Chine, au Japon et en Inde.
12
+
13
+ Airbus a produit son premier avion, l'A300, en 1972, et propose une gamme d'avions commerciaux allant de l'A318 à l'A380, ainsi que des avions de fret et d'affaires. Airbus a été le premier constructeur à installer un système de commandes de vol électriques sur l'A320. En 2013, Airbus a produit 626 avions et a reçu 1 503 commandes nettes[2]. Il s'agit du résultat commercial le plus élevé de l'histoire de l'aéronautique[précision nécessaire]. Début 2017, Airbus annonce avoir battu son propre record de livraisons avec la production de 688 avions cette année, il devient ainsi no 1[3]. Le 15 novembre 2017, Airbus décroche la plus importante commande de l'histoire de l'aéronautique en vendant au loueur américain Indigo un total de 430 moyen-courriers A320neo, pour une valeur catalogue évaluée à près de 50 milliards de dollars US[4].
14
+
15
+ Le 10 juillet 2018, dans le cadre de son alliance avec le constructeur canadien Bombardier, Airbus dévoile la famille A220, composée de l’A220-100 (ex CS100) et de l’A220-300 (ex CS300).
16
+
17
+ Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, l'industrie aéronautique mondiale est dominée par les États-Unis. Douglas, Boeing et Lockheed bénéficient de l’important effort de guerre américain entre 1939 et 1945 et construisent un grand nombre d'appareils militaires quadrimoteurs à pistons, dont les versions civiles commerciales (DC-6, Boeing 377, Constellation, etc.) connaissent un grand succès commercial. L’arrivée des turboréacteurs marque le début de l'ère des avions à réaction, et les plus récents appareils (DC-8, Boeing 707, Boeing 720) dominent le marché aérien. En Europe, les infrastructures de l'industrie aéronautique ont été en partie détruites pendant la guerre[5], mais la production reprend vite et les premiers appareils équipés de turboréacteurs (Caravelle de Sud-Aviation, Trident de Hawker-Siddeley, VC10 de Vickers, BAC 1-11 de British Aircraft Corporation, etc) sortent dans les années 1950. Ils ne rencontrent cependant pas le même succès que leurs concurrents américains, se vendent beaucoup moins et ne parviennent pas à percer le marché des États-Unis[6].
18
+
19
+ Dans les années 1960, le transport aérien de masse est en pleine expansion, et une étude de la FAA prévoit un triplement du trafic entre 1965 et 1971 pour un marché s'élevant à 1 610 appareils[7]. Au salon du Bourget de 1965, les principales compagnies aériennes européennes mènent des discussions officieuses sur leurs besoins en courts- et moyens-courriers, nécessaires pour réagir face à la croissance du trafic[8]. Les constructeurs américains se lancent dans la construction de gros-porteurs (Lockheed L-1011, Boeing 747, etc) tandis que, afin d'éviter une concurrence frontale, les Européens s'intéressent à un marché différent, celui des courts-courriers de deux-cents places, plus adaptés aux liaisons courtes mais denses rencontrées en Europe, et cherchent à développer l'idée des « air bus » (« bus des airs »)[8].
20
+
21
+ Des rencontres entre les principaux protagonistes du transport aérien ont lieu, et les constructeurs européens suivent tous leurs propres projets : Galion pour Sud-Aviation, le successeur du BAC 1-11 pour British Aircraft Corporation, une version allongée du Trident pour Hawker-Siddeley, etc. Hawker-Siddeley mène également des études avec Nord-Aviation et Breguet sur un nouveau gros-porteur, le « HBN 100 » (initiales de Hawker, Breguet et Nord), un appareil au fuselage circulaire de 20 pieds de diamètre, similaire à celui du 747 de Boeing[9],[10],[11]. Des industriels allemands, voyant une chance de relancer leur production industrielle nationale, lancent eux aussi un groupe d'étude regroupant 5 constructeurs (Dornier, Hamburger Flugzeugbau, Messerschmitt-Bölkow, Siebelwerke-ATG et VFW). Le Studiengruppe Airbus, utilisant le nom « Airbus » de façon officielle, étudie la possibilité de participer à une collaboration internationale mais aucun de ces projets ne rivalise avec les appareils américains[12]. British European Airways réunit alors huit compagnies aériennes européennes en octobre 1965, lors d'un symposium consacré au marché de l'« Airbus ». Il en ressort un projet franco-britannique d'appareils de 200 à 225 passagers d'une autonomie de 810 miles nautiques, pour un prix de revient de 20 à 30 % moins important que le 727-200[9],[13].
22
+
23
+ En 1965, les Allemands transforment leur groupe d'étude en une structure plus organisée et coordonnée, le Arbeitsgemeinschaft Airbus, qui vise au développement d'un gros-porteur quadriréacteur en collaboration avec d'autres partenaires européens[14]. Au début de l’année 1966, Sud-Aviation et Dassault discutent aussi d'un projet de gros-porteur biréacteur concurrent du HBN-100. Face à cette recrudescence d’intérêt, les gouvernements allemand, britannique et français s'entendent pour désigner une seule entreprise nationale pour les représenter (Arbeitsgemeinschaft Airbus pour l’Allemagne, Hawker-Siddeley pour le Royaume-Uni et Sud-Aviation pour la France). Le projet HBN-100 est officiellement choisi et une demande de financement est faite auprès des trois gouvernements le 15 octobre 1966. Pour la première fois, le projet est présenté sous le nom d'« Airbus A300 ».
24
+
25
+ Début 1967, la taille de l'A300 est sensiblement revue à la hausse, en partie pour des questions de prestige, bien qu'aucune compagnie aérienne européenne ne voit le besoin d'une telle capacité dans un avenir immédiat[15]. Français et Britanniques se mettent d'accord pour attribuer la gestion des études à la France, à la condition que Rolls-Royce soit le fournisseur des moteurs. En mai 1967, un projet plus élaboré, d'une capacité de 300 passagers, est présenté et le coût en recherche et développement est évalué à 190 millions de livres, pris en charge à 37,5 % par le Royaume-Uni, 37,5 % par la France et 25 % par l'Allemagne[16]. Les estimations prévoient un marché potentiel de 250 appareils et le 25 juillet 1967, le projet d'accord est officiellement signé afin de « renforcer la coopération européenne dans le domaine de la technologie aérospatiale ». Un mémorandum d'entente sur le lancement de la première phase d'étude de l'A300 est signé à Londres en septembre 1967[17]. Il prévoit que les plans définitifs soient arrêtés en juin 1968 et que le prototype ne soit construit qu'à la condition que les commandes atteignent 75 exemplaires[18].
26
+
27
+ Dans les mois qui suivent la signature, les gouvernements français et britanniques expriment des doutes sur la faisabilité du projet. Les compagnies aériennes boudent l'A300 qu'elles estiment trop grand et le consortium n’enregistre aucune commande au mois de juin 1968[18]. Français et Britanniques s'inquiètent face à l’augmentation du coût du programme. La France doit financer deux grands projets en parallèle (Concorde et Dassault Mercure 100) mais voit cependant dans l'A300 une possibilité de fournir du travail à 30 000 salariés, pour la plupart français, tandis que le Royaume-Uni, déjà inquiété par le coût du développement du Concorde, émet de plus en plus de doutes quant à sa participation. De plus, Rolls-Royce et Lockheed ayant signé un accord d'exclusivité pour le moteur RB211 censé équiper l'A300, le Royaume-Uni se voit dans l’obligation de financer le développement d'un nouveau turboréacteur plus puissant[19]. En prenant ce renseignement en 1968, Roger Béteille décida de faire adapter le projet aux réacteurs disponibles. En conséquence, une solution fut proposée en tant que l'« A250 » selon le nombre de sièges mais aussitôt rebaptisé « A300B » ayant des dimensions légèrement inférieures à l'A300 initial et pèse 25 tonnes de moins[vh 1]. Sa soute fut redessinée afin de lui permettre d'embarquer des conteneurs LD3 côte-à-côte et d'augmenter sa rentabilité économique[18]. Tony Benn, ministre des technologies britannique, annonce en décembre 1968 que le Royaume-Uni ne peut s'engager à participer financièrement au projet et pourrait ne pas soutenir le consortium. Le Royaume-Uni décide finalement d'abandonner sa participation au projet en 1969[20].
28
+
29
+ Face à ce retrait, l'Allemagne de l'Ouest, poussée par son ministre des finances Franz Josef Strauß voit une chance de reconstruire son industrie aéronautique civile et propose d'augmenter sa participation au projet et de porter son financement à 50 %[21]. La France et l'Allemagne signent au Salon du Bourget de 1969 un accord de coopération pour le biréacteur « A300B » de 226 places, conçu pour être plus économique que les tri ou quadriréacteurs concurrents[22],[21]. La motorisation est attribuée à General Electric en coopération avec Snecma pour mettre au point le futur moteur CFM 56. Malgré le retrait du Royaume-Uni, Arnold Hall, directeur de Hawker-Siddeley, avait déjà investi 35 millions de Livres dans la conception et la fabrication des ailes et décide de s'associer seul à Sud-Aviation et Deutsche Airbus sur le projet A300B[21].
30
+
31
+ Au 1er janvier 1970, Sud- et Nord-Aviation s'unissent pour former un géant de l’aéronautique : Aérospatiale. Français et Allemands souhaitent formaliser la structure de leur collaboration et le financement de l'A300B. Initialement réparti à hauteur de 50 % pour chaque pays, les parts doivent être modifiées. Plusieurs des partenaires de Deutsche Airbus décident de se retirer du projet, ne laissant que MBB et VFW-Fokker. Mais comme VFW-Fokker n'est que la partie allemande du groupe Fokker-VFW basé aux Pays-Bas, le gouvernement néerlandais se voit dans l'obligation de prendre 6,6 % des parts du projet A300B afin de régulariser la situation. La part de la France et de l’Allemagne ne se montent plus qu'à 46,7 %[23]. Après cette restructuration, Aerospatiale et Deutsche Airbus forment officiellement « Airbus Industrie » le 18 décembre 1970[24]. La structure d'Airbus Industrie est celle d'un groupement d'intérêt économique (GIE) qui permet des échanges facilités entre les nations participantes et offre plus de flexibilité dans les opérations[23]. Le siège de la nouvelle entité est basé à Paris et Franz-Josef Strauss est nommé président du conseil de surveillance, chargé de décider des nouveaux programmes[25].
32
+
33
+ Après le transfert des parts de Fokker à l'Allemagne de l'Ouest, le constructeur espagnol Construcciones Aeronáuticas Sociedad Anónima (CASA), qui avait été associé au programme Dassault Mercure depuis 1969, rejoint Airbus Industrie et prend 4,2 % du capital, réduisant la part d’Aérospatiale et de Deutsche Airbus à 47,9 % chacun[26],[27].
34
+
35
+ Dès la construction du prototype, il était prévu, notamment par Felix Kracht, de construire des variantes de l’A300B avec des capacités d'emport et des rayons d'action accrus afin d'en faire un appareil flexible et adaptable à tous les segments du marché[vh 2] :
36
+
37
+ La capacité de l'A300B1 n’est pas assez importante pour la compagnie Air France qui porte un plus grand intérêt à la version allongée A300B2, d'une capacité de 270 passagers et passe une commande de 6 exemplaires de cette version, le 3 septembre 1970, la toute première commande d'Airbus. Le premier vol de l'A300B1 est réalisé le 28 octobre 1972 avec un mois d'avance sur le calendrier prévu et il reçoit les certification de la DGAC française et de la LBA allemande le 15 mars 1974[vh 2] et de la FAA le 30 mai 1974. Air France est la première compagnie qui ait exploité le premier vol commercial de l'A300, entre Paris et Londres, le 15 avril 1974[29].
38
+
39
+ Afin de faire connaître l’A300 et de tenter de percer le marché américain, Airbus décida en septembre 1973 de lancer une tournée d'exhibition de six semaines en Amérique du Nord et Amérique du Sud, car le constructeur envisageait le marché américain depuis sa fondation. Si cette tournée rencontra un grand succès, la vente de l'A300 restait encore difficile. De fait, entre la fin 1975 et le mois de mai 1977, aucune commande ferme ne fut signée[30].
40
+
41
+ Le premier contrat outre-Atlantique fut conclu par Western Airlines avec huit A300B4 pour remplacer ses B707 et B720 vieillis, en janvier 1977[31]. Néanmoins, Airbus connaît dorénavant et jusqu'ici le protectionnisme fort des États-Unis qui fit ruiner le contrat de Western[vh 3].
42
+
43
+ C'est Frank Borman, directeur de la compagnie Eastern Air Lines et ancien astronaute, qui sauva le programme de l'A300, en commandant 23 A300B4 le 6 avril 1978[vh 4]. Cet achat lança la carrière d'Airbus aux États-Unis[32]. Au préalable Airbus lui avait proposé une location gratuite de quatre appareils neufs pour six mois afin que la compagnie puisse éprouver la fiabilité et la rentabilité de l'A300. EAL ne supportait que les coûts de formation de l'équipage et d'exploitation. Il ne fallut que trois mois d'essai en faveur à Borman pour juger de l'avion[vh 5]. Aussitôt l'acquisition annoncée, Borman fut critiqué par plusieurs administratifs ainsi que par le PDG de Douglas. Si Airbus n'avait pas sélectionné le réacteur de General Electric, EAL n'aurait pas pu résister à leurs attaques. Cet homme, distingué pour sa carrière auprès de l'armée et de l'astronautique, réussit à défendre son contrat avec Airbus, en soulignant le grand nombre de fournisseurs américains participant au programme de l'A300, surtout pour les pièces moteur[30].
44
+
45
+ Alors que l’A300 rencontra un grand succès commercial face à Boeing, Airbus se décida à lancer en juillet 1978 le développement d'un successeur[33]. La capacité de l'A300 avait en grande partie été décidée afin de satisfaire les besoins de la compagnie Air France mais avait donné naissance à un appareil un peu trop grand pour les besoins réels[34] et de nombreuses compagnies n’avaient pas le trafic suffisant pour remplir des A300. Afin de réduire les coûts de recherche et développement, Airbus envisage de concevoir l'A300B10MC (pour A300B Minimum Change) en raccourcissant le fuselage d'un A300B afin d'obtenir une capacité de 220 passagers mais un tel appareil aurait l'inconvénient d'avoir une voilure et un train d'atterrissage surdimensionnés et trop lourds, entraînant une surconsommation de kérosène[35]. De nombreuses séances de concertation entre les différents partenaires se suivent et permettent d'affiner les caractéristiques du futur A310. Contrairement à l'A300 largement influencé par des décisions politiques des pays participants, les considérations techniques et commerciales priment durant le développement du projet A310 et marquent pour la première fois l'émergence d'un vrai pouvoir industriel d'Airbus face aux états membres[36].
46
+
47
+ La première maquette de l'A310 est présentée au salon aérien d’Hanovre en avril 1978 et l’A300B10 est lancé le 6 juillet 1978 par Aerospatiale, MBB, Fokker et CASA[37]. Au début de l'année 1979, Lufthansa, Swissair, KLM, Air France et Iberia ont déjà passé commande de nombreux exemplaires de l'A310, dont les plans se précisent de plus en plus. L’effort de conception de l'A310 permet au Royaume-Uni et à British Aerospace (BAe) de retrouver un rôle dans l'industrie aéronautique européenne car de nouvelles ailes doivent être créées pour l'A310. BAe est un conglomérat national issu du mouvement de consolidation de l’industrie aéronautique britannique lancé par le gouvernement travailliste au cours des années 1970 et le gouvernement britannique se pose la question de savoir si BAe doit se rapprocher d'Airbus ou d'un constructeur américain. British Airways, dont la majorité des appareils sont américains, et Rolls-Royce Lld, dont le réacteur RB211 équipe le Boeing 757, sont en faveur d'une alliance avec les Américains mais l'implication de Hawker-Siddeley dans le programme A300 favorise un rapprochement avec Airbus et un accord est signé entre Airbus et BAe le 27 octobre 1978. Les gouvernements français, allemand, espagnol et britannique ratifient cet accord le 27 octobre 1978 et BAe rejoint officiellement le GIE le 1er janvier 1979 pour participer au développement et à la construction de l'A310[38]. La participation des États-membres du consortium est alors la suivante : 37,9 % pour les Allemands et les Français, 20 % pour les Britanniques et 4,2 % pour les Espagnols[39].
48
+
49
+ Le prototype de l’A310 effectua son premier vol d'essai le 3 avril 1982[40],[41] et les premiers appareils équipés des réacteurs General Electric CF6-80A3 et Pratt & Whitney JT9D-7R4D1[easa 1] furent simultanément livrés à Lufthansa et à Swissair le 29 mars 1983[42], avec une grande cérémonie organisée par Airbus, à la suite de leurs livraisons légales précédentes. Tous les deux types avaient obtenu leur certification, le 11 mars[easa 1].
50
+
51
+ De nombreuses innovations technologiques font leur apparition sur l'A310. Les aérofreins, les spoilers et la gouverne sont réalisés en plastique à renfort fibre de carbone, d'abord à l'essai sur l'A300 (5 %) puis inclus en série sur l'A310-200 (7 %)[44]. C'est également le premier appareil à disposer d'une voilure supercritique. Face à la demande des compagnies aériennes d'appareils offrant des rayons d'action accrus, Airbus propose en 1982 une nouvelle version de l'A310 avec une autonomie de 7 500 km, l'A310-300. Pour la première fois, les structures principales tel l'empennage vertical sont en matériaux composites[45]. L'ajout de winglets permet de réduire la traînée induite par la portance et de diminuer la consommation de kérosène. Même si l’A310 offre de nombreuses innovations technologiques, il rencontre un succès commercial mitigé avec seulement 255 livraisons à la fin 2000 contre plus de 817 pour son principal concurrent, le Boeing 767[46].
52
+
53
+ La récession du début des années 1980 entraîne une baisse des commandes et l’arrêt de la production de l'A300B en 1984. Une version modernisée de l’A300, l'A300-600, est proposée et reprend les principales caractéristiques de l’A300 mais en y intégrant les nouveautés technologiques de l'A310 : suppression du mécanicien de bord et cockpit à deux pilotes uniquement. En profitant de l'empennage de l'A310, plus de sièges furent ajoutés tandis que la masse maximale au décollage fut augmentée, d'abord jusqu'à 165 tonnes (A300B4-600)[easa 2], puis plus de 170,5 tonnes (A300B4-600R)[easa 3]. L’A300-600 rencontre un succès plus important que l'A310 et est décliné en version fret et Super Transporter.
54
+
55
+ Alors que les Allemands ont obtenu la réalisation de l’A310, les études de marché montrent que le segment des moyen-courriers de 150 places devient de plus en plus populaire auprès des compagnies et permettrait de concurrencer le Boeing 737-200 et le DC-9 de MacDonnell Douglas[47]. Les premières études pour un tel appareil remontent au milieu des années 1970 lorsqu’un comité composé d'Aerospatiale, BAC, Hawker-Siddeley, Dornier, MBB et VFW se réunit en 1974 pour discuter de plusieurs propositions d'avion. Dassault propose le Mercure 2000, BAC propose le X-Eleven et Aérospatiale propose l'A200 en deux versions : l'A200A de 134 places et l’A200B de 174 places[48].
56
+
57
+ En 1981, le Conseil de surveillance d'Airbus Industrie autorise le GIE à entamer des pour-parler avec les compagnies et les motoristes pour un appareil de 150 places et en juin 1981, Bernard Lathière annonce que le programme A320 est officiellement lancé[49]. Les études montrent alors que le marché des A320 pourrait s'élever à 3 000 exemplaires sur 10 ans[47]. Au Salon du Bourget, Air France donne un essor supplémentaire à ce programme en déclarant son intention d'acquérir 25 appareils avec une option sur 25 autres, avant même que le programme ne soit officiellement lancé[50],[51]. Le nouvel appareil d'Airbus devait être de taille similaire au B737, mais devait proposer différentes capacités d'emport. Après le choc pétrolier de 1970, Airbus a souhaité minimiser la consommation de ses A320 et se différencier de la concurrence en introduisant des innovations technologiques à la fois décisives et nombreuses, telles que les commandes de vol électrique, les structures en matériaux composites, le contrôle du centre de gravité par déplacement du kérosène, la planche de bord tout écran et un cockpit avec seulement deux pilotes. Ces innovations ont permis à l'A320 de consommer moitié moins de kérosène que le Boeing 737 et de procurer des économies substantielles du fait d'un pilotage à deux.
58
+
59
+ Lorsque l'A320 est officiellement lancé le 2 mars 1984, les commandes fermes atteignent déjà le chiffre de 80 de la part de cinq compagnies différentes[50]. En 1988, Airbus sort l'A320, le premier avion civil à commandes de vol électriques numériques, entièrement contrôlées par des calculateurs. Très controversée initialement, cette technologie a été mise au point notamment grâce à l'expérience accumulée sur Concorde. L'A320 est le premier avion de sa catégorie (narrow body ou single aisle, c'est-à-dire à fuselage étroit ou un seul couloir de 150 places environ) conçu après le Boeing 737 qui date des années 1960.
60
+
61
+ Le succès de l'A320 fut encore plus clair lorsqu'Airbus, en concurrence avec Boeing, remporta une importante commande de la part de la compagnie américaine Pan Am[50]. Le premier A320 a été présenté au public à Toulouse lors d'une fastueuse cérémonie en février 1987[50] et le premier appareil a été livré en mars 1988, puis mis en service par Air France le 18 avril 1988. Le Crash d'Habsheim, le 26 juin 1988 fut à l'origine des controverses sur la « fiabilité affirmée » de l'avion et plus particulièrement sur celle de l'informatique embarquée.
62
+
63
+ Le pilotage à deux fut à l'origine d'un mouvement de grève important chez Air Inter de la part des navigants. Mais cette grève fut déclarée illicite par le tribunal de Bobigny en novembre 1987[52], et le succès d'Airbus ne se démentit plus.
64
+
65
+ C’est le lancement de l’A320 qui établit Airbus comme un acteur majeur sur le marché aéronautique, avec plus de 400 commandes avant son premier vol, comparé aux seules 15 commandes pour l’A300 en 1972. L’A320 a joué un rôle considérable dans l’essor d’Airbus : il permit à Airbus, après le succès de l’A300 et de l’A310, de devenir incontournable sur la scène mondiale et a ouvert une nouvelle ère dans l’aéronautique européenne et mondiale. En 2005, l’A320 représentait plus des trois quarts des commandes d’Airbus[53].
66
+
67
+ Devant le succès remporté par l'A320, Airbus lance, en novembre 1989, un projet portant sur une version allongée de 186 places de l'appareil, l'A321[54].
68
+
69
+ Au cours des années 1990, la gamme d'avions d'Airbus se diversifie avec le lancement en parallèle des longs-courriers A330/A340 et l'étoffement de la famille A320 avec l'A318, l'A319 et l'A321.
70
+
71
+ Après le succès des moyens-courriers A320, Airbus s'attaque au marché des longs-courriers en 1987. Les premières études conduisent Airbus à reprendre deux anciens projets déjà développés dans les années 1970 : le TA9 et le TA11. Le TA9 (TA pour Twin-aisle ou bicouloir) reprend la section de fuselage de l'A300/310 mais avec une voilure nettement plus grande destiné à concurrencer le nouveau Boeing 767 en proposant une autonomie de plus de 10 000 km. Airbus reprend également le projet de l'A300-B11, nom de la variante quadriréacteur de l'A300 étudiée dès la création d'Airbus en 1970. Le financement de ce projet ne fut assuré que lors de l'adhésion de British Aerospace au consortium en 1979. Le projet fut alors rebaptisé TA11 (TA pour twin-aisle), avec pour objectif de s'attaquer au marché des gros-porteurs très long courrier dominé alors par le McDonnell Douglas DC-10.
72
+
73
+ Le programme TA9 est renommé A330 et le programme TA11 est renommé A340 et, afin de réduire les coûts, le développement de l'A330 et de l'A340 est mené en parallèle et les deux appareils partagent de nombreux éléments de technologie en commun. La carlingue est identique, les commandes de vols et le poste de pilotage sont repris du programme A320. En plus de simplifier les études de développement et la fabrication, ceci permet aux compagnies aériennes de ne former les pilotes que sur un seul type d'appareil[55].
74
+
75
+ Le 5 juin 1987[vh 6], lors du Salon du Bourget, le programme A330/A340 est officiellement dévoilé par Jean Pierson, alors à la tête d'Airbus, avec la première lettre d’intention de la compagnie Lufthansa portant sur l'acquisition de quinze A340[56]. Le 14 décembre 1989, Air Inter devient la première compagnie cliente de l’A330 et passe commande ferme de quatorze appareils, assortie d'une prise d'options sur quatorze autres supplémentaires. Le premier A340 fut mis en service le 15 mars 1993, de Francfort à New York, en remplaçant le DC-10-30[57]. Son jumeau A330 effectua le premier vol commercial aux couleurs d'Air Inter le 17 janvier 1994, de Paris Orly à Marseille[58].
76
+
77
+ Devant le succès remporté par l'A320, Airbus lance dès 1987 l’idée d’une version dérivée agrandie et les plans initiaux s'orientent vers un appareil au fuselage allongé mais avec un concept et une structure générale identiques. Ceci permet de renforcer le principe de communité de la famille A320 mais également de limiter les études en recherche et développement car les équipes d'ingénieurs d'Airbus sont principalement mobilisées sur le programme A330/A340. Le programme, d'un coût de 840 millions de dollars, n’est pour la première fois pas financé par des fonds publics mais par l’émission d'obligations[59]. Les premiers plans d’un appareil d'une capacité de 180 à 220 passagers sont présentés en avril 1988 et le premier vol a lieu en mars 1993[60],[61]. Quelques mois après, Airbus envisage d'étendre sa gamme de moyen-courrier par le bas et propose une version raccourcie de l’A320. Reprenant les plans du SA1 du début des années 1980, l'A319, assemblé à Hambourg, effectue son premier vol d'essai le 25 août 1995[62],[63]. C'est cet appareil qui sera converti en A319-114 et utilisé en 1999 comme plateforme pour le développement du premier avion privé d'Airbus, l'A319CJ (pour Corporate Jet). À la fin des années 1990, Airbus propose une nouvelle version encore plus raccourcie de l’A320, l’A318, qui donne à la famille A320 une grande flexibilité en termes de capacité d'emport et de rayon d'action[64]. Le premier vol d'essai eut lieu le 15 janvier 2002[65],[vh 7]. Cette stratégie de diversité de gamme renforcée de la communité est notamment utile pour convaincre les compagnies aériennes de grande taille, qui doivent adapter à chaque ligne particulière. Ainsi, le 30 avril 2015, Air France, Avianca et British Airways exploitaient tous les quatre modèles de la famille A320[66].
78
+
79
+ Alors que l'économie mondiale se remet rapidement de la récession du début des années 1990, les commandes d'avions repartent à la hausse. Les principaux constructeurs aéronautiques doivent augmenter leurs cadences de production afin de satisfaire la demande des compagnies clientes mais la structure du consortium Airbus représente un frein à ce développement et cette montée en puissance. La gestion d'Airbus est compliquée car partagée en quatre pays et mène à un coût du travail élevé, un temps de prise de décision très long, à des redondances dans l'effort de recherche et à des rivalités nationales. De plus, chacune des entreprises nationales est responsable de ses investissements et de la gestion de ses effectifs et Airbus Industrie n’a aucun contrôle sur la gestion globale du consortium[67]. La dispersion des ressources d'Airbus sur différents sites ne facilite pas la communication avec les compagnies clientes, qui ont toujours été associées au développement des nouveaux avions[68]. Cette particularité devient un problème de plus en plus majeur au moment où Airbus se lance dans le financement des travaux de conception et de développement du projet A3XX[69].
80
+
81
+ Dès 1996, afin de simplifier la structure, diminuer les coûts et de rester concurrentiel face à Boeing, le conseil de surveillance d'Airbus Industrie annonce son intention de restructurer le GIE afin d'en faire une entreprise unifiée et des discussions sont entamées sur les actifs à céder d'ici à 1999 à la nouvelle entité Airbus[67]. L’intégration en une seule entreprise pourrait économiser un milliard de dollars par an[70]. En décembre 1998, British Aerospace et DASA mènent des pour-parler afin de fusionner[71]. Aérospatiale bloque toute discussion sur une éventuelle restructuration d'Airbus, craignant que le nouveau groupe BAe/DASA, avec 57,9 % des parts d'Airbus ne prenne le dessus sur Aérospatiale. Aérospatiale réclame alors que sa part soit augmentée à 50 %[72]. Mais en janvier 1999, BAe rachète Marconi Electronic Systems[73], la branche défense de General Electric Company, afin de former BAE Systems et abandonne ses projets de fusion avec DASA[74]. Devant le manque d'action, les ministres de l'industrie des pays participant à Airbus menacent de retirer leur soutien si Airbus ne se transforme pas en une entreprise intégrée[70]. La privatisation d’Aérospatiale lors de sa fusion avec Matra Hautes Technologies pour former Aérospatiale-Matra est une première étape[70].
82
+
83
+ En 2001, à la suite de la consolidation de l'industrie aéronautique européenne, Aérospatiale, DASA et CASA fusionnent pour former EADS et s'allient à BAE Systems pour former la société intégrée Airbus, détenue à 80 % par EADS et 20 % par BAE. Le siège de la nouvelle société est situé à Toulouse et son premier président est Noël Forgeard. En septembre 2006, EADS rachète à British Aerospace ses 20 % détenus dans le capital d'Airbus. Fin janvier 2007, l'hebdomadaire « Capital » annonçait que la Russie négociait une prise de participation de 20 % de l'avionneur européen, via une banque ou une société d'État russe (voir Vnechtorgbank et OAK)[75].
84
+
85
+ L'A380 est issu d'un projet dont l'origine remonte aux années 1980 lorsqu'Airbus envisage de s'attaquer au marché des très gros porteurs et de briser le monopole du 747 de Boeing[76]. Les premières esquisses d'un aéronef capable de transporter plus de 800 passagers sont réalisées en 1988[77] mais Airbus ne lance officiellement son projet que fin 1995 et le baptise Airbus A3XX. Après avoir contacté de nombreuses compagnies aériennes intéressées et alors que les producteurs nationaux Aérospatiale-Matra, DASA et CASA viennent juste de fusionner pour former EADS, le conseil de surveillance d'Airbus lance officiellement le programme A3XX le 19 décembre 2000 et le rebaptise A380[78] alors que 55 appareils ont déjà été commandés par six compagnies[79]. La configuration de l'A380 a été définitivement fixée au début de l'année 2001 et la fabrication des premiers éléments du caisson de voilure a débuté le 23 janvier 2002[80]. La présentation officielle de l'A380 a eu lieu le 18 janvier 2005[81] et le premier vol se déroule le 27 avril 2005[82]. Cinq A380 ont été construits pour la phase de test de deux ans[83] au terme de laquelle deux versions de l'appareil (A380-841 et A380-842) sont certifiées par l'EASA et la FAA les 12 décembre 2006 et 14 décembre 2007[84],[85].
86
+
87
+ Le programme A380 rencontre cependant de nombreux problèmes d'industrialisation et son lancement commercial est repoussé à trois reprises. Le câblage de la cabine passagers, réalisé à Hambourg, représente la principale difficulté car certains câbles s'avèrent trop courts pour être raccordés aux autres parties de l'avion lors de l'assemblage final à Toulouse[86],[87]. Airbus a attribué ces problèmes à la complexité d'un tel système et à des facteurs propres à l'A380[88], dont la personnalisation de l'aménagement intérieur des avions selon les compagnies. Le manque d'intégration d'Airbus a également été mis en cause[86] car les usines Airbus allemandes et françaises utilisent des versions différentes du même logiciel CATIA, version 4 pour l'Allemagne et l'Espagne et version 5 pour le Royaume-Uni et la France[89]. De plus, les maquettes numériques 3D censées faciliter l'intégration des harnais électriques n'ont été réalisées que très tardivement dans le programme et les différentes équipes étaient encore en phase d'apprentissage[90]. Airbus a annoncé un premier retard de 6 mois en 2005 et un second de 6 à 7 mois en juin 2006 ainsi qu'une baisse importante de la cadence de production. Cette annonce a entraîné une chute de 26 % de l'action EADS et a conduit aux départs de Noël Forgeard, Gustav Humbert et Charles Champion. En octobre 2006, EADS a annoncé un troisième retard d'un an, le report de la livraison du premier A380 à octobre 2007 ainsi que des prévisions de production annuelle en baisse[91].
88
+
89
+ Ce retard de 18 mois a de nombreuses conséquences financières pour Airbus, entraîne un surcoût du programme de 4,8 milliards d'euros[91] et fait grimper le seuil de rentabilité de l'A380 de 250 appareils au lancement du programme, à 270 en 2001, puis 300 en mars 2006 et finalement 420 en octobre 2006. Le manque à gagner sur la période 2006-2010 est estimé à 6,3 milliards d'euros[92]. De nombreuses compagnies, lésées par les retards, exigent des compensations financières. Ainsi, Emirates reçut 110 millions de dollars d’indemnités[93].
90
+
91
+ Afin de rattraper les retards de production, Airbus met en place des solutions techniques à court terme. Les systèmes de conception par ordinateur utilisés à Hambourg sont uniformisés et mis au niveau de ceux utilisés à Toulouse et dans les autres sites de productions. Plus de 2 000 compagnons allemands sont envoyés à Toulouse afin de désassembler les vingt-six premiers appareils à livrer et de refaire le câblage à la main[86],[87]. La cadence de production est également accélérée à Hambourg afin d'écourter les délais d'attente.
92
+
93
+ Ces difficultés industrielles révèlent de profondes carences au sein d'Airbus et d'EADS ainsi que des problèmes de communication entre dirigeants et entre les différents sites de production. Le contrôle qualité, relevant d'Airbus, est mis en cause car les malfaçons réalisées à Hambourg n'ont pas été détectées à temps et ont dû être corrigées une fois toutes les pièces arrivées à Toulouse. La direction d'Airbus a également sous-estimé les difficultés industrielles et s'est montrée trop confiante dans les réponses techniques apportées initialement. Les rivalités entre dirigeants, notamment entre français et allemands, ont pesé sur le déroulement du programme[87]. EADS et Airbus décident alors de mettre en place une organisation industrielle transnationale à long terme et lancent trois plans de restructuration successifs : « Power8 », le plus important, en février 2007, « Power8 Plus » en septembre 2008 et « Future EADS » en décembre 2008[94].
94
+
95
+ « Power8 », préparé par Christian Streiff mais annoncé le 8 février 2007 par Louis Gallois, vise à réduire les coûts structurels, maximiser la trésorerie et accélérer le développements des avions[95]. Il prévoit 10 000 suppressions de postes et la cession de plusieurs usines sur trois ans, amenant les effectifs de 55 000 en 2005 à 45 000 en 2008[96]. Ce plan déclenche de nombreuses contestations au sein des salariés d'Airbus[97] et entraîne la suppression directe de 7 900 postes mais permet d'économiser 2,5 milliards d'euros et de générer 10 milliards d'euros de cash[98].
96
+
97
+ Afin d'étendre les restructurations aux autres divisions d'EADS, le plan « Power8 Plus » est lancé en septembre 2008 en complément de Power8 et vise 650 millions d’euros d’économies brutes par an pour Airbus et 350 millions d’euros d’économies dans le groupe EADS d’ici fin 2012[99], notamment en délocalisant une partie de la production vers des pays situés en zone dollar ou à faible coût de main d’œuvre, notamment en construisant une chaîne de production de l'A320 en Chine et une usine de composants en Tunisie[100],[101].
98
+
99
+ Le plan « Future EADS » vise à économiser 350 millions d'euros supplémentaires ainsi qu'à réorganiser la structure de l’entreprise, poursuivre l'intégration des différentes composantes d'Airbus et améliorer la communication entre les divisions[102]. La restructuration d'Airbus passe aussi par la vente de certaines usines. EADS souhaitait initialement vendre six sites de production, Filton (Royaume-Uni), Nordenham, Varel, Laupheim (Allemagne), Meaulte et Saint-Nazaire (France)[103] mais après l'échec du rachat des deux usines de Saint-Nazaire et Méaulte par Latécoère[104], celles-ci se sont regroupées avec un autre site de Toulouse pour former Aerolia, filiale d'Airbus spécialisée dans les aéro-structures et les sous-ensembles de pointe avant et basée à Toulouse[105]. Le site de Laupheim qui produit les habillages cabine, les compartiments de repos équipage et les gaines de conditionnement d'air a été vendu en 2008 à Diehl Aerospace, un consortium formé par l'allemand Diehl BGT Defence et le français Thales[106].
100
+
101
+ Afin d'atteindre une plus grande intégration, la division « Avions de transport militaire » (MTAD pour Military Transport Aircraft Division) chargée de la conception, construction et distribution des avions d'EADS CASA est intégrée à Airbus en 2009 et en devient une filiale sous le nom d'Airbus Military[107]. Cette division rejoindra Airbus Defence and Space en 2014.
102
+
103
+ Lorsque Boeing annonce le lancement du programme 787 en 2003, Airbus ne réagit pas et précise que ce n’est qu'une réponse à son A330. Mais devant la pression des compagnies aériennes, Airbus se met à réfléchir à un projet d'avion concurrent et en septembre 2004, Noël Forgeard sous-entend lors d'une interview qu'Airbus a l'intention de lancer l'A350[108]. En octobre 2004, alors que le projet n’est pas encore officiellement lancé, il annonce que le budget d'investissement sera de deux à trois milliards de dollars et que le premier vol pourrait avoir lieu à la mi-2008[109]. L'A350 serait basé sur l'A330-500 mais en lui adjoignant une nouvelle motorisation et une nouvelle voilure composite. Airbus reçoit l'autorisation d'offre de ses deux actionnaires EADS et BAE Systems le 10 décembre 2004 et commence la prospection commerciale auprès des compagnies aériennes[110],[111]. Le conseil de surveillance donne un avis favorable en juin 2005[112] et le projet est officiellement lancée le 6 octobre 2005[113]. Ce modèle est cependant très proche de l'A330, et pourrait s'avérer en être un concurrent direct et même gêner la production de l'A340. Ce premier modèle enregistre 140 intentions d'achats fermes de la part de neuf compagnies clientes mais entraîne presque immédiatement de nombreuses critiques de la part de compagnies aériennes et loueurs d'avion.
104
+
105
+ Airbus décide de revoir la conception de l'A350 et propose une nouvelle version le 17 juillet 2006 au Salon aéronautique de Farnborough. Baptisé A350 XWB pour Extra Wide Body[114], il dispose d'un fuselage beaucoup plus large, utilise plus de matériaux composites et se présente comme un concurrent direct de 777. Le budget de développement passe d'environ 3,5 à 9,5 milliards d'euros mais le nouveau modèle, capable de transporter jusqu'à 350 passagers sur 18 000 kilomètres, enregistre un vif succès auprès des compagnies. Airbus commence la fabrication des premiers sous-ensembles de l'A350 en décembre 2009[115] et l’assemblage final du premier appareil, réservé aux tests statiques, débute le 12 avril 2012[116]. Le premier vol test a eu lieu le 14 juin 2013 entre 10 h 00 et 14 h 5 et n'a pas connu d'incident important[117].
106
+
107
+ En janvier 2011, Airbus propose une version modernisée de l'A320, l'A320neo (pour New Engine Option), avec une mise en service prévue pour 2015. Équipé au choix de moteurs PW1000G de Pratt & Whitney ou LEAP-X de CFM International, l'A320neo consommera, d'après Airbus, jusqu'à 15 % de kérosène en moins par rapport à l'A320 et sera équipé de sharklets permettant une réduction supplémentaire de 3,5 %. Il pourra également parcourir 950 km de plus ou transporter 2 tonnes de plus à rayon d'action fixe[118]. Au Salon du Bourget 2011, Airbus annonce la commande de 667 appareils de la famille A320neo pour un montant total au prix catalogue estimé à 60,9 milliards de dollars[119]. En juin 2012, la totalité des commandes atteint 1 425 exemplaires faisant de l’A320neo l’avion le plus commandé avant même son lancement.
108
+
109
+ Le 17 août 2015, la compagnie à bas coût indienne IndiGo, confirme la commande de 250 autres A320neo, pour un montant prix catalogue de 23,9 milliards d'euros[120]. La signature a été officialisée le 15 août 2015, le jour du 69e anniversaire de l'indépendance de l'Inde, et annoncé par Airbus sur son site[121]. Le carnet de commandes d'Airbus pour son monocouloir leader dépasse ainsi les 4 100 appareils[122].
110
+
111
+ Le 14 septembre 2015, Airbus inaugure à Mobile (Alabama, sud) son premier site d'assemblage aux États-Unis[123].
112
+
113
+ Le 29 septembre 2016, la fusion entre Airbus et Airbus Group est annoncée. Elle doit être opérationnelle en 2017. Thomas Enders sera le directeur général du nouvel ensemble[124].
114
+
115
+ Le 14 octobre 2016, Airbus livre son 10 000e avion avec la livraison d'un A350 à Singapore Airlines[125].
116
+
117
+ Selon le quotidien Le Monde, Airbus réalise le 15 novembre 2017 la plus grosse commande de l’histoire de l’aéronautique mondiale : en effet la compagnie Indienne IndiGo a acheté 430 avions de type Airbus A320 NEO pour la somme de 42 milliards d'euros[126].
118
+
119
+ Le 27 décembre 2018, on apprend qu'Airbus vient de battre son propre record de production d'avions sur une année : en effet, le groupe européen a respecté son engagement de livrer 800 appareils au cours de l'année 2018[127]. Avec 66 A320 produits en novembre, Airbus espère atteindre un rythme de 70 appareils de ce type produits mensuellement au cours des prochaines années.
120
+
121
+ Le président exécutif d'Airbus, Thomas Enders, quitte sa fonction en avril 2019 avec un « parachute doré » de 36,8 millions d'euros[128].
122
+
123
+ La Chine prend commande de 300 avions en avril 2019[128].
124
+
125
+ Logo d'Airbus Industrie, fondé en 1970.
126
+
127
+ Logo d'Airbus avant septembre 2010.
128
+
129
+ Logo d'Airbus entre septembre 2010 et décembre 2013.
130
+
131
+ Logo d'Airbus entre janvier 2014 et décembre 2016.
132
+
133
+ Logo de l'ensemble du groupe Airbus depuis janvier 2017.
134
+
135
+ Airbus est le résultat de nombreuses restructurations de l’industrie aéronautique européenne ayant abouti à la fusion de plus de cinquante constructeurs dont la plupart a été fondée dans la première moitié du XXe siècle.
136
+
137
+ Au 11 février 2020[129] :
138
+
139
+ Depuis la restructuration de 2014, Airbus est, avec Airbus Defence and Space et Airbus Helicopters, une des trois divisions d'activité du groupe Airbus.
140
+
141
+ En 2016, Airbus compte 133 782 employés : 47 963 en France, 46 713 en Allemagne, 12 682 en Espagne, 12 020 au Royaume-Uni, 2 829 aux États-Unis et 11 575 dans le reste du monde[130].
142
+
143
+ Selon le groupe, 130 nationalités composent les effectifs d'Airbus[131].
144
+
145
+ Depuis 1949, des liaisons aériennes sont organisées entre le site de Toulouse et les divers sites industriels du domaine aéronautique français et européen (Sud aviation, SNIAS, Aérospatiale, Airbus Industries). Des avions comme le Beechcraft D18S, le Potez 840, le Nord 262, la Corvette ont été régulièrement utilisés pour effectuer des vols au départ de Toulouse à destination de Méaultes (Albert-Picardie), Nantes, Saint-Nazaire, Filton, Broughton, Fairford et Séville[132].
146
+
147
+ Les vols de liaison entre Filton, Broughton et Séville ont perduré jusqu'en novembre 2009, date de l'arrêt de la Corvette opérées par Airbus Opérations SAS. En revanche, pour répondre à la demande croissante de transport entre Toulouse, Nantes et Saint-Nazaire, un service La liaison a été spécialement créé en janvier 2007 pour le personnels du groupe Airbus et de ses entreprises partenaires, ce qui représente en moyenne 390 vols et 22 000 passagers transportés par an en ATR42-500[132],[133],[134].
148
+
149
+ La liaison assure un embarquement et débarquement optimisé au plus près des lieux de travail et les horaires des vols sont choisis en fonction des besoins de l'entreprise Airbus[132][source insuffisante].
150
+
151
+ L'ancienne compagnie Airlinair avait été choisie en janvier 2007, devenue Hop! Air France en 2013 et Air France Hop en 2019. C'est dorénavant Air Corsica qui a obtenu le contrat de liaison pour 5 ans, lié à l'arrêt de l'ancien opérateur qui sort de sa flotte les avions ATR[132],[135],[136].
152
+
153
+ Air Corsica assure la liaison depuis le 3 juin 2019 en ATR42-500 de 48 places immatriculé F-HAIB puis basé à Toulouse avec personnels navigants et mécaniciens de la compagnie[132].
154
+
155
+ L'ATR 42-500 immatriculé "F-HAIB" a spécialement été loué pour cette liaison auprès d'Elix Aviation et ceci depuis mai 2019[132],[137].
156
+
157
+ Cet appareil a été aménagé au standard d'Air Corsica avec changement intégral des sièges de l'avion plus ergonomique et confortable, recouverts de cuir, espace inter-accoudoirs de 18 pouces, têtières logotées La liaison by Air Corsica[132],[137].
158
+
159
+ Depuis le 4 novembre 2019, la compagnie espagnole Volotea assure la liaison pour un contrat de 5 ans, entre les sites industriels aéronautiques de Toulouse et Hambourg en Airbus A319 dédié et « spécialement aménagé avec des allées extra-larges pour des rotations rapides » sur cette ligne dédiée aux employés du constructeur Européen[138],[139].
160
+
161
+ Airbus Engineering est la division d'Airbus chargée de la conception, de la production et de l'assemblage final des avions Airbus et est organisée autour de « centres de compétences » chargés du développement et de la conception, de « centres d'excellence » chargés de la production et de « centre d'architecture et d'intégration » chargés de l'organisation de l’ingénierie[140].
162
+
163
+ Airbus fait partie des cinq créateurs, en 2009, de BoostAeroSpace, le hub numérique aéronautique européen.
164
+
165
+ La conception des appareils Airbus est partagée entre quatre sites principaux, souvent liés à une usine de production, situés en Allemagne, Espagne, France et Royaume-Uni mais s'appuie également sur plusieurs sites régionaux basés aux États-Unis, en Chine, en Inde et en Russie[140].
166
+
167
+ En Europe, les centres de recherche sont regroupés par centres d'excellence mais peuvent être dispersé sur plusieurs sites. En Allemagne, le site de Brême est spécialisé dans la conception des dispositifs hypersustentateurs et le site de Buxtehude dans le système de communication de la cabine. Le site Airbus de Filton au Royaume-Uni est chargé de la conception et du suivi des ailes, des systèmes de kérosène et de l’intégration des trains d’atterrissage. Le centre de Getafe en Espagne conçoit les matériaux composites utilisés sur tous les appareils Airbus.
168
+
169
+ En Chine, le Centre d’ingénierie Airbus Beijing (ABEC pour Airbus (Beijing) Engineering Centre) de Pékin, inauguré en 2005, est une coentreprise entre China Aviation Industry Corporation I (AVICI) et China Aviation Industry Corporation II (AVICII) et est spécialisé dans la conception de programmes des avions A350. Aux États-Unis, Airbus a inauguré deux centres de recherche. Le centre de conception et d'études de Wichita (Kansas), inauguré en 2002, a été créé afin de participer à la conception des ailes de l'A380[141] et des autres long-courriers d'Airbus. Il accueille également une équipe d'ingénieurs spécialisés dans le support technique des clients d'Airbus. L’Airbus Engineering Office de Mobile (Alabama) est spécialisé dans la conception des éléments intérieurs de la cabine (espaces de repose de l'équipage, toilettes, cuisines). L'aéroport de Mobile accueille également le centre de maintenance, de réparation et de révision d'Airbus Military North America. L’Airbus Engineering Centre India Pvt. Ltd. (AECI) de Bangalore en Inde a été inauguré en 2007 pour travailler sur l'A380[142]. L'Engineering Centre Airbus Russia (ECAR) de Moscou en Russie, qui emploie 200 ingénieurs, est une coentreprise avec le groupe industriel russe Kaskol et collabore avec les ingénieurs de Hambourg et de Toulouse sur la conception des structures de fuselage ainsi que le design de l’intérieur des cabines et des compartiments à fret.
170
+
171
+ Le cycle de production des avions Airbus (depuis la conception jusqu'à la fabrication et l'assemblage) est articulé autour de trois unités principales : « Opérations », « Programmes » et « Fonctions centrales». L’unité « Opérations » est composée de grands centres d'excellence (CoE pour Centres of Excellence). Depuis 2004, ces huit centres d'excellence étaient basés sur des sites de production et des composants majeurs d'avions[143]. En 2007, lors du lancement du plan de restructuration Power8 à la suite des retards du programme A380 et à la découverte de rivalités nationales entre ces centres, la production a été réorganisée et le nombre de centres d'excellence a été réduit à quatre[144]. Ces centres sont centrés sur un aspect technique de la construction d'un avion et non plus sur des compétences nationales[145].
172
+
173
+ Ces centres sont sous la responsabilité du chef des opérations d'Airbus qui a la responsabilité de tout le processus industriel.
174
+
175
+ Dès la création d'Airbus Industrie en 1970, la dispersion des sites de production et d'assemblage en Europe représente un enjeu logistique important. Airbus a dû mettre au point un système de transport aérien par avion cargo Super Guppy puis Beluga pour la fabrication des A300, A310, A320, A330 et A340 mais a dû compléter ce système par des moyens maritimes et routiers (navire-cargo, barge et convoi exceptionnel par route) pour l'A380[147].
176
+
177
+ À la fin des années 1960, Airbus souhaite mettre au point un système de pont aérien entre ses différentes usines réparties en Europe. Un temps intéressé par l'avion-cargo Mini Guppy d'Aero Spacelines, Airbus lui préfère une version dérivée plus grande, le Super Guppy que la NASA fait développer pour transporter des étages entiers de la fusée Saturn V. Dérivé du Boeing C-97 Stratofreighter, version militaire du Boeing 377 Stratocruiser, le Super Guppy reprend une partie de la carlingue mais dispose d'une soute agrandie d'un diamètre interne utile de 7,62 m pour une longueur de 28,65 m[148]. Le premier Super Guppy (B377SG), lancé en 1965, est en service pour la NASA et, après un accord entre Airbus et Aero Spacelines. Une nouvelle version légèrement différente, le Super Guppy Turbine (B377SGT), est livrée à Airbus Industrie en 1971, sous réserve qu’un troisième appareil soit construit et disponible en secours. Le second Super Guppy Turbine prend l’air le 24 août 1972 et est acheté par l’avionneur européen un an plus tard. En 1978, Airbus contacte à nouveau Aero Spacelines pour faire construire deux appareils supplémentaires. Un accord est finalisé en 1979 et les appareils sortent des ateliers d’UTA au Bourget en 1982 et 1983[149] et Airbus se décide à leur chercher un remplaçant[148]. Airbus tente d’obtenir un cinquième appareil, mais faute de cellules de Stratocruiser disponibles, l'unique Pregnant Guppy doit être démonté pour achever le dernier exemplaire destiné à Airbus. Les 5 Super Guppy sont exploités par Airbus pendant 26 ans, totalisant 47 150 heures de vol.
178
+
179
+ Au début des années 1990, la production de l’A320 monte en puissance et nécessite des moyens de transport aérien accrus mais la flotte de Super Guppy vieillit et les coûts de maintenance et d'entretien augmentent. De plus, la charge utile de Super Guppy a été abaissée à 23 tonnes au lieu de 25 à cause de leur âge[149] et Airbus se décide à leur chercher un remplaçant[148]. En décembre 1990, la décision de lancer un tout nouvel appareil de transport est prise et Aérospatiale et DASA créent la SATIC (Special Aircraft Transportation International Company) en 1991. Basé sur un Airbus A300 standard, l'Airbus A300-600ST (pour Super Transporter) reprend les ailes, les moteurs, les freins et la partie inférieure du fuselage de l'A300-600 mais la partie supérieure du fuselage est remplacée par une énorme structure de section en fer à cheval d'un diamètre de 7,4 mètres réalisé par la Sogerma[148]. Le cockpit de l'A300 standard est déplacé vers le bas, sous le niveau de l'étage cargo et une porte frontale de 17 mètres de hauteur est adaptée à l'avion pour permettre un accès à la zone cargo[148]. La construction débute en septembre 1992 et le premier vol a lieu en septembre 1994. Après 335 heures de vols d'essais, la certification est accordée en octobre 1995[150] et l'A300-600ST, maintenant connu sous le nom de Beluga, entre en service. Les Beluga offrent de nombreux avantages par rapport aux Super Guppy. Ils volent deux fois plus vite et peuvent emporter des charges deux fois plus lourdes faisant passer le temps nécessaire au transport des pièces d'un moyen-courrier de 47 heures à environ 10 heures[149].
180
+
181
+ Les Belugas assurent le transport pièces des moyens et gros-porteurs d'Airbus jusqu'à l'avènement de l'A380 dont certains sous-ensembles de grande taille (tronçons de fuselage, ailes) ne peuvent être introduits dans leur soute. Airbus met alors au point une nouvelle organisation combinant transport aérien, maritime et terrestre par avions, navires-cargo, barges et camions.
182
+
183
+ Les belugas ne représentent plus le moyen de transport principal mais sont utilisés pour les pièces de taille moyenne : empannage vertical entre Stade et Toulouse, cône arrière entre Getafe et Toulouse, cockpit entre Méaulte et Saint-Nazaire. Les autres sous-ensembles de l’A380 sont transportés par mer jusqu'à Saint-Nazaire où ils sont pré-assemblés. Le transport maritime est assuré par trois navires roulier spécialement construits en Chine (chantiers Jinling Shipyard de Nanjin) et à Singapour (chantiers ST Marine) et armés par Louis Dreyfus Armateurs et Leif Höegh : le Ville de Bordeaux (2004), le City of Hamburg (janvier 2009) et le Ciudad de Cadiz (avril 2009). Ces navires effectuent des rotations entre l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Espagne, Saint-Nazaire et Pauillac. Les tronçons avant et arrière de l'A380 sont embarqués au port de Hambourg. Les voilures, fabriquées à Broughton au Pays de Galles, sont transportées par route puis par barge sur le fleuve Dee jusqu'à Mostyn où le navire vient faire escale. Après avoir embarqué ces éléments, le navire se rend à Saint-Nazaire. Il décharge les éléments qui seront assemblés sur place pour embarquer un tronçon complet et équipé du poste de pilotage ainsi qu'un tronçon arrière avant de rejoindre Pauillac, dans l'estuaire de la Gironde.
184
+
185
+ Les tronçons avant, centraux et arrière de l'appareil, les deux ailes et l'empennage arrière sont embarqués sur une barge spécialement aménagée qui remonte la Garonne en traversant Bordeaux et les achemine jusqu'à Langon, où une darse spéciale a été créée pour recevoir les convois fluviaux. Un itinéraire à grand gabarit a été aménagé pour transporter les éléments jusqu'à Blagnac pour l’assemblage final, au rythme d'un convoi par semaine[151].
186
+
187
+ L'assemblage des Airbus était initialement réalisé à Toulouse en France mais avec la diversification de la gamme et l’augmentation de la demande et des cadences de production, des nouveaux sites d'assemblage ont été créés pour les moyens-courriers de la famille A320 à Hambourg en Allemagne puis à Tianjin en Chine et à Mobile, aux États-Unis. Les long-courriers sont aussi assemblés à Toulouse et les avions de transport et de ravitaillement d'Airbus Military sur le site de Séville en Espagne, où étaient assemblés les appareils de CASA.
188
+
189
+ La première chaîne d'assemblage est construite à Toulouse pour l’A300 à la fin des années 1960 et est aussi utilisée pour l'A310 qui ne se différencie de l’A300 que par un fuselage plus court. Grâce à l’expérience acquise avec les appareils moyen-courriers, Toulouse accueille également la chaîne d'assemblage final des longs-courriers A330/A340 qui partagent un grand nombre de technologies communes.
190
+
191
+ L’Allemagne a toujours eu pour ambition d'accueillir l’assemblage des moyens-courriers sur son territoire mais n'était pas en position d'imposer ses choix lors de l'établissement d'Airbus dans les années 1960. À la fin des années 1980, alors que la demande d'A320 augmente rapidement, la possibilité de construire une deuxième ligne d'assemblage en Allemagne est évoquée lors d'une rencontre entre le ministre des transports français Michel Delebarre et le secrétaire d’État allemand Erich Riedl. L’Allemagne précise que 60 millions de dollars pourraient être économisés par an tandis que le ministre français, soutenu par l’industrie aérospatiale française, rétorque que de 100 à 150 millions de dollars devraient être investis sans garantie que l'investissement soit rentable[152]. Lorsqu'Airbus propose de diversifier la famille A320 et de créer les A318, A319 et A321, sur insistance d'Hartmut Mehdorn, PDG de DASA, il est décidé de créer une nouvelle chaine d'assemblage à Hambourg afin de soutenir la cadence de production[153],[154]. Le 26 janvier 1990, le conseil de surveillance d'Airbus Industrie approuve la décision de construire une ligne d'assemblage d'A321 dans les ateliers de Messerschmitt-Bölkow-Blohm sur le site de Finkenwerder[155]. En 2003, une troisième chaîne d'assemblage d'A320 est inaugurée à Hambourg afin de porter la cadence de production totale des moyen-courriers à 42 appareils par mois[156].
192
+
193
+ Depuis le premier achat d'un Airbus par la Chine en 1985[157], Airbus a toujours cherché à renforcer ses liens commerciaux et profiter du plus gros marché aérien mondial potentiel en gagnant des commandes chinoises face à Boeing. Dès 1997, Airbus entame des pourparlers afin de renforcer la collaboration et d'établir un « partenariat stratégique global » menant éventuellement à un nouvel investissement de 1,7 à 2 milliards de dollars dans la création d'une nouvelle chaîne d'assemblage en Chine[158]. Un accord est signé par le président Jacques Chirac et le Premier ministre chinois Wen Jiabao en 2005[159] et en 2006, Airbus et la Commission nationale chinoise pour le Développement et la Réforme se décident à implanter l'usine à Tianjin[160]. La troisième chaîne d’assemblage des A320 après Toulouse et Hambourg est inaugurée en 2008, dans le cadre d'une coentreprise détenue à 51 % par Airbus, et construit les appareils devant être délivrés en Chine. Tianjin commence à livrer ses premiers appareils à partir de 2009 et permet de faire passer la part de marché d'Airbus de 8 % en 1994 à près de 50 % en 2012[161].
194
+
195
+ Pour l'A380, Airbus a créé une nouvelle zone industrielle baptisée AéroConstellation au nord des pistes de l'aéroport de Toulouse-Blagnac pour accueillir une nouvelle chaîne d'assemblage final[162]. Inauguré en 2003, le bâtiment a été nommé Hall Jean-Luc Lagardère pour rendre hommage au PDG du groupe du même nom et principal actionnaire d'EADS[163]. Il mesure 490 mètres de long, 250 mètres de large et 46 mètres de hauteur pour une surface totale de dix hectares et accueille un unique poste d'assemblage où les A380 sont produits au rythme d'un par semaine et un hall de finition qui peut accueillir 3 appareils en même temps[164].
196
+
197
+ Tout comme pour l'A330, l'A340 et l'A380, la chaîne d'assemblage final du long-courrier A350 est située à Toulouse. D'une superficie de 74 000 m2, la nouvelle chaîne se trouve au sud des pistes de l’aéroport Toulouse-Blagnac et a été inaugurée en 2009[165].
198
+
199
+ Afin de réduire ses coûts de production et diminuer les risques liés au change euro/dollar, Airbus annonce le 2 juillet 2012 son intention de construire une chaîne d'assemblage à Mobile (Alabama), dans le sud des États-Unis. Airbus compte y construire des A319, des A320 et des A321 et produire de 40 à 50 appareils par an à partir de 2018[166],[167].
200
+
201
+ L'A220 est comme un énorme puzzle dont les pièces sont fabriquées dans une dizaine de pays selon les prévisions de 2009 données ici. Le fuselage central est fabriqué par Shenyang Aircraft Corporation à Shenyang en Chine. Le poste de pilotage et l'empennage seront fabriqués à Saint-Laurent. Les ailes sont fabriquées par Bombardier à Belfast. Pratt & Whitney fournit les moteurs et l'assemblage final de l'avion se fait à Mirabel[168] dont Airbus s’est engagé à maintenir les activités au moins jusqu’en 2041. En janvier 2019, l'usine Airbus de Mobile commence à produire des A220 destinés au marché de ce pays. La chaîne de montage compterait 400 personnes et les livraisons débuteront en 2020 selon les prévisions de 2018[169].
202
+
203
+ Une grande partie de la production s'effectue en Europe mais de nombreux fournisseurs sont dans le monde entier. EADS, la maison mère d'Airbus, achète chaque année pour 31 milliards d'euros de matériels à des fournisseurs extérieurs, et les relations entre Airbus et les fournisseurs nationaux sont gérées par des filiales d'Airbus[170].
204
+
205
+ L'origine plurinationale d'Airbus se retrouve dans la structure de ses quatre principales filiales européennes. Les ressources mises en œuvre par les quatre pays participant au consortium Airbus Industrie ont évolué pour former quatre entités juridiques, surnommées « NatCos » (pour National Companies) : Airbus Operations GmbH (Allemagne), Airbus Operations S.L. (Espagne), Airbus Operations S.A.S. (France) et Airbus Operations Ltd (Royaume-Uni). De plus, Airbus Central Entity regroupe le siège d'Airbus à Toulouse[171].
206
+
207
+ Parmi les 55 000 employés d'Airbus, de nombreux sont rattachés aux filiales basées aux États-Unis, en Chine, au Japon et au Moyen-Orient. Chargées des relations avec les 1500 fournisseurs d'Airbus situés dans 30 pays, elles gèrent aussi la gestion de centres de recherche, centres de pièces détachées, centres d'entraînement et d'autres entreprises de service. Le réseau régional d’Airbus inclut des centres de développement aux États-Unis, un centre de conception en Russie et en Chine[179].
208
+
209
+ [185]:
210
+
211
+ Airbus fabrique une grande partie de ses avions dans ses propres usines mais s'appuie sur un réseau d'entreprises affiliées pour produire certains sous-ensembles et fournir des services. Certaines de ces usines, initialement parties intégrantes d'Airbus, ont été vendues dans le cadre du plan de restructuration Power8 mais leur capital reste possédé par Airbus.
212
+
213
+ Airbus et Boeing sont les deux principaux constructeurs d'avions passagers de plus de 100 places. Boeing a vu sa position dominante renforcée par le retrait de Lockheed en 1986 de l’industrie aéronautique civile et par son rachat de McDonnell Douglas en 1997 mais Airbus a petit à petit gagné des parts de marché jusqu'à faire jeu égal avec Boeing à partir du début des années 2000 et à vendre plus d'appareils pour la première fois en 2004[208]. Boeing et Airbus s'affrontent également sur le terrain judiciaire, s'accusant mutuellement de recevoir des subventions illégales.
214
+
215
+ Boeing a été le constructeur aéronautique dominant depuis sa création au début du XXe siècle. Depuis le retrait de Lockheed de l’industrie civile en 1986 et le rachat de McDonnell Douglas par Boeing en 1997, le marché des appareils de transport passager de plus de cent places est en situation de duopole avec deux grand constructeurs, Airbus et Boeing.
216
+
217
+ Depuis sa création en 1969, Airbus a pour objectif de concurrencer les constructeurs américains, en particulier Boeing, et espère s'imposer en misant sur la technologie et en proposant aux compagnies des avions innovants, surpassant leurs équivalents de Boeing. Airbus investit beaucoup dans les matériaux composites et leur emploi massif dans ses premiers appareil (A300/A310), introduit l'utilisation de commandes de vol électriques (A320) ainsi que le concept d'interchangeabilité (famille A320, A330/A340). Airbus propose aussi d'abandonner le rôle d’officier de pilotage et de réduire à deux le nombre de personnes nécessaires dans le cockpit (pilote et copilote), ce qui deviendra la norme par la suite. Airbus remporte de nombreux succès face à Boeing et parvient à s'imposer aux États-Unis en 1978 lorsque Eastern Air Lines préfère l'A300 au XXX[Quoi ?]. Par la suite, Airbus remporte de plus en plus de marchés auprès de compagnies étrangères qui s'approvisionnaient auparavant chez ses concurrents américains. En 2004, Airbus parvient pour la première fois à vendre plus d'appareils sur le marché civil que son concurrent direct[208].
218
+
219
+ Aujourd'hui, Airbus et Boeing sont en concurrence frontale pour les commandes d'avions. Bien que les deux constructeurs offrent une large gamme d'avions, allant du monocouloir au gros-porteur, ces appareils n'occupent pas toujours exactement le même segment. Airbus et Boeing offrent des versions de capacité ou de rayon d'action plus ou moins important que le concurrent afin de satisfaire des besoins pour lesquels il n’existe pas encore d'appareil. L’A380 possède une plus grande capacité que le 747, l'A350 remplit le segment situé entre le 787 et le 777, l'A320 est plus grand que le 737-700 mais plus petit que le 737-800, l'A321 est plus grand que le 737-900 mais plus petit que le 757, au plus grand bénéfice des compagnies aériennes qui se voient offrir une gamme continue d'appareils allant de 100 à 500 passagers.
220
+
221
+ Depuis la perte du quasi-monopole des États-Unis sur le marché des avions de plus de cent places dans les années 1970, Airbus et Boeing s'affrontent sur le terrain judiciaire et s'accusent mutuellement de bénéficier de subventions illégales et de ne pas respecter un accord bilatéral signé entre les États-Unis et l'Union européenne (à l’époque C.E.E.) en 1992[209].
222
+
223
+ Dans les années 1980, alors qu'Airbus devient un sérieux concurrent et parvient à percer le marché américain, les États-Unis reprochent aux européens de financer la conception et le développement des Airbus par des subventions gouvernementales. L'Union européenne s'inquiète également des subventions que reçoivent les constructeurs américains via les programmes de la NASA et les programmes de défense et les négociations entre américains et européens visant à limiter les financements sur fonds publics gouvernementaux mènent à la signature en 1992 d'un « Accord UE/États-Unis sur les aéronefs civils gros porteurs », qui fixe le cadre des subventions publiques et impose aux deux parties des règles et des limites beaucoup plus strictes que celle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) : les aides publiques directes au financement d'un nouveau projet sont limitées à 33 % du coût de développement total, doivent être accordées à un taux d’intérêt qui ne peut être inférieur au coût du crédit pour l’État et doivent être remboursées dans un délai de 17 ans. Les aides indirectes sont quant à elle limitées à 3 % du chiffre d’affaires de l’aviation civile nationale des gros porteurs[209].
224
+
225
+ En 1997, les Américains refusent une proposition européenne de renégocier le traité de 1992[210] mais en 2004, les États-Unis et l'Union européenne se mettent d'accord pour discuter d'une éventuelle révision de l’accord pour y inclure toutes les formes de financements publics. En août 2004, alors que Boeing subit les conséquences des attentats du 11 septembre et vient de licencier 40 000 employés, George W. Bush, en pleine campagne pour l’élection présidentielle de novembre 2004, annonce lors d'un discours face à des ouvriers de Boeing, qu'il a demandé à Robert Zoellick, Représentant américain au commerce, de signifier à l'Europe que les Américains estiment les subventions illégales et qu'il devait tout faire pour y mettre fin, y compris en portant plainte auprès de l'OMC[210]. En octobre 2004, Harry Stonecipher, président de Boeing, dépose effectivement une plainte[211] et demande à l'OMC d'enquêter sur les financements européens depuis le lancement d'Airbus[212]. Boeing estime ces aides à 40 milliards de dollars depuis 1969 et les États-Unis se retirent unilatéralement de l’accord de 1992[212].
226
+
227
+ En réponse, Airbus porte aussi plainte devant l'OMC et dénonce les subventions illégales de Boeing[213]. Airbus accuse Boeing d'avoir bénéficié de 18 milliards de financement direct ou indirect illégal à travers des déductions d’impôts de la part du gouvernement américain et des abattements fiscaux dans les états du Kansas, de l’Illinois et de Washington où sont basées les chaînes d'assemblage de Boeing, ainsi que des subventions déguisées sous forme de marchés attribués par le Département de la Défense, des contrats de recherche et développement de la NASA dont les retombées civiles sont très importantes et des financements de compagnies aériennes japonaises pour le programme du Boeing 7E7 (devenu Boeing 787 ultérieurement)[212],[214],[215]. Airbus ajoute que la plainte de Boeing est motivée par des questions de politique intérieure, à quelques mois de l’élection présidentielle américaine[212]. Le 11 janvier 2005, Boeing et Airbus se mettent d'accord pour tenter de trouver une solution à la querelle en dehors du cadre de l’OMC mais en juin 2005, à la suite du lancement du programme de conception de l’A350, Boeing et le gouvernement américain rouvrent le conflit commercial auprès de l'OMC, clamant qu’Airbus allait recevoir de nouvelles subventions illégales pour l'A350 et l'A380[216]. Airbus se retourne à son tour contre Boeing, l'accusant de recevoir des subventions pour le développement du 787.
228
+
229
+ Au terme de cinq ans de procédures, l'OMC rend plusieurs jugements à la suite des différentes plaintes posées. L'OMC déclare le 24 mars 2010 qu'Airbus a reçu des aides illégales[217]. En septembre 2010, un rapport préliminaire de l'OMC déclare que les subventions accordées à Boeing ont violé les règles de l'OMC et doivent être retirées[218] mais Boeing répond que le jugement ne représentait qu'une fraction de ce que Boeing reprochait à Airbus[219]. Dans deux jugements différents rendus en mai 2011, l'OMC établit que les financements du Ministère de la Défense et de la NASA ne peuvent pas être utilisés pour financer des projets aéronautiques civils et que Boeing doit 5,3 milliards de dollars de subventions illégales[220]. Le Corps d'appel de l'OMC, lui, casse le précédent jugement de l’OMC rendu en septembre 2010 et établissant que les aides apportées par l'Europe étaient illégales. Le nouveau jugement établit que ces financements ne visaient pas à stimuler les exportations et que les partenariats publics-privés peuvent continuer mais une partie des 18 milliards de dollars doit cependant être remboursée[221].
230
+
231
+ Le 12 mars 2012, l'Organe d'appel de l'OMC confirme l'illégalité des subventions versées à Boeing et confirme la légalité des prêts remboursables octroyés à Airbus. L'OMC confirme que Boeing a reçu 5,3 milliards de dollars illégalement créant un préjudice commercial pour Airbus d’environ 45 milliards et déclare que Boeing et les États-Unis ont un délai de 6 mois pour changer leur mode de financement[222].
232
+
233
+ Le 22 septembre 2016, l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) estime que l'Union européenne ne s'est toujours pas mise en conformité concernant les subventions accordées à Airbus, les considérant comme abusives[223].
234
+
235
+ Airbus produit des avions civils passagers et des appareils d'affaires.
236
+
237
+ La gamme d'avions civils offre des appareils de 107 à 525 places et comprend la famille des mono-couloirs A320 (A318, A319, A320 et A321), les long-courriers à fuselage large A330/A340/A350, le très long-courrier à double pont A380. L'A300, l'A310 et l'A340 ne sont plus produits mais sont encore en service. L'A320, l'A330 et l'A380 sont en production et l'A350 est entré en service en 2015.
238
+
239
+ Le premier appareil fabriqué par Airbus, l’A300B, fut ainsi nommé car il devait initialement transporter 300 personnes en standard. Par la suite, chaque nouveau modèle porta un nom augmentant de 10 en 10 : A310, A320, A330, A340, les versions raccourcies ou allongées de l’A320 recevant un numéro très proche (A318, A319, A321). Le nom du dernier avion produit par Airbus, l'A380, fut choisi pour rappeler les deux rangées de hublots superposées mais aussi car le 8 est un chiffre porte-bonheur en Asie, qui représente le principal marché ciblé pour cet appareil. Le type A350 quant à lui suit la nomenclature habituelle.
240
+
241
+ Le 25 mars 2019, lors d'une cérémonie à l'Élysée, le président chinois Xi Jinping a annoncé à Emmanuel Macron qu'il souhaitait faire une commande de 300 Airbus pour la compagnie aérienne étatique CASC (China Aviation Supplies Holding Company)[224]. Le montant total de la commande était censé dépasser les 30 milliards d'euros, mais ce chiffre annoncé a été gonflé par la prise en compte de contrats existants et d’accords seulement validés mais non finalisés par les autorités chinoises[225].
242
+
243
+ En réponse à la création par Boeing d'avions d'affaires (Boeing Business Jet) dérivés de ses avions civils, Airbus lança sa propre gamme d'avions privés, également basée sur ses avions civils passagers. L'Airbus A319CJ (pour Corporate Jet) en tant que premier modèle fut lancé en novembre 1999[227]. D'autres avions d'affaires furent lancés (A318 Elite, A319 Corporate, A380 Prestige) et le 16 mai 2011, toute la gamme fut renommée en ACJ (pour Airbus Corporate Jet)[228]: ACJ318, ACJ319, ACJ320, ACJ340 et ACJ380. Jusqu'en 2012, plus de 170 exemplaires d'affaires furent délivrés, dont 110 petit-porteurs VIP et gouvernements[229]. L'ACJ350 sera dorénavant disponible. Comme la plupart des clients souhaitent leurs vols sans escale, l'ACJ319 et l'ACJ330-200 sont normalement préférés, en raison de leur autonomie.
244
+
245
+ Les versions fret sont dérivées des versions passagers. Il est vrai qu'Airbus assemblait plusieurs types de version cargo. Néanmoins, il ne reste que l'A330-200F dans le catalogue du constructeur. Au contraire, la conversion des appareils passager en version fret est toujours effectuée. Désormais, l'A320F et l'A330F (plus précisément A320P2F et A330P2F) en occasion seront disponibles.
246
+
247
+ Pop.Up
248
+
249
+ Le 7 mars 2017, Airbus présente à Genève son prototype de voiture autonome volante "Pop.Up"[241].
250
+
251
+ Airbus A³ Vahana
252
+
253
+ premier vol Janvier 2018
254
+
255
+ CityAirbus
256
+
257
+ présentation du prototype Mars 2019
258
+
259
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/970.html.txt ADDED
The diff for this file is too large to render. See raw diff
 
fr/971.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,93 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+ modifier - modifier le code - modifier Wikidata
2
+
3
+ Charles Perrault, né le 12 janvier 1628 à Paris et mort dans cette même ville le 16 mai 1703, est un homme de lettres français, célèbre pour ses Contes de ma mère l’Oye.
4
+
5
+ Auteur de textes religieux, chef de file des Modernes dans la Querelle des Anciens et des Modernes, Charles Perrault est l'un des grands auteurs du XVIIe siècle. L'essentiel de son travail consiste en la collecte et la retranscription de contes issus de la tradition orale française. Il est l'un des formalisateurs du genre littéraire écrit du conte merveilleux.
6
+
7
+ Charles Perrault est né dans une famille bourgeoise tourangelle installée à Paris. Son grand-père a été brodeur du roi, son père Pierre († 1652) avocat au Parlement de Paris s'est marié en 1608 à Paquette Le Clerc († 1657) qui lui donne sept enfants. Charles est le dernier de cette fratrie[2] : Jean, l’aîné, avocat comme son père, meurt en 1669 ; Pierre (1611-1680), receveur général des finances, perd pour indélicatesse son crédit auprès de Colbert en 1664 ; Claude (1613-1688), médecin et architecte, membre de l'Académie des sciences[3] et du Conseil des bâtiments, publie des ouvrages d’histoire naturelle et d’architecture, on lui doit notamment la colonnade du Louvre ; Nicolas (1624-1662), amateur de mathématiques et théologien, est exclu de la Sorbonne pour jansénisme en 1656 ; Marie, l’unique fille, meurt à treize ans[4] ; il a également un frère jumeau, François, mort en bas âge, à 6 mois[5].
8
+
9
+ Charles Perrault est baptisé le 13 janvier 1628 en l'église Saint-Étienne-du-Mont à Paris. Son parrain est son frère Pierre et sa marraine est Françoise Pépin, sa cousine[6].
10
+
11
+ Il fait des études littéraires brillantes au collège de Beauvais à Paris dont il raconte, dans ses Mémoires, qu’y étant élève de philosophie, il quitta la classe à la suite d’une discussion avec son professeur, en compagnie d’un de ses camarades. Tous deux décident de ne plus retourner au collège, et ils se mettent avec ardeur à la lecture des auteurs sacrés et profanes, des Pères de l'Église, de la Bible, de l’histoire de France, faisant de tout des traductions et des extraits. C’est à la suite de ce singulier amalgame de libres études qu’il met en vers burlesques le sixième livre de l'Énéide et écrit les Murs de Troie ou l’Origine du burlesque.
12
+
13
+ Reçu avocat en 1651 après avoir obtenu sa licence de droit, il s’inscrit au barreau mais, s’ennuie bientôt de « traîner une robe dans le Palais ». En 1653, il publie avec son frère Claude un poème, « Les murs de Troie ou L'origine du burlesque ». Un an plus tard, il entre en qualité de commis chez son frère qui était receveur général des finances. Cette place lui laissant du loisir, il en profite pour se livrer à son goût pour la poésie[7].
14
+
15
+ Il est chargé par Colbert de la politique artistique et littéraire de Louis XIV en 1663 en tant que secrétaire de séance de la Petite Académie, puis en 1672 en tant que contrôleur général de la Surintendance des bâtiments du roi[8]. Dès lors, Perrault use de la faveur du ministre au profit des lettres, des sciences et des arts. Il n'est pas étranger au projet d’après lequel des pensions sont distribuées aux écrivains et aux savants de France et d’Europe.
16
+
17
+ À 44 ans, il épouse une jeune femme de 19 ans, Marie Guichon, avec qui il a quatre enfants[9].
18
+
19
+ Perrault contribue également à la fondation de l’Académie des sciences et à la reconstitution de l’Académie de peinture[10]. Il fait partie, dès l’origine, de la commission des devises et inscriptions qui devint l’Académie des inscriptions et belles-lettres mais à la mort de Colbert en 1683, il perd sa charge de contrôleur général et est exclu de cette Académie. Entré à l’Académie française en 1671, il y donne l’idée des jetons de présence, de rendre publiques les séances de réception et de faire les élections « par scrutin et par billets, afin que chacun soit dans une pleine liberté de nommer qui il lui plairait. » C’est lui encore qui rédige la préface du Dictionnaire de l'Académie en 1694.
20
+
21
+ Perrault était un touche-à-tout littéraire qui s’essaya au genre galant avec Dialogue de l’amour et de l’amitié (1660) et Le Miroir ou la Métamorphose d’Orante. Toutes ses productions littéraires se bornaient à quelques poésies légères, comme le Portrait d’Iris, lorsqu’il lut à l’Académie, le 27 janvier 1687, un poème intitulé le Siècle de Louis le Grand. Ce poème, où Perrault, parlant avec assez peu de respect d’Homère, de Ménandre et des plus révérés d’entre les auteurs classiques, plaça pour la première fois le XVIIe siècle au-dessus de tous les siècles précédents, tient une place importante dans l’histoire des lettres en ce qu’il inaugure la Querelle des Anciens et des Modernes. Perrault, qui sera le chef de file des partisans des Modernes, y explique l’égalité nécessaire entre les diff��rents âges par une loi de la nature :
22
+
23
+ À former les esprits comme à former les corps,
24
+ La nature en tout temps fait les mêmes efforts ;
25
+ Son être est immuable, et cette force aisée
26
+ Dont elle produit tout ne s’est point épuisée :
27
+ Jamais l’astre du jour qu’aujourd’hui nous voyons
28
+ N’eut le front couronné de plus brillants rayons ;
29
+ Jamais dans le printemps les roses empourprées
30
+ D’un plus vif incarnat ne furent colorées.
31
+ De cette même main les forces infinies
32
+ Produisent en tout temps de semblables génies.
33
+
34
+ À cette lecture, Boileau se leva furieux, disant que c’était une honte de la supporter. D’autres académiciens, qui y voyaient une flatterie pour eux-mêmes, applaudirent vivement. Racine félicita ironiquement Perrault d’avoir si bien mené ce jeu d’esprit et d’avoir si parfaitement rendu le contraire de ce qu’il pensait. Ainsi naquit une des plus fameuses querelles littéraires, s’il est vrai, comme on l’a dit, que ce fut pour répondre à Racine que Perrault entreprit une démonstration méthodique de sa thèse et publia le Parallèle des anciens et des modernes (Paris, 1688-1698, 4 vol. in-12), ouvrage écrit sous forme de dialogue entre un président savant et un peu entêté, un chevalier léger, agréable et hardi, et un abbé qui représente la modération. Son quatrième tome consacre une part importante à l’architecture, reprenant les idées que son frère Claude Perrault avait développé dans ses ouvrages, en se posant à l’encontre des canons éternels de la notion du beau.
35
+
36
+ Boileau répondit par des épigrammes et dans les Réflexions sur Longin. Dans cette discussion, où les adversaires avaient à la fois raison et tort à différents points de vue, et où, suivant chacun sa voie, ils se répliquaient sans se répondre, Perrault l'emporta en général par l’urbanité. On l’injuriait, il ripostait d’un ton spirituellement dégagé :
37
+
38
+ L’aimable dispute où nous nous amusons
39
+ Passera, sans finir, jusqu’aux races futures ;
40
+ Nous dirons toujours des raisons,
41
+ Ils diront toujours des injures.
42
+
43
+ Perrault se laissa cependant aller à quelques paroles trop vives dans son Apologie des femmes, qu’il publia en 1694, pour répondre à la satire de Boileau contre les femmes. Les deux ennemis furent réconciliés, du moins en apparence, en 1700 et leur querelle fut continuée par d’autres écrivains.
44
+
45
+ Perrault avait commencé en 1696 et termina en 1701 un ouvrage intitulé les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle (2 vol. in-fol.), recueil de cent deux biographies, courtes, précises et exactes, accompagnées de magnifiques portraits gravés.
46
+
47
+ Mais ce qui a fait l’immortelle popularité de Charles Perrault, ce n’est ni cette riche publication, ni ses discussions littéraires, c’est le petit volume intitulé Contes de ma mère l’Oye, ou Histoires du temps passé (1697, petit in-12, édition très rare et contrefaite la même année) qu’il publia sous le nom de son jeune fils, Perrault d’Armancourt.
48
+
49
+ Comme Charles Perrault n'a couché par écrit que les versions qu'il avait entendues, et du fait de la forte légitimité de l'écrit, les contes dits « de Perrault » ont souvent pris le pas sur les autres versions des mêmes histoires, issues du patrimoine oral de France et du monde entier. Ainsi, Pierre Dubois pense que Charles Perrault a considérablement modifié la perception de la fée en faisant des « belles de mai » mentionnées dans les anciennes croyances des femmes raffinées, délicates et élégantes fréquentant la cour dans ses contes, détruisant ainsi leur symbolisme originel lié au renouveau de la nature. Selon lui, il « détourne et dénature » les fées des saisons avec l'ajout de ses morales[11].
50
+
51
+ Cependant, le point de vue de cet auteur, Pierre Dubois, est lié à la perception écologique que l'on a des fées en cette fin de XXe et début de XXIe siècle[12], bien que les auteurs de Fantasy (dont il fait partie[13]) dépeignent rarement les fées comme étant des ordonnatrices de la Mère Nature. Pour Perrault les fées sont surtout les instruments du Destin[14] et des magiciennes comme elles l'ont été durant tout le Moyen Âge. Ne disait-on pas fée pour désigner un objet magique, alors que tout ce qui était lié à la nature et à son renouveau était selon Paracelse[15] plutôt du domaine des éléments et de leurs représentants, les elfes, les lutins, les trolls. Dans la légende arthurienne de la Table Ronde, Viviane et Morgane ne sont pas des fées des saisons mais bel et bien des magiciennes[16]. Les fées de Perrault ne sont pas les délicates fréquentant la cour comme dit cet auteur de bandes dessinées[17], le conte Les Fées met en scène une magicienne qui tour à tour endosse l'apparence d'une vieille femme[18] puis d'une dame pour rendre justice à la bonté, la fée de Cendrillon transforme une citrouille en carrosse mais nulle part il n'est question d'une femme de cour, elle est une marraine, une protectrice[19] et quant à la vieille fée dans La belle au bois dormant, elle serait plus proche de la sorcière jeteuse de sorts[20]. Perrault était un écrivain philosophe qui a laissé dans ses contes les traces d'un enseignement hermétique comme le souligne Armand Langlois[21] dans son analyse des contes de Perrault. Il n'était pas un auteur de Fantasy, il n'a jamais prétendu endormir les enfants avec de jolies histoires mais c'était un moraliste[22] qui a utilisé le merveilleux pour éduquer[23] et donner une direction pour l'accomplissement de la personne humaine.
52
+
53
+ En 1691, Perrault publie une « nouvelle » en vers :
54
+
55
+ En 1693, il publie un premier « conte en vers » dans le Mercure galant[24] :
56
+
57
+ En 1694, il réunit dans une même édition[25] les deux œuvres précédentes et y ajoute une troisième histoire, deuxième « conte en vers » :
58
+
59
+ En 1696 paraît dans le Mercure galant un conte en prose : La Belle au bois dormant.
60
+
61
+ L’année suivante, sort de chez Claude Barbin un volume intitulé Histoires ou Contes du temps passé (1697). Ce volume contient les huit contes en prose suivants :
62
+
63
+ Ce recueil subit deux contrefaçons la même année : l'édition de Jacques Desbordes, à Amsterdam, Histoire ou Contes du temps passé. Avec Moralitez, et l'édition du Prince de Dombes, à Trévoux, Histoires ou Contes du temps passé. Avec des Moralitez[27].
64
+
65
+ La critique moderne retient, outre les publications très importantes des deux contes parus dans Le Mercure galant, le manuscrit d'apparat de 1695 dédié à Elisabeth-Charlotte d'Orléans, fille de Monsieur et de la Princesse Palatine, nièce de Louis XIV. Apparaissent dans une première version les cinq premiers contes du recueil. L'étude des modifications génétiques apportées en 1697 est très intéressante: ajout de Moralités, transformation significative du début des Fées qui s'ajuste au sixième conte : Cendrillon.[28] Le livre de 1697 multiplie quantitativement le volume en multipliant par deux le nombre de pages et multiplie les relations entre les huit contes qui sont trop souvent étudiés de manière individuelle, comme des textes autonomes, au lieu de prendre en compte la logique du recueil, intégrant le frontispice, la vignette qui surplombe la dédicace et l'épître dédicatoire à Mademoiselle.
66
+
67
+ Il fait paraître son recueil sous le nom de son troisième fils, Pierre Darmancour, ou d’Armancour, Armancour étant le nom du domaine que Charles vient d’acquérir et d’offrir à Pierre. Ce dernier, né en 1678[29], aspirait à devenir secrétaire de « Mademoiselle », nièce de Louis XIV, à qui est dédicacé l’ouvrage.
68
+
69
+ De plus, Perrault voulait éviter une nouvelle polémique entre Anciens et Modernes (il était le chef de file de ces derniers) avec la publication de ses Contes. Il s’était réconcilié avec Boileau en 1694. Le nom de son fils lui a donc été d’une grande aide pour éviter la reprise de la querelle.
70
+
71
+ Cependant, des avis pour l'attribution des Contes en prose au fils subsistent, insistant sur le fait qu'ils étaient trop maladroits et trop immoraux pour être de la main du père[30]. Cette position est aujourd'hui assez largement contestée avec un certain nombre de preuves détaillées, par exemple, par Ute Heidmann et Jean-Michel Adam[28].
72
+
73
+ En 1683, Perrault, ayant perdu à la fois son poste à l’Académie et sa femme, décide de se consacrer à l’éducation de ses enfants et écrit Les Contes de ma mère l’Oye (1697).
74
+
75
+ Il meurt le 16 mai 1703 dans sa maison de la rue de l'Estrapade sur la Montagne Sainte-Geneviève et est inhumé le lendemain en l'église Saint-Benoît-le-Bétourné en présence de son fils Charles Perrault[31].
76
+
77
+ Le genre des contes de fées est à la mode dans les salons mondains : les membres de la haute société assistent aux veillées populaires et prennent note des histoires qui s’y racontent. Son recueil intitulé Contes de ma mère l’Oye, où les contes sont à la fois d’inspiration orale (la « Mère l’Oye » désigne la nourrice qui raconte des histoires aux enfants) et littéraire (Boccace avait déjà écrit une première version de Griselidis dans le Décaméron). Le travail que Perrault opère sur cette matière déjà existante, c’est qu’il les moralise et en fait des outils « à l'enseignement des jeunes enfants ». Ainsi, il rajoute des moralités à la fin de chaque conte, signalant quelles valeurs il illustre.
78
+
79
+ Perrault conçoit ses contes comme une contestation des positions des Anciens et dans un dialogue avec ses contemporains : La Fontaine et Fénelon, Marie-Jeanne Lhéritier et Catherine Bernard. Il a été largement démontré aujourd'hui qu'il promeut un certain usage des textes latins et s'inspire très massivement de Virgile et d'Apulée[32],[33], mais aussi de Straparola (Le Piacevoli Notti) et de Basile (Locunto de li ).
80
+
81
+ Marc Soriano dit de Perrault qu’il est « le plus méconnu des classiques » : tout le monde connaît ses contes, mais très peu connaissent sa version des contes : ainsi, chez Perrault, le petit chaperon rouge et sa grand-mère finissent mangés par le loup : la version postérieure où le chasseur les sort du ventre est de Grimm. De même, c’est dans Disney que le baiser du prince réveille la Belle au bois dormant (c'est également la version des frères Grimm) : chez Perrault, elle se réveille toute seule après que le Prince se soit agenouillé près d'elle. De même, on a longtemps eu un doute sur la fameuse pantoufle de verre : était-elle en verre ou en vair ? C'est en fait Balzac qui, pour rationaliser les contes de Perrault, modifia le conte en prétendant qu'il s'agissait d'une pantoufle de vair. Idée reprise par Littré dans son célèbre dictionnaire. Il s'agissait bien d'une pantoufle de verre.
82
+
83
+ Et la postérité a préféré ne garder que ce que Perrault appelait le « conte tout sec », c’est-à-dire le conte de fée, en oubliant les moralités. Or, les moralités de Perrault sont tout aussi essentielles à ses contes que ne le sont les moralités des Fables de La Fontaine.
84
+
85
+ Les contes de Perrault inspirèrent plusieurs chefs-d'œuvre du ballet classique, comme :
86
+
87
+ Il existe de très nombreuses adaptations cinématographiques de ses contes, parmi lesquelles :
88
+
89
+ Sur les autres projets Wikimedia :
90
+
91
+ Sur les autres projets Wikimedia :
92
+
93
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/972.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,93 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+ modifier - modifier le code - modifier Wikidata
2
+
3
+ Charles Perrault, né le 12 janvier 1628 à Paris et mort dans cette même ville le 16 mai 1703, est un homme de lettres français, célèbre pour ses Contes de ma mère l’Oye.
4
+
5
+ Auteur de textes religieux, chef de file des Modernes dans la Querelle des Anciens et des Modernes, Charles Perrault est l'un des grands auteurs du XVIIe siècle. L'essentiel de son travail consiste en la collecte et la retranscription de contes issus de la tradition orale française. Il est l'un des formalisateurs du genre littéraire écrit du conte merveilleux.
6
+
7
+ Charles Perrault est né dans une famille bourgeoise tourangelle installée à Paris. Son grand-père a été brodeur du roi, son père Pierre († 1652) avocat au Parlement de Paris s'est marié en 1608 à Paquette Le Clerc († 1657) qui lui donne sept enfants. Charles est le dernier de cette fratrie[2] : Jean, l’aîné, avocat comme son père, meurt en 1669 ; Pierre (1611-1680), receveur général des finances, perd pour indélicatesse son crédit auprès de Colbert en 1664 ; Claude (1613-1688), médecin et architecte, membre de l'Académie des sciences[3] et du Conseil des bâtiments, publie des ouvrages d’histoire naturelle et d’architecture, on lui doit notamment la colonnade du Louvre ; Nicolas (1624-1662), amateur de mathématiques et théologien, est exclu de la Sorbonne pour jansénisme en 1656 ; Marie, l’unique fille, meurt à treize ans[4] ; il a également un frère jumeau, François, mort en bas âge, à 6 mois[5].
8
+
9
+ Charles Perrault est baptisé le 13 janvier 1628 en l'église Saint-Étienne-du-Mont à Paris. Son parrain est son frère Pierre et sa marraine est Françoise Pépin, sa cousine[6].
10
+
11
+ Il fait des études littéraires brillantes au collège de Beauvais à Paris dont il raconte, dans ses Mémoires, qu’y étant élève de philosophie, il quitta la classe à la suite d’une discussion avec son professeur, en compagnie d’un de ses camarades. Tous deux décident de ne plus retourner au collège, et ils se mettent avec ardeur à la lecture des auteurs sacrés et profanes, des Pères de l'Église, de la Bible, de l’histoire de France, faisant de tout des traductions et des extraits. C’est à la suite de ce singulier amalgame de libres études qu’il met en vers burlesques le sixième livre de l'Énéide et écrit les Murs de Troie ou l’Origine du burlesque.
12
+
13
+ Reçu avocat en 1651 après avoir obtenu sa licence de droit, il s’inscrit au barreau mais, s’ennuie bientôt de « traîner une robe dans le Palais ». En 1653, il publie avec son frère Claude un poème, « Les murs de Troie ou L'origine du burlesque ». Un an plus tard, il entre en qualité de commis chez son frère qui était receveur général des finances. Cette place lui laissant du loisir, il en profite pour se livrer à son goût pour la poésie[7].
14
+
15
+ Il est chargé par Colbert de la politique artistique et littéraire de Louis XIV en 1663 en tant que secrétaire de séance de la Petite Académie, puis en 1672 en tant que contrôleur général de la Surintendance des bâtiments du roi[8]. Dès lors, Perrault use de la faveur du ministre au profit des lettres, des sciences et des arts. Il n'est pas étranger au projet d’après lequel des pensions sont distribuées aux écrivains et aux savants de France et d’Europe.
16
+
17
+ À 44 ans, il épouse une jeune femme de 19 ans, Marie Guichon, avec qui il a quatre enfants[9].
18
+
19
+ Perrault contribue également à la fondation de l’Académie des sciences et à la reconstitution de l’Académie de peinture[10]. Il fait partie, dès l’origine, de la commission des devises et inscriptions qui devint l’Académie des inscriptions et belles-lettres mais à la mort de Colbert en 1683, il perd sa charge de contrôleur général et est exclu de cette Académie. Entré à l’Académie française en 1671, il y donne l’idée des jetons de présence, de rendre publiques les séances de réception et de faire les élections « par scrutin et par billets, afin que chacun soit dans une pleine liberté de nommer qui il lui plairait. » C’est lui encore qui rédige la préface du Dictionnaire de l'Académie en 1694.
20
+
21
+ Perrault était un touche-à-tout littéraire qui s’essaya au genre galant avec Dialogue de l’amour et de l’amitié (1660) et Le Miroir ou la Métamorphose d’Orante. Toutes ses productions littéraires se bornaient à quelques poésies légères, comme le Portrait d’Iris, lorsqu’il lut à l’Académie, le 27 janvier 1687, un poème intitulé le Siècle de Louis le Grand. Ce poème, où Perrault, parlant avec assez peu de respect d’Homère, de Ménandre et des plus révérés d’entre les auteurs classiques, plaça pour la première fois le XVIIe siècle au-dessus de tous les siècles précédents, tient une place importante dans l’histoire des lettres en ce qu’il inaugure la Querelle des Anciens et des Modernes. Perrault, qui sera le chef de file des partisans des Modernes, y explique l’égalité nécessaire entre les diff��rents âges par une loi de la nature :
22
+
23
+ À former les esprits comme à former les corps,
24
+ La nature en tout temps fait les mêmes efforts ;
25
+ Son être est immuable, et cette force aisée
26
+ Dont elle produit tout ne s’est point épuisée :
27
+ Jamais l’astre du jour qu’aujourd’hui nous voyons
28
+ N’eut le front couronné de plus brillants rayons ;
29
+ Jamais dans le printemps les roses empourprées
30
+ D’un plus vif incarnat ne furent colorées.
31
+ De cette même main les forces infinies
32
+ Produisent en tout temps de semblables génies.
33
+
34
+ À cette lecture, Boileau se leva furieux, disant que c’était une honte de la supporter. D’autres académiciens, qui y voyaient une flatterie pour eux-mêmes, applaudirent vivement. Racine félicita ironiquement Perrault d’avoir si bien mené ce jeu d’esprit et d’avoir si parfaitement rendu le contraire de ce qu’il pensait. Ainsi naquit une des plus fameuses querelles littéraires, s’il est vrai, comme on l’a dit, que ce fut pour répondre à Racine que Perrault entreprit une démonstration méthodique de sa thèse et publia le Parallèle des anciens et des modernes (Paris, 1688-1698, 4 vol. in-12), ouvrage écrit sous forme de dialogue entre un président savant et un peu entêté, un chevalier léger, agréable et hardi, et un abbé qui représente la modération. Son quatrième tome consacre une part importante à l’architecture, reprenant les idées que son frère Claude Perrault avait développé dans ses ouvrages, en se posant à l’encontre des canons éternels de la notion du beau.
35
+
36
+ Boileau répondit par des épigrammes et dans les Réflexions sur Longin. Dans cette discussion, où les adversaires avaient à la fois raison et tort à différents points de vue, et où, suivant chacun sa voie, ils se répliquaient sans se répondre, Perrault l'emporta en général par l’urbanité. On l’injuriait, il ripostait d’un ton spirituellement dégagé :
37
+
38
+ L’aimable dispute où nous nous amusons
39
+ Passera, sans finir, jusqu’aux races futures ;
40
+ Nous dirons toujours des raisons,
41
+ Ils diront toujours des injures.
42
+
43
+ Perrault se laissa cependant aller à quelques paroles trop vives dans son Apologie des femmes, qu’il publia en 1694, pour répondre à la satire de Boileau contre les femmes. Les deux ennemis furent réconciliés, du moins en apparence, en 1700 et leur querelle fut continuée par d’autres écrivains.
44
+
45
+ Perrault avait commencé en 1696 et termina en 1701 un ouvrage intitulé les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle (2 vol. in-fol.), recueil de cent deux biographies, courtes, précises et exactes, accompagnées de magnifiques portraits gravés.
46
+
47
+ Mais ce qui a fait l’immortelle popularité de Charles Perrault, ce n’est ni cette riche publication, ni ses discussions littéraires, c’est le petit volume intitulé Contes de ma mère l’Oye, ou Histoires du temps passé (1697, petit in-12, édition très rare et contrefaite la même année) qu’il publia sous le nom de son jeune fils, Perrault d’Armancourt.
48
+
49
+ Comme Charles Perrault n'a couché par écrit que les versions qu'il avait entendues, et du fait de la forte légitimité de l'écrit, les contes dits « de Perrault » ont souvent pris le pas sur les autres versions des mêmes histoires, issues du patrimoine oral de France et du monde entier. Ainsi, Pierre Dubois pense que Charles Perrault a considérablement modifié la perception de la fée en faisant des « belles de mai » mentionnées dans les anciennes croyances des femmes raffinées, délicates et élégantes fréquentant la cour dans ses contes, détruisant ainsi leur symbolisme originel lié au renouveau de la nature. Selon lui, il « détourne et dénature » les fées des saisons avec l'ajout de ses morales[11].
50
+
51
+ Cependant, le point de vue de cet auteur, Pierre Dubois, est lié à la perception écologique que l'on a des fées en cette fin de XXe et début de XXIe siècle[12], bien que les auteurs de Fantasy (dont il fait partie[13]) dépeignent rarement les fées comme étant des ordonnatrices de la Mère Nature. Pour Perrault les fées sont surtout les instruments du Destin[14] et des magiciennes comme elles l'ont été durant tout le Moyen Âge. Ne disait-on pas fée pour désigner un objet magique, alors que tout ce qui était lié à la nature et à son renouveau était selon Paracelse[15] plutôt du domaine des éléments et de leurs représentants, les elfes, les lutins, les trolls. Dans la légende arthurienne de la Table Ronde, Viviane et Morgane ne sont pas des fées des saisons mais bel et bien des magiciennes[16]. Les fées de Perrault ne sont pas les délicates fréquentant la cour comme dit cet auteur de bandes dessinées[17], le conte Les Fées met en scène une magicienne qui tour à tour endosse l'apparence d'une vieille femme[18] puis d'une dame pour rendre justice à la bonté, la fée de Cendrillon transforme une citrouille en carrosse mais nulle part il n'est question d'une femme de cour, elle est une marraine, une protectrice[19] et quant à la vieille fée dans La belle au bois dormant, elle serait plus proche de la sorcière jeteuse de sorts[20]. Perrault était un écrivain philosophe qui a laissé dans ses contes les traces d'un enseignement hermétique comme le souligne Armand Langlois[21] dans son analyse des contes de Perrault. Il n'était pas un auteur de Fantasy, il n'a jamais prétendu endormir les enfants avec de jolies histoires mais c'était un moraliste[22] qui a utilisé le merveilleux pour éduquer[23] et donner une direction pour l'accomplissement de la personne humaine.
52
+
53
+ En 1691, Perrault publie une « nouvelle » en vers :
54
+
55
+ En 1693, il publie un premier « conte en vers » dans le Mercure galant[24] :
56
+
57
+ En 1694, il réunit dans une même édition[25] les deux œuvres précédentes et y ajoute une troisième histoire, deuxième « conte en vers » :
58
+
59
+ En 1696 paraît dans le Mercure galant un conte en prose : La Belle au bois dormant.
60
+
61
+ L’année suivante, sort de chez Claude Barbin un volume intitulé Histoires ou Contes du temps passé (1697). Ce volume contient les huit contes en prose suivants :
62
+
63
+ Ce recueil subit deux contrefaçons la même année : l'édition de Jacques Desbordes, à Amsterdam, Histoire ou Contes du temps passé. Avec Moralitez, et l'édition du Prince de Dombes, à Trévoux, Histoires ou Contes du temps passé. Avec des Moralitez[27].
64
+
65
+ La critique moderne retient, outre les publications très importantes des deux contes parus dans Le Mercure galant, le manuscrit d'apparat de 1695 dédié à Elisabeth-Charlotte d'Orléans, fille de Monsieur et de la Princesse Palatine, nièce de Louis XIV. Apparaissent dans une première version les cinq premiers contes du recueil. L'étude des modifications génétiques apportées en 1697 est très intéressante: ajout de Moralités, transformation significative du début des Fées qui s'ajuste au sixième conte : Cendrillon.[28] Le livre de 1697 multiplie quantitativement le volume en multipliant par deux le nombre de pages et multiplie les relations entre les huit contes qui sont trop souvent étudiés de manière individuelle, comme des textes autonomes, au lieu de prendre en compte la logique du recueil, intégrant le frontispice, la vignette qui surplombe la dédicace et l'épître dédicatoire à Mademoiselle.
66
+
67
+ Il fait paraître son recueil sous le nom de son troisième fils, Pierre Darmancour, ou d’Armancour, Armancour étant le nom du domaine que Charles vient d’acquérir et d’offrir à Pierre. Ce dernier, né en 1678[29], aspirait à devenir secrétaire de « Mademoiselle », nièce de Louis XIV, à qui est dédicacé l’ouvrage.
68
+
69
+ De plus, Perrault voulait éviter une nouvelle polémique entre Anciens et Modernes (il était le chef de file de ces derniers) avec la publication de ses Contes. Il s’était réconcilié avec Boileau en 1694. Le nom de son fils lui a donc été d’une grande aide pour éviter la reprise de la querelle.
70
+
71
+ Cependant, des avis pour l'attribution des Contes en prose au fils subsistent, insistant sur le fait qu'ils étaient trop maladroits et trop immoraux pour être de la main du père[30]. Cette position est aujourd'hui assez largement contestée avec un certain nombre de preuves détaillées, par exemple, par Ute Heidmann et Jean-Michel Adam[28].
72
+
73
+ En 1683, Perrault, ayant perdu à la fois son poste à l’Académie et sa femme, décide de se consacrer à l’éducation de ses enfants et écrit Les Contes de ma mère l’Oye (1697).
74
+
75
+ Il meurt le 16 mai 1703 dans sa maison de la rue de l'Estrapade sur la Montagne Sainte-Geneviève et est inhumé le lendemain en l'église Saint-Benoît-le-Bétourné en présence de son fils Charles Perrault[31].
76
+
77
+ Le genre des contes de fées est à la mode dans les salons mondains : les membres de la haute société assistent aux veillées populaires et prennent note des histoires qui s’y racontent. Son recueil intitulé Contes de ma mère l’Oye, où les contes sont à la fois d’inspiration orale (la « Mère l’Oye » désigne la nourrice qui raconte des histoires aux enfants) et littéraire (Boccace avait déjà écrit une première version de Griselidis dans le Décaméron). Le travail que Perrault opère sur cette matière déjà existante, c’est qu’il les moralise et en fait des outils « à l'enseignement des jeunes enfants ». Ainsi, il rajoute des moralités à la fin de chaque conte, signalant quelles valeurs il illustre.
78
+
79
+ Perrault conçoit ses contes comme une contestation des positions des Anciens et dans un dialogue avec ses contemporains : La Fontaine et Fénelon, Marie-Jeanne Lhéritier et Catherine Bernard. Il a été largement démontré aujourd'hui qu'il promeut un certain usage des textes latins et s'inspire très massivement de Virgile et d'Apulée[32],[33], mais aussi de Straparola (Le Piacevoli Notti) et de Basile (Locunto de li ).
80
+
81
+ Marc Soriano dit de Perrault qu’il est « le plus méconnu des classiques » : tout le monde connaît ses contes, mais très peu connaissent sa version des contes : ainsi, chez Perrault, le petit chaperon rouge et sa grand-mère finissent mangés par le loup : la version postérieure où le chasseur les sort du ventre est de Grimm. De même, c’est dans Disney que le baiser du prince réveille la Belle au bois dormant (c'est également la version des frères Grimm) : chez Perrault, elle se réveille toute seule après que le Prince se soit agenouillé près d'elle. De même, on a longtemps eu un doute sur la fameuse pantoufle de verre : était-elle en verre ou en vair ? C'est en fait Balzac qui, pour rationaliser les contes de Perrault, modifia le conte en prétendant qu'il s'agissait d'une pantoufle de vair. Idée reprise par Littré dans son célèbre dictionnaire. Il s'agissait bien d'une pantoufle de verre.
82
+
83
+ Et la postérité a préféré ne garder que ce que Perrault appelait le « conte tout sec », c’est-à-dire le conte de fée, en oubliant les moralités. Or, les moralités de Perrault sont tout aussi essentielles à ses contes que ne le sont les moralités des Fables de La Fontaine.
84
+
85
+ Les contes de Perrault inspirèrent plusieurs chefs-d'œuvre du ballet classique, comme :
86
+
87
+ Il existe de très nombreuses adaptations cinématographiques de ses contes, parmi lesquelles :
88
+
89
+ Sur les autres projets Wikimedia :
90
+
91
+ Sur les autres projets Wikimedia :
92
+
93
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/973.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,372 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ Charleroi (en wallon Tchålerwè) est une ville francophone de Belgique, située en Région wallonne, province de Hainaut, sur la Sambre. C'est le chef-lieu de l'arrondissement administratif de Charleroi englobant 14 communes sur une superficie totale de 554,55 km2.
4
+
5
+ Grand nœud routier et ferroviaire, Charleroi compte environ 200 000 habitants (425 000 dans l'agglomération – la 5e de Belgique – qui s'étend de Thuin à Sambreville). Elle est ainsi la première commune wallonne, la deuxième agglomération wallonne après Liège en nombre d'habitants et la troisième commune belge. Ses habitants s'appellent les Carolorégiens (par abréviation : Carolos).
6
+
7
+ Charleroi est un centre industriel : sidérurgie, verreries, produits chimiques, constructions électriques, constructions mécaniques. La ville est au centre d'un vaste bassin houiller, maintenant totalement abandonné, appelé jadis Pays noir.
8
+
9
+ Charleroi a une dimension culturelle importante grâce à ses nombreux musées et salles de spectacles. Elle a vu éclore de nombreux talents de dessinateurs de bande dessinée sous la houlette de sa célèbre école de Marcinelle, dont les statues des personnages ornent la ville. Charleroi est un important centre d'enseignement.
10
+
11
+ Charleroi, riche en infrastructures et en clubs de sport, est également présente sur le plan sportif.
12
+
13
+ Charleroi est la capitale sociale de la Wallonie[2]. C'est donc à juste titre qu'elle est le siège des institutions sociales de la Région wallonne, comme le FOREM ou la SWCS.
14
+
15
+ Après une longue période de déclin[3],[4], la ville, sous l’impulsion d’acteurs publics et privés, se réoriente dès 2008 et investit massivement, d’une part dans la rénovation et la création d’infrastructures et d’événements culturels tout en redonnant une place à l’initiative citoyenne, et d’autre part investit dans les infrastructures, logements et services dans le but de redevenir d’ici 2025 un point stratégique et attrayant[5] pour les habitants, les visiteurs et les investisseurs.
16
+
17
+ Les communes limitrophes de Charleroi sont :
18
+
19
+ Les sections de Charleroi sont :
20
+
21
+ et les 14 communes avec lesquelles elle fut fusionnée en 1977 :
22
+
23
+ Le principe des districts est un redécoupage de la ville qui résulte en la centralisation des services publics dont les guichets administratifs seront répartis au sein d’une maison citoyenne[6] pour chaque district. La Ville a également exprimé sa volonté de mettre sur pied un système de guichet en ligne destiné à faciliter et moderniser les démarches administratives. Il résultera également de ce découpage l’attribution d’identités globales spécifiques à chacun des districts. Pour chaque district, des projets d’aménagement sont prévus ou en cours de réalisation dans le cadre du redéveloppement de la région.
24
+
25
+ Les districts de Charleroi sont :
26
+
27
+ Le relief de Charleroi est influencé par la vallée de la rivière Sambre qui coule d'ouest en est avant de rejoindre la Meuse à Namur. Le ruisseau Piéton coule du nord au sud pour se jeter dans la Sambre à Dampremy. Dans la vallée de ce ruisseau est creusé le canal Charleroi-Bruxelles. L'Eau d'Heure vient du sud et se jette également dans la Sambre à Marchienne-au-Pont. Une vingtaine de ruisseaux parcourent le territoire de la commune[7].
28
+
29
+ L'altitude va de 100 mètres (vallée de la Sambre et du Piéton) pour culminer à plus de 220 mètres au Bois du Prince à Marcinelle. Le niveau est de 132 mètres sur la place Charles II. L'altitude des terrils dépasse souvent 200 mètres, le terril Saint-Charles du bois du Cazier atteint 241 mètres[8].
30
+
31
+ Les six terrils du Pays de Charleroi constituent des réservoirs de biodiversité qu'il convient de préserver[9].
32
+
33
+ À l'instar des pelouses calcaires, les terrils sont des habitats créés par l'activité humaine qui accueillent de nombreuses espèces animales et végétales très particulières et souvent menacées. La rareté de ces espèces est fonction de la rareté du milieu en lui-même (le biotope). Contrairement à une idée répandue, la forêt n'a pas l'apanage de la biodiversité ! Celle-ci est également présente dans d'autres milieux : dans une friche, un plan d'eau, une prairie… En termes de biodiversité, le maintien d'une mosaïque d'habitats est donc préférable… d'où l'intérêt de conserver différents types de milieux sur les terrils[10].
34
+
35
+ Le Site de grand intérêt biologique des Viviers, par exemple, est un ancien site de charbonnage s'étendant à l'est de Charleroi, sur l'ancienne commune de Gilly. Ce site présente un petit terril conique ainsi que de vastes zones ouvertes constituées principalement de pelouses pionnières et de friches. Il comprend aussi un petit plan d'eau ainsi que des mares temporaires, et quelques zones boisées sur les bordures ouest et nord. Ce biotope particulier présente un grand intérêt biologique et joue le rôle de refuge pour une faune diversifiée. La vaste roselière entourant la mare accueille la rousserolle effarvatte (Acrocephalus scirpaceus), passereau spécifique de ce type de végétation. On y observe plusieurs espèces d'amphibiens, dont une population de crapaud calamite (Bufo calamita), ainsi que certains insectes, comme le magnifique criquet à ailes bleues (Oedipoda caerulescens)[11].
36
+
37
+ Le site des terrils et de l'ancien triage/lavoir du Martinet, à la limite des sections de Monceau-sur-Sambre et Roux, est en voie de réhabilitation et de réaffectation. Comme le Terril des Viviers à Gilly, ce vaste site présente un grand intérêt biologique.
38
+
39
+ C'est un climat tempéré océanique[12] comme pour l'ensemble de la partie occidentale de la Belgique, dû à la proximité de l'océan Atlantique qui régule le temps grâce à l'inertie thermique de ses eaux. Il est influencé soit par des masses d'air humide et doux en provenance de l'océan, soit par des masses d'air sec (chaud en été et froid en hiver) en provenance de l'intérieur du continent européen. En moyenne (moyenne faite sur une période couvrant les 100 dernières années), on observe environ 200 jours de pluie par an dans la région de Charleroi[13].
40
+
41
+ Sur le site actuellement occupé par le centre de Charleroi habitait une petite communauté villageoise. La plus ancienne mention en est faite sous le nom de « Carnotus » en 863 dans un polyptyque de l'Abbaye de Lobbes. Le village sera ensuite nommé « Karnoit » (980) puis « Charnoy » (1188). Situé sur la rive gauche de l'ancien lit de la Sambre, il fait partie du Comté de Namur. La rive droite, territoire de l'actuelle Ville Basse, fait partie de Marcinelle qui dépend de la Principauté de Liège. La pierre délimitant ces différents territoires se trouvait d'ailleurs dans l'actuel « Bois du Prince », à la limite des communes de Marcinelle, Couillet et Loverval[réf. nécessaire].
42
+
43
+ Un dénombrement de 1602 indique que le territoire s'étend sur 276 bonniers (environ 350 hectares) et est habité par une cinquantaine de « chefs de famille », essentiellement des cloutiers et des houilleurs. Le site habité comprend trois parties, la plus importante se situant sur le bord de la Sambre[15].
44
+
45
+ Par le traité des Pyrénées de 1659, la frontière entre la France et les Pays-Bas espagnols est modifiée. Plusieurs places-fortes deviennent françaises laissant entre Mons et Namur un large couloir sans défenses en direction de Bruxelles.
46
+
47
+ Le marquis Francisco de Castel Rodrigo, gouverneur des Pays-Bas en 1664, veut renforcer les défenses militaires. Le village de Charnoy, le long de la Sambre, est un des rares endroits propices à l'installation d'une forteresse et appartenant au Comté de Namur (donc aux Pays-Bas).
48
+
49
+ Le roi d'Espagne passe donc une convention avec le seigneur des lieux, par laquelle il achète la seigneurie de Charnoy.
50
+
51
+ Le chronogramme latin "FVNDATVR CAROLOREGIVM" est inscrit dans le registre des baptêmes de la paroisse du Charnoy à la date du 3 septembre 1666, c'est-à-dire le jour de l'ouverture des travaux de la forteresse[16].
52
+
53
+ Le Charnoy cède la place à Charleroy, nommé ainsi en l'honneur de Charles II, roi d'Espagne et des Pays-Bas.
54
+
55
+ La construction de la nouvelle forteresse commence vers la mi-septembre. Dès le début de la construction, informé par des espions, Louis XIV décide de prendre Charleroy. Devant la menace, Castel Rodrigo envisage d'abandonner et même de démolir la forteresse qui a coûté 28 % de la recette moyenne pour les années 1665 à 1667. Les derniers soldats espagnols quittent les lieux le 27 mai 1667[17].
56
+
57
+ Le 31 mai, les Français, sous le commandement de Turenne, découvrent un paysage désolé. Le 2 juin, Louis XIV entre dans Charleroy et en ordonne la reconstruction. Les ouvrages d'art sont alors parfaits et agrandis par Thomas de Choisy, Vauban donnant quelques indications pour les demi-lunes au nord et à la ville basse. Par la paix d'Aix-la-Chapelle, Charleroi est attribuée à la France et Louis XIV accorde des privilèges aux habitants de la nouvelle ville (terrain offert gratuitement, primes à la construction, etc.) en vue de la développer.
58
+
59
+ En 1673, la ville s'étend sur la rive droite de la Sambre, qui deviendra la "ville basse", par opposition à la forteresse existante placée sur les hauteurs, portant logiquement le nom de "ville haute".
60
+
61
+ La ville est assiégée à plusieurs reprises avant d'être concédée à l'Espagne par le traité de Nimègue de 1678. En 1692, la ville est bombardée par les armées françaises, puis l'année suivante, elle est prise par Vauban, sous le regard de Louis XIV qui en reprend le contrôle[18]. Ce dernier ne se résout en effet pas à perdre la place qui verrouille Sambre et Meuse et représente un poste avancé vers Bruxelles.
62
+
63
+ Un plan-relief de la ville de Charleroi a été établi en 1695. Il est conservé et exposé au sous-sol du Musée des Beaux-Arts de la ville de Lille. Il est composé de 4 tables en bois pour un total de 4 x 3 m à l'échelle 1/600°. Une copie se trouve dans l'Hôtel-de-Ville de Charleroi.
64
+
65
+ Prise et reprise, elle passe aux Espagnols au Traité de Ryswick (1697), retourne à la France, est occupée par les Provinces-Unies puis restituée au Saint-Empire par le Traité de Baden (1714). Elle est reprise par le prince de Conti en 1745. Finalement elle est rendue au Saint-Empire en 1748, à la condition que les forteresses soient démantelées. La ville connait alors 45 ans de prospérité, sous Joseph II.
66
+
67
+ En décembre 1790 commence la révolution brabançonne et Charleroi connaît une nouvelle période de troubles : les Impériaux occupent la ville le 25 décembre; ils cèdent la place aux vainqueurs français de Jemappes le 8 novembre 1792 (les Français l'occupent le 12 novembre 1792) avant de la reprendre le 28 mars 1793 (les Français l'ayant abandonnée le 25 mars 1793 après la défaite de Neerwinden)[19]. Charleroi, dès l'arrivée des Français, proclame sa sécession du Comté de Namur. Elle demande plus tard, alors qu'il est question de créer les États belgiques unis, d'être plutôt rattachée directement à la France. En 1794, le général Charbonnier[20] met le siège devant la ville mais est repoussé. C'est Jourdan qui parvient à prendre la place après six jours d'un bombardement intensif. C'est pendant la prise de Charleroi et la bataille de Fleurus qu'on eut recours pour la première fois à l'observation aérienne, depuis Jumet (lieu-dit Belle-Vue), d'un champ de bataille depuis un aérostat.
68
+
69
+ Sous le régime français révolutionnaire, la ville, qui fait partie du département de Jemmapes, changera de nom à plusieurs reprises: Char-sur-Sambre, Charles-sur-Sambre et encore Libre-sur-Sambre, entre les 25 juin 1794 et 8 mars 1800 [21]. Durant ce rattachement à la France, la ville fut dirigées par 8 maires différents.
70
+
71
+ Peu avant la bataille de Waterloo de 1815, les Carolorégiens très "francophiles" accueillent avec enthousiasme les troupes françaises qui récupèrent la cité faisant désormais partie du « Royaume uni des Pays-Bas ». Mais Napoléon essuie une défaite plus au nord, à la célèbre bataille de Waterloo, le 18 juin 1815. Quarante-huit heures plus tard, Charleroi recueille les débris de la Grande Armée ; le 19 juin à 5 heures, Napoléon lui-même est dans la ville avant de continuer vers Paris. Charleroi, après cette intégration à la France, passe au royaume des Pays-Bas. Pour se protéger de la France, la ville se verra dans l'obligation de construire de nouveaux murs qui la tiendront dans un étroit carcan pendant cinquante ans.
72
+
73
+ La ville et les localités voisines tireront parti de très importants gisements de charbon à fleur de terre (d'où l'appellation de la ville : "Pays Noir"). Des verreries s'installeront à Lodelinsart, Roux, Dampremy… des moulins, des houillères et des hauts-fourneaux à Charleroi, Monceau, Marchienne, Montignies, Couillet… La sidérurgie, la métallurgie et la production de verre, liées à l'extraction du charbon sont les moteurs du développement industriel.
74
+
75
+ Après la révolution de 1830, à laquelle la population prend une part active, l'activité économique se développe grâce à l'essor des industries anciennes et à l'installation de nouvelles productions ainsi qu'au développement des voies et moyens de communication. La ville devenant trop étroite, la démolition des remparts est décidée en 1867 ; elle s'achèvera en 1871. L'activité économique de Charleroi est alors en plein essor. La ville de Charleroi et son agglomération, produisant le plus de richesses du pays, participe grandement à l'accession de la Belgique au rang de 2e puissance industrielle mondiale. Ce qui fournira à la Belgique les moyens de mener une politique colonialiste et d'entamer de vastes travaux de modernisation du pays. (Routes, rail pour tramways et trains, voies fluviales, éclairage, équipements des administrations, bâtiments tels qu'écoles et grands hôpitaux…)
76
+
77
+ Mais la révolution industrielle s'essouffle, la découverte d'un combustible nouveau (le pétrole), plus performant et moins cher à produire, réduit progressivement l'importance économique de la houille et donc des villes minières de Belgique et du Nord de la France. Les mines ferment alors les unes après les autres, amorçant le lent déclin industriel des industries d'aval, vers la fin des années 1960. À l'abandon fin mars 2012 du dernier haut-fourneau, seule la sidérurgie électrique a été maintenue sur deux sites où sont produits des aciers spéciaux et inoxydables consommés par des laminoirs, tréfilerie, etc. mais elle éprouve de grandes difficultés à rester compétitive face à la concurrence des pays émergents, comme toute l'industrie lourde européenne.
78
+
79
+ Première Guerre mondiale : Au début de la guerre, dans le cadre de la bataille de Charleroi qui se déroule du 21 au 23 août 1914, la ville et les communes environnantes subissent des exactions de la part des soldats Allemands. La ville échappe à la destruction complète moyennant le payement d'une lourde indemnité de guerre imposée par le général Max von Bahrfeldt.
80
+
81
+ Dans l’entre-deux-guerres, Charleroi commence à gagner en verticalité. En 1925, la « Maison des Corporations » est érigée par Joseph André, place de la Ville-Basse. Ce bâtiment se détache nettement de ses voisins directs qui sont deux fois moins hauts alors qu'ils comptent quand même trois étages plus les combles[22].
82
+
83
+ Seconde Guerre mondiale : En 1940, Charleroi sera encore largement convoitée par les protagonistes des deux camps, Alliés et Allemands, pour la possession des ponts sur la Sambre.
84
+
85
+ Durant la période 1930 - 1948, d'importants travaux de détournement et de canalisation de la Sambre ont été menés pour faciliter la navigation des péniches dans le centre de la ville, parallèlement à la modernisation du canal Charleroi-Bruxelles. Le boulevard Joseph Tirou, importante artère de Charleroi, occupe l'ancien lit (naturel) de la Sambre.
86
+
87
+ L'histoire du Grand Charleroi commence le 1er janvier 1977, date de l'entrée en vigueur de la loi sur la fusion des communes. Charleroi devient alors la ville wallonne la plus peuplée.
88
+
89
+ Le premier bourgmestre de la nouvelle entité est Lucien Harmegnies, ancien ministre et jusqu'alors bourgmestre de Marcinelle.
90
+
91
+ Dans les années 2000, la ville connaît plusieurs affaires judiciaires qui aboutissent à la condamnation de différents élus socialistes.
92
+
93
+ Au début du XXIe siècle, la ville de Charleroi entreprend de grands travaux d'aménagement urbain en vue de renforcer son attractivité. La boucle centrale du métro, terminée par le tronçon « gare de Charleroi-Sud - station Parc », est inaugurée en 2012 et des projets de rénovation de la Ville-Basse (Phénix et Rive Gauche) sont lancés en 2011, projets qui prévoient notamment la construction d'un centre commercial sur l'actuelle place Albert Ier, un hôtel quatre étoiles, différents logements et bureaux...
94
+
95
+ Charleroi est entrée depuis 2008 dans une phase de transition. Une phase qui a pour but de donner un souffle nouveau au centre-ville qui dépérissait petit à petit. La Ville entreprend de grands travaux d'aménagement urbain en vue de renforcer son attractivité. Cette dynamique de reconversion économique, environnementale et urbanistique est appuyée par de grands projets dont le projet Phénix qui s'applique principalement à la Ville Basse. Son budget s'élève à plus de 52 millions d'euros[23] financé à hauteur de 21 millions par le Fonds européen de développement régional FEDER et de 31 millions par les pouvoirs publics.
96
+
97
+ Parmi les réaménagements conséquents, on trouve la Place de la Digue et les Quais de Sambre. Un nouveau centre de distribution urbain est également construit, qui permettra au charroi lourd de déposer sa marchandise, distribuée ensuite par des véhicules électriques légers aux commerces de la ville. Enfin, la Placerelle, construction hybride entre un pont et une place, est installée au-dessus de la Sambre dans l'optique de créer une continuité entre le boulevard Tirou, le futur centre multimédia Quai10 et la rive Sud de la Sambre où l'on trouve la gare ferroviaire et la station de métros et de bus. Dans le même temps, un autre chantier capital est en cours, celui de l'extension de la boucle du métro, débuté en 2008 et terminé en 2012. Les travaux du projet Phénix se sont quant à eux terminés en 2014[24].
98
+
99
+ L'autre projet principal, d'un financement privé de plus de 200 millions d'euros[25], est le projet Rive Gauche dont l'objet est la mise en place d'un centre commercial accompagné de logements et de bureaux à la Ville Basse. C'est dans le cadre de ce projet et seulement à la suite de plusieurs recours au Conseil d'État[26] portés par des propriétaires que la démolition des Colonnades débute finalement le 10 février 2015 et se termine un mois plus tard afin de laisser place à un nouveau tracé de chemins et de bâtiments. Un impressionnant fossé est creusé à l'endroit de la Place Albert Ier, à l'avenir rebaptisée Place Verte[27], et des bâtiments de la rue Puissant afin d'y construire un parking souterrain. Des bâtiments sont aussi rasés dans la rue du Collège ainsi qu'à la rue Léopold.
100
+
101
+ Les projets de rénovation et de restructuration ne concernent cependant pas seulement le centre-ville mais également les communes composant le Grand Charleroi et qui, conformément à la nouvelle identité de la ville, se regrouperont à l’avenir en districts[28]. La ville doit répondre à au moins deux besoins : d’une part, à l’instar du centre-ville, certaines communes possèdent des infrastructures vieillissantes n’étant plus capables de répondre aux besoins des habitants et des travailleurs. D’autre part, l’accroissement de la population carolo en cours depuis 2001 demande la création annuelle de 400 logements[29]. Une réflexion a donc été menée pour établir une stratégie globale sur l’ensemble de Charleroi de façon à structurer judicieusement le territoire et à améliorer le cadre de vie des habitants. La ville de Charleroi est composée de plusieurs centres actifs. Le projet global prévoit une stratégie d’urbanisation tenant compte de ce paramètre : plutôt que de tendre vers une homogénéisation des constructions et un étalement urbain, deux plans sont établis[30]. Le premier prévoit une intensification urbaine le long des axes et centres principaux de façon à tirer profit des infrastructures existantes et à les optimiser. Le second mise sur une intensification paysagère dont l’enjeu annoncé est de participer à l’amélioration du cadre de vie en créant une continuité dans les espaces naturels tout en mettant en valeur le paysage industriel.
102
+
103
+ "Le 10 novembre 2016 (à la suite de l'annonce de la fermeture de Caterpillar à Gosselies) un Groupe d'Experts sous la présidence de Jean-Pierre Hansen a été mandaté par le Gouvernement Wallon pour définir des axes d'accélération de la croissance de l'emploi dans la Région de Charleroi au départ du Plateau Nord de Gosselies. Il résulte de ce travail un plan d'accélération baptisé « Catalysts for Charleroi » – CATCH en abrégé."[31]
104
+
105
+ "CATCH ambitionne de créer environ 10 000 emplois sur Charleroi d'ici 2025 (6000 à 8 000 emplois directs et 2000 à 4 000 emplois indirects) en s'appuyant sur quatre secteurs de pointe :
106
+
107
+ CATCH prévoit également l'amélioration des connexions entre le centre-ville de Charleroi et Gosselies avec l'extension de la ligne de tram afin de desservir le pôle emploi de l'Aéropôle en plus de l'aéroport et la création d'un nouvel échangeur pour améliorer la liaison routière."[32]
108
+
109
+ Dans la continuité de la logique de revitalisation de la ville entamée par la Ville Basse, le projet Charleroi District Créatif, ou Charleroi DC, porte sur le réaménagement de la zone nord ouest du district Centre[33],[34]. Cette zone, d’une superficie de 40 hectares, soit un quart du centre ville, souffre en effet, à l’instar du reste de la ville, d’un déficit d’attractivité. Une enveloppe de 142 millions d’euros[35] a dès lors été attribuée à Charleroi par le FEDER. Grâce à ces fonds, une équipe internationale[36] constituée d’architectes, urbanistes et autres profils, déterminera et concrétisera la stratégie destinée à redonner à cette zone un rôle de développement économique durable sur toute la région. Charleroi DC est un ensemble de 17 projets parmi lesquels est prévue la création d’un palais des congrès en annexe du Palais des Beaux Arts qui aura lui-même été rénové et dont le bilan énergétique aura été amélioré. Le palais des expositions, lui, aura droit à une reconfiguration en vue de le moderniser[37].
110
+
111
+ La ville est actuellement pourvue d’une faible offre d’enseignement supérieur qui s’illustre par un taux de 15,4% de diplômés de l’enseignement supérieur[38] dans la population de la région. Pour répondre à cette problématique, le projet prévoit la création d’un campus des arts, des sciences et des métiers sur le site de l’Université du Travail. L’équipe en charge planche aussi sur le réaménagement des places publiques en leur conférant des identités spécifiques mais cohérentes tout en répondant aux problèmes liés à la mobilité, c’est-à-dire en facilitant le déplacement des piétons et en ajustant l’offre de transports en commun afin de réduire le nombre de véhicules ainsi que les désagréments qui en découlent.
112
+
113
+ Le district Nord est le siège d’une importante activité économique. De nombreuses entreprises et multinationales, actives dans des secteurs comme l’aéronautique et les télécommunications, y sont implantées au sein de parcs d’activité. C’est également dans ce district que l’on retrouve l’aéroport de Charleroi-Bruxelles-Sud, levier stratégique important pour la région, dont l’agrandissement a débuté en 2016 et devrait s’achever en 2017 pour permettre le passage de pas loin de 7 millions de passagers annuels[39]. Dans l’optique de répondre aux besoins de logement des travailleurs de cette zone, la Ville de Charleroi a annoncé[40] entreprendre la rénovation de l’habitat au centre des communes concernées. Ce cœur économique bénéficie, outre de l’aéroport à proximité, de la présence d’axes autoroutiers importants.
114
+
115
+ Le district Est présente comme particularité d’être le plus densément peuplé. C’est dans cette zone que le Grand Hôpital de Charleroi implantera le “Campus de Santé des Viviers” sur le site du Terril des Viviers.
116
+
117
+ Parmi les projets de rénovation du district Sud, on trouve la piscine en plein air du centre de délassement conçue par Jacques Depelsenaire. Après 3 ans de travaux et 2,5 millions d’euros investis par la Ville[41], la piscine a rouvert ses portes au public à l’été 2014.
118
+
119
+ Située au pied du terril des hiercheuses sur la commune de Marcinelle et bénéficiant de la proximité d’un axe autoroutier, la nouvelle caserne de pompiers, longtemps réclamée par ces derniers[42], constitue le principal chantier du district[43]. La fin des travaux, financés en partie par la Région Wallonne, est annoncée pour le courant de l’année 2016. La construction et la rénovation d’habitats sont également annoncées.
120
+
121
+ Le district Ouest contient les parties les plus boisées et agricoles de Charleroi mais aussi les plus grandes friches industrielles. Certains de ces sites, hérités de l’activité industrielle florissante de l’époque, sont en cours de revalorisation. Un budget de 130 millions d’euros a été débloqué à la suite d'un partenariat entre la Ville et Duferco[44] afin de reconvertir la zone. Parmi cet héritage, on compte le site minier du terril du Martinet dont la reconversion en réserve naturelle tient principalement à la volonté d’un collectif citoyen[45]. Le Rockerill situé à Marchienne-au-Pont est, quant à lui, un exemple de reconversion d’un bâtiment industriel en lieu culturel.
122
+
123
+ Dans le but de dynamiser les fêtes au centre-ville, les autorités communales réorganisent le calendrier des festivités pour mettre en avant cinq temps forts appelés Big Five. Pour homogénéiser cet ensemble, la Ville le promeut avec une série de visuels structurés et reconnaissables permettant d'identifier chaque événement comme faisant partie d'un tout.
124
+
125
+ Les cinq festivités sont :
126
+
127
+ Brocante des quais.
128
+
129
+ Quartier d'été.
130
+
131
+ Fête de Wallonie.
132
+
133
+ Blason de Balthazar-Philippe de Gand, dit Vilain, prince de Masmines, comte d'Isenghien et de Middelbourg (…) Seigneur des Villes de Lannoy, de Watten et de Charleroi (1617-1680)[48],[49].
134
+
135
+ Blason de Charleroi confirmé par l'Arrêté royal de 1847.
136
+
137
+ Armoiries de Charleroi depuis la fusion des communes de 1977.
138
+
139
+ Charleroi a porté successivement les armes des Isenghien de Gand (de sable au chef d'argent), celles du comté de Namur en 1697 (d'or au lion de sable, armé et lampassé de gueules et à la bande de gueules), les mêmes aux émaux inversés et le lion tenant un sabre, puis augmentées d'un chef à la fleur de lis au XIXe siècle. C'est ce dernier type qui lui fut confirmé par Arrêté royal le 28 août 1847 : De sable au lion d'or rampant, armé et lampassé tenant à dextre un sabre de même, au chef d'argent portant une fleur de lys de gueules. L'écu est sommé d'une couronne de sept perles. Pour support à senestre de l'écu un lion assis au naturel, armé à dextre d'un sabre d'argent garni d'or. Le tout reposant sur un tertre de synople[50].
140
+
141
+ Depuis les fusions de 1977, la ville a abandonné ses anciennes armoiries et en a adopté de nouvelles qui n'ont jusqu'ici pas été reconnues par une autorité supérieure :
142
+ Blasonnement : De sable à la silhouette d'une forteresse hexagonale d'argent, entourée de douze étoiles à cinq rais d'or rangées en cercle, le tout surmonté de quinze points d'échiquier alternativement de gueules et d'argent rangés en fasce huit et sept ; au chef diminué d'argent à une fleur de lys de gueules[51],[52].
143
+
144
+ « Elles symbolisent à la fois l'ancienne forteresse de Vauban, berceau de la ville, l'Europe (les étoiles), les quinze communes fusionnées dans l'entité actuelle (les carrés) et l'essor donné par la France à la forteresse initiale (la fleur de lys). Le coq qui domine cet écu exprime l'allégeance de Charleroi à la Communauté française. »[51],[53]
145
+
146
+ Les armoiries sont rarement présentées seules. Elles le sont habituellement comme sur le drapeau (avec le support).
147
+
148
+ Drapeau : Blanc chargé d'un coq rouge, la patte droite posée sur le bord supérieur de l'écu de la ville[51].
149
+
150
+ Drapeau de Charleroi.
151
+
152
+ Le 3 mai 1995, le conseil communal a adopté un sceau communal, décision approuvée par la Communauté française le 28 mars 1996, mais ce sceau n'a jamais été utilisé : De sable au coq hardi d'or, au chef d'argent chargé d'une fleur de lys de gueules[51].
153
+
154
+ Sceau adopté en 1995.
155
+
156
+ Dans le prolongement de l'effort de redresser son image, la ville s'est dotée début 2015 d'un nouveau logo et d'une nouvelle charte graphique[54] réalisés par le studio bruxellois Pam et Jenny.
157
+
158
+ La couronne de trois triangles au-dessus du C a plusieurs significations :
159
+
160
+ Terril
161
+
162
+ Symbole de la Wallonie
163
+
164
+ Charles II
165
+
166
+ Typographie
167
+
168
+ Le magazine Infopresse le présente dans sa liste des huit meilleurs logos qui ont fait l'actualité en 2015[57]. Lors de la remise des premiers awards de la communication publique, le 23 février 2016, la ville remporte le Grand prix 2016 ainsi que prix de la promotion identitaire pour le lancement de la nouvelle identité graphique. Prix organisé à l'initiative de l'ASBL « WBCOM » (Wallonie-Bruxelles Communication publique), en collaboration avec le groupe Rossel et RTL-TVI[58].
169
+
170
+ L'orthographe Charleroi au lieu de Charleroy sera définitive en août 1880 à la suite d'une communication du ministre de l'Intérieur au Conseil communal[59]. Avant cette date, les deux orthographes étaient en usage[60].
171
+
172
+ Charleroi compte 203 139 habitants[61] au 1er décembre 2019, 99 290 hommes et 103 849 femmes, soit une densité de 1 990,00 habitants par km2 pour une superficie de 102,08 km².
173
+
174
+ Parmi les 262 communes de la Région wallonne, elle se situe à la 51e place par rapport à sa superficie, à la 1re place par rapport à son nombre d'habitants et à la 3e place par rapport à sa densité. Parmi les 589 communes belges, elle se situe à la 64e place par rapport à sa superficie, à la 3e place par rapport à son nombre d'habitants et à la 28e place par rapport à sa densité.[réf. nécessaire]
175
+
176
+ La population étrangère est très importante à Charleroi qui, avec pas moins de 128 nationalités recensées en 2010, est plus cosmopolite que Bruxelles[62].
177
+ Selon les statistiques officielles de l'année 2016, sur les 202 182 habitants, 171 677 sont Belges. Parmi les quelque 15 % d'étrangers, il y a, par ordre décroissant, 12 041 Italiens, 2 893 Marocains, 2 306 Français, 2 239 Turcs, 1 643 Roumains, 1 533 Algériens et 1 090 Espagnols, pour les nationalités dont le nombre de représentant dépasse les 1 000.
178
+
179
+ Le graphique suivant reprend sa population résidente au 1er janvier de l'année[63]
180
+
181
+ Les chiffres des années 1846, 1900 et 1947 tiennent compte des chiffres des anciennes communes fusionnées.
182
+
183
+ Charleroi Métropole se situe dans un bassin de vie[65] de 600 000 habitants constitué de 29 communes s’étirant de Seneffe, au Nord, à Couvin, au Sud. Ce territoire se dessine à la fois par rapport aux liens interpersonnels de ses habitants mais aussi selon la trame hydrographique et géologique de son paysage.
184
+
185
+ Deuxième agglomération wallonne et première commune, Charleroi est un pôle économique important. Traditionnellement, trois secteurs constituaient l'essentiel de l'activité économique : le charbon, la sidérurgie et le verre. Si le charbon a définitivement disparu, les industries sidérurgique et verrière se sont restructurées et modernisées et occupent toujours une place importante. Ainsi, Industeel, filiale d'Arcelor est un leader mondial dans les aciers spéciaux et inoxydables, l'aciérie électrique de Thy-Marcinelle (groupe Riva) produit du fil d'acier, AGC Automotive, filiale de Asahi Glass, est active dans le secteur du vitrage automobile.
186
+
187
+ Plus récemment d'autres secteurs se sont développés, principalement l'aéronautique (SABCA, SONACA), la logistique, l'imprimerie et les biotechnologies. L'industrie aéronautique et spatiale se développe rapidement autour de l'aéroport de Charleroi-Bruxelles-Sud avec la fondation de deux centres de recherche universitaires : le Centre d'Excellence en Technologies de l'Information (CETIC) servant comme centre d'expertise pour l'élaboration d'entreprises wallonnes et fondé par l'UCLouvain avec les universités de Namur et de Mons[66], ainsi que le Cenaero[67] (Centre de recherche en aeronautique) de l'ULiège, l'UCLouvain et l'ULB[68]. L'Aéropole accueille de surcroît plusieurs spin-off de l'ULB et de l'UCLouvain[69].
188
+ C'est également à Gosselies, que se trouvait la plus importante usine du groupe Caterpillar, hors États-Unis.
189
+
190
+ À Marcinelle, les activités de ACEC, un des plus puissants groupes industriels européens actif dans les domaines des constructions électriques lourdes et de l'électronique industrielle et spatiale avant 1970, ont été absorbées et continuées par les groupes Alcatel, Alstom et Nexans.
191
+
192
+ Le commerce de centre ville souffre depuis les années 1990, comme dans beaucoup de grandes villes, d'une nette désaffection au profit de centres commerciaux en périphérie, plus faciles d'accès et offrant de nombreuses places de parking. Grâce à sa politique de bas prix et sa flexibilité, l'artisanat du bâtiment carolorégien trouve sa clientèle dans une aire très large (Mons, Bruxelles, Namur, Brabant Wallon).
193
+
194
+ De nombreux navetteurs quittent chaque matin la ville pour travailler à Bruxelles, le prix relativement abordable de l'immobilier les maintenant dans la région.
195
+
196
+ L'intercommunale Igretec est la structure publique spécialisée dans la promotion économique de la métropole et dans l'accueil des investisseurs. Elle joue aussi un rôle de soutien pour l'activité des PME, notamment en matière d'implantation et d'aides à l'investissement.
197
+
198
+ Au cœur d'un nœud autoroutier, ferroviaire et de voies hydrauliques très dense, Charleroi est idéalement desservie.
199
+
200
+ C'est au XIXe siècle que le réseau ferroviaire se développe à Charleroi, axé d'abord sur le transport des marchandises, dans le cadre du développement industriel du bassin charbonnier et sidérurgique. Au milieu du siècle, seul le canal Charleroi-Bruxelles permettait le transport des marchandises[72].
201
+
202
+ Les chemins de fer sont gérés par la société SNCB (à l'échelle de la Belgique). La gare principale de la ville est Charleroi-Sud.
203
+
204
+ La rénovation de la gare du Sud, entamée en 2005 et terminée en 2011, n'est peut-être pas terminée. Aujourd’hui, il est envisagé de couvrir l'accès nord dans le style Calatrava de Liège-Guillemins [73].
205
+
206
+ En plus de la gare de Charleroi-Sud, les autres gares et points d'arrêt moins importants de l'agglomération sont : Charleroi-Ouest et Lodelinsart sur la ligne 140 vers Ottignies, Marchienne-au-Pont sur les lignes 124/124 A vers Luttre et 112 vers La Louvière, les points d'arrêt de Roux sur les lignes 124/124 A vers Luttre, Marchienne-Zone sur la ligne 130 A vers Erquelinnes et Jeumont (France), Couillet sur la ligne 130 vers Namur.
207
+
208
+ Trafic des marchandises : le port Autonome de Charleroi[74] (PAC), la plate-forme multimodale de Charleroi-Châtelet (MCC) et la gare à marchandises de Monceau.
209
+
210
+ Atelier ferroviaire : atelier d'entretien et de réparation du matériel de traction à Charleroi-Sud-Quai et atelier d'entretien et de réparation des wagons en gare à marchandises de Monceau.
211
+
212
+ Le plan ANGELIC de la SNCB prévoit de doter Charleroi d'un réseau express régional d'ici 2030, notamment via une collaboration plus intense entre la SNCB et la TEC. Le projet figure dans le plan de transport 2017 de la SNCB.
213
+
214
+ Le métro léger (MLC) voit le jour dans les années 1960. Il est composé d'un anneau central et de plusieurs branches en étoiles. Le réseau est géré par la TEC Charleroi. Il existe 4 lignes de métro léger [75] :
215
+
216
+ Le métro léger est en connexion avec les bus et les trains. La fréquence des passages par ligne est de 10 à 60 minutes, en fonction du nombre de clients potentiels.
217
+
218
+ Le réseau de bus est géré par le TEC Charleroi. Il existe de nombreuses lignes de bus qui permettent de voyager dans l'hinterland du grand Charleroi. D'autres lignes relient Charleroi à des localités plus éloignées : le bus 365 vers Bruxelles, le bus 109a vers Chimay, le bus 451 vers Couvin. Le bus direct A relie la gare de Charleroi-Sud à l'aéroport de Charleroi-Bruxelles-Sud [77].
219
+
220
+ C'est un anneau de 5,6 km de voies routières souterraines ou aériennes qui permet de désengorger le centre-ville et d'y fluidifier la circulation. Parcouru dans le sens inverse des aiguilles d'une montre [78], il rejoint au nord l’autoroute A54. Sa construction entamée en 1971 s'est étalée sur cinq ans et a lacéré trois quartiers de Charleroi : Bosquetville, la Broucheterre et la Villette.
221
+
222
+ Le R9 est relié :
223
+
224
+ Le R9 comporte six sorties :
225
+
226
+ Il emprunte 2 tunnels :
227
+
228
+ Les premiers travaux de rénovation (charpentes métalliques, asphalte, remplacement de travées) et de modernisation (glissières de sécurité) ont commencé le 22 septembre 2014[79].
229
+
230
+ C'est le grand ring de Charleroi construit en 1988[80]. Il dessine, au sud de l'autoroute, une demi-boucle de 32 kilomètres raccordée à la E42, à hauteur de Gouy à l'ouest et de Heppignies à l'est [80].
231
+
232
+ Il comporte un tunnel (Hublinbu) et quinze entrées/sorties vers [81] :
233
+
234
+ Deux voies navigables :
235
+
236
+ La ville possède son propre aéroport, dénommé aéroport de Charleroi-Bruxelles-Sud (en anglais Brussels South Charleroi Airport, en abrégé BSCA) ; il est le deuxième aéroport du pays pour le nombre de passagers transportés. Situé à Gosselies, il n'est qu'à une cinquantaine de kilomètres au sud de Bruxelles.
237
+
238
+ Le projet Rive Gauche débuté en 2013 s’occupant essentiellement de la revitalisation de la ville Basse, met en place des aménagements qui serviront aux piétons puisqu'ils leur permettront de se promener librement en centre-ville ou le long de la Sambre. En effet, la "placerelle", pont convivial surplombant la Sambre, permet de relier la rive droite à la rive gauche menant soit vers la gare Charleroi-Sud, soit vers le centre-ville. Également idéal pour les promeneurs, il est maintenant possible de longer la rive gauche qui a été réaménagée en un espace de détente.
239
+ Au niveau du centre-ville, la place Verte a également subi des transformations puisque, d'un parking, elle devient une place accueillante devançant un centre commercial. Les voitures ne circuleront donc pas sur le Boulevard Tirou ce qui permettra aux piétons de faire leurs emplettes sans contraintes. Ainsi, des bretelles d'accès souterraines permettront aux véhicules de se garer en sous-sol.
240
+
241
+ Janvier 2014 marque l’approbation du Plan Communal de Mobilité visant à favoriser et améliorer l’offre de transports en commun[83] tout en appliquant une politique dissuasive par rapport aux voitures individuelles afin de fluidifier la circulation mais aussi de limiter le nombre de véhicules stationnés en rue et de suivre la logique de réappropriation de l’espace public par les piétons[84]. Ce plan s'inscrit également dans une volonté de développement durable[85].
242
+
243
+ Du côté de la ville Haute un autre projet de revitalisation de l’espace urbain est mis sur pied. Celui-ci va modifier le visage de la Place Charles II et de la Place du Manège. De nouveaux parkings vont être construits en souterrain afin de désengorger la ville pour laisser plus de place aux piétons.
244
+
245
+ De nombreux parkings sont présents dans le centre et ses alentours. Les voici :
246
+
247
+ D’autres parkings existent dans le centre de Charleroi tels que le parking de l’Hélios ou le parking de la gare du sud.
248
+ Ceux-ci sont généralement gratuits sauf pour certaines occasions.
249
+
250
+ Au niveau des parkings payants on retrouve :
251
+
252
+ Le 1er mars 2016, est inauguré un centre de distribution urbaine, centre logistique financé conjointement par les Fonds européen de développement économique et régional, la Ville de Charleroi et la Wallonie. L'objectif est de faciliter l’approvisionnement du centre ville aux abords duquel il est situé et de fluidifier la circulation urbaine. À partir de l'entrepôt d'environ 2 000 m2, véhicules électriques, vélos ou petits camions prennent le relais des semi-remorques pour livrer les marchandises[86].
253
+
254
+ Liste depuis la fusion des communes.
255
+
256
+ Les élections organisées en 1976 à la veille de la fusion des communes mettent en place une majorité absolue du Parti socialiste et Lucien Harmegnies, ancien ministre et jusqu'alors bourgmestre de Marcinelle deviendra le premier bourgmestre de la nouvelle entité.
257
+
258
+ Cette majorité sera renforcée par deux fois, en 1982 et en 1988, quand Jean-Claude Van Cauwenberghe devient bourgmestre. La Ville sera sous gouvernance socialiste absolue pendant 30 ans.
259
+
260
+ En 2005, de nombreuses affaires judiciaires mettent en cause des élus communaux de Charleroi. Le retentissement et l'impact sont importants aux niveaux local, régional et même national. Elio Di Rupo, président du PS attribue même à celles-ci[91] la défaite de son parti lors des élections législatives du 10 juin 2007.
261
+
262
+ Au niveau local, le PS perd la majorité absolue lors des élections communales du 8 octobre 2006.
263
+
264
+ La tripartite PS, MR, CDH, mise en place le soir des élections[92] avec comme bourgmestre Léon Casaert, durera jusqu'au 28 mai 2007, date à laquelle les deux échevins MR, Olivier Chastel et Philippe Sonnet, décident de quitter la majorité[93] à la suite de ce qu'ils nomment un « manque de loyauté » du PS de Charleroi dans le problème du départ forcé de Jean-Pol Demacq, échevin PS inculpé de faux et usage de faux par fonctionnaire public[94]. Ce dernier présente également sa démission. Les trois démissions seront entérinées lors d'une réunion extraordinaire du Conseil communal le 1er juin 2007.
265
+
266
+ Le 11 juin 2007, au lendemain des élections législatives fédérales, Elio Di Rupo, président du PS, annonce la mise sous la tutelle de Paul Magnette, de l'Union socialiste communale de Charleroi. Il demande par ailleurs la démission du bourgmestre et de tous les échevins PS de Charleroi. Ce sera fait le lendemain, date à laquelle l'ensemble du collège, y compris l'échevin cdH Jean-Jacques Viseur, démissionne.
267
+
268
+ Un nouvel accord de majorité est signé et le nouveau collège installé le 9 juillet 2007[87]. Le PS obtient sept échevins dont le président du CPAS ; le MR, deux échevins ; le CDH, un échevin plus le poste de bourgmestre qui va à Jean-Jacques Viseur[95].
269
+
270
+ À la suite de la démission de Jean-Jacques Viseur pour des raisons médicales, Éric Massin devient bourgmestre le 16 février 2012. Un nouveau pacte de majorité est voté et le collège communal remanié[88].
271
+
272
+ Lors des élections d'octobre 2012, le PS, sous la conduite de Paul Magnette, retrouve la majorité absolue au conseil communal. Paul Magnette, élu bourgmestre, choisit cependant d'ouvrir la majorité et de reconduire la coalition PS, MR et cdH[90].
273
+
274
+ (*)1976: Divers 76 1982: FRNAT, MRW 1988: PCN, POS 1994: LCBCV, PCN, PSN 2006: FNB, Unie 2012: DN, Front-Gauche, NWA
275
+
276
+ Charleroi possède pas moins de 51 écoles maternelles et primaires, réparties dans l'ensemble des sections de l'entité.
277
+
278
+ Les écoles :
279
+
280
+ Le réseau libre (catholique) :
281
+
282
+ Le réseau officiel :
283
+
284
+ Athénée royal Solvay.
285
+
286
+ Athénée royal Vauban.
287
+
288
+ Institut Notre-Dame.
289
+
290
+ Collège Jésuite du Sacré-Cœur.
291
+
292
+ Institut Saint-André.
293
+
294
+ Collège Technique Aumôniers du Travail.
295
+
296
+ Le réseau privé :
297
+
298
+ Académies :
299
+
300
+ La ville abrite également deux hautes écoles : la Haute École Louvain en Hainaut (HELHa)[103] sur plusieurs implantations : l'École de la Providence de Gosselies, l'école normale de Loverval, l'IESCA à Gilly et Montignies-sur-Sambre, les Aumôniers du Travail, l'école sociale de Charleroi à Montignies-sur-Sambre ; ainsi que la HEPH-Condorcet.
301
+
302
+ Charleroi accueille de nombreux étudiants français dans la catégorie paramédicale, notamment dans les sections de Montignies-sur-Sambre et Marcinelle comme l'Institut Pédagogique et Social de Marcinelle, l'Institut Provincial de Kinésithérapie de Nursing et d'Ergothérapie (IPKNE) faisant tous deux partie de la HEPH-Condorcet, ainsi que l'IESCA ou l'école normale de la Providence (éducateurs spécialisés), faisant partie de la HELHa.
303
+
304
+ Depuis 1966, la ville abrite une implantation de l'université catholique de Louvain, l'UCLouvain Charleroi, désormais établie sur deux sites : la Maison Georges Lemaître se situe au centre-ville, alors que la Louvain School of Management offre des formations à Montignies-sur-Sambre.
305
+
306
+ Depuis quelques années, Charleroi accueille de surcroît des activités décentralisées de l'ULB, l'Université de Mons ou encore l'Université de Namur.
307
+
308
+ Dans le cadre des fonds FEDER, un campus des sciences, des arts et des métiers est en cours de réalisation. "Le bâtiment Zénobe Gramme (18,392 m2 bruts) sera reconverti en Centre Universitaire pour y regrouper les enseignements de l’ULB, de l’UMons, de l’Université Ouverte de la Fédération Wallonie-Bruxelles, et des enseignements supérieurs de la Province de Hainaut en lien avec les enseignements universitaires."[104]
309
+
310
+ En effet, la ville de Charleroi accueille depuis juin 2014 le siège de l’Université ouverte de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en abréviation UO.
311
+ Il s’agit d’une plateforme qui vise à soutenir le développement et l’organisation d’activités d’apprentissage relevant de l’enseignement supérieur et universitaire dans une logique de formation tout au long de la vie.
312
+
313
+ L'Université ouverte a notamment pour objectif d’encourager, d’organiser et de promouvoir la collaboration entre les établissements d’enseignement supérieur (universités, hautes écoles, écoles supérieures des arts et établissements de promotion sociale) afin de favoriser l'accès ou la reprise d’études supérieures pour le plus grand nombre en tenant compte des contraintes et des parcours de vie individuels.
314
+ L'institution est établie à la Caserne Trésignies, avenue Général Michel, 1B à Charleroi mais devrait rejoindre à terme le Campus qui prendra ses quartiers dans le bâtiment Zénobe Gramme.
315
+
316
+
317
+
318
+ La ville de Charleroi accueille plusieurs équipes sportives de renom, dont le Royal Charleroi Sporting Club (football) qui évolue en division 1, et le Spirou Basket Club qui évolue parmi les meilleurs du championnat national et dispute régulièrement les compétitions européennes.
319
+ Le club de tennis de table du Royal Villette Charleroi, vainqueur à plusieurs reprises de la Ligue des champions, a compté dans ses rangs des joueurs d'exception comme Jean-Michel Saive, champion d'Europe, vice-champion du monde, et numéro 1 mondial.
320
+
321
+ Charleroi s'est porté candidat dans le cadre de la candidature belgo-néerlandaise à l'organisation de la coupe du monde de football de 2018[105].
322
+
323
+ La ville dispose :
324
+
325
+ Dans la mouvance de l'implantation à Charleroi en 1957 de ce qui deviendra plus tard le Ballet royal de Wallonie, la ville de Charleroi a connu depuis 1970 un très vif engouement pour la danse classique et contemporaine, avec la création de nombreuses écoles de danse privées et même de compagnies semi-professionnelles comme Carolo King Ballet.
326
+
327
+ Le Ballet royal de Wallonie a été dissous en 1990, à la mort de son directeur artistique Jorge Lefebre pour faire place à une entité intégralement contemporaine : Charleroi/Danses, Centre chorégraphique de la Communauté française.
328
+
329
+ Le paysage carolorégien est animé par de nombreux terrils, souvenirs d'un long passé minier, et de nombreux parcs communaux de la métropole. Certains ont été réaménagés en espaces de détente et d'évasion, constituant parfois de superbes réserves naturelles NB : du haut de ces terrils, on peut découvrir un vaste panorama de la métropole. Ces terrils sont traversés par le Réseau RAVeL. Idéal pour des balades à pied, à cheval ou équipé d'un vélo.
330
+
331
+ Centre international d'édition de la bande dessinée (Éditions Dupuis), Charleroi qui a vu éclore de nombreux talents de dessinateurs sous la houlette de sa célèbre école de Marcinelle, a vu naître des personnages illustres du neuvième art tels que Spirou et Fantasio, le Marsupilami, Boule et Bill, et Lucky Luke, dont les statues polychromes ornent la ville.
332
+
333
+ Fréquemment, des festivals ou concerts de musiques sont organisés dans les nombreux cafés de la ville, comme le Carolo Musique Rally. Chaque année, fin juin, se tient également une des plus grandes brocantes de Belgique, à savoir, brocante des Quais de Charleroi qui dure 24 heures.
334
+
335
+ La City Parade, grand rassemblement de musiques électroniques, a été plusieurs fois organisée dans les rues de la cité. Les deux dernières éditions (2014 & 2015) s'y sont par ailleurs déroulées.
336
+
337
+ Depuis 1995, la ville accueille chaque année au printemps la plus grande compétition scoute de Wallonie : la Scout Silver Cup. De 1995 à 2009, elle se déroulait dans le centre-ville, dans l'enceinte du Collège du Sacré-Cœur et le parc Reine Astrid, puis a déménagé au Centre de Délassement de Marcinelle. Depuis la rénovation de ce dernier, elle se déroule désormais au Collège Saint-Michel de Gosselies.
338
+
339
+ Ensemble du patrimoine classé à Charleroi (ville avant fusion).
340
+
341
+ L'Hôtel de Ville de Charleroi, est un vaste bâtiment éclectique mêlant Classicisme et Art déco construit par les architectes Jules Cézar en collaboration avec Joseph André, inauguré en 1936. L'ensemble forme un vaste quadrilatère comprenant un beffroi d'une hauteur de 70 mètres.
342
+
343
+ Chapelle de garnison à l'origine (1667), l'église sera plusieurs fois abîmée et restaurée avant d'être fortement transformée et agrandie en 1956.
344
+
345
+ Imaginée par l'architecte Le Graive et réalisée de 1890 à 1893, cette galerie courbe est l'ensemble de tradition classique le plus remarquable de Charleroi[109].
346
+
347
+ Remarquable pour les sgraffites dorés qui en ornent les façades (chardons stylisés et soleil), et qui lui ont donné son nom.
348
+ Elle fut édifiée en 1899 par l'architecte Alfred Frère et acquise en 1906 par les industriels verriers Chausteur. Propriété du docteur Léon Lempereur en 1952, elle deviendra ensuite un restaurant (1993) avant d'être achetée par la Ville de Charleroi (1999). Classée en 1993, elle sert actuellement de local à l'Association de la Presse.
349
+
350
+ La maison Lafleur est une habitation de style Sécession viennoise. Construite en 1908 par Joseph Charon, elle a été rénovée dans les années 1990 par Paul Warin et Luc Schuiten, qui lui ajoutent un second corps en retrait conçu dans le même esprit.
351
+
352
+ Maison du Bailli. De style Louis XVI, cette maison fut bâtie à la fin du XVIIIe siècle.
353
+
354
+ Temple protestant. Œuvre de E. Dubois datant de 1880.
355
+
356
+ Caserne Caporal Trésignies (1887). Ancienne caserne d'infanterie, exemple d'architecture néogothique.
357
+
358
+ Ancien hôtel des Postes, Place Verte (Ville-Basse) construit en 1907.
359
+
360
+ La maison des médecins, demeure Art nouveau construite en 1908.
361
+
362
+ Maison Dermine construite en 1920 par Marcel Depelsenaire et Jules Laurent.
363
+
364
+ Maison Bertinchamps construite en 1926 par Marcel Depelsenaire et Jules Laurent.
365
+
366
+ Immeuble De Heug par l'architecte Marcel Leborgne (1933).
367
+
368
+ Charleroi et ses sections sont jumelés avec :
369
+
370
+ Charleroi, ville de Pennsylvanie près de Pittsburgh aux États-Unis, 5 000 habitants, a été nommée ainsi en l'honneur de sa grande sœur belge. Une localité située dans l'État de Victoria, en Australie, porte également le nom de Charleroi.
371
+
372
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/974.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,224 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ (en) « Site Officiel »
4
+
5
+ modifier
6
+
7
+
8
+
9
+ Charles Spencer Chaplin, dit Charlie Chaplin [ˈt͡ʃɑːli ˈt͡ʃæplɪn][n 1], né le 16 avril 1889 probablement à Londres (Royaume-Uni) et mort le 25 décembre 1977 à Corsier-sur-Vevey (Suisse), est un acteur, réalisateur, scénariste, producteur et compositeur britannique.
10
+
11
+ Devenu une idole du cinéma muet à partir du milieu des années 1910, et plus particulièrement du burlesque, grâce à son personnage de Charlot (ou simplement « The Tramp » en anglais), il acquiert ensuite une notoriété et une reconnaissance plus large pour ses performances d'acteur comme pour ses réalisations. Durant une carrière longue de 65 ans, il joue dans plus de 80 films. Sa vie publique et privée, ainsi que ses prises de position, font par ailleurs l'objet d'adulations comme de controverses.
12
+
13
+ Chaplin grandit dans la misère entre un père absent et une mère en grandes difficultés financières, tous deux artistes de music-hall, qui se séparent deux ans après sa naissance. Plus tard, sa mère est internée à l'hôpital psychiatrique alors que son fils a quatorze ans. À l'âge de cinq ans, il fait sa première apparition sur scène. Il commence très tôt à se produire dans des music-halls et devient rapidement acteur. À 19 ans, il est remarqué par l'imprésario Fred Karno et réalise une tournée aux États-Unis. Il joue au cinéma pour la première fois en 1914 dans le film Pour gagner sa vie et travaille avec les sociétés de production Essanay, Mutual et First National. En 1918, il est l'une des personnalités les plus connues au monde.
14
+
15
+ En 1919, Chaplin cofonde la société United Artists et obtient ainsi le contrôle total sur ses œuvres. Parmi ses premiers longs-métrages figurent Charlot soldat (1918), Le Kid (1921), L'Opinion publique (1923), La Ruée vers l'or (1925) et Le Cirque (1928). Il refuse de passer au cinéma sonore et continue de produire des films muets dans les années 1930, comme Les Lumières de la ville (1931) et Les Temps modernes (1936). Ses œuvres deviennent ensuite plus politiques, avec notamment Le Dictateur (1940), dans lequel il se moque d'Hitler et de Mussolini. Sa popularité décline dans les années 1940 en raison de controverses au sujet de ses liaisons avec des femmes bien plus jeunes que lui et d'un procès en reconnaissance de paternité. Chaplin est également accusé de sympathies communistes et les enquêtes du FBI et du Congrès lui font perdre son visa américain. Il choisit de s'établir en Suisse en 1952. Il abandonne son personnage de Charlot dans ses derniers films, dont Monsieur Verdoux (1947), Les Feux de la rampe (1952), Un roi à New York (1957) et La Comtesse de Hong-Kong (1967).
16
+
17
+ Chaplin écrit, réalise et produit la plupart de ses films, en plus d'y jouer et d'en composer la musique. Il est perfectionniste et son indépendance financière lui permet de consacrer plusieurs années au développement de chacune de ses œuvres. Bien qu'étant des comédies de type slapstick, ses films intègrent des éléments de pathos et sont marqués par des thèmes sociaux et politiques ainsi que par des éléments autobiographiques. En 1972, l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences lui a remis un Oscar d'honneur pour sa contribution inestimable à l'industrie cinématographique et plusieurs de ses œuvres sont aujourd'hui considérées comme faisant partie des plus grands films de tous les temps.
18
+
19
+ Charles Spencer Chaplin[1],[2] naît le 16 avril 1889 ; il est le deuxième enfant d'Hannah Chaplin née Hill (1865 – 1928) et de Charles Chaplin, Sr. (1863 – 1901). Son acte de naissance n'a pas été retrouvé dans les registres de l'état civil, mais Chaplin considérait qu'il était né dans une maison d'East Street dans le quartier de Walworth, au sud de Londres[3],[n 2]. Quatre ans plus tôt, ses parents se marient et Charles Sr. reconnaît Sydney John, un fils issu d'une précédente relation d'Hannah avec un homme inconnu[7]. Au moment de sa naissance, les parents de Chaplin sont tous deux des artistes de music-hall. Sa mère, fille d'un cordonnier[8], mène une carrière sans grand succès sous le nom de scène de Lily Harley[9], tandis que son père, fils d'un boucher[10], est un chanteur populaire[11]. Ils se séparent vers 1891[12] et l'année suivante, Hannah donne naissance à son troisième fils, Wheeler Dryden, issu d'une relation avec le chanteur de music-hall Leo Dryden ; l'enfant est emmené par son père à l'âge de six mois et reste éloigné de Chaplin pendant trente ans[13].
20
+
21
+ L'enfance de Chaplin est marquée par la misère et les privations, ce qui conduit son biographe officiel David Robinson à décrire son parcours comme « le plus spectaculaire de tous les récits jamais racontés sur l'ascension des haillons aux richesses »[14]. Il passe ses premières années avec sa mère et son frère Sydney dans le borough londonien de Kennington ; hormis quelques travaux de couture ou de nourrice, Hannah n'a aucun revenu et Charles Sr. n'apporte aucun soutien à ses enfants[15]. Alors que la situation financière du foyer se détériore, Chaplin est envoyé dans une workhouse à l'âge de sept ans[n 3]. Il indique par la suite qu'il y connaît une « triste existence »[17] et est brièvement rendu à sa mère 18 mois plus tard ; Hannah est rapidement contrainte de se séparer à nouveau de ses enfants, qui sont envoyés dans une autre institution pour enfants indigents[18].
22
+
23
+ En septembre 1898, la mère de Chaplin est admise à l'asile psychiatrique de Cane Hill après avoir développé une psychose apparemment provoquée par la malnutrition et la syphilis[19]. Durant les deux mois de son hospitalisation, Chaplin et son frère sont envoyés vivre avec leur père qu'ils connaissent à peine[20]. Charles Sr. a alors sombré dans l'alcoolisme et sa conduite entraîne la visite d'une organisation de protection de l'enfance[21]. Il meurt d'une cirrhose deux ans plus tard, à l'âge de 38 ans[22].
24
+
25
+ L'état de santé d'Hannah s'améliore[21], mais elle fait une rechute en mai 1903. Chaplin, alors âgé de 14 ans, l’emmène au dispensaire, d'où elle est renvoyée à Cane Hill[23]. Il vit seul pendant plusieurs jours et dort dans la rue en attendant le retour de son frère qui s'est engagé dans la Marine deux ans plus tôt[24],[25],[26]. Hannah quitte l'asile au bout de huit mois[27], mais elle rechute de manière permanente en mars 1905. Chaplin écrit plus tard : « Nous ne pouvions rien faire d'autre que d'accepter le sort de notre pauvre mère ». En 1921, Charlie et son frère Sydney obtiennent la permission de la prendre avec eux à Hollywood. Charlie lui achète une maison en bord de mer, et Hannah y vit ses sept dernières années, soignée à domicile. C'est là qu'elle peut revoir son troisième fils, Wheeler Dryden, dont elle est séparée depuis trente ans. Elle meurt le 28 août 1928[28].
26
+
27
+ Chaplin commence très tôt à se produire sur scène. Il y fait sa première apparition à cinq ans en remplaçant Hannah lors d'un spectacle à Aldershot[n 4]. C'est une exception, mais sa mère l'encourage dans cette voie, et « elle [l]'imprègne du sentiment [qu'il] a une sorte de talent »[31]. Grâce aux relations de son père[32], il devient membre de la troupe de danseurs Eight Lancashire Lads et se produit dans des music-halls britanniques en 1899 et 1900[n 5]. Chaplin travaille dur et la troupe est populaire, mais il ne se satisfait pas de la danse et veut se tourner vers la comédie[34].
28
+
29
+ Lorsque Chaplin est en tournée avec les Eight Lancashire Lads, sa mère s'assure qu'il continue à aller à l'école[35], mais il abandonne vers treize ans[36]. Passé une période de petits boulots[37], à quatorze ans et peu après la rechute de sa mère, il s'inscrit dans une agence artistique du West End de Londres. Le responsable de cette agence discerne un potentiel chez Chaplin et lui offre rapidement son premier rôle en tant que vendeur de journaux dans la pièce Jim, a Romance of Cockayne de Harry A. Saintsbury[38]. La première a lieu en juillet 1903, mais le spectacle ne rencontre pas de succès et les représentations s'arrêtent au bout de deux semaines ; la performance comique de Chaplin est néanmoins remarquée par les critiques[39],[40],[41]. Saintsbury lui obtient ensuite le rôle du groom Billy dans la pièce Sherlock Holmes de Charles Frohman[42]. Son jeu est si bien reçu qu'il est appelé à Londres pour se produire aux côtés de William Gillette, qui a coécrit la pièce avec Arthur Conan Doyle[43]. Il fait sa dernière tournée de Sherlock Holmes au début de l'année 1906 après y avoir joué pendant plus de deux ans et demi[44].
30
+
31
+ Chaplin rejoint rapidement une autre compagnie et joue dans une comédie à sketchs, Repairs, avec son frère Sydney qui s'est également lancé dans une carrière artistique[45]. En mai 1906, il participe au spectacle pour enfants Casey's Circus[46] et développe son jeu burlesque qui lui permet de devenir rapidement la star de la pièce. À la fin de la tournée en juillet 1907, le jeune homme de 18 ans est devenu un comédien accompli[47],[48]. Il a néanmoins des difficultés à trouver du travail et une brève incursion dans le stand-up ne rencontre pas le succès escompté[49],[50].
32
+
33
+ Dans le même temps, Sydney Chaplin a rejoint en 1906 la prestigieuse troupe comique de Fred Karno, dont il est devenu l'un des acteurs principaux en 1908[51],[52],[53]. En février, il parvient à obtenir une période d'essai de deux semaines pour son frère cadet. Karno n'est initialement pas convaincu et considère Chaplin comme un « enfant à l'air renfrogné pâle et chétif » qui « semble bien trop timide pour faire quoi que ce soit de bien au théâtre »[54]. Il est cependant impressionné par sa première prestation au London Theatre et l'engage immédiatement[55]. Après des rôles secondaires, Chaplin accède aux rôles principaux en 1909[56] et il est l'acteur principal de la nouvelle comédie Jimmy the Fearless en avril 1910. C'est un grand succès qui attire l'attention de la presse sur le jeune artiste[57],[58].
34
+
35
+ Karno le choisit pour participer avec une partie de sa troupe à une tournée en Amérique du Nord[59]. Chaplin mène les spectacles de music-hall et impressionne les critiques qui le décrivent comme « l'un des meilleurs artistes de pantomime jamais vu »[60]. La tournée dure 21 mois et la troupe retourne en Grande-Bretagne en juin 1912[61]. Chaplin a alors le sentiment troublant de « revenir aux platitudes déprimantes », et il est ravi quand une nouvelle tournée commence en octobre[62],[63].
36
+
37
+ Alors qu'il en est au sixième mois de sa tournée américaine, Chaplin est invité à rejoindre la New York Motion Picture Company ; un des responsables de la société a assisté à un de ses spectacles et pense qu'il peut remplacer Fred Mace, la star du studio Keystone, qui veut prendre sa retraite[64]. Chaplin considère les comédies de Keystone comme un « mélange grossier » mais apprécie la perspective d'une nouvelle carrière[65] ; il signe en septembre 1913 un contrat d'un an avec un salaire hebdomadaire de 150 dollars (environ 3 880 dollars de 2020[66])[67],[68].
38
+
39
+ Chaplin arrive dans les studios de Los Angeles au début du mois de décembre 1913[69] et rencontre son responsable Mack Sennett, qui pense que le jeune homme de 24 ans paraît trop jeune[70]. Il ne joue pas avant la fin du mois de février 1914 et profite de cette période pour se familiariser avec la réalisation cinématographique[71]. Il fait ses débuts dans le court-métrage Pour gagner sa vie, sorti le 2 février 1914, mais déteste le film[72]. Dans celui-ci, il se présente comme une sorte de dandy en redingote étriquée, chapeau haut-de-forme et grandes moustaches tombantes[73]. Pour son second rôle, Chaplin choisit le costume de Charlot (en anglais, The Tramp ou vagabond) avec lequel il se fait connaître ; dans son autobiographie, il décrit le processus :
40
+
41
+ « Je voulais que tout soit une contradiction : le pantalon ample, la veste étriquée, le chapeau étroit et les chaussures larges… J'ai ajouté une petite moustache qui, selon moi, me vieillirait sans affecter mon expression. Je n'avais aucune idée du personnage mais dès que j'étais habillé, les vêtements et le maquillage me faisaient sentir qui il était. J'ai commencé à le connaître et quand je suis entré sur le plateau, il était entièrement né[74],[n 6]. »
42
+
43
+ Ce film est L'Étrange Aventure de Mabel mais le personnage de « Charlot » apparaît pour la première fois dans Charlot est content de lui tourné peu après mais qui sort deux jours plus tôt le 7 février 1914[76]. Chaplin adopte rapidement ce personnage et fait des suggestions pour les films dans lesquels il apparaît, mais elles sont rejetées par les réalisateurs[77]. Durant le tournage de son 11e film, Mabel au volant, il affronte la réalisatrice Mabel Normand et l'incident entraîne presque la résiliation de son contrat. Sennett le conserve néanmoins après avoir reçu des commandes pour de nouveaux films avec Chaplin. Il l'autorise également à réaliser son prochain film après que Chaplin a promis de payer 1 500 dollars (environ 38 287 dollars de 2020[66]) s'il ne rencontre pas de succès[78].
44
+
45
+ Un béguin de Charlot, sorti le 4 mai 1914, marque les débuts de réalisateur de Chaplin et connaît un grand succès[79]. Par la suite, il réalise quasiment tous les courts-métrages de Keystone dans lesquels il joue[80] ; Chaplin rapporte par la suite que cette période, où il réalise environ un film par semaine[81], est la plus excitante de sa carrière[82]. Il introduit une forme de comédie plus lente que les farces typiques de Keystone[76] et rassemble rapidement un grand nombre d'admirateurs[83],[84]. En novembre 1914, il joue avec Marie Dressler dans le long-métrage Le Roman comique de Charlot et Lolotte réalisé par Sennett ; le film est un succès et accroît sa popularité[85]. Lorsque le contrat de Chaplin expire à la fin de l'année, il demande un salaire hebdomadaire de 1 000 dollars (environ 25 525 dollars de 2020[66]), une somme que Sennett refuse car jugée trop élevée[86].
46
+
47
+ L'Essanay Film Manufacturing Company propose à Chaplin un salaire hebdomadaire de 1 250 dollars (environ 31 591 dollars de 2020[66]) avec une prime d'embauche de 10 000 dollars. Il intègre le studio à la fin du mois de décembre 1914[87] et rejoint d'autres acteurs comme Leo White, Bud Jamison, Paddy McGuire et Billy Armstrong. Alors qu'il est à la recherche d'un second rôle féminin pour son deuxième film, Charlot fait la noce, il repère une secrétaire appelée Edna Purviance dans un café à San Francisco. Il l'engage et elle tourne avec lui dans 35 films[88] ; ils ont également une aventure sentimentale jusqu'en 1917[89].
48
+
49
+ Chaplin exerce un contrôle important sur ses films et il commence à consacrer beaucoup de temps et d'énergie dans chacune de ses réalisations[90],[91],[92]. Un mois sépare sa seconde production, Charlot fait la noce, et sa troisième, Charlot boxeur[93], et il adopte ce rythme pour ses réalisations ultérieures avec Essenay[94]. Il modifie également son personnage, critiqué par Keystone en raison de son caractère « malveillant, rustre et grossier », pour lui donner une personnalité plus douce et romantique[95]. Cette évolution est illustrée par Le Vagabond en avril 1915[96],[97] et Charlot garçon de banque en août, qui comportent un final plus triste. C'est une innovation pour les films comiques et les critiques sérieux commencent à apprécier davantage son travail[98]. Avec Essanay, Chaplin trouve les thèmes qui définissent le monde de Charlot[99].
50
+
51
+ Immédiatement après ses débuts cinématographiques, Chaplin devient un phénomène culturel. Les magasins vendent des produits associés à son personnage de Charlot, qui apparaît dans des bandes dessinées et dans des chansons[100],[81],[101]. En juillet 1915, selon un journaliste du magazine Motion Picture Magazine, la « chaplinite » se propage en Amérique[102]. Sa popularité s'étend également à l'étranger et il devient la première star internationale du cinéma[103],[104]. Alors que son contrat avec Essenay expire en décembre 1915[105], Chaplin, pleinement conscient de sa célébrité, demande une prime d'embauche de 150 000 dollars (environ 3 790 954 dollars de 2020[66]) à son nouveau studio. Il reçoit plusieurs propositions venant entre autres d'Universal, Fox et Vitagraph[106].
52
+
53
+ Il est finalement engagé par le studio Mutual, qui lui accorde un salaire annuel de 670 000 dollars (environ 1 693 293 dollars de 2020[66]), faisant de Chaplin, alors âgé de 26 ans, l'une des personnes les mieux payées au monde[107]. Cette somme élevée choque le public et est largement reprise dans la presse[108]. Le président du studio, John R. Freuler, explique qu'ils peuvent se permettre de payer ce salaire à Chaplin car « le public veut Chaplin et paiera pour le voir »[109].
54
+
55
+ Mutual accorde à Chaplin son propre studio à Los Angeles, qui est inauguré en mars 1916[110]. Il recrute deux nouveaux acteurs pour l'accompagner, Albert Austin et Eric Campbell[111], et réalise une série de films plus élaborés et mélodramatiques : Charlot chef de rayon, Charlot pompier, Charlot musicien, Charlot rentre tard, Charlot et le Comte[112]. Pour Charlot usurier, il embauche l'acteur Henry Bergman, qui travaille avec lui pendant 30 ans[113]. Charlot fait du ciné et Charlot patine sont ses dernières réalisations pour l'année 1916. Le contrat avec Mutual stipule qu'il doit réaliser un court-métrage toutes les quatre semaines, engagement qu'il tient[114]. Il commence néanmoins à demander plus de temps pour créer ses films et il n'en réalise que quatre autres pour Mutual dans les dix premiers mois de l'année 1917 : Charlot policeman, Charlot fait une cure, L'Émigrant et Charlot s'évade[115]. Du fait de leur réalisation méticuleuse et de leur construction soignée, ces films sont considérés comme parmi les meilleures œuvres de Chaplin par les spécialistes du cinéaste[116],[117],[115],[118]. Pour Chaplin, ses années à Mutual sont les plus heureuses de sa carrière[119].
56
+
57
+ Chaplin est critiqué par la presse britannique pour son absence de participation à la Première Guerre mondiale[120]. Il répond qu'il est volontaire pour se battre pour le Royaume-Uni s'il est appelé et qu'il a déjà répondu à la conscription américaine ; aucun des deux pays ne lui demande de s'enrôler et l'ambassade britannique aux États-Unis publie une déclaration indiquant que Chaplin « est bien plus utile à la Grande-Bretagne en gagnant de l'argent et en achetant des obligations de guerre que dans les tranchées »[121]. Malgré ces critiques, Chaplin est l'un des acteurs préférés des soldats[122], et sa popularité continue de grandir dans le monde entier. Le magazine américain Harper's Weekly rapporte que le nom de Charlie Chaplin fait « partie de la langue véhiculaire de presque tous les pays » et que l'image de Charlot est « universellement familière »[123]. En 1917, les imitateurs professionnels de Charlot sont si répandus qu'il lance des actions en justice[124] et il est rapporté que neuf hommes sur dix participant à des soirées costumées reprenaient son accoutrement[125]. L'actrice Minnie M. Fiske écrit qu'un « nombre en constante augmentation de personnes cultivées commencent à considérer le jeune bouffon anglais, Charlie Chaplin comme un artiste extraordinaire et un génie comique »[123].
58
+
59
+ Mutual ne se formalise pas de la production réduite de Chaplin et le contrat se termine à l'amiable. Pour son nouveau studio, son principal objectif est d'avoir une plus large indépendance ; son frère Sydney, devenu son agent artistique, déclare à la presse que « Chaplin doit être autorisé à avoir tout le temps et l'argent nécessaire pour produire les films à sa manière… C'est la qualité, non la quantité, que nous voulons »[126]. En juin 1917, Chaplin signe un contrat d'un million de dollars (environ 19 955 844 dollars de 2020[66]) pour huit films avec l'association de propriétaires de salles de cinéma First National Pictures[127]. Il décide de construire son propre studio sur un terrain de 5 acres (20 200 m2) près de Sunset Boulevard avec les meilleures installations et équipements disponibles[128],[129]. Le studio est inauguré en janvier 1918[130] et Chaplin reçoit une grande liberté pour la réalisation de ses films[131].
60
+
61
+ Une vie de chien, distribué en avril 1918, est son premier film sous ce nouveau contrat. Il y démontre une attention grandissante pour l'intrigue et son traitement de Charlot comme une sorte de Pierrot[132]. Le film est décrit par le critique français Louis Delluc comme « la première œuvre d'art totale du cinéma »[133]. Chaplin participe ensuite à l'effort de guerre en réalisant une tournée d'un mois aux États-Unis afin de lever des fonds pour les Alliés[134]. Il produit également un court-métrage de propagande pour le gouvernement appelé The Bond[135]. Son film suivant, Charlot soldat, met en scène Charlot dans les tranchées ; ses associés le mettent en garde contre une comédie sur la guerre, mais il pense autrement : « dangereuse ou non, l'idée m'excitait »[136]. Le tournage dure quatre mois et le film de 45 minutes rencontre un grand succès à sa sortie, en octobre 1918[137].
62
+
63
+ Après la sortie de Charlot soldat, Chaplin demande plus de fonds à la First National, qui refuse. Frustré par le manque de considération du studio pour la qualité et inquiet des rumeurs d'une fusion avec Famous Players-Lasky[138],[139], il se rapproche de ses collègues Douglas Fairbanks, Mary Pickford et D. W. Griffith pour fonder une nouvelle société de distribution. La création d'United Artists en janvier 1919[140] est une révolution pour l'industrie cinématographique, car les quatre fondateurs peuvent dès lors personnellement financer leurs œuvres et avoir un contrôle total sur elles[141]. Chaplin est alors impatient de pouvoir commencer avec sa nouvelle entreprise et offre de racheter son contrat avec la First National. Le studio refuse et insiste pour qu'il livre les six derniers films promis[142].
64
+
65
+ Avant la création d'United Artists, Chaplin se marie pour la première fois. L'actrice de 17 ans Mildred Harris est enceinte et ils se marient discrètement à Los Angeles en septembre 1918 pour éviter la controverse[143] ; la grossesse se révèle fausse[144]. Chaplin n'est pas heureux de cette union, qui selon lui affecte sa créativité, et la réalisation d'Une idylle aux champs est difficile[145],[146]. Harris tombe ensuite réellement enceinte et elle accouche d'un garçon le 7 juillet 1919. Le nouveau-né, Norman Spencer Chaplin, est cependant mal-formé et meurt trois jours plus tard[147]. Les époux divorcent en avril 1920 et Chaplin explique dans son autobiographie qu'ils n'étaient « absolument pas faits l'un pour l'autre »[148],[149].
66
+
67
+ Cette tragédie personnelle influence l'œuvre de Chaplin, car il envisage de faire de Charlot le tuteur d'un jeune garçon[150],[151]. Le tournage du Kid commence en août 1919 avec le jeune Jackie Coogan, alors âgé de quatre ans[152]. Chaplin réalise que le projet est plus important que prévu et, pour apaiser la First National, arrête sa production et tourne rapidement Une journée de plaisir[153]. La réalisation du Kid dure neuf mois, jusqu'en mai 1920, et sa durée de 68 minutes en fait le plus long du cinéaste jusque là[154]. Marqué par les thèmes de la pauvreté et de la séparation, on considère que Le Kid est influencé par la propre enfance de Chaplin[131] et il est l'un des premiers films à associer la comédie et le drame[155]. Le succès est immédiat à sa sortie, en janvier 1921, et il est distribué dans plus de 50 pays dans les trois années qui suivent[156].
68
+
69
+ Chaplin consacre cinq mois à son film suivant de 31 minutes, Charlot et le Masque de fer[141]. Après sa sortie en septembre 1921, il décide de retourner en Grande-Bretagne pour la première fois en près d'une décennie[157]. Il remplit ensuite son contrat avec la First National en réalisant Jour de paye en février 1922 et Le Pèlerin un an plus tard[158].
70
+
71
+ Ayant rempli ses obligations avec la First National, Chaplin est à présent libre de réaliser ses films en tant que producteur indépendant. En novembre 1922, il commence le tournage de L'Opinion publique[159]. Il veut que ce drame romantique lance la carrière d'Edna Purviance[160] et ne réalise qu'un bref caméo non crédité dans cette production[161]. Souhaitant que le film soit réaliste, il demande à ses acteurs de jouer de manière retenue, expliquant que dans la vie réelle « les hommes et les femmes essayent de dissimuler leurs émotions plutôt que de vouloir les montrer[162] ». La première de L'Opinion publique en septembre 1923 est acclamée par la critique pour son approche subtile, qui est alors une innovation[163]. Le public semble cependant peu intéressé par un film de Chaplin sans Charlot et il fait un échec[164]. Fier de son film, le cinéaste est affecté par ce revers car il a voulu réaliser un film dramatique ; il retire L'Opinion publique des salles aussi vite que possible[165].
72
+
73
+ Chaplin revient à la comédie pour son prochain projet et il pense alors : « Ce prochain film doit être une épopée ! la plus grande[166] ! » Inspiré par une photographie de la ruée vers l'or du Klondike de 1898 et par le récit de l'expédition Donner de 1846-1847, il réalise ce que le journaliste Geoffrey Macnab qualifie de « comédie épique sur un sujet grave[167],[168] ». Dans La Ruée vers l'or, Charlot est représenté comme un prospecteur solitaire affrontant l'adversité et à la recherche de l'amour. Avec Georgia Hale comme partenaire, Chaplin commence le tournage dans les montagnes de l'ouest du Nevada en février 1924[169]. La production est complexe, avec plus de 600 figurants, des décors extravagants et des effets spéciaux[170] ; la dernière scène n'est réalisée qu'en mai 1925, après 15 mois de tournage[171].
74
+
75
+ Avec un coût de près d'un million de dollars[172], Chaplin considère que La Ruée vers l'or est le meilleur film qu'il a réalisé jusque-là[173]. Après sa sortie en août 1925, il devient l'un des plus gros succès du cinéma muet, avec cinq millions de dollars (environ 72 893 738 dollars de 2020[66]) de recettes[172],[174]. La comédie comporte certaines des scènes les plus célèbres de Chaplin, comme celle de Charlot mangeant sa chaussure ou celle dite de la « danse des petits pains »[175],[176],[177],[178], et il déclare par la suite qu'il aimerait que les gens se souviennent de lui grâce à ce film[167].
76
+
77
+ Alors qu'il réalise La Ruée vers l'Or, Chaplin se marie pour la deuxième fois. Comme pour sa première union, Lita Grey est une jeune actrice qui doit apparaître dans le film et dont la grossesse imprévue oblige Chaplin à l'épouser. Elle a alors 16 ans et lui 35, et selon la loi californienne cette relation peut être qualifiée de viol sur mineure[179]. D'après les documents du divorce, Chaplin a voulu la faire avorter, mais celle-ci a refusé. La mère de Lita Grey a par ailleurs menacé Chaplin de le dénoncer à la police s'il n'épouse pas sa fille[180]. Il organise donc une cérémonie discrète au Mexique, le 24 novembre 1924[181]. Lita accouche d'un premier fils, Charles Chaplin Jr., le 5 mai 1925, et d'un second, Sydney Earle Chaplin, le 30 mars 1926[182].
78
+
79
+ Cette union est malheureuse et Chaplin passe beaucoup de temps en studio pour éviter de voir son épouse[183]. En novembre 1926, Lita Grey quitte leur foyer avec leurs enfants[184]. Lors de la difficile procédure de divorce, les documents de Lita Grey accusant Chaplin d'infidélité, de violence et d'entretenir des « désirs sexuels pervers » sont publiés par la presse[185],[186],[n 7]. Il est rapporté que Chaplin est au bord d'une crise de nerfs, alors que l'histoire fait la une des journaux et que des groupes sont créés pour demander l'interdiction de ses films[186],[188]. Impatients de mettre un terme à l'affaire, les avocats de Chaplin acceptent en août 1927 de payer 600 000 dollars (environ 8 831 034 dollars de 2020[66]), la plus grosse somme accordée lors d'un procès aux États-Unis jusqu'alors[189]. La popularité de Chaplin lui permet de surmonter l'incident, qui est rapidement oublié, mais il en reste profondément affecté[190],[191].
80
+
81
+ Avant le début de la procédure de divorce, Chaplin commence à travailler sur un nouveau film, Le Cirque[192]. Le tournage est suspendu dix mois durant le scandale de son divorce[193] et la production est marquée par les difficultés[194]. Finalement terminé en octobre, Le Cirque sort en janvier 1928 et reçoit un accueil positif[195]. Lors de la 1re cérémonie des Oscars, Chaplin reçoit un Oscar d'honneur « pour sa polyvalence et son génie à jouer, écrire, mettre en scène et produire Le Cirque[196] ». Malgré le succès du film, Chaplin l'associe avec le stress de sa production ; il ne le mentionne pas dans son autobiographie et a du mal à travailler dessus quand il le resonorisa en 1967[197],[198].
82
+
83
+ Le cinéma sonore apparaît à l'époque où sortait Le Cirque. Chaplin est sceptique quant à cette nouvelle technique et estime que les « parlants » ne valent pas les films muets, du point de vue artistique[200],[201]. Il est également réticent à l'idée de changer la formule qui a fait son succès[202],[199],[203] et craint que donner une voix à Charlot ne limite son attrait à l'international[200],[203]. Il rejette donc cette mode hollywoodienne et commence à travailler sur un nouveau film muet ; cette décision le rend néanmoins anxieux et il le reste tout au long de la production de ce nouveau projet[200],[203].
84
+
85
+ Lorsque le tournage commence à la fin de l'année 1928, Chaplin travaille sur l'histoire depuis près d'un an[204],[205]. Les Lumières de la ville met en scène l'amour de Charlot pour une fleuriste aveugle, jouée par Virginia Cherrill, et ses efforts pour lever des fonds pour une opération destinée à lui rendre la vue. Chaplin a travaillé « jusqu'au bord de la folie pour obtenir la perfection[206] » et le tournage dure 21 mois, jusqu'en septembre 1930[207].
86
+
87
+ Chaplin finalise Les Lumières de la ville en décembre 1930 à un moment où les films muets sont devenus anachroniques[208]. Une pré-projection ne rencontre pas de succès[209], mais la presse est séduite. Un journaliste écrit : « Personne d'autre que Charlie Chaplin n'aurait pu le faire. Il est le seul à avoir ce quelque chose d'étrange appelé « attrait de l'audience » en quantité suffisante pour défier le penchant populaire pour les films qui parlent[210] ». Lors de sa sortie officielle en janvier 1931, Les Lumières de la ville est un succès populaire et financier qui rapporte plus de trois millions de dollars[211],[212],[213]. Le British Film Institute le cite comme la plus grande réussite de Chaplin et le critique James Agee évoque son final comme « le meilleur jeu d'acteur et le plus grand moment de l'histoire du cinéma[214],[215] ».
88
+
89
+ Les Lumières de la ville est un succès mais Chaplin n'est pas certain de pouvoir réaliser un nouveau film sans dialogues. Il reste convaincu que le son ne marcherait pas dans ses films, mais est également « obsédé par la peur déprimante d'être démodé »[216]. En raison de ces incertitudes, le comédien choisit au début de l'année 1931 de prendre des vacances et il arrête de tourner pendant 16 mois[217],[218]. Il visite l'Europe de l'Ouest, dont la France et la Suisse, et décide spontanément de se rendre dans l'Empire du Japon[219]. Là-bas, il est témoin de l'incident du 15 mai 1932, durant lequel des officiers nationalistes tentent un coup d'État, assassinant le Premier ministre du Japon Tsuyoshi Inukai. Le plan initial inclut notamment de tuer Charlie Chaplin afin de déclencher une guerre avec les États-Unis[220]. Quand le Premier ministre est tué, son fils Takeru Inukai assiste à une compétition de sumo avec Charlie Chaplin, ce qui leur a probablement sauvé la vie[221].
90
+
91
+ Dans son autobiographie, il note qu'à son retour à Los Angeles en juin 1932, « [il] est perdu et sans but, fatigué et conscient d'une extrême solitude ». Il envisage brièvement la possibilité de prendre sa retraite et de s'installer en Chine[222].
92
+
93
+ La solitude de Chaplin est apaisée quand il rencontre en juillet l'actrice de 21 ans Paulette Goddard, avec qui il forme un couple heureux[223],[224]. Hésitant encore sur l'opportunité d'un film, il écrit un roman-feuilleton sur ses voyages, qui est publié dans le magazine Woman's Home Companion[225]. Son séjour à l'étranger, durant lequel il rencontre plusieurs personnages influents, a un effet très stimulant pour Chaplin, et il s'intéresse de plus en plus aux questions internationales[226]. L'état du monde du travail américain durant la Grande Dépression le trouble et il craint que le capitalisme et les machines ne provoquent un fort taux de chômage. Ce sont ces inquiétudes qui le motivent à développer son nouveau film[227],[228].
94
+
95
+ Les Temps modernes est présenté par Chaplin comme « une satire de certaines situations de notre vie industrielle[229] ». Il envisage d'en faire un film parlant, mais change d'avis lors des répétitions. Comme ses prédécesseurs, Les Temps modernes utilise des effets sonores synchronisés, mais presque aucune parole[230]. Dans le film, l'interprétation en « charabia » d'une chanson par Chaplin donne néanmoins pour la première fois une voix à Charlot[231]. Après l'enregistrement de la musique, le résultat est présenté en février 1936[232]. Il s'agit de son premier film depuis Le Kid à intégrer des références politiques et sociales[233] et cet aspect entraîne une forte couverture médiatique, même si Chaplin tente de minimiser le sujet[234]. Le film connaît un succès moindre que ses précédents films et les critiques sont plus mitigées, certaines désapprouvant sa signification politique[235],[236]. Les Temps modernes est néanmoins devenu un classique du répertoire de Chaplin[214],[237].
96
+
97
+ À la suite de cette sortie, Chaplin se rend en Extrême-Orient avec Goddard[238]. Le couple refuse tout commentaire sur la nature de leur relation et on ne sait alors pas vraiment s'ils sont mariés ou non[239]. Quelque temps plus tard, Chaplin révèle qu'ils se sont mariés à Canton, en Chine, durant ce voyage[240]. Les deux s'éloignent cependant rapidement l'un de l'autre pour se consacrer à leur travail ; Goddard divorce finalement en 1942, en avançant qu'ils sont séparés depuis plus d'un an[241].
98
+
99
+ Chaplin est profondément perturbé par les tensions politiques et la montée des nationalismes en Europe dans les années 1930[242],[243] et estime qu'il ne peut en faire abstraction dans ses films[244]. Les observateurs font des rapprochements avec Adolf Hitler : ils sont nés à quatre jours d'écart, ont tous deux accédé à la notoriété mondiale malgré leur origine modeste, et le dictateur allemand porte la même moustache que Charlot. Cette ressemblance physique devient la base du film suivant de Chaplin, Le Dictateur, qui se moque directement d'Hitler et du fascisme[245],[246],[247],[248],[249],[250].
100
+
101
+ Chaplin consacre deux années à la rédaction du scénario[251] et commence le tournage en septembre 1939 alors que la Seconde Guerre mondiale vient d'éclater[252]. Chaplin décide de renoncer au film muet, qu'il estime démodé et parce qu'il est plus facile de délivrer un message politique avec la parole[253]. Réaliser une comédie sur Hitler est très délicat, mais l'indépendance financière de Chaplin lui permet de prendre le risque[254] : « J'étais déterminé à le faire car on doit se moquer d'Hitler[255],[n 8] ». Dans le film, Chaplin s'éloigne de son personnage de Charlot, tout en conservant son accoutrement, en jouant un « barbier juif » vivant dans une dictature européenne ressemblant considérablement à la dictature hitlérienne ; Chaplin répond ainsi aux nazis qui prétendent qu'il est juif[n 9],[n 10]. Charlie Chaplin jouera également le dictateur « Adenoïd Hynkel », parodiant Hitler[258].
102
+
103
+ Le Dictateur passe une année en postproduction et est présenté au public en octobre 1940[259]. Le film est l'objet d'une importante campagne publicitaire et un critique du New York Times le qualifie de film le plus attendu de l'année[260]. Il connaît un succès populaire considérable, même si le dénouement est controversé[261],[262]. Dans ce final où son personnage de barbier juif prend la place du dictateur, Chaplin prononce un discours de six minutes face à la caméra, dans lequel il expose ses opinions politiques personnelles[263],[264]. Selon l'historien du cinéma Charles J. Maland, à une époque où le cinéma évite les thèmes politiques controversés, cette prise de liberté a marqué le début du déclin de la popularité de Chaplin : « Dorénavant, aucun admirateur ne pourra séparer la dimension politique de sa star de cinéma »[265]. Le Dictateur est nommé dans cinq catégories lors de la 13e cérémonie des Oscars, dont celles du meilleur film, du meilleur acteur et du meilleur scénario, même s'il ne remporte aucune statuette[266].
104
+
105
+ Dans le milieu des années 1940, Chaplin est impliqué dans une série de procès qui accaparent une grande partie de son temps et affectent son image publique[267]. Ces derniers sont liés à sa relation intermittente avec l'aspirante actrice Joan Barry, entre juin 1941 et l'été 1942[268]. Ils se séparent après que cette dernière montre des troubles mentaux, et elle est arrêtée à deux reprises pour harcèlement après cette rupture[n 11]. Elle réapparaît l'année suivante en annonçant être enceinte du réalisateur ; ce dernier nie et Barry entame une procédure en reconnaissance de paternité[269].
106
+
107
+ J. Edgar Hoover, le directeur du Federal Bureau of Investigation (FBI), qui se méfie des tendances politiques de Chaplin, exploite l'opportunité de nuire à sa réputation. Dans le cadre d'une campagne de diffamation[270], le FBI l'inculpe dans quatre affaires reliées à ce scandale. Chaplin est en particulier accusé d'avoir violé le Mann Act qui interdit le transport entre États de femmes à des fins sexuelles[n 12]. L'historien Otto Friedrich a soutenu qu'il s'agissait de « poursuites absurdes » en application d'un « ancien texte[273] », mais Chaplin risquait jusqu'à 23 ans de prison[274]. Les preuves pour trois motifs d'accusation se révèlent insuffisantes pour aller jusqu'au procès, mais l'étude de la violation du Mann Act commence en mars 1944. Chaplin est acquitté deux semaines plus tard[271]. L'affaire fait fréquemment la une des journaux et le journal Newsweek la qualifie de « plus grand scandale de relations publiques depuis le procès pour meurtre de Roscoe Arbuckle en 1921[275] ».
108
+
109
+ Barry accouche en octobre 1944 d'une fille, Carole Ann, et le procès en paternité débute en février 1945. Après deux procès difficiles au cours desquels Chaplin est accusé de « turpitude morale » par le procureur[276], il est déclaré être le père. Le juge refuse d'accepter les preuves médicales, et en particulier la différence de groupe sanguin qui infirme cette conclusion, et Chaplin est condamné à payer une pension à sa fille jusqu'à ses 21 ans[277]. La couverture médiatique du procès est influencée par le FBI, qui transmet des informations à l'influente journaliste à scandales Hedda Hopper[278],[279],[280],[281].
110
+
111
+ La controverse entourant Chaplin accroît encore quand le 16 juin 1943, deux semaines après le début de la procédure de reconnaissance de paternité, un nouveau mariage est annoncé avec sa nouvelle jeune protégée de 18 ans, Oona O'Neill, la fille du dramaturge américain Eugene O'Neill[282]. Chaplin, alors âgé de 54 ans, lui est présenté par un agent artistique sept mois plus tôt[283],[284], et dans son autobiographie, il décrit leur rencontre comme « l'événement le plus heureux de [sa] vie » et indique qu'il avait découvert le « parfait amour »[285]. Ils restent mariés jusqu'à sa mort en 1977 et ont huit enfants : Geraldine Leigh (1944), Michael John (1946), Josephine Hannah (1949), Victoria (1951), Eugene Anthony (1953), Jane Cecil (1957), Annette Emily (1959) et Christopher James (1962)[286].
112
+
113
+ Chaplin avance que ces procès ont démoli sa créativité[287] et en avril 1946, il commence le tournage d'un film sur lequel il travaille depuis 1942[288]. Monsieur Verdoux est une comédie noire sur un employé de banque français, M. Verdoux joué par Chaplin, réduit au chômage et qui commence à épouser et à assassiner de riches veuves pour subvenir aux besoins de sa famille. L'idée lui est fournie par Orson Welles, qui voulait qu'il joue dans un film sur le tueur en série français Henri Désiré Landru. Chaplin estime que ce concept « ferait une superbe comédie[289] » et achète le scénario à Welles pour 5 000 dollars (environ 65 555 dollars de 2020[66])[290].
114
+
115
+ Chaplin exprime à nouveau ses idées politiques dans Monsieur Verdoux en critiquant le capitalisme[291],[292] et le film est très controversé à sa sortie, en avril 1947[293],[294],[295]. Il est hué lors de la première et certains demandent son interdiction[293],[296]. Il s'agit du premier film où son personnage n'a aucun rapport avec Charlot et il est également le premier à être un échec critique et commercial aux États-Unis[297]. Il est mieux accueilli à l'étranger et est cité pour le meilleur scénario lors de la 20e cérémonie des Oscars[298]. Chaplin est néanmoins fier de son œuvre et écrit dans son autobiographie : « Monsieur Verdoux est le plus intelligent et plus brillant des films que j'ai réalisés[299] ».
116
+
117
+ L'accueil négatif de Monsieur Verdoux est largement le résultat de l'évolution de l'image publique de Chaplin[300]. En plus du scandale de l'affaire Joan Barry, il est publiquement accusé d'être communiste[301],[302]. Ses actions politiques se sont intensifiées durant la Seconde Guerre mondiale et il a fait campagne pour l'ouverture d'un second front pour soulager les Soviétiques[303]. Il se rapproche de sympathisants communistes connus comme Hanns Eisler et Bertolt Brecht et il participe à des réceptions organisées par des diplomates soviétiques à Los Angeles[304]. Dans le contexte politique de « Peur rouge » qui prévaut à l'époque aux États-Unis, de telles activités font que Chaplin est, selon Larcher, considéré comme « dangereusement progressiste et amoral[305],[306],[276] ». Le FBI est déterminé à lui faire quitter le pays[307] et il lance une enquête officielle à son encontre en 1947[308],[n 13].
118
+
119
+ Chaplin nie être un communiste et se présente comme un pacifiste[310],[311],[312],[313] qui estime que les actions du gouvernement américain pour réprimer une idéologie sont une violation inacceptable des libertés publiques[314]. Refusant de se taire sur cette question, il proteste ouvertement contre les procès des membres du parti communiste américain devant le House Un-American Activities Committee (HUAC) et est convoqué par ce dernier[315],[316]. Alors que ses actions sont largement relayées dans la presse et que la guerre froide gagne en intensité, sa non-acquisition de la citoyenneté américaine est critiquée et certains demandent son expulsion[317],[318],[276],[319]. Le représentant du Mississippi John E. Rankin (en) déclare devant le Congrès en juin 1947 : « Sa vie à Hollywood est nuisible au tissu moral des États-Unis. [S'il est expulsé], ses films répugnants pourront être gardés à l'écart des yeux de la jeunesse américaine. Nous devons l'expulser et nous en débarrasser une bonne fois pour toutes[319]. »
120
+
121
+ Même si Chaplin reste politiquement actif dans les années qui suivent l'échec de Monsieur Verdoux[n 14], son film suivant sur un comédien de vaudeville oublié et une jeune ballerine dans le Londres de l'époque édouardienne est dépourvu de toute signification politique. Les Feux de la rampe est largement autobiographique et fait référence à l'enfance de Chaplin, à la vie de ses parents et à sa perte de popularité aux États-Unis[321],[322],[323]. Parmi les acteurs figurent plusieurs membres de sa famille, dont ses enfants les plus âgés et son demi-frère, Wheeler Dryden[324].
122
+
123
+ Après trois ans de préparation, le tournage commence en novembre 1951[325]. Il adopte un ton bien plus sérieux que dans ses précédents films et parle régulièrement de « mélancolie » en expliquant le scénario à sa partenaire Claire Bloom[326]. Le film est également notable pour la présence de Buster Keaton — dont c'est l'unique collaboration avec Chaplin[327].
124
+
125
+ Chaplin décide d'organiser la première mondiale des Feux de la rampe à Londres, vu que le film s'y déroule[328]. Quittant Los Angeles, il indique qu'il s'attend à ne jamais pouvoir revenir, chassé par l'Amérique maccarthyste[329]. À New York, il embarque avec sa famille à bord du paquebot transatlantique HMS Queen Elizabeth le 18 septembre 1952[330]. Le lendemain, le procureur général des États-Unis, James McGranery, révoque le visa de Chaplin et déclare qu'il doit se soumettre à un entretien sur ses opinions politiques et sa moralité pour pouvoir revenir aux ��tats-Unis[330]. Même si McGranery indique à la presse qu'il a « un dossier assez solide contre Chaplin », Maland conclut, en s'appuyant sur les documents du FBI rendus publics dans les années 1980, que le gouvernement américain n'a pas réellement de preuves suffisantes pour empêcher le retour de Chaplin ; il est même probable qu'il aurait obtenu un visa s'il en avait fait la demande[331],[332]. Cependant, quand il reçoit un câblogramme l'informant de cette décision, Chaplin décide de rompre tous ses liens avec les États-Unis :
126
+
127
+ « Que je revienne ou non dans ce triste pays avait peu d'importance pour moi. J'aurais voulu leur dire que plus tôt je serais débarrassé de cette atmosphère haineuse, mieux je serais, que j'étais fatigué des insultes et de l'arrogance morale de l'Amérique[333]. »
128
+
129
+ Comme tous ses biens sont aux États-Unis, Chaplin ne fait aucun commentaire négatif dans la presse[334], mais l'affaire fait sensation[335]. Si Chaplin et son film sont bien accueillis en Europe[330], Les Feux de la rampe sont largement boycottés aux États-Unis malgré des critiques positives[336]. Maland écrit que la chute de Chaplin d'un niveau de popularité inégalé « est peut-être la plus spectaculaire de toute l'histoire de la célébrité aux États-Unis[337] ».
130
+
131
+ Chaplin ne tente pas de revenir aux États-Unis après la révocation de son visa d'entrée et envoie sa femme à Los Angeles pour régler ses affaires[339]. Le couple se décide pour la Suisse et la famille s'installe en janvier 1953 au manoir de Ban, une propriété de 15 hectares surplombant le lac Léman dans la commune de Corsier-sur-Vevey[340]. Chaplin met en vente sa résidence et son studio de Beverly Hills en mars et rend son visa en avril. L'année suivante, sa femme renonce à sa nationalité américaine pour devenir Britannique[341]. Il abandonne ses derniers liens professionnels avec les États-Unis en 1955 quand il vend ses parts dans la United Artists, qui est en difficultés financières depuis le début des années 1940[342],[343],[344].
132
+
133
+ Chaplin reste une figure controversée tout au long des années 1950, en particulier après avoir reçu le prix international de la paix décerné par le Conseil mondial de la paix, d'obédience communiste, et ses rencontres avec le Chinois Zhou Enlai et le Soviétique Nikita Khrouchtchev[345],[343]. Il commence à développer son premier film européen, Un roi à New York, en 1954[346]. Jouant le rôle d'un roi exilé cherchant asile aux États-Unis, Chaplin exploite ses problèmes récents pour écrire le scénario. Son fils, Michael, est présenté comme un garçon dont les parents sont visés par le FBI, tandis que le personnage de Chaplin est accusé d'être un communiste[347]. Cette satire politique parodie les actions de l'HUAC ainsi que le consumérisme de la société américaine des années 1950[348],[349],[350],[351]. Dans sa critique, le dramaturge John Osborne le qualifie comme film le « plus acide… et de plus ouvertement personnel » de Chaplin[352].
134
+
135
+ Chaplin fonde une nouvelle société de production appelée Attica et tourne dans les studios de Shepperton, dans la banlieue de Londres[346]. Ce tournage est difficile car il est habitué à son studio et à ses équipes hollywoodiennes, et ne dispose plus d'une durée de production illimitée. Cela a un impact sur la qualité du film[353],[354], qui reçoit des critiques mitigées à sa sortie en septembre 1957[355],[356],[357]. Chaplin empêche les journalistes américains d'assister à la première à Paris et décide de ne pas diffuser le film aux États-Unis. Cela nuit fortement à son succès commercial, même si le film obtient un succès d'estime en Europe[358]. Un roi à New York n'est présenté aux États-Unis qu'en 1973[359].
136
+
137
+ À partir du milieu des années 1950, Chaplin se concentre sur la resonorisation et la réédition de ses anciens films, ainsi que sur la protection de ses droits d'auteur[360]. La première de ces rééditions est La Revue de Charlot (1959), comprenant de nouvelles versions d'Une vie de chien, de Charlot soldat et du Pèlerin[361].
138
+
139
+ Aux États-Unis, l'atmosphère politique commence à évoluer et l'attention du public se tourne à nouveau vers les films de Chaplin et non plus vers ses opinions[360]. En juillet 1962, le New York Times publie un éditorial indiquant que « nous ne pensons pas que la République serait en danger si l'inoublié petit Charlot d'hier était autorisé à se promener sur la passerelle d'un navire ou d'un avion dans un port américain[362] ». Le même mois, Chaplin reçoit un doctorat honorifique en Lettres des universités d'Oxford et de Durham[363]. En novembre 1963, le Plaza Theater de New York commence une rétrospective des films de Chaplin, dont Monsieur Verdoux et Les Feux de la rampe pour lesquels les critiques sont bien plus positives que dix ans plus tôt[364],[365]. Septembre 1964 voit la publication de ses mémoires, Histoire de ma vie, sur lesquels il travaille depuis 1957[366]. Le livre de 500 pages mettant l'accent sur ses premières années et sa vie privée connaît un succès mondial, même si les critiques pointent le manque d'informations sur sa carrière cinématographique[367],[368].
140
+
141
+ Peu après la publication de ses mémoires, Chaplin commence à travailler sur La Comtesse de Hong-Kong (1967), une comédie romantique basée sur un scénario qu'il a écrit dans les années 1930 pour Paulette Goddard[369]. Située sur un paquebot, l'action met en scène Marlon Brando jouant un ambassadeur américain et Sophia Loren dans le rôle d'une passagère clandestine[369]. Le film diffère des précédentes productions de Chaplin sur plusieurs points : il est le premier à employer le technicolor et la résolution écran large, tandis que Chaplin se concentre sur la réalisation et n’apparaît à l'écran que dans le rôle mineur d'un steward malade[370]. Il signe également un contrat avec le studio Universal Pictures pour le distribuer[371]. La Comtesse de Hong-Kong reçoit des critiques négatives à sa sortie en janvier 1967 et est un échec commercial[372],[373],[374]. Chaplin est profondément affecté par ce revers et ce film est son dernier[372].
142
+
143
+ Chaplin est victime de plusieurs AVC mineurs à la fin des années 1950 et cela marque le début d'un lent déclin de sa santé[375]. Malgré ces difficultés, il se met rapidement à écrire le scénario de son nouveau projet de film, The Freak, sur une jeune fille ailée découverte en Amérique du Sud, projet destiné à lancer la carrière de sa fille, Victoria Chaplin[375]. Sa santé fragile l'empêche néanmoins de mener à bien ce projet[376], et au début des années 1970 Chaplin se concentre plutôt sur la réédition de ses anciens films, dont Le Kid et Le Cirque[377]. En 1971, il est fait commandeur de l'Ordre national de la Légion d'honneur lors du festival de Cannes[378] et l'année suivante il reçoit un Lion d'or pour sa carrière durant la mostra de Venise[379].
144
+
145
+ En 1972, l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences lui décerne un Oscar d'honneur, ce que Robinson considère comme le premier signe que les États-Unis « voulaient se faire pardonner ». Chaplin hésite à l'accepter, puis décide de se rendre à Los Angeles pour la première fois en vingt ans[378]. La visite est l'objet d'une large couverture médiatique, et lors de la remise de la récompense il reçoit une ovation de douze minutes, la plus longue de toute l'histoire des Oscars[380],[381]. Visiblement ému, Chaplin accepte la statuette rendant hommage « à l'effet incalculable qu'il a eu en faisant des films de cinéma la forme d'art de ce siècle[382] ».
146
+
147
+ Même si Chaplin a encore des projets de film, sa santé devient très fragile dans le milieu des années 1970[383]. Plusieurs AVC affectent son élocution et il doit utiliser un fauteuil roulant[384],[385]. Parmi ses dernières réalisations figurent la création d'une autobiographie en images, My Life in Pictures (1974) et la resonorisation de L'Opinion publique en 1976[386]. Il apparaît également dans un documentaire sur sa vie, The Gentleman Tramp (1975), réalisé par Richard Patterson[387]. En 1975, la reine Élisabeth II le fait chevalier[386],[n 15].
148
+
149
+ En octobre 1977, la santé de Chaplin s'est détériorée au point qu'il demande une attention de tous les instants[389]. Il meurt d'un AVC dans son sommeil le matin du 25 décembre 1977, à l'âge de 88 ans[385]. Selon ses dernières volontés, une petite cérémonie funéraire anglicane est organisée le 27 décembre et il est inhumé dans le cimetière de Corsier-sur-Vevey[389]. Parmi les hommages du monde du cinéma, le réalisateur René Clair écrit « il était un monument du cinéma[390] » et l'acteur Bob Hope déclara : « nous avons eu de la chance de vivre à son époque[391] ».
150
+
151
+ Le 1er mars 1978, le cercueil de Chaplin est exhumé et volé par deux mécaniciens automobiles[392], un Polonais, Roman Wardas, et un Bulgare, Gantcho Ganev. Leur but est d'extorquer une rançon de cent mille francs suisses à Oona Chaplin afin de pouvoir ouvrir plus tard un garage automobile. Ils sont arrêtés lors d'une vaste opération de police le 17 mai 1978 et le cercueil est retrouvé enterré dans un champ de maïs près du village voisin de Noville. Il est réenterré dans le cimetière de Corsier-sur-Vevey et un caveau en béton armé est ajouté pour empêcher tout nouvel incident[393],[394].
152
+
153
+ Chaplin considérait que sa première inspiration était sa mère qui l'amusait, alors qu'il était enfant, en s'asseyant à la fenêtre et en imitant les passants : « C'est grâce à elle que j'ai appris non seulement à exprimer des émotions avec mes mains et mon visage mais également à observer et à étudier les gens[395] ». Les premières années de Chaplin dans le music-hall lui permettent d'observer le travail des comédiens ; il assiste également aux spectacles de mime de Noël au théâtre de Drury Lane, où il étudie l'art de la frivolité avec des artistes comme Dan Leno[396],[397],[398]. Ses années dans la compagnie de Fred Karno ont un effet formateur sur sa carrière d'acteur et de réalisateur. Il y apprend à associer le tragique avec la comédie et à utiliser des éléments absurdes qui devinrent récurrents dans ses œuvres[399]. Dans l'industrie cinématographique, Chaplin s'appuie sur les œuvres du comédien français Max Linder, qu'il admire[400],[401],[402]. En développant le costume et le jeu de Charlot, il s'inspire probablement de la scène de vaudeville américaine où les personnages de vagabond étaient courants[403].
154
+
155
+ Tout au long de sa carrière, Chaplin parle assez peu de ses techniques de réalisation et compare cela à dévoiler ses secrets pour un magicien[404]. On sait donc peu de chose sur ses manières de travailler[405], mais elles ont été étudiées par Kevin Brownlow et David Gill et savamment exposées dans la série documentaire Unknown Chaplin (1983)[406],[407].
156
+
157
+ Avant de réaliser des films parlants avec Le Dictateur, Chaplin ne commence jamais un tournage avec un scénario achevé[408]. Pour ses premiers films, il n'a qu'une vague idée de départ comme « Charlot se rend dans une station thermale » ou « Charlot travaille comme prêteur sur gage[409] ». Il fait ensuite réaliser les décors et travaille avec les autres acteurs pour improviser des effets comiques tout en affinant le scénario tout au long de la production[406],[407]. Alors que les idées sont acceptées ou rejetées, une structure narrative émerge et Chaplin est souvent obligé de retourner des scènes qui vont à l'encontre de l'histoire[410],[411],[412]. À partir de L'Opinion publique, Chaplin commence à réaliser le tournage à partir d'un scénario préétabli[413], mais tous ses films, jusqu'aux Temps modernes, continuent à subir des modifications jusqu'à atteindre leur forme finale[414].
158
+
159
+ En réalisant des films de cette manière, Chaplin a besoin de plus de temps que tout autre réalisateur de l'époque[415]. S'il est à court d'idées, il s'éloigne alors du studio pendant plusieurs jours, tout en maintenant ses équipes prêtes dès que l'inspiration revient[416],[417]. Le processus de réalisation est également ralenti par son perfectionnisme[418],[419]. Selon son ami et réalisateur britannique Ivor Montagu, « rien d'autre que la perfection n'était suffisant » pour lui[420]. Comme il finance personnellement ses films, Chaplin a toute liberté pour atteindre cet objectif et réaliser autant de prises que nécessaire[421],[420]. Leur nombre est ainsi souvent excessif ; chaque prise terminée pour Le Kid en avait nécessité 53[422],[423] tandis que pour réaliser les 20 minutes de L'Émigrant, il utilisa plus de 12 000 m de pellicule, une longueur suffisante pour faire un long-métrage[424],[425].
160
+
161
+ Décrivant ses méthodes de production comme de la « pure détermination jusqu'au bord de la folie[426] », Chaplin est généralement complètement épuisé par les tournages[427],[428]. Même dans ses dernières années, son travail « avait la priorité sur tout et tout le monde[429] ». Le mélange d'improvisation et de perfectionnisme qui se traduit par des jours d'efforts et des milliers de mètres de pellicule gâchés, se révèle éprouvant pour Chaplin, ce qui peut le mener à se déchaîner contre ses acteurs et ses équipes[430],[431],[127].
162
+
163
+ Chaplin a exercé un contrôle complet sur ses œuvres[404], au point de mimer les autres rôles pour que ses acteurs l'imitent exactement[432],[433],[434]. Il a effectué personnellement le montage de tous ses films en fouillant dans les grandes quantités de pellicules pour créer le film voulu[435]. Chaplin a néanmoins reçu l'aide d'autres artistes, dont son ami et directeur de la photographie Roland Totheroh, son frère Sydney Chaplin et divers assistants réalisateurs, comme Harry Crocker, Dan James et Charles Reisner[436].
164
+
165
+ Si le style comique de Chaplin est généralement qualifié de slapstick[437], il est considéré comme retenu et intelligent[438], et l'historien de cinéma Philip Kemp décrit son travail comme un mélange de « comédie physique gracieuse et de comique de situation bien réfléchi[174] ». Chaplin s'est éloigné du slapstick traditionnel en ralentissant le rythme de l'action et en se concentrant sur la relation du spectateur avec les personnages[76],[439]. Les effets comiques dans les films de Chaplin sont centrés sur la réaction de Charlot aux choses qui lui arrivent : l'humour ne vient pas du fait que Charlot rentre dans un arbre, mais qu'il soulève son chapeau pour s'excuser[76]. Son biographe Dan Kamin écrit que les « manières excentriques » de Chaplin et son « comportement sérieux au cœur du slapstick » sont d'autres aspects centraux de son style comique[440].
166
+
167
+ Les films muets de Chaplin suivent généralement les efforts de Charlot pour survivre dans un monde hostile[441]. Même s'il vit dans la pauvreté et est fréquemment maltraité, il reste gentil et optimiste[174],[442],[443] ; défiant sa position sociale, il s'efforce d'être vu comme un gentleman[444]. Charlot s'oppose aux figures de l'autorité[445] et « donne autant qu'il reçoit[446] », ce qui poussa Robinson et Louvish à voir en lui un représentant des défavorisés : « Un Monsieur Tout-le-monde devenant un sauveur héroïque[447],[448] ». Hansmeyer note que plusieurs des films de Chaplin se terminent avec « Charlot démuni et seul [marchant] avec optimisme… vers le soleil couchant… pour poursuivre son voyage[443] ».
168
+
169
+ L'emploi du pathos est un aspect bien connu de l'œuvre de Chaplin[449],[450] et Larcher note sa capacité à « [provoquer] les rires et les larmes[305] ». Chaplin s'appuie parfois sur des événements tragiques pour ses films comme dans La Ruée vers l'or, qui est inspirée par le destin malheureux de l'expédition Donner[451]. Différents thèmes sont représentés dans ses premières comédies comme l'avarice (La Ruée vers l'or), l'abandon (Le Kid)[452] et des sujets plus controversés comme l'immigration (L'Émigrant) ou la drogue (Charlot policeman)[439].
170
+
171
+ Les commentaires sociaux sont également importants dans ses premiers films, car il représente les démunis sous un jour positif et souligne leurs difficultés[453]. Par la suite, il développe un grand intérêt pour l'économie et se sent obligé de faire partager ses opinions dans ses films[454],[243]. Les Temps modernes illustre les conditions de travail difficiles des ouvriers de l'industrie, Le Dictateur parodie Hitler et Mussolini et se termine par un discours contre le nationalisme, Monsieur Verdoux critique la guerre et le nationalisme tandis qu'Un roi à New York attaque le maccarthysme[455].
172
+
173
+ Chaplin intègre plusieurs éléments autobiographiques dans ses films et le psychologue Sigmund Freud considère qu'il « se représent[e] toujours comme il était dans sa triste enfance[456] ». Il est généralement admis que Le Kid reflète le traumatisme qu'il a subi dans un orphelinat[456], tandis que le personnage principal des Feux de la rampe fait référence à la vie de ses parents[457] et que Un roi à New York renvoie à son expulsion des États-Unis[350]. Sa relation difficile avec sa mère souffrant de troubles mentaux est souvent reflétée dans les personnages féminins de ses films et par le désir de Charlot de les sauver[456].
174
+
175
+ En ce qui concerne la structure de ses films, l'historien du cinéma Gerald Mast les voit comme une série de sketchs reliés par une même trame plutôt que comme une suite ordonnée par un scénario précis[458]. Visuellement, ils sont simples et économiques[459],[460], avec des scènes jouées comme au théâtre[461],[439],[462]. Dans son autobiographie, Chaplin écrit que « la simplicité est préférable… les effets pompeux ralentissent l'action, sont ennuyeux et désagréables… La caméra ne doit pas faire irruption[463] ». Cette approche n'a pas fait l'unanimité et elle est qualifiée de démodée depuis les années 1940[464],[459],[465], tandis que l'historien du cinéma Donald McCaffrey y voit une indication que Chaplin n'a jamais complètement compris le média cinématographique[466]. Kamin avance néanmoins que le talent comique de Chaplin n'aurait jamais été suffisant pour qu'il reste drôle à l'écran s'il n'avait pas eu « la capacité de concevoir et de diriger des scènes spécifiquement pour le cinéma[467] ».
176
+
177
+ Chaplin développe dès l'enfance une passion pour la musique et apprend seul à jouer du piano, du violon et du violoncelle[468],[469]. Il considère que l'accompagnement musical fait partie intégrante du film[195] et à partir de L'Opinion publique il consacre beaucoup de temps à ce domaine[468]. Il compose lui-même la bande-son des Lumières de la ville et fait de même pour tous ses films suivants ; à partir de la fin des années 1950 et jusqu'à sa mort, il resonorise tous ses anciens courts-métrages silencieux[470].
178
+
179
+ Comme il n'a reçu aucune éducation musicale, Chaplin n'a jamais su lire ou écrire des partitions. Il fait donc appel à des compositeurs professionnels comme David Raksin, Raymond Rasch et Eric James pour mettre en forme ses idées. Certains critiques ont ainsi avancé que la musique de ses films devait être attribuée aux compositeurs ayant travaillé avec lui ; Raksin, qui participe à la mise en musique des Temps Modernes, a néanmoins souligné le rôle créatif et moteur de Chaplin dans le processus de composition[471]. Au début de ce travail, qui peut durer des mois, Chaplin décrit exactement ce qu'il veut aux compositeurs et joue les éléments qu'il a improvisés au piano[471]. Ces mélodies sont ensuite développées en étroite collaboration[471]. Pour l'historien du cinéma Jeffrey Vance, « même s'il s'appuyait sur ses associés pour mettre en forme des instrumentations complexes, les consignes musicales étaient les siennes, et pas une note n'était placée sans son accord[470] ».
180
+
181
+ Les compositions de Chaplin donnent lieu à trois chansons populaires. Smile, composée pour Les Temps modernes, est par la suite mise en paroles par John Turner et Geoffrey Parsons, puis interprétée par Nat King Cole en 1954[470]. Pour Les Feux de la rampe, Chaplin compose Terry's Theme, qui est popularisée par Jimmy Young sous le titre Eternally en 1952[472]. Enfin, la chanson This Is My Song, chantée par Petula Clark pour La Comtesse de Hong-Kong, connaît un grand succès commercial et atteint la première place du palmarès britannique en 1967[473]. En dehors de ses deux récompenses d'honneur, le seul Oscar que Chaplin remporte est celui de la meilleure musique de film à l'occasion de la réédition des Feux de la rampe en 1973[470],[n 16].
182
+
183
+ À l'occasion de la publication de son autobiographie, Chaplin a établi sa filmographie, qui se compose alors de 80 films (La Comtesse de Hong-Kong, réalisé trois ans plus tard, s'y est par la suite ajouté). En 2010, une copie de La Course au voleur, réalisé en 1914 et jusqu'alors considéré comme perdu, est découverte chez un antiquaire du Michigan, portant ainsi sa filmographie à 82 films[475].
184
+
185
+ Les films de Chaplin, jusqu'au Cirque inclus, sont muets, même si certains ont été réédités avec des bandes-son. Les Lumières de la ville et Les Temps modernes sont muets, mais intègrent des bandes-son composées de musique, de bruitages et de séquences parlées pour le second. Les cinq derniers films de Chaplin sont parlants. Hormis La Comtesse de Hong-Kong, tous les films de Chaplin sont tournés en format 35 mm, noir et blanc.
186
+
187
+ En français, Jacques Dumesnil double Chaplin dans Monsieur Verdoux, Les Feux de la rampe et Un roi à New York. Chaplin est également doublé par Henri Virlogeux dans la version sonorisée de 1942 de La Ruée vers l'or, en 1968 par Roger Carel dans Le Dictateur et par Jean-Henri Chambois dans La Comtesse de Hong-Kong.
188
+
189
+ Longs métrages :
190
+
191
+ Chaplin a reçu de nombreuses récompenses et distinctions, particulièrement à la fin de sa vie. En 1962, les universités de Durham et d'Oxford lui décernent un diplôme honorifique de docteur ès Lettres[363]. En 1965, il partage le prix Érasme avec Ingmar Bergman[476], et en 1971, il est fait commandeur de l'Ordre national de la Légion d'honneur par le gouvernement français[477]. En 1975, il est anobli par la reine Élisabeth II et fait chevalier commandeur de l'Ordre de l'Empire britannique, devenant « sir Charles Chaplin »[478].
192
+
193
+ L'industrie cinématographique le récompense avec un Lion d'or spécial à la Mostra de Venise 1972[479], ainsi qu'une étoile sur le Walk of Fame d'Hollywood en 1970 (cette inscription lui est auparavant refusée en raison de ses opinions politiques[480]).
194
+
195
+ Chaplin reçoit au total trois Oscars : un premier Oscar d'honneur en 1929 « pour sa polyvalence et son génie à jouer, écrire, mettre en scène et produire Le Cirque[196] », un second en 1972 « pour l'effet incalculable qu'il a eu en faisant des films de cinéma la forme d'art de ce siècle[382] » et un troisième en 1973 pour la meilleure musique originale (conjointement avec Ray Rasch et Larry Russell), pour Les Feux de la Rampe[470]. Il est également nommé dans les catégories du meilleur acteur, du meilleur film et du meilleur scénario pour Le Dictateur, ainsi que dans celle du meilleur scénario pour Monsieur Verdoux[481].
196
+
197
+ Six des films de Chaplin ont été sélectionnés pour être préservés dans le National Film Registry de la Bibliothèque du Congrès américaine : L'Émigrant (1917), Le Kid (1921), La Ruée vers l'or (1925), Les Lumières de la ville (1931), Les Temps modernes (1936) et Le Dictateur (1940)[482].
198
+
199
+ En 1998, le critique Andrew Sarris écrivit que Chaplin est « sans doute le plus grand artiste que le cinéma ait créé, certainement son interprète le plus extraordinaire et probablement encore son icône la plus universelle »[483]. Il est décrit par le British Film Institute comme « une figure tutélaire de la culture mondiale[484] », et le magazine Time le lista parmi les 100 personnes les plus importantes du XXe siècle pour « les rires [qu'il a apportés] à des millions de personnes » et parce qu'il a « plus ou moins inventé la célébrité mondiale et aidé à transformer une industrie en un art »[485].
200
+
201
+ L'historien du cinéma Christian Hansmeyer a noté que l'image de Charlot fait partie de l'histoire culturelle[486] ; selon Simon Louvish, ce personnage est connu même dans les endroits où ses films n'ont jamais été projetés[487]. Le critique Richard Schickel suggère que les films de Chaplin avec Charlot présentent « les expressions comiques de l'esprit humain les plus éloquentes et les plus riches » de l'histoire du cinéma[488]. Les objets associés au personnage continuent de fasciner le public et en 2006, un chapeau melon et une canne en bambou ayant appartenu à Chaplin sont achetés 140 000 dollars lors d'une vente aux enchères à Los Angeles[489].
202
+
203
+ En tant que réalisateur, Chaplin est considéré comme un pionnier et l'une des figures les plus influentes du début du XXe siècle[490],[491],[486],[483]. L'historien du cinéma Mark Cousins a écrit que Chaplin « a changé non seulement l'imagerie du cinéma mais également sa sociologie et sa grammaire » et avance qu'il joua un rôle important dans l'établissement de la comédie en tant que genre, parallèlement à ce qu'avait fait D. W. Griffith pour le drame[492]. Il est le premier à populariser les longs-métrages comiques et à ralentir le rythme de l'action pour y ajouter de la finesse et du pathos[493],[494]. Pour Robinson, les innovations de Chaplin sont « rapidement assimilées et deviennent les pratiques de base de la réalisation cinématographique »[495]. Federico Fellini (qui définit Chaplin comme « une sorte d'Adam duquel nous sommes tous issus »[391]), Jacques Tati (« sans lui, je n'aurais jamais fait un film »[391]), René Clair (« il a inspiré pratiquement tous les réalisateurs »[390]), Michael Powell[496], Billy Wilder[497] et Richard Attenborough[498] figurent parmi les réalisateurs ayant affirmé avoir été influencés par Chaplin.
204
+
205
+ Chaplin inspire également les poètes avant-gardistes du XXe siècle[499], mais aussi de futurs comédiens, comme Marcel Marceau, qui a indiqué s'être décidé à devenir mime après l'avoir vu[494], ou Raj Kapoor, qui base son jeu sur celui de Charlot[497]. Mark Cousins a également identifié le style comique de Chaplin chez les personnages français de Monsieur Hulot et italien de Totò[497], sans oublier qu'il a également influencé des personnages de dessin animé comme Félix le Chat[500] ou Mickey Mouse[501]. En tant que membre fondateur de la United Artists, Chaplin a un rôle important dans le développement de l'industrie cinématographique. Gerald Mast a noté que même si cette société n'a rivalisé jamais avec la MGM ou la Paramount, l'idée que des réalisateurs puissent produire leurs propres films était « très en avance sur son temps »[502].
206
+
207
+ À l'occasion de l'exposition universelle de Bruxelles, en 1958, un jury international de 117 critiques a établi un classement des meilleurs films de tous les temps : La Ruée vers l'or (1925) est classé deuxième derrière Le Cuirassé Potemkine de Sergueï Eisenstein (1925) et devant Le Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica (1948). Plusieurs des films de Chaplin restent encore aujourd'hui considérés comme parmi les plus grands jamais réalisés. Le palmarès 2012 de la revue britannique Sight and Sound, mené auprès de critiques de cinéma sur les meilleurs films de l'histoire, liste respectivement Les Lumières de la ville, Les Temps modernes, Le Dictateur et La Ruée vers l'or aux 50e, 63e, 144e et 154e places[503] ; la même étude réalisée auprès de réalisateurs situe Les Temps modernes à la 22e place, Les Lumières de la ville à la 30e et La Ruée vers l'or à la 91e[504]. En 2007, l'American Film Institute nomme Les Lumières de la ville le 11e plus grand film américain de tous les temps, tandis que La Ruée vers l'or et Les Temps modernes figurent dans le top 100[505].
208
+
209
+ En avril 2016, le manoir de Ban à Corsier-sur-Vevey en Suisse, où il a passé les vingt-cinq dernières années de son existence, est devenu un musée consacré à sa vie et son œuvre. Le musée, appelé « Chaplin's World »[506], est le fruit d'un partenariat entre la Compagnie des Alpes (CDA), Genii Capital et Chaplin Museum Development (CMD)[507]. La commune de Corsier-sur-Vevey a donné son nom à un parc et une stèle y rappelle la mémoire de l'illustre résident.
210
+
211
+ La ville voisine de Vevey a nommé en son honneur un square[508] sur le quai Perdonnet, au bord du lac Léman, et y a édifié en 1982 une statue de Chaplin, œuvre du sculpteur britannique John Doubleday[509]. Au nord de la ville, à quelques centaines de mètres du Manoir de Ban, deux immeubles de 14 étages ont été décorés de fresques évoquant la carrière de l'artiste[510].
212
+
213
+ La ville irlandaise de Waterville, où Chaplin passa plusieurs étés en famille dans les années 1960, accueille chaque année depuis 2011 le Charlie Chaplin Comedy Film Festival destiné à honorer l'héritage du comédien et à découvrir de nouveaux talents[511]. Parmi les autres hommages, une planète mineure, (3623) Chaplin, a été nommée en son honneur en 1981 par l'astronome soviétique Lioudmila Karatchkina[512] et de très nombreux pays ont émis des timbres portant son effigie[513].
214
+
215
+ L'héritage de Chaplin est géré par l'Association Chaplin, fondée par plusieurs de ses enfants, et qui possède les droits d'auteur sur son image, son nom et sur la plupart des films réalisés après 1918[514]. La Cinémathèque de Bologne, en Italie, abrite les principales archives de l'Association, dont des images, des manuscrits et des lettres[515]. Plus de 10 000 photographies sur sa vie et sa carrière sont également entreposées au Musée de l'Élysée à Lausanne, en Suisse[516]. Au Royaume-Uni, le Cinema Museum au sud de Londres est considéré comme « la chose la plus proche d'un musée Chaplin que la Grande-Bretagne possède » par la famille de Charlie Chaplin[517]. La British Film Institute a fondé la Charles Chaplin Research Foundation, qui a organisé la première conférence internationale sur le cinéaste à Londres, en juillet 2005[518].
216
+
217
+ Chaplin a fait l'objet d'un film biographique réalisé par Richard Attenborough, Chaplin, en 1992 ; il y est personnifié par Robert Downey Jr., qui est nommé à l'Oscar du meilleur acteur et remporta le BAFTA du meilleur acteur[519]. Il est également joué par Eddie Izzard dans le film Un parfum de meurtre (2001)[520]. Une série télévisée sur l'enfance de Chaplin, Young Charlie Chaplin, est diffusée par PBS en 1989 et est nommée pour l'Emmy Award de meilleur programme pour enfants[521].
218
+
219
+ Le film La Rançon de la gloire de Xavier Beauvois, sorti en 2014 avec Benoît Poelvoorde et Roschdy Zem, s'inspire très librement du vol de la dépouille de Charlie Chaplin en 1978[522].
220
+
221
+ Bernard Swysen raconte sa vie en bande dessinée intitulée Charlie Chaplin, les étoiles de l’histoire, dessinée par Bruno Bazile et parue en octobre 2019[523].
222
+
223
+ Sur les autres projets Wikimedia :
224
+
fr/975.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,207 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ modifier - modifier le code - modifier Wikidata
4
+
5
+ Charles Darwin [tʃɑːlz ˈdɑːwɪn][1], né le 12 février 1809 à Shrewsbury dans le Shropshire et mort le 19 avril 1882 à Downe dans le Kent, est un naturaliste et paléontologue anglais dont les travaux sur l'évolution des espèces vivantes ont révolutionné la biologie avec son ouvrage L'Origine des espèces paru en 1859. Célèbre au sein de la communauté scientifique de son époque pour son travail sur le terrain et ses recherches en géologie, il a adopté l'hypothèse émise 50 ans auparavant par le Français Jean-Baptiste de Lamarck selon laquelle toutes les espèces vivantes ont évolué au cours du temps à partir d'un seul ou quelques ancêtres communs et il a soutenu avec Alfred Wallace que cette évolution était due au processus dit de la « sélection naturelle ».
6
+
7
+ Darwin a vu de son vivant la théorie de l'évolution acceptée par la communauté scientifique et le grand public, alors que sa théorie sur la sélection naturelle a dû attendre les années 1930 pour être généralement considérée comme l'explication essentielle du processus d'évolution. Au XXIe siècle, elle constitue en effet la base de la théorie moderne de l'évolution. Sous une forme modifiée, la découverte scientifique de Darwin reste le fondement de la biologie, car elle explique de façon logique et unifiée la diversité de la vie[2].
8
+
9
+ L'intérêt de Darwin pour l'histoire naturelle lui vint alors qu'il avait commencé à étudier la médecine à l'université d'Édimbourg, puis la théologie à Cambridge[3]. Son voyage de cinq ans à bord du Beagle l'établit dans un premier temps comme un géologue dont les observations et les théories soutenaient les théories actualistes de Charles Lyell. La publication de son journal de voyage le rendit célèbre. Intrigué par la distribution géographique de la faune sauvage et des fossiles dont il avait recueilli des spécimens au cours de son voyage, il étudia la transformation des espèces et en conçut sa théorie sur la sélection naturelle en 1838. Il fut fortement influencé par les théories de Georges-Louis Leclerc de Buffon.
10
+
11
+ Ayant constaté que d'autres avaient été qualifiés d'hérétiques pour avoir avancé des idées analogues, il ne se confia qu'à ses amis les plus intimes et continua à développer ses recherches pour prévenir les objections qui immanquablement lui seraient faites[A 1]. En 1858, Alfred Russel Wallace lui fit parvenir un essai qui décrivait une théorie semblable, ce qui les amena à faire connaître leurs théories dans une présentation commune[4]. Son livre de 1859, L'Origine des espèces, fit de l'évolution à partir d'une ascendance commune l'explication scientifique dominante de la diversification des espèces naturelles. Il examina l'évolution humaine et la sélection sexuelle dans La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe, suivi par L'Expression des émotions chez l'homme et les animaux. Ses recherches sur les plantes furent publiées dans une série de livres et, dans son dernier ouvrage[5], il étudiait les lombrics et leur action sur le sol[6].
12
+
13
+ Charles Darwin est né dans la maison familiale, dite « maison Mount »[7]. Il est le cinquième d’une fratrie de six enfants d’un médecin et financier prospère, Robert Darwin (1766-1848), et de Susannah Darwin (née Wedgwood) (1765-1817). Il est le petit-fils du célèbre naturaliste et poète Erasmus Darwin (1731-1802)[B 1] du côté paternel et de Josiah Wedgwood (1730-1795), du côté de sa mère. Chacune des deux familles est de confession unitarienne, bien que les Wedgwood aient adopté l’anglicanisme. Robert Darwin, plutôt libre-penseur, accepte que son fils Charles soit baptisé à l’église anglicane. Néanmoins, les enfants Darwin fréquentent avec leur mère la chapelle unitarienne. Le prêcheur de celle-ci devient le maître d’école de Charles en 1817. En juillet de la même année, Susannah Darwin décède alors que Charles n'a que huit ans. En septembre 1818, il entre au pensionnat de l’école anglicane voisine, l'école de Shrewsbury[A 2]. Aimant peu les matières théoriques scolaires, il préfère galoper à cheval dans la campagne avec son chien, chasser, herboriser, collecter des animaux et des pierres[8].
14
+
15
+ Darwin passe l’été de 1825 comme apprenti médecin auprès de son père qui soigne les pauvres du Shropshire. À l’automne de la même année, il part en Écosse, à l’université d'Édimbourg pour y étudier la médecine, mais il est révolté par la brutalité de la chirurgie et néglige ses études médicales. Il apprend la taxidermie auprès de John Edmonstone, un esclave noir libéré, qui lui raconte des histoires fascinantes sur les forêts tropicales humides d’Amérique du Sud. Plus tard, dans La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe, il se sert de cette expérience pour souligner que, malgré de superficielles différences d’apparence, « les Nègres et les Européens » sont très proches[K 1].
16
+
17
+ Durant sa seconde année, Charles Darwin rejoint la Société plinienne (ainsi nommée en hommage à Pline l'Ancien considéré comme le premier naturaliste), un groupe d’étudiants spécialement intéressés par l’histoire naturelle[C 1] et au sein de laquelle il fait quelques allocutions[9]. Il devient un élève de Robert Edmond Grant, partisan de la théorie de l’évolution du naturaliste français Jean-Baptiste de Lamarck, tout comme son grand-père Erasmus Darwin l'avait été. Sur les rivages du Firth of Forth, Charles participe aux recherches de Grant sur les cycles vitaux des animaux marins. Ces recherches portent sur l’homologie, théorie selon laquelle tous les animaux ont des organes similaires ne différant que par leur complexité, ce qui indique leur ascendance commune[A 3]. En mars 1827, Darwin fait un exposé devant ses camarades pliniens sur sa propre découverte : les spores noires souvent trouvées dans des coquilles d’huîtres sont selon lui les œufs d’une sangsue[C 2]. Il suit également les cours de Robert Jameson, s’initie à la stratigraphie géologique, à la classification des plantes et utilise les riches collections du muséum de l'université, l’un des plus riches d’Europe de son temps[A 4].
18
+
19
+ En 1827, son père, insatisfait par l’absence de progrès de son jeune fils, l’inscrit pour obtenir un Bachelor of Arts au Christ's College de Cambridge. Il s’agit de lui donner un diplôme de théologie, dans l'espoir que Charles devienne pasteur anglican[A 5]. Néanmoins, Darwin aime mieux monter à cheval et chasser que se consacrer à ses études[L 1]. Avec son cousin William Darwin Fox, il commence à se passionner pour la collection des coléoptères[L 2]. Fox lui fait rencontrer le révérend John Stevens Henslow, professeur de botanique et grand connaisseur de ces insectes. Darwin rejoint alors les cours d’histoire naturelle d’Henslow et devient son élève préféré. Il est alors connu des autres professeurs comme « l’homme qui marche avec Henslow »[A 6],[L 3]. Quand les examens se rapprochent, Darwin se concentre sur ses études et reçoit des cours privés d’Henslow. Le jeune homme est particulièrement enthousiaste au sujet des écrits de William Paley, dont la Théologie naturelle (1802) et la conception divine de la nature le fascinent[L 4].
20
+
21
+ « Pour passer l’examen de bachelier, il était également nécessaire de posséder les Évidences du christianisme de Paley et sa Philosophie morale. J’y mis un grand soin, et je suis convaincu que j’aurais pu transcrire la totalité des Évidences avec une correction parfaite, mais non, bien sûr dans la langue de Paley. La logique de ce livre, et je puis ajouter, de sa Théologie naturelle, me procura autant de plaisir qu’Euclide. L’étude attentive de ces ouvrages, sans rien essayer d’apprendre par cœur, fut la seule partie du cursus académique qui, comme je le sentais alors et comme je la crois encore, se révéla de quelque utilité pour l’éducation de mon esprit. Je ne me préoccupais pas à cette époque des prémisses de Paley ; m’y fiant d’emblée, j’étais charmé et convaincu par la longue chaîne de son argumentation. »
22
+
23
+ — Autobiographie, p. 16
24
+
25
+ Von Sydow a avancé l'idée que l’enthousiasme de Darwin pour l’« adaptationisme » religieux de Paley a paradoxalement joué un rôle, plus tard, lors de la formulation de sa théorie de la sélection naturelle[10]. Il passe ses examens en janvier 1831 et, s’il réussit bien en théologie, il remporte de justesse les épreuves de littérature classique, de mathématiques et de physique, arrivant dixième sur une liste de 178 élèves reçus[C 3].
26
+
27
+ Les obligations universitaires obligent Darwin à rester à Cambridge jusqu’en juin. Suivant les conseils d’Henslow, il ne hâte pas son entrée dans les Ordres. Inspiré par le journal de voyage du naturaliste allemand Alexander von Humboldt, il organise un voyage dans l’île de Tenerife avec quelques camarades d’études eux-mêmes fraîchement diplômés, afin d’étudier l’histoire naturelle des tropiques. Pour mieux se préparer, Darwin rejoint les cours de géologie du révérend Adam Sedgwick et, durant l’été, l’assiste à la réalisation d'une carte géologique dans le pays de Galles[C 4]. Après avoir passé une quinzaine de jours avec des amis étudiants à Barmouth, Darwin retourne chez lui et découvre une lettre d’Henslow qui le recommande comme naturaliste approprié (même si sa formation n’est pas complète) pour un poste non payé auprès de Robert FitzRoy, capitaine de l’HMS Beagle, lequel part quatre semaines plus tard pour faire la cartographie de la côte de l’Amérique du Sud. Son père s’oppose d’abord à ce voyage de deux ans qu’il considère comme une perte de temps, mais il est finalement convaincu par son beau-frère, Josiah Wedgwood II, et finit par donner son accord à la participation de son fils[A 7].
28
+
29
+ Sur les cinq années de l'expédition du Beagle (1831-1836), Darwin passe les deux tiers du temps à terre. Il fait un grand nombre d'observations géologiques, récolte des organismes vivants ou fossiles, et conserve avec méthode une riche collection de spécimens, bon nombre d'entre eux étant nouveaux pour la science[11]. À plusieurs reprises durant le voyage, il envoie des spécimens à Cambridge, accompagnés de lettres sur ses découvertes. Cela va contribuer à établir sa réputation de naturaliste. Ses longues notes détaillées montrent sa capacité à théoriser et forment la base de ses travaux ultérieurs. Le journal qu’il tient alors, à l’origine destiné à sa famille, est publié sous le titre The Voyage of the Beagle (Le Voyage du Beagle). Il y récapitule ses observations, et fournit des informations sociales, politiques et anthropologiques sur un grand nombre de personnes qu’il rencontre, coloniaux comme indigènes[A 8].
30
+
31
+ Avant le départ, Robert FitzRoy[12],[C 5] avait donné à Darwin le premier volume des Principles of Geology de Sir Charles Lyell qui explique les reliefs terrestres par l’accumulation de processus graduels sur de très longues périodes de temps. À leur première escale à l’île de Santiago au Cap-Vert, Darwin observe une bande blanche en altitude dans des falaises volcaniques, bande composée de fragments de coraux et de coquillages cuits. Cette observation, conforme au principe de Lyell sur la lente montée ou descente des reliefs, ouvre à Darwin une nouvelle perspective sur l'histoire géologique de l'île, et lui donne l'idée d'écrire un livre sur la géologie[C 6]. Cette découverte sera suivie par d’autres encore plus décisives[11]. Il observe que les plaines de Patagonie sont constituées de galets et de coquillages, comme des plages surélevées ; par ailleurs, après un tremblement de terre au Chili, il remarque des bancs de moules au-dessus du niveau des pleines mers, ce qui indique que le niveau de la terre a été récemment surélevé. En altitude, dans les Andes, il observe que des arbres fossiles se sont développés sur une plage de sable, à proximité de coquillages marins. Enfin, il émet la théorie selon laquelle les atolls coralliens se forment sur des cônes volcaniques en cours de submersion, ce qu'il confirme après que le Beagle est passé dans les îles Cocos[A 9],[L 5],[O 1].
32
+
33
+ En Amérique du Sud, Darwin découvre des fossiles de mammifères géants éteints inclus dans des couches de coquillages marins récents, ce qui indique une extinction récente sans pour autant révéler de traces de catastrophe ou de changement climatique. Bien qu’il identifie correctement l’un de ces fossiles à un Megatherium et qu’il reconnaisse des fragments de carapace de tatou local, il estime que ces restes sont reliés à des espèces africaines ou européennes ; c’est seulement après son retour que Sir Richard Owen démontre que ces restes sont en réalité proches de créatures ne vivant qu'en Amérique[C 7],[13],[A 10].
34
+
35
+ Le deuxième volume de l’ouvrage de Charles Lyell argumente contre le transformisme de Lamarck et explique la distribution des espèces par des « centres de création » (la création divine ne se serait pas déroulée en une fois, mais en plusieurs fois, après des catastrophes ayant fait disparaître les espèces précédentes)[A 11]. Darwin le reçoit et le lit avec attention, il en déduit des idées qui dépassent ce qu'avait imaginé Lyell[A 12]. En Argentine, il observe que les deux types de nandous occupent des territoires séparés mais se chevauchant en partie. Sur les îles Galápagos, il collecte des miminis et note qu’ils diffèrent en fonction de l’île de provenance. Il avait également entendu dire que les Espagnols vivant dans ces régions sont capables de dire d’où viennent les tortues à leur simple aspect, mais les Espagnols ont conclu qu’ils les ont eux-mêmes introduites[A 13]. En Australie, l’ornithorynque et le rat-kangourou lui semblent si étranges qu’ils semblent avoir été l’œuvre de deux créateurs différents[M 1].
36
+
37
+ Au Cap, Darwin et FitzRoy rencontrent Sir John Herschel, qui avait depuis peu écrit à Lyell au sujet du « mystère des mystères », l’origine des espèces. Lorsqu’il organise ses notes pendant son voyage de retour, Darwin écrit que si ses soupçons au sujet des miminis et des tortues sont justes, « de tels faits sapent la stabilité des espèces », puis, il ajoute prudemment le conditionnel « pourraient »[14],[15]. Il écrit plus tard que « de tels faits m’ont semblé jeter un peu de lumière sur l’origine des espèces »[N 1].
38
+
39
+ Trois indigènes de la Terre de Feu qui avaient été accueillis par le Beagle lors de son précédent voyage sont à bord : ils y reviennent comme missionnaires. Durant leur séjour de deux ans en Angleterre, ils sont devenus des « civilisés », aussi leurs proches apparaissent-ils à Darwin comme des « sauvages malheureux et avilis »[16]. Un an plus tard[17], les missionnaires qui ont été laissés sur place ont abandonné leur mission et seul Jemmy Button vient à leur rencontre ; il est en effet retourné à la vie sauvage et il leur annonce qu'il n'a « aucun désir de retourner en Angleterre » et qu'il est « content et comblé » de son sort[M 2]. À cause de cette expérience, Darwin vient à penser que l'homme n'est pas tant éloigné des animaux, et que la différence est surtout due à des différences d'avancées culturelles entre civilisations plutôt qu'à des différences raciales. Il déteste l’esclavage qu’il a vu ailleurs en Amérique du Sud, et est désolé des effets du peuplement européen sur les aborigènes d'Australie comme sur les Māori de Nouvelle-Zélande[C 8]. FitzRoy est chargé d’écrire le récit officiel du voyage du Beagle ; peu avant la fin du périple, il lit le journal de Darwin et lui demande de le retravailler afin d'en faire le troisième volume, celui consacré à l’histoire naturelle[C 9].
40
+
41
+ Alors que Darwin est toujours en voyage, Henslow travaille à faire connaître son ancien élève en communiquant à des naturalistes éminents des exemplaires de fossiles et une brochure de Darwin contenant ses lettres sur la géologie[18]. Au retour du Beagle, le 2 octobre 1836, Charles Darwin est devenu une célébrité dans les cercles scientifiques. Après être passé à sa maison de Shrewsbury et avoir revu sa famille, il retourne au plus vite à Cambridge pour voir Henslow, qui lui conseille de trouver des naturalistes capables de décrire les collections et d'en établir le catalogue, et qui accepte lui-même de s'occuper des spécimens de botanique. Le père de Darwin rassemble alors des fonds qui permettent à son fils de devenir un homme de science financièrement indépendant. C'est donc un Darwin enthousiaste qui fait le tour des institutions de Londres dans lesquelles il est partout honoré. Il cherche alors des experts pour décrire les collections, mais les zoologistes ont un énorme retard dans leur travail et certains spécimens courent le risque d'être tout simplement oubliés dans les réserves[A 14].
42
+
43
+ C'est avec une grande curiosité que Charles Lyell rencontre Darwin pour la première fois, le 29 octobre, et il se hâte de le présenter à Sir Richard Owen, un anatomiste promis à un bel avenir, qui a à sa disposition les équipements du Collège royal de chirurgie pour étudier les ossements fossiles que Darwin a recueillis. Parmi les résultats surprenants d'Owen figurent des paresseux géants, un crâne semblable à celui d'un hippopotame appartenant au Toxodon, un rongeur éteint, ainsi que des fragments de carapace d'un énorme tatou disparu (le glyptodon), et que Darwin a dès le départ conjecturé[19],[15]. Ces créatures fossiles n'ont en effet aucun rapport avec les animaux africains, mais sont étroitement liées aux espèces vivant en Amérique du Sud[A 15],[C 10].
44
+
45
+ À la mi-décembre, Darwin se rend à Cambridge pour organiser le travail sur ses collections et réécrire son journal[C 11]. Il rédige son premier article où il montre que la masse continentale sud-américaine connaît une lente surrection et, chaudement appuyé par Lyell, le lit à la Société géologique de Londres le 4 janvier 1837. Le même jour, il offre à la Société zoologique ses exemplaires de mammifères et d'oiseaux. L'ornithologue John Gould ne tarde pas à faire savoir que les oiseaux des Galápagos que Darwin croit être un mélange de merles, de « gros-becs » et de fringillidés, constituent, en fait, treize espèces distinctes de fringillidés. Le 17 février 1837, Darwin est élu au Conseil de la Société géographique et, dans son adresse présidentielle, Lyell présente les conclusions d'Owen sur les fossiles de Darwin, en insistant sur le fait que la continuité géographique des espèces confirme ses idées actualistes[A 16],[20].
46
+
47
+ Le 6 mars 1837, Darwin s'installe à Londres pour se rapprocher de sa nouvelle charge à la société de géographie. Il se joint au cercle formé autour de scientifiques et de savants comme Charles Babbage notamment, qui croit que Dieu a d'avance ordonné la vie selon des lois naturelles sans procéder à des créations miraculeuses ad hoc. Darwin vit près de son frère Erasmus, un libre-penseur, qui fait partie du cercle Whig et dont l'amie intime, l'auteur Harriet Martineau, promeut les idées de Thomas Malthus qu'on trouve à la base des réformes de la Poor Law prônées par les Whigs. La question de Sir John Herschel sur l'origine des espèces est alors abondamment discutée. Des personnalités du milieu médical, y compris le Dr James Manby Gully vont même jusqu'à rejoindre Grant dans ses idées de transformation des espèces, mais aux yeux des scientifiques amis de Darwin une hérésie aussi radicale met en péril la base divine de l'ordre social déjà menacé par la récession et les émeutes[A 17].
48
+
49
+ Consécutivement John Gould fait savoir que les moqueurs polyglottes des Galápagos originaires des différentes îles sont des espèces distinctes et pas seulement des variétés, tandis que les « troglodytes » constituent encore une autre espèce de fringillidés. Darwin n'a pas noté précisément de quelles îles proviennent les exemplaires de fringillidés, mais il trouve ces renseignements dans les notes d'autres membres de l'expédition sur le Beagle, y compris celles de FitzRoy, qui a enregistré plus soigneusement ce qu'ils ont eux-mêmes collecté. Le zoologiste Thomas Bell montre que les tortues des Galápagos sont indigènes dans l'archipel. Avant la mi-mars, Darwin est convaincu que les animaux, une fois arrivés dans les îles, se sont en quelque sorte modifiés pour former sur les différentes îles des espèces nouvelles ; il réfléchit à cette transformation en notant le résultat de ses pensées sur le « carnet rouge » qu'il a commencé sur le Beagle. À la mi-juillet, il commence son carnet secret, le « carnet B », sur cette transformation et, à la page 36, il écrit « je pense » au-dessus de sa première esquisse d'un arbre montrant l'évolution[A 18],[15].
50
+
51
+ Alors qu'il est absorbé dans l'étude du transformisme, Darwin est pris par des travaux supplémentaires. Tandis qu'il en est encore à réécrire son Journal, il entreprend de réviser et de publier les rapports d'experts sur ses collections et, avec l'aide de Henslow, obtient une subvention de 1 000 livres sterling pour financer l'écriture de Zoologie du Voyage du H.M.S. Beagle, éditée en plusieurs volumes. Il accepte des délais impossibles à tenir pour cette tâche ainsi que pour un livre sur la Géologie de l'Amérique du Sud qui soutient les idées de Lyell. Darwin finit de rédiger son Journal le 20 juin 1837, juste au moment où la reine Victoria monte sur le trône, mais il lui reste encore à corriger les épreuves[C 12].
52
+
53
+ La santé de Darwin souffre d'une réelle surcharge de travail. Le 20 septembre 1837, il ressent des « palpitations du cœur ». Son médecin lui ayant prescrit un mois de repos, il se rend alors à Shrewsbury chez des parents du côté maternel à Maer Hall mais il les trouve trop curieux de ses histoires de voyages pour lui laisser quelque repos. Sa cousine Emma Wedgwood, charmante, intelligente et cultivée, et de neuf mois plus âgée que Darwin, soigne la tante de celui-ci, laquelle est invalide. Son oncle Jos lui fait voir un endroit où des cendres ont disparu sous la glaise et suggère qu'il peut s'agir du travail des lombrics. C'est ainsi l'origine d'une conférence que Darwin fait à la Société géologique le 1er novembre, dans laquelle il démontre pour la première fois le rôle des lombrics dans la formation des sols[A 19],[21].
54
+
55
+ William Whewell incite Darwin à accepter la charge de secrétaire de la Société géologique. Après avoir d'abord refusé cette tâche supplémentaire, il accepte le poste en mars 1838[A 20]. En dépit de la besogne apportée par les travaux d'écriture et d'édition, il réalise des progrès remarquables sur le transformisme. Tout en gardant secrètes ses idées sur l'évolution, il ne manque aucune occasion d'interroger les naturalistes expérimentés et, de façon informelle, les gens qui possèdent une expérience pratique comme les fermiers et les colombophiles[11],[A 21]. Avec le temps sa recherche s'élargit : il se renseigne auprès de sa famille, enfants compris, du majordome de la famille, de voisins, de colons et d'anciens compagnons de bord[C 13]. Il englobe le genre humain dans ses spéculations initiales et, le 28 mars 1838, ayant observé un singe au zoo, il note la ressemblance entre son comportement et celui d'un enfant[A 22].
56
+
57
+ Tous ces efforts finissent par se faire sentir et, dès juin, il est forcé de s'aliter quelques jours sans interruption en raison de problèmes d'estomac, de migraines et de symptômes cardiaques[A 23]. Tout le reste de sa vie, il devra plusieurs fois s'arrêter de travailler avec des épisodes de douleurs à l'estomac, de vomissements, de furoncles sévères, de palpitations, de tremblements et d'autres malaises, surtout dans les moments de tension, comme lorsqu'il doit assister à des réunions ou répondre à des controverses sur sa théorie. La cause de cette maladie reste inconnue de son vivant, et les traitements n'ont que peu de succès. Des essais récents de diagnostic suggèrent la maladie de Chagas, que lui ont peut-être communiquée des piqûres d'insectes en Amérique du Sud, la maladie de Menière, la maladie de Lyme[22] ou encore différents troubles psychologiques, comme le trouble panique[23]. Les spécialistes restent encore dans l'incertitude à ce sujet[24].
58
+
59
+ Le 23 juin 1838, il fait une pause dans son travail en allant faire un peu de géologie en Écosse. Il visite Glen Roy par un temps radieux pour voir les « terrasses » parallèles, ces replats taillés à flanc de coteau. Il y voit des plages surélevées, et en effet les géologues ont démontré plus tard qu'il s'agit des berges d'un lac glaciaire[A 24],[C 14],[L 6].
60
+
61
+ Complètement rétabli, il revient à Shrewsbury en juillet. Habitué à prendre continuellement des notes sur la reproduction animale, il griffonne des pensées décousues concernant sa carrière et ses projets sur deux petits morceaux de papier : l'un comporte deux colonnes intitulées « Mariage » et « Pas de mariage ». Les avantages comprennent entre autres : « une compagne fidèle et une amie dans la vieillesse… mieux qu'un chien en tout cas » ; et à l'opposé des points comme « moins d'argent pour les livres » et « terrible perte de temps »[O 2]. S'étant décidé pour le mariage, il en discute avec son père, et rend ensuite visite à Emma le 29 juillet 1838. Il n'a pas le temps de faire sa demande en mariage mais, contre les conseils de son père, parle de ses idées sur le transformisme[A 25].
62
+
63
+ Pendant qu'il continue ses recherches à Londres, l'éventail de lectures très large de Darwin comprend alors, « pour se distraire » selon ses termes, la 6e édition de l’Essai sur le Principe de Population de Thomas Malthus ; celui-ci a calculé qu'en raison du taux de natalité, la population humaine peut doubler tous les 25 ans mais que, dans la pratique, cette croissance est freinée par la mort, la maladie, les guerres et la famine[11],[25],[A 26],[26]. Darwin est bien préparé pour saisir de suite que cela s'applique aussi au « conflit entre les espèces », remarqué pour les plantes par Augustin Pyrame de Candolle, et à la lutte pour la vie parmi les animaux sauvages, et que c'est là la raison pour laquelle les effectifs d'une espèce demeurent relativement stables. Comme les espèces se reproduisent toujours plus qu'il n'y a de ressources disponibles, les variations favorables rendent les organismes qui en sont porteurs plus aptes à survivre et à transmettre ces variations à leur progéniture, tandis que les variations défavorables finissent par disparaître. S'ensuit la formation de nouvelles espèces[A 27],[C 15],[27],[L 7]. Le 28 septembre 1838[11], il note ce nouvel éclairage de la question, le décrivant comme une sorte de moyen épistémologique pour introduire des structures plus adaptées dans les espaces de l'économie naturelle tandis que les structures plus faibles sont éjectées. Il dispose maintenant d'une hypothèse de travail. Au cours des mois suivants, il compare les fermiers qui sélectionnent les meilleurs sujets pour l'élevage à une Nature malthusienne faisant son choix parmi les variantes créées par le « hasard », « de telle sorte que chaque élément [de chaque] structure nouvellement acquise fût complètement mis en œuvre et perfectionné ». Il voit dans cette analogie « la plus belle partie de [sa] théorie »[A 28].
64
+
65
+ Le 11 novembre, il revient à Maer et fait sa demande à Emma, en lui exposant encore une fois ses idées. Elle accepte puis, dans les lettres qu'ils échangent, elle montre à quel point elle apprécie sa franchise mais, du fait de son éducation anglicane très pieuse, elle laisse voir sa crainte que de telles hérésies par rapport à la foi puissent mettre en danger ses espoirs de le retrouver dans la vie éternelle. Pendant qu'il est en quête d'un logement à Londres, les épisodes de maladie continuent et Emma lui écrit pour le presser de prendre un peu de repos, remarquant de façon presque prophétique : « Ne retombez donc plus malade, mon cher Charlie, avant que je puisse être auprès de vous pour prendre soin de vous ». Il trouve dans la Gower Street ce que le jeune couple appelle le « Cottage de l'Ara » (à cause de son intérieur criard), puis Darwin y déménage son « musée » à Noël. Le mariage est prévu pour le 24 janvier 1839, mais les Wedgwood retardent cette date. Le 24, Darwin a l'honneur d'être élu membre de la Royal Society[A 29]. Le 29 janvier 1839, Darwin et Emma Wedgwood se marient à Maer, au cours d'une cérémonie anglicane aménagée pour convenir aux Unitariens. Ils prennent alors immédiatement le train pour Londres et gagnent leur nouveau foyer[A 30].
66
+
67
+ Darwin a trouvé la base de sa théorie de la sélection naturelle, mais il est cependant bien conscient de tout le travail qu'il reste à faire pour la rendre crédible aux yeux de ses collègues scientifiques, qui le critiquent farouchement. Le 19 décembre 1838, à la réunion de la Société géologique dont il est secrétaire, il voit Owen et Buckland ne rien cacher de leur haine contre l'évolution en attaquant la réputation de son vieux maître Grant, disciple de Lamarck[A 31]. Le travail continue sur les conclusions auxquelles il est arrivé à bord du Beagle et, en même temps qu'il consulte des éleveurs, il multiplie les expériences sur les plantes, essayant de trouver des preuves qui répondent à toutes les objections auxquelles il s'attend à partir du moment où sa théorie est communiquée[N 2]. Quand la Narration[28] de FitzRoy est publiée, en mai 1839, le Journal et Remarques de Darwin (plus connu sous le titre Le Voyage du Beagle) qui en constitue le troisième volume rencontre un tel succès que l'on en fait une réédition séparée la même année[L 8].
68
+
69
+ Au début de 1842, Darwin envoie à Lyell une lettre pour lui exposer ses idées ; ce dernier est consterné de voir que celui qui a été son allié refuse maintenant « de voir un commencement à chaque groupe d'espèces ». En mai, le livre de Darwin sur les récifs coralliens est publié après plus de trois années de travail[29]. En juin il écrit alors une « esquisse sommaire » de sa théorie tenant en 35 pages[A 32],[L 9]. Pour échapper aux pressions de Londres, la famille s'installe en novembre à la campagne, dans le domaine de Down House. Le 11 janvier 1844, Darwin écrit à son ami, le botaniste Sir Joseph Dalton Hooker, pour lui exposer sa théorie, en disant que c'est presque avouer « un meurtre », mais, à son grand soulagement, Hooker croit qu'« une modification graduelle des espèces pouvait bien avoir eu lieu » et il exprime son intérêt pour l'explication de Darwin. Vers le mois de juillet, Darwin développe une esquisse de ses vues dans un « essai » de 230 pages[A 33],[L 10]. Ses craintes de voir ses idées écartées comme une sorte de radicalisme lamarckien sont réveillées une nouvelle fois par la controverse que suscite en octobre une publication anonyme (l'auteur se révélera être Robert Chambers) intitulée Vestiges de l'Histoire naturelle de la Création[30]. Ce livre qui est un best-seller accroît l'intérêt de la classe moyenne pour le transformisme, et ouvre ainsi la voie à Darwin. Cet ouvrage est néanmoins sévèrement attaqué par les scientifiques reconnus, ce qui lui rappelle la nécessité de répondre à toutes les difficultés avant de rendre publique sa théorie[B 2]. Darwin termine son troisième livre de géologie, Geological Observations on South America[31] en 1846 et entreprend à partir d'octobre une vaste étude sur les cirripèdes avec l'aide de Hooker. En janvier 1847, Hooker lit l'« essai » de Darwin et lui renvoie ses observations ; c'est la critique sereine dont Darwin a besoin, même si Hooker remet en question son rejet de l'idée d'une création continue[A 34],[32],[N 3].
70
+
71
+ Pour essayer de traiter son état maladif chronique, Darwin se rend à Malvern, une ville thermale, en 1848. La cure de quelques mois lui fait un grand bien et il peut reprendre son travail à son retour. À la mort de son père le 13 novembre, il est néanmoins tellement affaibli qu'il ne peut assister aux funérailles[L 11]. En 1849, sa fille, Annie, tombe malade, ce qui réveille sa peur que la maladie puisse être héréditaire. Après une longue série de crises elle meurt en avril 1851, et Darwin perd alors toute foi en un Dieu bienveillant[A 35]. En 1851, Marcel de Serres publie Du perfectionnement graduel des êtres organisés, qui illustre l'émergence de théories évolutionnistes dans les milieux scientifiques européens.
72
+
73
+ Les huit années que Darwin passe à travailler sur les cirripèdes lui permettent de trouver des « homologies » qui confortent sa théorie en montrant que de légers changements morphologiques peuvent permettre à différentes fonctions d'affronter des conditions nouvelles[L 12]. En 1853, il obtient la médaille royale de la Royal Society, ce qui établit sa réputation comme biologiste[A 36]. En 1854, il reprend le travail sur sa théorie des espèces et, en novembre, se rend compte que la divergence dans le caractère de descendants peut s'expliquer par le fait qu'ils se sont adaptés « à des situations différentes dans l'économie de la nature »[L 13].
74
+
75
+ Au début de 1855, Darwin cherche à savoir si les œufs et les graines sont capables de survivre à un voyage dans l'eau salée et d'élargir ainsi la distribution de leurs espèces à travers les océans[33],[34],[35]. Joseph Dalton Hooker est de plus en plus sceptique quant à la conception traditionnelle selon laquelle les espèces sont immuables, mais son jeune ami Thomas Henry Huxley est fermement opposé à l'évolution. Lyell est lui intrigué par les spéculations de Darwin sans se rendre vraiment compte de leur portée. Après avoir lu un article d'Alfred Russel Wallace sur l’Introduction des espèces, il trouve des ressemblances avec les idées de Darwin et lui conseille de les publier pour établir son antériorité. Bien que Darwin ne voie là aucune menace, il commence néanmoins à rédiger un article court. Trouver des réponses aux questions difficiles l'arrête plusieurs fois, et il élargit alors son projet à un « grand livre sur les espèces » intitulé « La Sélection naturelle ». Il continue aussi ses recherches, obtenant des renseignements et des exemplaires auprès de naturalistes du monde entier, y compris Wallace qui travaille à Bornéo. En décembre 1857, Darwin reçoit de Wallace une lettre lui demandant si son livre examine les origines humaines. Il répond qu'il veut éviter un tel sujet, « si encombré de préjugés », tandis qu'il encourage l'essai de théorisation de Wallace, ajoutant : « Je vais beaucoup plus loin que vous »[A 37].
76
+
77
+ Darwin en est à mi-chemin de son livre quand, le 18 juin 1858, il reçoit une lettre de Wallace qui décrit la sélection naturelle. Bien qu'ennuyé d'avoir été « devancé », il la transmet à Lyell comme convenu et, bien que Wallace n'ait pas demandé qu'elle soit publi��e, il propose de l'envoyer à n'importe quel journal choisi par Wallace. La famille de Darwin est alors plongée dans l'angoisse car dans le village des enfants meurent de la scarlatine, aussi remet-il l'affaire entre les mains de Lyell et de Hooker. Ils conviennent de présenter ensemble à la Linnean Society, le 1er juillet le discours intitulé Sur la Tendance des espèces à former des variétés ; et sur la Perpétuation des variétés et des espèces par les moyens naturels de la sélection[4]. Néanmoins, comme Charles, le dernier enfant des Darwin, alors encore au berceau, vient de mourir de la scarlatine, son père est trop bouleversé pour être présent[A 38].
78
+
79
+ Sur le moment on prête peu d'attention à l'annonce de cette théorie ; le président de la Linnean remarque en mai 1859 que l'année précédente n'a été marquée par aucune découverte révolutionnaire[C 16]. Par la suite, Darwin ne peut se souvenir que d'une seule recension, celle du professeur Haughton, de Dublin, qui proclame que « tout ce qu'il y avait là de nouveau était inexact, et tout ce qui était exact n'était pas nouveau »[O 3]. Darwin s'acharne pendant treize mois pour écrire un résumé de son « grand livre », souffrant de problèmes de santé, mais encouragé constamment par ses amis scientifiques, et Lyell s'arrange pour le faire publier par Sir John Murray[A 39].
80
+
81
+ L'ouvrage Sur l'Origine des Espèces au moyen de la Sélection Naturelle, ou la Préservation des Races les meilleures dans la Lutte pour la Vie, titre d'habitude raccourci sous la forme L'Origine des espèces, a auprès du public un succès inattendu. Le tirage entier de 1 250 exemplaires est déjà réservé quand il est mis en vente chez les libraires le 22 novembre 1859[A 40]. Darwin y développe « une longue argumentation » fondée sur des observations détaillées, y expose des inférences et la prise en compte des objections attendues[N 4]. Cependant, sa seule allusion à l'évolution chez l'homme est l'affirmation, discrète, que « des lumières seront jetées sur l'origine de l'homme et son histoire ». Il évite ainsi le mot « évolution », controversé à l'époque, mais à la fin du livre il conclut que « des formes sans cesse plus belles et plus admirables ont été élaborées et continuent à l'être »[N 5]. Sa théorie est exposée de façon simple dans l'introduction :
82
+
83
+ « Comme il naît beaucoup plus d'individus de chaque espèce qu'il n'en peut survivre, et que, par conséquent, il se produit souvent une lutte pour la vie, il s'ensuit que tout être, s'il varie, même légèrement, d'une manière qui lui est profitable, dans les conditions complexes et quelquefois variables de la vie, aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi d'une façon naturelle. En raison du principe dominant de l'hérédité, toute variété ainsi choisie aura tendance à se multiplier sous sa forme nouvelle et modifiée[N 6]. »
84
+
85
+ Malgré sa publication dans la précipitation — un de ses confrères, Alfred Russel Wallace, s'apprête en effet à publier une théorie similaire —, l'ouvrage de Charles Darwin suscite un vif intérêt, pour l'époque, le stock de 1 250 exemplaires prévus étant épuisé le jour de sa présentation aux librairies, le 22 novembre 1859. Cette première édition épuisée, une seconde de 3 000 exemplaires est publiée en janvier de l'année suivante. Son livre provoque une controverse que Darwin suit de près, conservant les coupures de presse avec les recensions, les articles, les railleries, les parodies et les caricatures[C 17]. L'évolution par la sélection naturelle fut largement discutée, voire dénigrée, particulièrement dans les communautés religieuse et scientifique. Bien que Darwin soit soutenu par certains scientifiques (par exemple, Thomas Henry Huxley[B 3], Ernest Renan ou encore Ernst Haeckel qui le popularise très tôt en Allemagne), d'autres hésitent à accepter sa théorie à cause de la capacité inexpliquée des individus à transmettre leurs capacités à leurs descendants. En effet, Darwin reprend l'idée, très populaire à l'époque, de la transmission des caractères acquis ; il en propose même une théorie dans son ouvrage de 1868. Ce dernier point est pourtant étudié au même moment par Gregor Mendel, mais il ne semble pas que les deux hommes aient communiqué à ce propos[36],[37]. Même avec les lois de Mendel, le mécanisme sous-jacent reste un mystère jusqu'à ce que l'on découvre l'existence des gènes.
86
+
87
+ Les critiques hostiles ont très tôt fait de tirer les conséquences qui ne sont pas exprimées, comme le fait que « les hommes descendent des singes ». Pourtant, dans L'Origine des espèces, Darwin ne parle pas des origines de l'homme. Le public confond les idées exprimées dans le livre de Darwin avec celles de Lamarck, qui cinquante ans auparavant a avancé cette idée, sans alors faire scandale. Parmi les réponses favorables, les recensions de Huxley adressent des critiques à Richard Owen, chef de l'establishment scientifique qu'il voulait ébranler. Le verdict d'Owen reste inconnu jusqu'à ce que son compte-rendu d'avril condamne finalement le livre[A 41]. L'establishment scientifique de l'Église d'Angleterre, qui comprend les anciens maîtres de Darwin à Cambridge, Adam Sedgwick et John Stevens Henslow, réagit de façon hostile, malgré un accueil favorable dans la génération plus jeune des naturalistes professionnels. En 1860 cependant, la publication de Essays and Reviews par sept théologiens anglicans libéraux détourne de Darwin l'attention des hommes d'Église. Ces derniers condamnent comme hérétique une telle manifestation de la critique libérale car on y trouve entre autres cet argument que, par les miracles, Dieu enfreint ses propres lois[A 42].
88
+
89
+ Le débat public le plus fameux a lieu à Oxford lors d'une réunion de l'Association britannique pour l'Avancement des Sciences. Le professeur John William Draper prononce un long plaidoyer en faveur de Darwin et du progrès social ; c'est alors que l'évêque d'Oxford, Samuel Wilberforce, s'en prend à Darwin. Dans la discussion qui s'ensuit, Joseph Dalton Hooker prend énergiquement parti pour Darwin tandis que Thomas Huxley se constitue comme le « bouledogue de Darwin ». Il fut en effet le défenseur le plus farouche de la théorie de l'Évolution à l'époque victorienne. Les deux partis se séparent en criant victoire chacun, mais Huxley reste célèbre par sa réponse. Comme Wilberforce lui avait demandé s'il descend du singe par son grand-père ou par sa grand-mère, Huxley rétorque : « c'est Dieu lui-même qui vient de le livrer entre mes mains » et il réplique qu'il « préférerait descendre d'un singe plutôt que d'un homme instruit qui utilisait sa culture et son éloquence au service du préjugé et du mensonge »[38],[A 43].
90
+
91
+ Le débat déborde le cadre de la science, de l'Église anglicane et du protestantisme. Les autorités de l'Église catholique entrent dans la polémique. Dès 1860, en effet, une réunion d'évêques qui se tient à Cologne[39] précise la position catholique. Sans condamner Darwin, ni le principe de l'évolution des espèces animales, les évêques affirment qu'une intervention divine est nécessaire au moins à l'origine de l'univers (pour lui donner son existence et ses lois) ainsi que lors de l'apparition de l'homme. Ce sera désormais la position constante des autorités catholiques (moins hostiles à l'évolution que les courants protestants dits « créationnistes »).
92
+
93
+ Tenu éloigné des discussions publiques par sa maladie, Darwin n'en lit pas moins avec passion ce qu'on rapporte et reçoit des soutiens par courrier. Asa Gray convainc un éditeur aux États-Unis de payer des droits d'auteur, et Darwin fait venir et distribue la brochure de Gray qui montre que la sélection naturelle n'est nullement incompatible avec la théologie naturelle[A 44],[40]. En Grande-Bretagne, ses amis, y compris Hooker[41] et Lyell[42], prennent part aux discussions scientifiques qu'Huxley mène avec rage pour briser la domination de l'Église, incarnée par Owen, en faveur d'une nouvelle génération de professionnels de la science. Owen commet en effet l'erreur d'invoquer certaines différences anatomiques entre le cerveau du singe et le cerveau humain, et accuse Huxley de soutenir que « l'homme descend du singe ». Huxley est heureux de soutenir cette opinion et sa campagne, qui dure plus de deux ans, est une vraie catastrophe pour Owen et la « vieille garde »[A 45], qui se trouvent ainsi éliminés des débats. Les amis de Darwin forment alors le « Club X ». Ils l'aident à lui valoir l'honneur de la médaille Copley que lui décerne la Royal Society en 1864[42].
94
+
95
+ Si l'ouvrage Vestiges a déjà suscité dans le public le plus vaste intérêt, L'Origine des espèces est traduit dans un grand nombre de langues et connaît de nombreuses réimpressions, devenant un texte scientifique de base accessible aussi bien à une classe moyenne curieuse de cette nouveauté qu'aux simples travailleurs qui se pressent aux conférences d'Huxley. La théorie de Darwin[43] correspond d'ailleurs aux différents mouvements sociaux de l'époque[44] et elle devient un des fondements clés de la culture populaire (par exemple, la chanson A lady fair of lineage high de William S. Gilbert et Arthur Sullivan interprétée par Princess Ida, qui décrit l'ascendance simiesque de l'homme, mais pas des femmes).
96
+
97
+ Malgré des rechutes continuelles pendant les vingt-deux dernières années de sa vie, Darwin continue son travail. Il publie un résumé de sa théorie mais les aspects les plus controversés de son « grand livre » restent incomplets, y compris la preuve explicite du fait que l'humanité descend d'animaux antérieurs à elle, et la recherche de causes possibles qui sont à la base du développement de la société et des capacités mentales de l'homme. Il doit encore expliquer des caractéristiques sans utilité évidente si ce n'est dans un but esthétique. Darwin continue par conséquent à faire des expériences, à chercher et à écrire.
98
+
99
+ Quand la fille de Darwin tombe malade, il suspend ses expériences sur les semences et les animaux domestiques pour l'accompagner au bord de la mer ; là il s'intéresse aux orchidées[45],[46] et il en résulte une étude révolutionnaire sur la façon dont la beauté des fleurs sert à assurer la pollinisation par les insectes et à garantir une fertilisation avec croisement. Comme avec les balanes, les parties homologues remplissent des fonctions différentes chez les diverses espèces. De retour chez lui, il retrouve son lit de malade dans une pièce que remplissent ses expériences sur les plantes grimpantes. Il reçoit la visite d'Ernst Haeckel, un de ses admirateurs et qui a propagé sa théorie en Allemagne[47]. Wallace continue aussi à le soutenir, bien qu'il verse de plus en plus dans le spiritisme[48].
100
+
101
+ De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication (1868)[49] constitue la première partie du « grand livre » que Darwin projette d'écrire. Il travaille alors au développement du « résumé » qu'il a publié sous le titre L'Origine des espèces. Cette première partie s'agrandit jusqu'à devenir deux gros volumes, le forçant à laisser de côté l'évolution humaine et la sélection sexuelle. Elle se vend bien malgré sa taille[A 46].
102
+
103
+ Dans ce livre, Darwin continue à soutenir qu'une des causes de l'évolution est l'effet de l'usage et du non-usage, théorie déjà exposée par Lamarck[50] qu'on appela plus tard transmission ou hérédité des caractères acquis[51]. Il s'efforce maintenant de donner une explication théorique de l'hérédité des caractères acquis à l'aide de l'hypothèse de la pangenèse[52],[53]. Un livre supplémentaire de démonstrations, qui traite dans le même style de la sélection naturelle, est écrit en grande partie, mais reste inédit jusqu'à ce qu'il soit transcrit en 1975[54].
104
+
105
+ La question de l'évolution humaine a été soulevée par ses partisans (et ses détracteurs) peu de temps après la publication de L'Origine des espèces[55], mais la contribution propre de Darwin sur ce sujet apparaît plus de dix ans plus tard avec l'ouvrage en deux volumes La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe, publié en 1871. Dans le deuxième volume, Darwin délivre en toutes lettres sa conception de la sélection sexuelle pour expliquer l'évolution de la culture humaine, les différences entre les sexes chez l'homme et la différenciation des races humaines, aussi bien que les sons et la musique ou encore la beauté du plumage chez les oiseaux, lequel ne semble pas, selon lui, le résultat d'une adaptation[56]. L'année suivante Darwin publie son dernier travail important, L'Expression des émotions chez l'homme et les animaux, consacré à l'évolution de la psychologie humaine et sa proximité avec le comportement des animaux. Il développe ses idées selon lesquelles chez l'homme l'esprit et les cultures sont élaborés par la sélection naturelle et sexuelle[57], conception qui a connu une nouvelle jeunesse à la fin du XXe siècle avec l'émergence de la psychologie évolutionniste[58]. Comme il conclut dans La Filiation de l'Homme, Darwin estime qu'en dépit de toutes les « qualités nobles » de l'humanité, et des « pouvoirs qu'elle avait développés », « L'homme porte toujours dans sa constitution physique le sceau ineffaçable de son humble origine »[K 2]. Ses expériences et ses recherches concernant l'évolution trouvent leur conclusion dans des ouvrages sur le mouvement des plantes grimpantes, les plantes insectivores, les effets des croisements des plantes et leur auto-fertilisation, les différentes formes de fleurs sur des plantes de la même espèce, toutes recherches publiées dans La Capacité des plantes à se mouvoir. Dans ce dernier livre, il revient également à l'influence des lombrics sur la formation des sols[5].
106
+
107
+ Charles Darwin meurt à Downe, dans le Kent, le 19 avril 1882. Il a demandé à être enterré au cimetière St. Mary à Downe[59], mais sur les instances des collègues de Darwin, et notamment William Spottiswoode, président de la Société royale qui intervient pour qu'il reçoive des funérailles officielles, il est enterré dans l'abbaye de Westminster, près de l'astronome John Herschel et du physicien Isaac Newton[C 18].
108
+
109
+ Les Darwin eurent dix enfants : deux moururent en bas âge, et la disparition d'Annie, alors qu'elle n'avait que dix ans, affecta profondément ses parents. Charles était un père dévoué et très attentif envers ses enfants. Chaque fois qu'ils tombaient malades, il craignait que ce soit dû à la consanguinité, puisqu'il avait épousé sa cousine, Emma Wedgwood. Il se pencha sur cette question dans ses écrits, mettant en opposition les avantages des croisements chez beaucoup d'organismes[A 47]. Malgré ses craintes, la plupart des enfants qui survécurent firent des carrières remarquables, se distinguant même à l'intérieur de la famille Darwin-Wedgwood, déjà composée d'esprits fort brillants[60].
110
+
111
+ Parmi eux, George, Francis et Horace devinrent membres de la Royal Society, se signalant respectivement comme astronome[61], botaniste et ingénieur civil[62]. Son fils Leonard fut militaire, politicien, économiste. Partisan de l'eugénisme, il eut comme disciple Sir Ronald Aylmer Fisher (1890-1962)[63], statisticien et biologiste de l'évolution.
112
+
113
+ Bien que sa famille fût en majorité non-conformiste et que son père, son grand-père et son frère fussent libres-penseurs[A 48], au début, Darwin ne doutait pas de la vérité littérale de la Bible[L 14]. En ce sens, « l'œuvre de Darwin et sa postérité s'inscrivent plus précisément encore dans le cadre de l'époque victorienne »[B 4]. Il avait fréquenté une école de l'Église d'Angleterre, puis étudié la théologie anglicane à Cambridge pour embrasser une carrière ecclésiastique[A 49]. Il avait été convaincu par l'argument téléologique de William Paley qui voyait dans la nature un dessein prouvant l'existence de Dieu[L 15] ; cependant, au cours du voyage du Beagle Darwin se demanda, par exemple, pourquoi de superbes créatures avaient été faites au fond des océans là où personne ne pourrait les voir, ou comment il était possible de concilier la conception de Paley d'un dessein bienveillant avec la guêpe ichneumon qui paralyse des chenilles pour les donner à ses œufs comme des aliments vivants[64],[65],[L 16]. Il restait tout à fait orthodoxe et citait volontiers la Bible comme une autorité dans le domaine de la morale, mais ne croyait plus à l'historicité de l'Ancien Testament[O 4].
114
+
115
+ Alors qu'il menait ses recherches sur la transformation des espèces Darwin savait que ses amis naturalistes y voyaient une hérésie abominable qui mettait en péril les justifications miraculeuses sur lesquelles était fondé l'ordre social ; sa théorie ressemblait alors aux arguments radicaux qu'utilisaient les dissidents et les athées pour attaquer la position privilégiée de l'Église d'Angleterre en tant qu'Église établie[A 50]. Bien que Darwin eût écrit que la religion était une stratégie tribale de survivance, il croyait cependant toujours que Dieu était le législateur suprême[66],[67]. Cette conviction fut peu à peu ébranlée et, avec la mort de sa fille Annie en 1851, il finit par perdre toute foi dans le christianisme[A 51]. Il continua à aider son église locale pour le travail paroissial, mais le dimanche il allait se promener pendant que sa famille se rendait à l'église. Désormais, il jugeait préférable de regarder la douleur et les souffrances comme le résultat de lois générales plutôt que d'une intervention directe de Dieu[L 17]. Interrogé sur ses conceptions religieuses, il écrivit qu'il n'avait jamais été un athée dans le sens où il aurait nié l'existence de Dieu mais que, de façon générale, « c'est l'agnosticisme qui décrirait de la façon la plus exacte [son] état d'esprit »[L 18].
116
+
117
+ Le Récit de Lady Hope, publié en 1915, soutenait que Darwin était revenu au christianisme au cours de sa dernière maladie. Une telle affirmation a été démentie par ses enfants et les historiens l'ont également écartée. Sa fille, Henrietta, qui était à son lit de mort, a en effet dit que son père n'était pas retourné au christianisme[68]. Ses derniers mots ont été en réalité adressés à Emma : « Rappelez-vous la bonne épouse que vous avez été »[C 19].
118
+
119
+ Si la théorie du transformisme de Lamarck a ouvert la voie, la révolution évolutionniste est arrivée avec Charles Darwin et son ouvrage De l'origine des espèces (1859) dans lequel deux grandes idées, appuyées par des faits, émergent : l'unité et la diversité du vivant s'expliquent par l'évolution, et le moteur de l'évolution adaptative est la sélection naturelle. Un manuscrit inachevé de 1856-1858 permet d'attirer l'attention sur le fait que la théorie de la sélection naturelle telle qu'exposée dans De l'Origine des Espèces n'était pour Darwin qu'un résumé provisoire de ses vues. Darwin avait en effet projeté d'écrire trois volumes (l'un sur les variations des espèces domestiques, un second sur celles à l'état de nature et un dernier consacré à la sélection naturelle générale). La crainte de perdre la paternité de sa découverte au profit de Alfred Wallace poussa Darwin à ne publier que ses écrits provisoires et partiels. En effet, seul le premier parut, en 1868, dans De l'Origine des Espèces, accompagné de réponses à d'éventuelles critiques sur divers sujets[B 5].
120
+
121
+ Dans la 1re édition, Darwin n'utilise pas le mot évolution mais le mot « variation » ou « variability », pour signifier des petites variations successives à chaque descendance (ex. : « on the principle of successive slight variations »[69], ou le titre du chapitre 2 : « variation under nature ») ou bien le mot « modification » : « the theory of descent with modification through natural selection »[70]. Il a fallu attendre la 6ème et dernière édition de l'ouvrage, dix ans après, pour que l'auteur utilise à plusieurs reprises le mot « Evolution » : « The fact would be fatal to the theory of evolution through natural selection »[71], ou « Now, things are wholly changed, and almost every naturalist admits the great principle of evolution »[72]. Selon Étienne Gilson, c'est parce que le mot signifiait au XVIIe siècle une évolution vers quelques chose de défini à l'avance, et qu'à l'époque de Darwin le mot était déjà utilisé par Spencer pour une doctrine philosophique sur l'évolution psychologique, sociale et biologique du vivant. Cependant, comme dans l'esprit du public ce mot était attaché à sa propre doctrine, il vint à l'utiliser lui-même. Cela ne change rien toutefois à la doctrine elle-même[73].
122
+
123
+ De fait, à la fin du XIXe siècle, le mot « évolution » a acquis le sens actuel d'évolution des espèces au sens darwinien, et Spencer se plaint amèrement de l'amalgame fait par le public et les scientifiques entre le concept général d'évolution dont il est l'auteur et le sens particulier d'évolution biologique popularisé par les idées de Darwin. Il publie en décembre 1895 un article en anglais, allemand et français pour faire valoir son antériorité, Le principe de l’évolution, réponse à Lord Salisbury, mais en vain.
124
+
125
+ L'évolution et ses mécanismes sont encore largement étudiés aujourd'hui ; en effet, de nombreux points, déjà soulevés par Charles Darwin, sur les mécanismes de l'évolution ne sont pas encore éclaircis. Par ailleurs le darwinisme a dès ses débuts souffert d'un amalgame avec l'évolutionnisme : « Du vivant même de Darwin, vingt ans après la parution de De l'Origine des Espèces, le terme darwinisme était pratiquement devenu synonyme d'évolutionnisme »[B 6], renvoyant à un évolutionnisme finalisé et universalisant, dilué dans la notion de progrès linéaire et de plus en plus fondé sur la notion d'hérédité des caractères acquis. Cette divergence tient des apports de Weismann et de Wallace, puis de la redécouverte des lois de Mendel en 1900[B 7]. Enfin, « De nos jours encore, l'usage des termes demeure ambigu. Pour les biologistes contemporains, le « darwinisme » désigne essentiellement — mais pas toujours — la théorie de la sélection naturelle, et dès la fin du XIXe siècle s'esquissent des théories de l'évolution regroupées sous le terme — d'abord péjoratif — de « néo-darwinisme »[B 8].
126
+
127
+ Dans son livre De l'origine des espèces, Darwin expose une théorie selon laquelle, étant donné que tous les individus d'une espèce diffèrent légèrement entre eux et d'une génération à l'autre, et que seule une partie de ces individus réussit à se reproduire, seuls les descendants des individus les mieux adaptés à leur environnement survivront et se reproduiront en transmettant les variations utiles à leur survie[B 9]. Ainsi, comme les individus sélectionnés transmettent leurs caractères à leur descendance, les espèces évoluent et s'adaptent en permanence à leur environnement. Il baptise du nom de « sélection naturelle » cette sélection des individus les mieux adaptés. Ainsi, de façon sommaire, la sélection naturelle désigne le fait que les traits qui favorisent la survie et la reproduction voient leur fréquence s'accroître d'une génération à l'autre ; elle repose sur trois principes[74] : le principe de variation, qui explique que les individus diffèrent les uns des autres, ainsi que d'une génération à l'autre, le principe d'adaptation (les individus les plus adaptés au milieu survivent et se reproduisent davantage) et le principe d'hérédité, enfin, qui pose que les caractéristiques d'une espèce sont héréditaires. Darwin met en avant la notion de lutte pour l'existence ou de lutte pour la vie (struggle for life, struggle for existence), principe qui est au cœur de la sélection naturelle. La lutte pour l'existence, qui a lieu parce que les ressources sont limitées, peut avoir lieu de diverses manières : soit par la compétition, soit par la solidarité et la coopération. Celle-ci peut se faire à l'intérieur d'une espèce comme c'est le cas généralement chez les animaux sociaux, ou bien elle peut avoir lieu entre plusieurs espèces différentes, comme dans le cas des symbioses[B 10]. On trouve également chez Darwin la notion de « sélection sexuelle », qui peut prendre différentes formes également : par exemple une lutte entre mâles pour la possession des femelles (certains primates, les cervidés), la préférence des femelles pour certaines caractéristiques chez les mâles (cas de la roue du paon, préférence des oiseaux femelles pour les mâles colorés) ou des mâles pour certaines caractéristiques chez les femelles. Il conçoit également un « principe de divergence » qui explique notamment l'extinction des espèces[B 11].
128
+
129
+ La théorie de l'évolution des espèces au moyen de la sélection naturelle a comme conséquence une rupture complète avec la notion de finalisme[75]. Par là on entend l'idée que l'évolution de la nature poursuivrait une intention : soit une intention immanente à la nature, comme on peut le voir par exemple chez Aristote, soit une intention qui émane de Dieu. Darwin se comporte ici de bout en bout comme un scientifique exclusif qui considère la nature comme une mécanique obéissant uniquement aux lois naturelles : « I mean by Nature, only the aggregate action and product of many natural laws »[76]. Par ailleurs il réfute au chapitre IV de l'édition de 1872 l'interprétation selon laquelle la sélection naturelle serait une sorte d'intention consciente des animaux, de la nature ou de Dieu : « Others have objected that the term selection implies conscious choice in the animals which become modified […] It has been said that I speak of natural selection as an active power of Deity ». Il confesse que l'expression est peut-être mal choisie, mais que c'est un raccourci utile, une métaphore : « In the literal sense of the word, no doubt, natural selection is a false term »[76]. Mais il objecte que la plupart des termes scientifiques sont également des métaphores : « Everyone knows what is meant and is implied by such metaphorical expressions ; and they are almost necessary for brevity »[76] .
130
+
131
+ Même les caractères acquis par l'usage fréquent d'un organe dont parle Darwin, qui n'avait pas connaissance des travaux de Mendel, et qui sont transmissibles par hérédité, ne peuvent pas être considérés comme une intention de la part de l'animal. Comme par exemple la girafe qui allonge son cou dans le transformisme de Lamarck, dans le but de l'allonger, et qui est parfois considéré comme une sorte de finalisme. Ce sont les seules nécessités de la vie qui font qu'un être vivant utilise ou non telle ou telle capacité, qui de ce fait se développe ou s'atrophie tel un muscle. Il s'agit donc d'une action involontaire et inconsciente. C'est ce qui fait dire à un commentateur : « ce processus de sélection est un pur mécanisme, ce qui signifie que ne s'y repèrent aucune finalité, aucune intention, aucune planification, mais bien plutôt la contingence et le hasard »[77].
132
+
133
+ Ce développement, pour rendre compte de la biologie et de la diversité des espèces, d'une théorie scientifique non finaliste et mécaniste pouvant se passer de Dieu et reposant sur les seules lois de la nature, aura des conséquences humaines, épistémologiques et métaphysiques considérables.
134
+
135
+ On pourrait résumer ces conséquences par un propos de Victor Hugo : « Et quand un grave Anglais, correct, bien mis, beau linge, Me dit : — Dieu t'a fait homme et moi je te fais singe ; Rends-toi digne à présent d'une telle faveur ! — Cette promotion me laisse un peu rêveur[78]. » Pour Freud, ce sera l'objet d'une blessure narcissique aussi importante que la découverte de la rotation de la Terre autour du soleil[79] : l'homme n'est pas au centre de l'univers et n'a pas de place privilégiée dans l'ordre de la création, puisque la nature n'a pas été créée à son intention, et lui-même n'a pas été créé de manière intentionnelle. La théorie de l'évolution de Darwin nous donne un argument pour dire que l'homme, comme tout ce qui est, n'est que le fruit du hasard (ou de la contingence) et de la nécessité, selon l'expression de Théodore Monod : « L'ancienne alliance est rompue ; l'homme sait enfin qu'il est seul dans l'immensité indifférente de l'Univers d'où il a émergé par hasard. Non plus que son destin, son devoir n'est écrit nulle part »[80].
136
+
137
+ Les critiques à l'encontre de Darwin et de sa théorie sont de trois ordres : les critiques politiques, sociales et philosophiques ; les critiques scientifiques avec Rémy Chauvin, Pierre-Paul Grassé ou Étienne Rabaud ; et les critiques religieuses, avec le créationnisme et l'Église catholique romaine.
138
+
139
+ En 1910, le sociologue Jacques Novicow publie La critique du darwinisme social, qui contient une critique du darwinisme sur le plan biologique et une critique de l'usage qui est fait du darwinisme dans la sociologie. Une critique d'ordre politique provient de Karl Marx et de Friedrich Engels qui dans leur correspondance notent l'analogie entre le principe de la sélection naturelle et le fonctionnement du marché capitaliste. Mais ils ne développeront pas plus avant cette critique[81], aujourd'hui reprise et étoffée par l'historien des sciences André Pichot dans son ouvrage publié en 2008. Karl Marx cite l'Origine des Espèces dans le Capital et y note l'analogie et la distinction entre « l'histoire de la technologie naturelle » et « l'histoire de la formation des organes productifs de l'homme social ».
140
+
141
+ La critique scientifique prend diverses formes.
142
+
143
+ Le néo-lamarckien Étienne Rabaud critique de manière assez radicale la notion d'adaptation, en montrant que la sélection naturelle ne retient pas le plus apte, mais élimine seulement les organismes dont l'équilibre des échanges est déficitaire. Pour Rémy Chauvin dans Le Darwinisme ou la fin d’un mythe. L’esprit et la matière le darwinisme s'apparente à une secte prônant un athéisme obtus, aux postulats scientifiques contestables[82].
144
+
145
+ Mais c'est surtout le problème du chaînon manquant de la lignée humaine (un être qui serait intermédiaire entre le singe et l'homme) qui a longtemps été employé contre la théorie de l'évolution.
146
+
147
+ La découverte des lois de Mendel et de la génétique au début du XXe siècle bouleverse la compréhension des mécanismes de l'évolution et donne naissance à la théorie synthétique de l'évolution ou evolutionary synthesis, fondée par Ernst Mayr. Cette théorie est une combinaison de la théorie de la sélection naturelle proposée par Darwin et de la génétique mendélienne. Elle est à l'origine de nouvelles méthodes dans l'étude de l'évolution, comme la génétique des populations permise par Sewall Wright puis par Theodosius Dobzhansky (Genetics and the Origin of Species, 1937) par exemple. La Sélection n'est dès lors plus seulement un processus d'élimination ni même un mécanisme de changement mais elle peut aussi maintenir la stabilité des populations par des « procès d'équilibration »[B 12]. Les découvertes les plus récentes confortent ainsi l'idée de l'existence d'une très grande fréquence des variations, même si, remarque Daniel Becquemont, cette théorie synthétique pose autant de problèmes que la théorie de Darwin en son temps.
148
+
149
+ Plusieurs courants se rattachant au darwinisme apparurent dans le sillage des découvertes de Darwin. D'un côté la pensée de Darwin fut définitivement rejetée, de l'autre elle a été approfondie mais aussi transformée, note Daniel Becquemont[B 13]. Si l'on excepte les interprétations politiques comme celles de Francis Galton ou de Weldon, trois disciples de Darwin développèrent sa théorie dans des sens différents en fonction des nouveaux apports de la science biologique ; tous trois peuvent se réclamer légitimement de l'héritage darwinien.
150
+
151
+ Avec le biologiste allemand August Weismann (1834-1914) tout d'abord le darwinisme se « rénove », au travers de sa théorie de la sélection germinale et qui soutient qu'il se produit une sorte de sélection au niveau des éléments constituants du plasma germinatif, qui entrent alors en concurrence. Weisman permit « une distinction fondamentale entre les variations non transmissibles du phénotype et la variation génotypique, seules sources de l'évolution »[B 14]. Alfred Russel Wallace (1823-1913) publie en 1895 un traité complet consacré au darwinisme dont l'essentiel de la démonstration très proche de celle de Darwin, est consacrée à l'illustration de la validité de la théorie de la sélection naturelle, concernant la couleur et les caractères sexuels secondaires[B 15]. Sur ce point, selon Daniel Becquemont, Wallace se montre plus darwinien que Darwin, puisque ce dernier n'a jamais voulu reconnaître que ces caractères obéissent également à la loi de la sélection naturelle. Néanmoins il s'en écarte par son soutien à l'idée que la notion d'utilité régit la sélection naturelle[B 16]. Wallace vécut dans l'ombre de Darwin, même s'il fut le codécouvreur de la théorie de la sélection naturelle. Pourtant il en développa la portée et les contours, si bien que de nombreuses critiques, dont celle d'un partisan de l'orthodoxie darwinienne comme George John Romanes (1848-1894), lui attachent le surnom de « père du néo-darwinisme »[B 17]. Ce dernier réfute la notion d'utilité en biologie, expliquant que la sélection naturelle n'est jamais parfaite mais procède d'adaptations temporaires. Il défend ainsi principalement la notion d'hérédité des caractères acquis.
152
+
153
+ C'est avec la redécouverte des travaux de Gregor Mendel en 1900 par plusieurs naturalistes que se prolonge l'apport de Darwin, notamment dans son rapprochement de la génétique[B 18]. Les premières théories mutationnistes apparaissent alors, avec Hugo de Vries et Wilhelm Johannsen, puis avec Thomas Hunt Morgan, Fritz Müller et Alfred Sturtevant. Le darwinisme se scinda dès lors en deux courants, l'un lié à la génétique et un autre plus traditionnel et naturaliste. Le premier voyait l'évolution en termes de pression de mutation alors que le second raisonnait par spéciation et adaptation[B 19].
154
+
155
+ Stephen Jay Gould est un paléontologue américain qui a beaucoup œuvré à la vulgarisation de la théorie de l'évolution en biologie et à l'histoire des sciences depuis Darwin. Il a formulé la théorie des équilibres ponctués, selon laquelle les transitions évolutives entre les espèces au cours de l'évolution se font brutalement et non graduellement. Par la suite, il en viendra à insister sur le rôle du hasard dans l'évolution (la « contingence »), contre la vision adaptationniste naïve qu'il critique[B 20]. Il a aussi mené la campagne contre les créationnistes, avec le procès visant à démontrer que la « science » de ces derniers, principalement représentée par le dessein intelligent (en anglais intelligent design), ne répondait pas aux critères fondamentaux de la méthode scientifique, et n'était qu'un moyen détourné de contourner la loi afin d'imposer l'enseignement du créationnisme à l'école en lui donnant un visage pseudo-scientifique. Gould a travaillé avec un autre défenseur et continuateur de Darwin, Niles Eldredge, auteur de Darwin : Discovering the Tree of Life.
156
+
157
+ Richard Dawkins, éthologiste britannique et vulgarisateur et théoricien de l'évolution, est enfin le principal défenseur de l'héritage darwinien au XXe siècle, et en particulier face à la théorie du dessein intelligent. Il prolonge le darwinisme dans le champ de la génétique avec son concept de « gène égoïste » en soutenant que mettre au centre de l'évolution le gène est une meilleure description de la sélection naturelle et que la sélection au niveau des organismes et des populations ne l'emporte jamais sur la sélection par les gènes. Par ailleurs sa mémétique développe l'idée que les gènes ont un équivalent culturel, les mèmes. Sa théorie est toutefois très réductionniste, comparée à celle de Darwin, au sens où le véritable sujet de l'histoire, ce sont les gènes, les organismes n'étant que des supports de transition. Chez Darwin la conception de la nature est beaucoup plus riche, l'évolution n'en est que l'un des aspects, l'extrême diversité des relations entre organismes en est un autre, et les individus vivent leur histoire en tant que tels.
158
+
159
+ Les écrits et les théories de Darwin, combinés avec les découvertes génétiques de Gregor Mendel (1822-1884) (la théorie synthétique de l'évolution), sont considérés comme formant la base de toute la biologie moderne[83],[2]. Cependant, la renommée et la popularité de Darwin ont conduit à associer son nom à des idées et des mouvements qui n'entretiennent qu’une relation indirecte à son œuvre, voire sont à l’opposé de ses convictions.
160
+
161
+ Il faut dire qu'il est arrivé au moins une fois à Darwin d'exprimer des idées racistes et de les mettre en relation avec sa théorie. Ainsi, dans le passage suivant, il considère le Noir et l'aborigène australien comme plus proches du gorille que le Caucasien : « Dans un avenir pas très lointain si on compte par siècles, les races humaines civilisées vont certainement exterminer les races sauvages et prendre leur place à travers le monde. En même temps, comme l'a remarqué le Professeur Schaaffhausen, les singes anthropomorphes seront sans aucun doute exterminés. Le fossé entre l'homme et ses plus proches alliés sera alors plus large, car il séparera d'une part l'homme arrivé à un état plus civilisé, pouvons-nous espérer, que le Caucasien lui-même, et d'autre part quelque singe aussi inférieur que le babouin, au lieu de passer comme aujourd'hui entre le nègre ou l'aborigène australien d'une part et le gorille d'autre part »[84].
162
+
163
+ À la suite de la publication par Darwin de son ouvrage principal, De l'Origine des Espèces, son cousin Francis Galton appliqua ses conceptions à la société humaine, commençant en 1865 à promouvoir l'idée de « l'amélioration héréditaire », d'abord dans l'essai Hereditary talent and character de 1865[85], puis dans Hereditary genius: an inquiry into its laws and consequences, dans lequel il élabore sa théorie de façon détaillée en 1869[86], vision biométrique du darwinisme[B 21]. Dans La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe, Darwin convient que Galton ait démontré qu'il était probable que le « talent » et le « génie » chez l'homme fussent héréditaires, mais il juge trop utopiques les changements sociaux que proposait Galton[K 3]. Ni Galton ni Darwin ne soutenaient cependant une intervention gouvernementale, et ils pensaient que, tout au plus, l'hérédité devrait être prise en considération par les individus dans la recherche de partenaires[K 4]. En 1883, après la mort de Darwin, Galton commença à appeler « eugénisme » sa philosophie sociale[87]. Au XXe siècle, les mouvements eugénistes négatifs devinrent populaires dans un certain nombre de pays protestants, et participèrent aux programmes destinés à bloquer la reproduction tels que ceux de stérilisation contrainte aux États-Unis[88]. Leur usage par l'Allemagne nazie dans ses objectifs de « pureté raciale »[89] fit tomber ces méthodes en disgrâce.
164
+
165
+ On retient généralement que Herbert Spencer a appliqué les thèses évolutionnistes et la notion de « survie du plus apte » à la société humaine. Friedrich Hayek a contesté le sens dans lequel les idées évolutionnistes se sont diffusées. Selon lui, c'est de la sociologie et de l'économie que vient l'évolutionnisme, et non de la biologie[90]. C'est d'ailleurs ce que Darwin lui-même écrit dans le chapitre 3 de l'origine des espèces[91] :
166
+
167
+ « J'ai donné à ce principe, en vertu duquel une variation si insignifiante qu’elle soit se conserve et se perpétue, si elle est utile, le nom de sélection naturelle, pour indiquer les rapports de cette sélection avec celle que l’homme peut accomplir. Mais l’expression qu’emploie souvent M. Herbert Spencer : �� la persistance du plus apte », est plus exacte et quelquefois tout aussi commode. »
168
+
169
+ « Aussi, comme il naît plus d’individus qu’il n’en peut vivre, il doit y avoir, dans chaque cas, lutte pour l’existence, soit avec un autre individu de la même espèce, soit avec des individus d’espèces différentes, soit avec les conditions physiques de la vie. C’est la doctrine de Malthus appliquée avec une intensité beaucoup plus considérable à tout le règne animal et à tout le règne végétal, car il n’y a là ni production artificielle d’alimentation, ni restriction apportée au mariage par la prudence. »
170
+
171
+ Il est donc établi que Darwin a été influencé par l'économiste Thomas Malthus et qu'il a emprunté à Spencer l'idée de survie des plus aptes.
172
+
173
+ Les idées qu'on désigne aujourd'hui sous le nom de « darwinisme social » sont devenues populaires à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, au point d'être utilisées pour défendre différentes perspectives idéologiques, parfois contradictoires, y compris l'économie du « laissez-faire »[92], le colonialisme, le racisme ou encore l'impérialisme. Le terme de « darwinisme social » date des années 1890, mais il est devenu courant en tant que terme polémique au cours des années 1940, quand Richard Hofstadter a critiqué le conservatisme du laissez-faire[93]. Suivant les auteurs, le darwinisme social est alors le principe qui motive l'application de politiques conservatrices ou bien le dessein que prêtent les opposants des conservateurs à ceux-ci pour les discréditer. Il est finalement appliqué à des progressistes qui intègrent la volonté humaine comme facteur de l'évolution[92]. Ces concepts préexistaient à la publication par Darwin de L'Origine en 1859[A 52],[94], puisque Malthus était mort en 1834 et que Spencer avait publié en 1851 ses livres sur l'économie et en 1855[95] ses livres sur l'évolution. Darwin lui-même insistait pour que la politique sociale n'obéît pas simplement aux concepts de lutte et de sélection dans la nature[96], et pensait que la sympathie devait s'étendre à toutes les races et toutes les nations[C 20],[L 19]. Héritière du darwinisme social, la sociobiologie est une approche née aux États-Unis à partir de 1975 sous l'impulsion d'Edward O. Wilson[97], professeur de zoologie à Harvard. Dans Sociobiology, the new synthesis, Wilson explique que les êtres vivants sont en perpétuelle compétition pour essayer d'améliorer leur situation, et qu'ainsi l'éthologie animale est conditionnée par la sélection naturelle. Selon le chercheur Patrick Tort, ces théories pseudo-scientifiques utilisent à leurs propres fins les postulats darwiniens, les détournant ainsi de leur cadre épistémologique[98].
174
+
175
+ Durant la vie de Darwin, de nombreuses espèces ainsi que des toponymes lui ont été dédiés. Ainsi, le prolongement occidental du canal Beagle qui relie ce dernier à l’océan Pacifique, le canal de Darwin, porte son nom. C’est le capitaine FitzRoy qui le lui a dédié après une action de Darwin : parti avec deux ou trois marins, il a le réflexe de les conduire sur le rivage lorsqu’il voit un pan d’un glacier s’effondrer dans la mer et provoquer une forte vague, celle-ci aurait probablement balayé leur embarcation[M 3]. Le mont Darwin lui a été dédié lors de son 25e anniversaire[99]. Lorsque le Beagle était en Australie en 1839, John Lort Stokes, ami de Darwin, a découvert un port naturel que le capitaine de vaisseau John Clements Wickham a baptisé du nom de Port Darwin[100],[101]. La colonie de Palmerston, fondée en 1869, fut rebaptisée Darwin en 1911. Elle est devenue la capitale du Territoire du Nord de l’Australie. Cette ville s’enorgueillit de posséder une université Charles-Darwin[102] et un parc national Charles Darwin[103]. Enfin, le Darwin College de l’université de Cambridge, fondé en 1964, a été baptisé ainsi en l’honneur de la famille Darwin, en partie parce qu’elle possédait une partie des terrains sur lesquels il était bâti[104].
176
+
177
+ Les 14 espèces de pinsons qu’il avait découvertes dans les îles Galápagos ont été surnommées les « pinsons de Darwin »[105],[106] et certains taxons commémorent également le nom du scientifique, comme Wallacea darwini, décrite par G. F. Hill en 1919 et faisant également référence à Alfred Wallace[107] ou Hamitermes darwini décrite par le même auteur en 1922. En 2000, une image de Darwin a été utilisée par la banque d'Angleterre pour le billet de dix livres sterling en remplacement de l’image de Charles Dickens[108]. L'année 2009 est une année particulière pour honorer la mémoire de la naissance de Charles Darwin il y a 200 ans, et la publication de L'Origine des espèces il y a 150 ans, en 1859. Plusieurs activités à travers le monde sont prévues[109]. Une pièce de deux livres commémorant la naissance de Darwin et l'ouvrage De l'Origine des espèces a été frappée en 2009. Enfin la médaille Darwin est attribuée par la Royal Society un an sur deux à un biologiste ou à un couple de biologistes. Cette récompense vise à distinguer des recherches dans un domaine de la biologie sur lequel Charles Darwin a travaillé.
178
+
179
+ En 1935, l'Union astronomique internationale a donné le nom de Darwin à un cratère lunaire. Il existe également un cratère sur la planète Mars qui porte le nom de Darwin.
180
+
181
+ Le film Le Cauchemar de Darwin (2004) est un documentaire sur la disparition de la biodiversité dans le lac Victoria, objet de polémique. Après Darwin et la révolution scientifique qui en a suivi, l'évolution s'est propagée dans la culture populaire. Précurseur de la science-fiction moderne, l'écrivain H. G. Wells a été très marqué par les travaux de Darwin dont il s'est inspiré pour écrire son œuvre et notamment La Machine à explorer le temps et La Guerre des mondes[110]. Dans la culture populaire, l'histoire du comic X-Men est basée sur l'évolution de l'homme qui octroie des super-pouvoirs à une part croissante de l'humanité. L'un des mutants de ce comic est d'ailleurs surnommé Darwin en raison de sa capacité à s'adapter à son environnement. Les jeux vidéo SimLife et Spore sont des simulateurs de vie fondés sur les lois du darwinisme. Le pastafarisme (ou Flying Spaghetti Monsterism) parodie la création de l'homme par les pâtes célestes alors que les Darwin Awards est le prix humoristique destiné à ceux qui, victimes d'accidents mortels dus à leur inconséquence, retirent ainsi aimablement leurs gènes de la circulation.
182
+
183
+ Dans le roman humoristique pour la jeunesse Les Pirates ! Une aventure avec les savants (Pirates! In an adventure with scientists) publié par l'écrivain britannique Gideon Defoe (en) en 2004, Charles Darwin est représenté comme un jeune homme timide et maladroit à qui son aventure va inspirer la future expédition du Beagle.
184
+
185
+ Charles Darwin est l'un des personnages principaux du roman L'Arche de Darwin (Galapagos Regained) de James Morrow, paru en 2015, qui obtient le Grand Prix de l'Imaginaire en 2018.
186
+
187
+ Charles Darwin est le héros du film biographique Creation, de Jon Amiel (2009), qui évoque le conflit entre ses recherches scientifiques et les positions religieuses de sa femme.
188
+
189
+ Il apparaît dans l'adaptation au cinéma du roman pour la jeunesse Les Pirates ! Une aventure avec les savants de Gideon Defoe sous la forme d'une coproduction du studio britannique Aardman Animations et du studio américain Sony Pictures Animation sortie en 2012 : Les Pirates ! Bons à rien, mauvais en tout, un film d'animation en pâte à modeler. Dans la version originale anglaise, il est doublé par l'acteur britannique David Tennant.
190
+
191
+ Charles Darwin apparaît également dans le jeu vidéo Assassin's Creed Syndicate, où il croise à plusieurs reprises la route des protagonistes Jacob et Evie Frye. Il est également au cœur du scénario d'une extension téléchargeable (DLC) intitulée La conspiration de Darwin et Dickens ainsi que dans le jeu Curious Expedition, où il est un personnage jouable.
192
+
193
+ Œuvres publiées sous la direction de Patrick Tort de l'Institut Charles Darwin International.
194
+
195
+ Ouvrage pour la jeunesse :
196
+
197
+ Personnalités
198
+
199
+ Concepts
200
+
201
+ Sur les autres projets Wikimedia :
202
+
203
+ Darwin est l’abréviation botanique standard de Charles Darwin.
204
+
205
+ Consulter la liste des abréviations d'auteur ou la liste des plantes assignées à cet auteur par l'IPNI
206
+
207
+ Darwin est l’abréviation habituelle de Charles Darwin en zoologie.Consulter la liste des abréviations d'auteur en zoologie
fr/976.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,207 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ modifier - modifier le code - modifier Wikidata
4
+
5
+ Charles Darwin [tʃɑːlz ˈdɑːwɪn][1], né le 12 février 1809 à Shrewsbury dans le Shropshire et mort le 19 avril 1882 à Downe dans le Kent, est un naturaliste et paléontologue anglais dont les travaux sur l'évolution des espèces vivantes ont révolutionné la biologie avec son ouvrage L'Origine des espèces paru en 1859. Célèbre au sein de la communauté scientifique de son époque pour son travail sur le terrain et ses recherches en géologie, il a adopté l'hypothèse émise 50 ans auparavant par le Français Jean-Baptiste de Lamarck selon laquelle toutes les espèces vivantes ont évolué au cours du temps à partir d'un seul ou quelques ancêtres communs et il a soutenu avec Alfred Wallace que cette évolution était due au processus dit de la « sélection naturelle ».
6
+
7
+ Darwin a vu de son vivant la théorie de l'évolution acceptée par la communauté scientifique et le grand public, alors que sa théorie sur la sélection naturelle a dû attendre les années 1930 pour être généralement considérée comme l'explication essentielle du processus d'évolution. Au XXIe siècle, elle constitue en effet la base de la théorie moderne de l'évolution. Sous une forme modifiée, la découverte scientifique de Darwin reste le fondement de la biologie, car elle explique de façon logique et unifiée la diversité de la vie[2].
8
+
9
+ L'intérêt de Darwin pour l'histoire naturelle lui vint alors qu'il avait commencé à étudier la médecine à l'université d'Édimbourg, puis la théologie à Cambridge[3]. Son voyage de cinq ans à bord du Beagle l'établit dans un premier temps comme un géologue dont les observations et les théories soutenaient les théories actualistes de Charles Lyell. La publication de son journal de voyage le rendit célèbre. Intrigué par la distribution géographique de la faune sauvage et des fossiles dont il avait recueilli des spécimens au cours de son voyage, il étudia la transformation des espèces et en conçut sa théorie sur la sélection naturelle en 1838. Il fut fortement influencé par les théories de Georges-Louis Leclerc de Buffon.
10
+
11
+ Ayant constaté que d'autres avaient été qualifiés d'hérétiques pour avoir avancé des idées analogues, il ne se confia qu'à ses amis les plus intimes et continua à développer ses recherches pour prévenir les objections qui immanquablement lui seraient faites[A 1]. En 1858, Alfred Russel Wallace lui fit parvenir un essai qui décrivait une théorie semblable, ce qui les amena à faire connaître leurs théories dans une présentation commune[4]. Son livre de 1859, L'Origine des espèces, fit de l'évolution à partir d'une ascendance commune l'explication scientifique dominante de la diversification des espèces naturelles. Il examina l'évolution humaine et la sélection sexuelle dans La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe, suivi par L'Expression des émotions chez l'homme et les animaux. Ses recherches sur les plantes furent publiées dans une série de livres et, dans son dernier ouvrage[5], il étudiait les lombrics et leur action sur le sol[6].
12
+
13
+ Charles Darwin est né dans la maison familiale, dite « maison Mount »[7]. Il est le cinquième d’une fratrie de six enfants d’un médecin et financier prospère, Robert Darwin (1766-1848), et de Susannah Darwin (née Wedgwood) (1765-1817). Il est le petit-fils du célèbre naturaliste et poète Erasmus Darwin (1731-1802)[B 1] du côté paternel et de Josiah Wedgwood (1730-1795), du côté de sa mère. Chacune des deux familles est de confession unitarienne, bien que les Wedgwood aient adopté l’anglicanisme. Robert Darwin, plutôt libre-penseur, accepte que son fils Charles soit baptisé à l’église anglicane. Néanmoins, les enfants Darwin fréquentent avec leur mère la chapelle unitarienne. Le prêcheur de celle-ci devient le maître d’école de Charles en 1817. En juillet de la même année, Susannah Darwin décède alors que Charles n'a que huit ans. En septembre 1818, il entre au pensionnat de l’école anglicane voisine, l'école de Shrewsbury[A 2]. Aimant peu les matières théoriques scolaires, il préfère galoper à cheval dans la campagne avec son chien, chasser, herboriser, collecter des animaux et des pierres[8].
14
+
15
+ Darwin passe l’été de 1825 comme apprenti médecin auprès de son père qui soigne les pauvres du Shropshire. À l’automne de la même année, il part en Écosse, à l’université d'Édimbourg pour y étudier la médecine, mais il est révolté par la brutalité de la chirurgie et néglige ses études médicales. Il apprend la taxidermie auprès de John Edmonstone, un esclave noir libéré, qui lui raconte des histoires fascinantes sur les forêts tropicales humides d’Amérique du Sud. Plus tard, dans La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe, il se sert de cette expérience pour souligner que, malgré de superficielles différences d’apparence, « les Nègres et les Européens » sont très proches[K 1].
16
+
17
+ Durant sa seconde année, Charles Darwin rejoint la Société plinienne (ainsi nommée en hommage à Pline l'Ancien considéré comme le premier naturaliste), un groupe d’étudiants spécialement intéressés par l’histoire naturelle[C 1] et au sein de laquelle il fait quelques allocutions[9]. Il devient un élève de Robert Edmond Grant, partisan de la théorie de l’évolution du naturaliste français Jean-Baptiste de Lamarck, tout comme son grand-père Erasmus Darwin l'avait été. Sur les rivages du Firth of Forth, Charles participe aux recherches de Grant sur les cycles vitaux des animaux marins. Ces recherches portent sur l’homologie, théorie selon laquelle tous les animaux ont des organes similaires ne différant que par leur complexité, ce qui indique leur ascendance commune[A 3]. En mars 1827, Darwin fait un exposé devant ses camarades pliniens sur sa propre découverte : les spores noires souvent trouvées dans des coquilles d’huîtres sont selon lui les œufs d’une sangsue[C 2]. Il suit également les cours de Robert Jameson, s’initie à la stratigraphie géologique, à la classification des plantes et utilise les riches collections du muséum de l'université, l’un des plus riches d’Europe de son temps[A 4].
18
+
19
+ En 1827, son père, insatisfait par l’absence de progrès de son jeune fils, l’inscrit pour obtenir un Bachelor of Arts au Christ's College de Cambridge. Il s’agit de lui donner un diplôme de théologie, dans l'espoir que Charles devienne pasteur anglican[A 5]. Néanmoins, Darwin aime mieux monter à cheval et chasser que se consacrer à ses études[L 1]. Avec son cousin William Darwin Fox, il commence à se passionner pour la collection des coléoptères[L 2]. Fox lui fait rencontrer le révérend John Stevens Henslow, professeur de botanique et grand connaisseur de ces insectes. Darwin rejoint alors les cours d’histoire naturelle d’Henslow et devient son élève préféré. Il est alors connu des autres professeurs comme « l’homme qui marche avec Henslow »[A 6],[L 3]. Quand les examens se rapprochent, Darwin se concentre sur ses études et reçoit des cours privés d’Henslow. Le jeune homme est particulièrement enthousiaste au sujet des écrits de William Paley, dont la Théologie naturelle (1802) et la conception divine de la nature le fascinent[L 4].
20
+
21
+ « Pour passer l’examen de bachelier, il était également nécessaire de posséder les Évidences du christianisme de Paley et sa Philosophie morale. J’y mis un grand soin, et je suis convaincu que j’aurais pu transcrire la totalité des Évidences avec une correction parfaite, mais non, bien sûr dans la langue de Paley. La logique de ce livre, et je puis ajouter, de sa Théologie naturelle, me procura autant de plaisir qu’Euclide. L’étude attentive de ces ouvrages, sans rien essayer d’apprendre par cœur, fut la seule partie du cursus académique qui, comme je le sentais alors et comme je la crois encore, se révéla de quelque utilité pour l’éducation de mon esprit. Je ne me préoccupais pas à cette époque des prémisses de Paley ; m’y fiant d’emblée, j’étais charmé et convaincu par la longue chaîne de son argumentation. »
22
+
23
+ — Autobiographie, p. 16
24
+
25
+ Von Sydow a avancé l'idée que l’enthousiasme de Darwin pour l’« adaptationisme » religieux de Paley a paradoxalement joué un rôle, plus tard, lors de la formulation de sa théorie de la sélection naturelle[10]. Il passe ses examens en janvier 1831 et, s’il réussit bien en théologie, il remporte de justesse les épreuves de littérature classique, de mathématiques et de physique, arrivant dixième sur une liste de 178 élèves reçus[C 3].
26
+
27
+ Les obligations universitaires obligent Darwin à rester à Cambridge jusqu’en juin. Suivant les conseils d’Henslow, il ne hâte pas son entrée dans les Ordres. Inspiré par le journal de voyage du naturaliste allemand Alexander von Humboldt, il organise un voyage dans l’île de Tenerife avec quelques camarades d’études eux-mêmes fraîchement diplômés, afin d’étudier l’histoire naturelle des tropiques. Pour mieux se préparer, Darwin rejoint les cours de géologie du révérend Adam Sedgwick et, durant l’été, l’assiste à la réalisation d'une carte géologique dans le pays de Galles[C 4]. Après avoir passé une quinzaine de jours avec des amis étudiants à Barmouth, Darwin retourne chez lui et découvre une lettre d’Henslow qui le recommande comme naturaliste approprié (même si sa formation n’est pas complète) pour un poste non payé auprès de Robert FitzRoy, capitaine de l’HMS Beagle, lequel part quatre semaines plus tard pour faire la cartographie de la côte de l’Amérique du Sud. Son père s’oppose d’abord à ce voyage de deux ans qu’il considère comme une perte de temps, mais il est finalement convaincu par son beau-frère, Josiah Wedgwood II, et finit par donner son accord à la participation de son fils[A 7].
28
+
29
+ Sur les cinq années de l'expédition du Beagle (1831-1836), Darwin passe les deux tiers du temps à terre. Il fait un grand nombre d'observations géologiques, récolte des organismes vivants ou fossiles, et conserve avec méthode une riche collection de spécimens, bon nombre d'entre eux étant nouveaux pour la science[11]. À plusieurs reprises durant le voyage, il envoie des spécimens à Cambridge, accompagnés de lettres sur ses découvertes. Cela va contribuer à établir sa réputation de naturaliste. Ses longues notes détaillées montrent sa capacité à théoriser et forment la base de ses travaux ultérieurs. Le journal qu’il tient alors, à l’origine destiné à sa famille, est publié sous le titre The Voyage of the Beagle (Le Voyage du Beagle). Il y récapitule ses observations, et fournit des informations sociales, politiques et anthropologiques sur un grand nombre de personnes qu’il rencontre, coloniaux comme indigènes[A 8].
30
+
31
+ Avant le départ, Robert FitzRoy[12],[C 5] avait donné à Darwin le premier volume des Principles of Geology de Sir Charles Lyell qui explique les reliefs terrestres par l’accumulation de processus graduels sur de très longues périodes de temps. À leur première escale à l’île de Santiago au Cap-Vert, Darwin observe une bande blanche en altitude dans des falaises volcaniques, bande composée de fragments de coraux et de coquillages cuits. Cette observation, conforme au principe de Lyell sur la lente montée ou descente des reliefs, ouvre à Darwin une nouvelle perspective sur l'histoire géologique de l'île, et lui donne l'idée d'écrire un livre sur la géologie[C 6]. Cette découverte sera suivie par d’autres encore plus décisives[11]. Il observe que les plaines de Patagonie sont constituées de galets et de coquillages, comme des plages surélevées ; par ailleurs, après un tremblement de terre au Chili, il remarque des bancs de moules au-dessus du niveau des pleines mers, ce qui indique que le niveau de la terre a été récemment surélevé. En altitude, dans les Andes, il observe que des arbres fossiles se sont développés sur une plage de sable, à proximité de coquillages marins. Enfin, il émet la théorie selon laquelle les atolls coralliens se forment sur des cônes volcaniques en cours de submersion, ce qu'il confirme après que le Beagle est passé dans les îles Cocos[A 9],[L 5],[O 1].
32
+
33
+ En Amérique du Sud, Darwin découvre des fossiles de mammifères géants éteints inclus dans des couches de coquillages marins récents, ce qui indique une extinction récente sans pour autant révéler de traces de catastrophe ou de changement climatique. Bien qu’il identifie correctement l’un de ces fossiles à un Megatherium et qu’il reconnaisse des fragments de carapace de tatou local, il estime que ces restes sont reliés à des espèces africaines ou européennes ; c’est seulement après son retour que Sir Richard Owen démontre que ces restes sont en réalité proches de créatures ne vivant qu'en Amérique[C 7],[13],[A 10].
34
+
35
+ Le deuxième volume de l’ouvrage de Charles Lyell argumente contre le transformisme de Lamarck et explique la distribution des espèces par des « centres de création » (la création divine ne se serait pas déroulée en une fois, mais en plusieurs fois, après des catastrophes ayant fait disparaître les espèces précédentes)[A 11]. Darwin le reçoit et le lit avec attention, il en déduit des idées qui dépassent ce qu'avait imaginé Lyell[A 12]. En Argentine, il observe que les deux types de nandous occupent des territoires séparés mais se chevauchant en partie. Sur les îles Galápagos, il collecte des miminis et note qu’ils diffèrent en fonction de l’île de provenance. Il avait également entendu dire que les Espagnols vivant dans ces régions sont capables de dire d’où viennent les tortues à leur simple aspect, mais les Espagnols ont conclu qu’ils les ont eux-mêmes introduites[A 13]. En Australie, l’ornithorynque et le rat-kangourou lui semblent si étranges qu’ils semblent avoir été l’œuvre de deux créateurs différents[M 1].
36
+
37
+ Au Cap, Darwin et FitzRoy rencontrent Sir John Herschel, qui avait depuis peu écrit à Lyell au sujet du « mystère des mystères », l’origine des espèces. Lorsqu’il organise ses notes pendant son voyage de retour, Darwin écrit que si ses soupçons au sujet des miminis et des tortues sont justes, « de tels faits sapent la stabilité des espèces », puis, il ajoute prudemment le conditionnel « pourraient »[14],[15]. Il écrit plus tard que « de tels faits m’ont semblé jeter un peu de lumière sur l’origine des espèces »[N 1].
38
+
39
+ Trois indigènes de la Terre de Feu qui avaient été accueillis par le Beagle lors de son précédent voyage sont à bord : ils y reviennent comme missionnaires. Durant leur séjour de deux ans en Angleterre, ils sont devenus des « civilisés », aussi leurs proches apparaissent-ils à Darwin comme des « sauvages malheureux et avilis »[16]. Un an plus tard[17], les missionnaires qui ont été laissés sur place ont abandonné leur mission et seul Jemmy Button vient à leur rencontre ; il est en effet retourné à la vie sauvage et il leur annonce qu'il n'a « aucun désir de retourner en Angleterre » et qu'il est « content et comblé » de son sort[M 2]. À cause de cette expérience, Darwin vient à penser que l'homme n'est pas tant éloigné des animaux, et que la différence est surtout due à des différences d'avancées culturelles entre civilisations plutôt qu'à des différences raciales. Il déteste l’esclavage qu’il a vu ailleurs en Amérique du Sud, et est désolé des effets du peuplement européen sur les aborigènes d'Australie comme sur les Māori de Nouvelle-Zélande[C 8]. FitzRoy est chargé d’écrire le récit officiel du voyage du Beagle ; peu avant la fin du périple, il lit le journal de Darwin et lui demande de le retravailler afin d'en faire le troisième volume, celui consacré à l’histoire naturelle[C 9].
40
+
41
+ Alors que Darwin est toujours en voyage, Henslow travaille à faire connaître son ancien élève en communiquant à des naturalistes éminents des exemplaires de fossiles et une brochure de Darwin contenant ses lettres sur la géologie[18]. Au retour du Beagle, le 2 octobre 1836, Charles Darwin est devenu une célébrité dans les cercles scientifiques. Après être passé à sa maison de Shrewsbury et avoir revu sa famille, il retourne au plus vite à Cambridge pour voir Henslow, qui lui conseille de trouver des naturalistes capables de décrire les collections et d'en établir le catalogue, et qui accepte lui-même de s'occuper des spécimens de botanique. Le père de Darwin rassemble alors des fonds qui permettent à son fils de devenir un homme de science financièrement indépendant. C'est donc un Darwin enthousiaste qui fait le tour des institutions de Londres dans lesquelles il est partout honoré. Il cherche alors des experts pour décrire les collections, mais les zoologistes ont un énorme retard dans leur travail et certains spécimens courent le risque d'être tout simplement oubliés dans les réserves[A 14].
42
+
43
+ C'est avec une grande curiosité que Charles Lyell rencontre Darwin pour la première fois, le 29 octobre, et il se hâte de le présenter à Sir Richard Owen, un anatomiste promis à un bel avenir, qui a à sa disposition les équipements du Collège royal de chirurgie pour étudier les ossements fossiles que Darwin a recueillis. Parmi les résultats surprenants d'Owen figurent des paresseux géants, un crâne semblable à celui d'un hippopotame appartenant au Toxodon, un rongeur éteint, ainsi que des fragments de carapace d'un énorme tatou disparu (le glyptodon), et que Darwin a dès le départ conjecturé[19],[15]. Ces créatures fossiles n'ont en effet aucun rapport avec les animaux africains, mais sont étroitement liées aux espèces vivant en Amérique du Sud[A 15],[C 10].
44
+
45
+ À la mi-décembre, Darwin se rend à Cambridge pour organiser le travail sur ses collections et réécrire son journal[C 11]. Il rédige son premier article où il montre que la masse continentale sud-américaine connaît une lente surrection et, chaudement appuyé par Lyell, le lit à la Société géologique de Londres le 4 janvier 1837. Le même jour, il offre à la Société zoologique ses exemplaires de mammifères et d'oiseaux. L'ornithologue John Gould ne tarde pas à faire savoir que les oiseaux des Galápagos que Darwin croit être un mélange de merles, de « gros-becs » et de fringillidés, constituent, en fait, treize espèces distinctes de fringillidés. Le 17 février 1837, Darwin est élu au Conseil de la Société géographique et, dans son adresse présidentielle, Lyell présente les conclusions d'Owen sur les fossiles de Darwin, en insistant sur le fait que la continuité géographique des espèces confirme ses idées actualistes[A 16],[20].
46
+
47
+ Le 6 mars 1837, Darwin s'installe à Londres pour se rapprocher de sa nouvelle charge à la société de géographie. Il se joint au cercle formé autour de scientifiques et de savants comme Charles Babbage notamment, qui croit que Dieu a d'avance ordonné la vie selon des lois naturelles sans procéder à des créations miraculeuses ad hoc. Darwin vit près de son frère Erasmus, un libre-penseur, qui fait partie du cercle Whig et dont l'amie intime, l'auteur Harriet Martineau, promeut les idées de Thomas Malthus qu'on trouve à la base des réformes de la Poor Law prônées par les Whigs. La question de Sir John Herschel sur l'origine des espèces est alors abondamment discutée. Des personnalités du milieu médical, y compris le Dr James Manby Gully vont même jusqu'à rejoindre Grant dans ses idées de transformation des espèces, mais aux yeux des scientifiques amis de Darwin une hérésie aussi radicale met en péril la base divine de l'ordre social déjà menacé par la récession et les émeutes[A 17].
48
+
49
+ Consécutivement John Gould fait savoir que les moqueurs polyglottes des Galápagos originaires des différentes îles sont des espèces distinctes et pas seulement des variétés, tandis que les « troglodytes » constituent encore une autre espèce de fringillidés. Darwin n'a pas noté précisément de quelles îles proviennent les exemplaires de fringillidés, mais il trouve ces renseignements dans les notes d'autres membres de l'expédition sur le Beagle, y compris celles de FitzRoy, qui a enregistré plus soigneusement ce qu'ils ont eux-mêmes collecté. Le zoologiste Thomas Bell montre que les tortues des Galápagos sont indigènes dans l'archipel. Avant la mi-mars, Darwin est convaincu que les animaux, une fois arrivés dans les îles, se sont en quelque sorte modifiés pour former sur les différentes îles des espèces nouvelles ; il réfléchit à cette transformation en notant le résultat de ses pensées sur le « carnet rouge » qu'il a commencé sur le Beagle. À la mi-juillet, il commence son carnet secret, le « carnet B », sur cette transformation et, à la page 36, il écrit « je pense » au-dessus de sa première esquisse d'un arbre montrant l'évolution[A 18],[15].
50
+
51
+ Alors qu'il est absorbé dans l'étude du transformisme, Darwin est pris par des travaux supplémentaires. Tandis qu'il en est encore à réécrire son Journal, il entreprend de réviser et de publier les rapports d'experts sur ses collections et, avec l'aide de Henslow, obtient une subvention de 1 000 livres sterling pour financer l'écriture de Zoologie du Voyage du H.M.S. Beagle, éditée en plusieurs volumes. Il accepte des délais impossibles à tenir pour cette tâche ainsi que pour un livre sur la Géologie de l'Amérique du Sud qui soutient les idées de Lyell. Darwin finit de rédiger son Journal le 20 juin 1837, juste au moment où la reine Victoria monte sur le trône, mais il lui reste encore à corriger les épreuves[C 12].
52
+
53
+ La santé de Darwin souffre d'une réelle surcharge de travail. Le 20 septembre 1837, il ressent des « palpitations du cœur ». Son médecin lui ayant prescrit un mois de repos, il se rend alors à Shrewsbury chez des parents du côté maternel à Maer Hall mais il les trouve trop curieux de ses histoires de voyages pour lui laisser quelque repos. Sa cousine Emma Wedgwood, charmante, intelligente et cultivée, et de neuf mois plus âgée que Darwin, soigne la tante de celui-ci, laquelle est invalide. Son oncle Jos lui fait voir un endroit où des cendres ont disparu sous la glaise et suggère qu'il peut s'agir du travail des lombrics. C'est ainsi l'origine d'une conférence que Darwin fait à la Société géologique le 1er novembre, dans laquelle il démontre pour la première fois le rôle des lombrics dans la formation des sols[A 19],[21].
54
+
55
+ William Whewell incite Darwin à accepter la charge de secrétaire de la Société géologique. Après avoir d'abord refusé cette tâche supplémentaire, il accepte le poste en mars 1838[A 20]. En dépit de la besogne apportée par les travaux d'écriture et d'édition, il réalise des progrès remarquables sur le transformisme. Tout en gardant secrètes ses idées sur l'évolution, il ne manque aucune occasion d'interroger les naturalistes expérimentés et, de façon informelle, les gens qui possèdent une expérience pratique comme les fermiers et les colombophiles[11],[A 21]. Avec le temps sa recherche s'élargit : il se renseigne auprès de sa famille, enfants compris, du majordome de la famille, de voisins, de colons et d'anciens compagnons de bord[C 13]. Il englobe le genre humain dans ses spéculations initiales et, le 28 mars 1838, ayant observé un singe au zoo, il note la ressemblance entre son comportement et celui d'un enfant[A 22].
56
+
57
+ Tous ces efforts finissent par se faire sentir et, dès juin, il est forcé de s'aliter quelques jours sans interruption en raison de problèmes d'estomac, de migraines et de symptômes cardiaques[A 23]. Tout le reste de sa vie, il devra plusieurs fois s'arrêter de travailler avec des épisodes de douleurs à l'estomac, de vomissements, de furoncles sévères, de palpitations, de tremblements et d'autres malaises, surtout dans les moments de tension, comme lorsqu'il doit assister à des réunions ou répondre à des controverses sur sa théorie. La cause de cette maladie reste inconnue de son vivant, et les traitements n'ont que peu de succès. Des essais récents de diagnostic suggèrent la maladie de Chagas, que lui ont peut-être communiquée des piqûres d'insectes en Amérique du Sud, la maladie de Menière, la maladie de Lyme[22] ou encore différents troubles psychologiques, comme le trouble panique[23]. Les spécialistes restent encore dans l'incertitude à ce sujet[24].
58
+
59
+ Le 23 juin 1838, il fait une pause dans son travail en allant faire un peu de géologie en Écosse. Il visite Glen Roy par un temps radieux pour voir les « terrasses » parallèles, ces replats taillés à flanc de coteau. Il y voit des plages surélevées, et en effet les géologues ont démontré plus tard qu'il s'agit des berges d'un lac glaciaire[A 24],[C 14],[L 6].
60
+
61
+ Complètement rétabli, il revient à Shrewsbury en juillet. Habitué à prendre continuellement des notes sur la reproduction animale, il griffonne des pensées décousues concernant sa carrière et ses projets sur deux petits morceaux de papier : l'un comporte deux colonnes intitulées « Mariage » et « Pas de mariage ». Les avantages comprennent entre autres : « une compagne fidèle et une amie dans la vieillesse… mieux qu'un chien en tout cas » ; et à l'opposé des points comme « moins d'argent pour les livres » et « terrible perte de temps »[O 2]. S'étant décidé pour le mariage, il en discute avec son père, et rend ensuite visite à Emma le 29 juillet 1838. Il n'a pas le temps de faire sa demande en mariage mais, contre les conseils de son père, parle de ses idées sur le transformisme[A 25].
62
+
63
+ Pendant qu'il continue ses recherches à Londres, l'éventail de lectures très large de Darwin comprend alors, « pour se distraire » selon ses termes, la 6e édition de l’Essai sur le Principe de Population de Thomas Malthus ; celui-ci a calculé qu'en raison du taux de natalité, la population humaine peut doubler tous les 25 ans mais que, dans la pratique, cette croissance est freinée par la mort, la maladie, les guerres et la famine[11],[25],[A 26],[26]. Darwin est bien préparé pour saisir de suite que cela s'applique aussi au « conflit entre les espèces », remarqué pour les plantes par Augustin Pyrame de Candolle, et à la lutte pour la vie parmi les animaux sauvages, et que c'est là la raison pour laquelle les effectifs d'une espèce demeurent relativement stables. Comme les espèces se reproduisent toujours plus qu'il n'y a de ressources disponibles, les variations favorables rendent les organismes qui en sont porteurs plus aptes à survivre et à transmettre ces variations à leur progéniture, tandis que les variations défavorables finissent par disparaître. S'ensuit la formation de nouvelles espèces[A 27],[C 15],[27],[L 7]. Le 28 septembre 1838[11], il note ce nouvel éclairage de la question, le décrivant comme une sorte de moyen épistémologique pour introduire des structures plus adaptées dans les espaces de l'économie naturelle tandis que les structures plus faibles sont éjectées. Il dispose maintenant d'une hypothèse de travail. Au cours des mois suivants, il compare les fermiers qui sélectionnent les meilleurs sujets pour l'élevage à une Nature malthusienne faisant son choix parmi les variantes créées par le « hasard », « de telle sorte que chaque élément [de chaque] structure nouvellement acquise fût complètement mis en œuvre et perfectionné ». Il voit dans cette analogie « la plus belle partie de [sa] théorie »[A 28].
64
+
65
+ Le 11 novembre, il revient à Maer et fait sa demande à Emma, en lui exposant encore une fois ses idées. Elle accepte puis, dans les lettres qu'ils échangent, elle montre à quel point elle apprécie sa franchise mais, du fait de son éducation anglicane très pieuse, elle laisse voir sa crainte que de telles hérésies par rapport à la foi puissent mettre en danger ses espoirs de le retrouver dans la vie éternelle. Pendant qu'il est en quête d'un logement à Londres, les épisodes de maladie continuent et Emma lui écrit pour le presser de prendre un peu de repos, remarquant de façon presque prophétique : « Ne retombez donc plus malade, mon cher Charlie, avant que je puisse être auprès de vous pour prendre soin de vous ». Il trouve dans la Gower Street ce que le jeune couple appelle le « Cottage de l'Ara » (à cause de son intérieur criard), puis Darwin y déménage son « musée » à Noël. Le mariage est prévu pour le 24 janvier 1839, mais les Wedgwood retardent cette date. Le 24, Darwin a l'honneur d'être élu membre de la Royal Society[A 29]. Le 29 janvier 1839, Darwin et Emma Wedgwood se marient à Maer, au cours d'une cérémonie anglicane aménagée pour convenir aux Unitariens. Ils prennent alors immédiatement le train pour Londres et gagnent leur nouveau foyer[A 30].
66
+
67
+ Darwin a trouvé la base de sa théorie de la sélection naturelle, mais il est cependant bien conscient de tout le travail qu'il reste à faire pour la rendre crédible aux yeux de ses collègues scientifiques, qui le critiquent farouchement. Le 19 décembre 1838, à la réunion de la Société géologique dont il est secrétaire, il voit Owen et Buckland ne rien cacher de leur haine contre l'évolution en attaquant la réputation de son vieux maître Grant, disciple de Lamarck[A 31]. Le travail continue sur les conclusions auxquelles il est arrivé à bord du Beagle et, en même temps qu'il consulte des éleveurs, il multiplie les expériences sur les plantes, essayant de trouver des preuves qui répondent à toutes les objections auxquelles il s'attend à partir du moment où sa théorie est communiquée[N 2]. Quand la Narration[28] de FitzRoy est publiée, en mai 1839, le Journal et Remarques de Darwin (plus connu sous le titre Le Voyage du Beagle) qui en constitue le troisième volume rencontre un tel succès que l'on en fait une réédition séparée la même année[L 8].
68
+
69
+ Au début de 1842, Darwin envoie à Lyell une lettre pour lui exposer ses idées ; ce dernier est consterné de voir que celui qui a été son allié refuse maintenant « de voir un commencement à chaque groupe d'espèces ». En mai, le livre de Darwin sur les récifs coralliens est publié après plus de trois années de travail[29]. En juin il écrit alors une « esquisse sommaire » de sa théorie tenant en 35 pages[A 32],[L 9]. Pour échapper aux pressions de Londres, la famille s'installe en novembre à la campagne, dans le domaine de Down House. Le 11 janvier 1844, Darwin écrit à son ami, le botaniste Sir Joseph Dalton Hooker, pour lui exposer sa théorie, en disant que c'est presque avouer « un meurtre », mais, à son grand soulagement, Hooker croit qu'« une modification graduelle des espèces pouvait bien avoir eu lieu » et il exprime son intérêt pour l'explication de Darwin. Vers le mois de juillet, Darwin développe une esquisse de ses vues dans un « essai » de 230 pages[A 33],[L 10]. Ses craintes de voir ses idées écartées comme une sorte de radicalisme lamarckien sont réveillées une nouvelle fois par la controverse que suscite en octobre une publication anonyme (l'auteur se révélera être Robert Chambers) intitulée Vestiges de l'Histoire naturelle de la Création[30]. Ce livre qui est un best-seller accroît l'intérêt de la classe moyenne pour le transformisme, et ouvre ainsi la voie à Darwin. Cet ouvrage est néanmoins sévèrement attaqué par les scientifiques reconnus, ce qui lui rappelle la nécessité de répondre à toutes les difficultés avant de rendre publique sa théorie[B 2]. Darwin termine son troisième livre de géologie, Geological Observations on South America[31] en 1846 et entreprend à partir d'octobre une vaste étude sur les cirripèdes avec l'aide de Hooker. En janvier 1847, Hooker lit l'« essai » de Darwin et lui renvoie ses observations ; c'est la critique sereine dont Darwin a besoin, même si Hooker remet en question son rejet de l'idée d'une création continue[A 34],[32],[N 3].
70
+
71
+ Pour essayer de traiter son état maladif chronique, Darwin se rend à Malvern, une ville thermale, en 1848. La cure de quelques mois lui fait un grand bien et il peut reprendre son travail à son retour. À la mort de son père le 13 novembre, il est néanmoins tellement affaibli qu'il ne peut assister aux funérailles[L 11]. En 1849, sa fille, Annie, tombe malade, ce qui réveille sa peur que la maladie puisse être héréditaire. Après une longue série de crises elle meurt en avril 1851, et Darwin perd alors toute foi en un Dieu bienveillant[A 35]. En 1851, Marcel de Serres publie Du perfectionnement graduel des êtres organisés, qui illustre l'émergence de théories évolutionnistes dans les milieux scientifiques européens.
72
+
73
+ Les huit années que Darwin passe à travailler sur les cirripèdes lui permettent de trouver des « homologies » qui confortent sa théorie en montrant que de légers changements morphologiques peuvent permettre à différentes fonctions d'affronter des conditions nouvelles[L 12]. En 1853, il obtient la médaille royale de la Royal Society, ce qui établit sa réputation comme biologiste[A 36]. En 1854, il reprend le travail sur sa théorie des espèces et, en novembre, se rend compte que la divergence dans le caractère de descendants peut s'expliquer par le fait qu'ils se sont adaptés « à des situations différentes dans l'économie de la nature »[L 13].
74
+
75
+ Au début de 1855, Darwin cherche à savoir si les œufs et les graines sont capables de survivre à un voyage dans l'eau salée et d'élargir ainsi la distribution de leurs espèces à travers les océans[33],[34],[35]. Joseph Dalton Hooker est de plus en plus sceptique quant à la conception traditionnelle selon laquelle les espèces sont immuables, mais son jeune ami Thomas Henry Huxley est fermement opposé à l'évolution. Lyell est lui intrigué par les spéculations de Darwin sans se rendre vraiment compte de leur portée. Après avoir lu un article d'Alfred Russel Wallace sur l’Introduction des espèces, il trouve des ressemblances avec les idées de Darwin et lui conseille de les publier pour établir son antériorité. Bien que Darwin ne voie là aucune menace, il commence néanmoins à rédiger un article court. Trouver des réponses aux questions difficiles l'arrête plusieurs fois, et il élargit alors son projet à un « grand livre sur les espèces » intitulé « La Sélection naturelle ». Il continue aussi ses recherches, obtenant des renseignements et des exemplaires auprès de naturalistes du monde entier, y compris Wallace qui travaille à Bornéo. En décembre 1857, Darwin reçoit de Wallace une lettre lui demandant si son livre examine les origines humaines. Il répond qu'il veut éviter un tel sujet, « si encombré de préjugés », tandis qu'il encourage l'essai de théorisation de Wallace, ajoutant : « Je vais beaucoup plus loin que vous »[A 37].
76
+
77
+ Darwin en est à mi-chemin de son livre quand, le 18 juin 1858, il reçoit une lettre de Wallace qui décrit la sélection naturelle. Bien qu'ennuyé d'avoir été « devancé », il la transmet à Lyell comme convenu et, bien que Wallace n'ait pas demandé qu'elle soit publi��e, il propose de l'envoyer à n'importe quel journal choisi par Wallace. La famille de Darwin est alors plongée dans l'angoisse car dans le village des enfants meurent de la scarlatine, aussi remet-il l'affaire entre les mains de Lyell et de Hooker. Ils conviennent de présenter ensemble à la Linnean Society, le 1er juillet le discours intitulé Sur la Tendance des espèces à former des variétés ; et sur la Perpétuation des variétés et des espèces par les moyens naturels de la sélection[4]. Néanmoins, comme Charles, le dernier enfant des Darwin, alors encore au berceau, vient de mourir de la scarlatine, son père est trop bouleversé pour être présent[A 38].
78
+
79
+ Sur le moment on prête peu d'attention à l'annonce de cette théorie ; le président de la Linnean remarque en mai 1859 que l'année précédente n'a été marquée par aucune découverte révolutionnaire[C 16]. Par la suite, Darwin ne peut se souvenir que d'une seule recension, celle du professeur Haughton, de Dublin, qui proclame que « tout ce qu'il y avait là de nouveau était inexact, et tout ce qui était exact n'était pas nouveau »[O 3]. Darwin s'acharne pendant treize mois pour écrire un résumé de son « grand livre », souffrant de problèmes de santé, mais encouragé constamment par ses amis scientifiques, et Lyell s'arrange pour le faire publier par Sir John Murray[A 39].
80
+
81
+ L'ouvrage Sur l'Origine des Espèces au moyen de la Sélection Naturelle, ou la Préservation des Races les meilleures dans la Lutte pour la Vie, titre d'habitude raccourci sous la forme L'Origine des espèces, a auprès du public un succès inattendu. Le tirage entier de 1 250 exemplaires est déjà réservé quand il est mis en vente chez les libraires le 22 novembre 1859[A 40]. Darwin y développe « une longue argumentation » fondée sur des observations détaillées, y expose des inférences et la prise en compte des objections attendues[N 4]. Cependant, sa seule allusion à l'évolution chez l'homme est l'affirmation, discrète, que « des lumières seront jetées sur l'origine de l'homme et son histoire ». Il évite ainsi le mot « évolution », controversé à l'époque, mais à la fin du livre il conclut que « des formes sans cesse plus belles et plus admirables ont été élaborées et continuent à l'être »[N 5]. Sa théorie est exposée de façon simple dans l'introduction :
82
+
83
+ « Comme il naît beaucoup plus d'individus de chaque espèce qu'il n'en peut survivre, et que, par conséquent, il se produit souvent une lutte pour la vie, il s'ensuit que tout être, s'il varie, même légèrement, d'une manière qui lui est profitable, dans les conditions complexes et quelquefois variables de la vie, aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi d'une façon naturelle. En raison du principe dominant de l'hérédité, toute variété ainsi choisie aura tendance à se multiplier sous sa forme nouvelle et modifiée[N 6]. »
84
+
85
+ Malgré sa publication dans la précipitation — un de ses confrères, Alfred Russel Wallace, s'apprête en effet à publier une théorie similaire —, l'ouvrage de Charles Darwin suscite un vif intérêt, pour l'époque, le stock de 1 250 exemplaires prévus étant épuisé le jour de sa présentation aux librairies, le 22 novembre 1859. Cette première édition épuisée, une seconde de 3 000 exemplaires est publiée en janvier de l'année suivante. Son livre provoque une controverse que Darwin suit de près, conservant les coupures de presse avec les recensions, les articles, les railleries, les parodies et les caricatures[C 17]. L'évolution par la sélection naturelle fut largement discutée, voire dénigrée, particulièrement dans les communautés religieuse et scientifique. Bien que Darwin soit soutenu par certains scientifiques (par exemple, Thomas Henry Huxley[B 3], Ernest Renan ou encore Ernst Haeckel qui le popularise très tôt en Allemagne), d'autres hésitent à accepter sa théorie à cause de la capacité inexpliquée des individus à transmettre leurs capacités à leurs descendants. En effet, Darwin reprend l'idée, très populaire à l'époque, de la transmission des caractères acquis ; il en propose même une théorie dans son ouvrage de 1868. Ce dernier point est pourtant étudié au même moment par Gregor Mendel, mais il ne semble pas que les deux hommes aient communiqué à ce propos[36],[37]. Même avec les lois de Mendel, le mécanisme sous-jacent reste un mystère jusqu'à ce que l'on découvre l'existence des gènes.
86
+
87
+ Les critiques hostiles ont très tôt fait de tirer les conséquences qui ne sont pas exprimées, comme le fait que « les hommes descendent des singes ». Pourtant, dans L'Origine des espèces, Darwin ne parle pas des origines de l'homme. Le public confond les idées exprimées dans le livre de Darwin avec celles de Lamarck, qui cinquante ans auparavant a avancé cette idée, sans alors faire scandale. Parmi les réponses favorables, les recensions de Huxley adressent des critiques à Richard Owen, chef de l'establishment scientifique qu'il voulait ébranler. Le verdict d'Owen reste inconnu jusqu'à ce que son compte-rendu d'avril condamne finalement le livre[A 41]. L'establishment scientifique de l'Église d'Angleterre, qui comprend les anciens maîtres de Darwin à Cambridge, Adam Sedgwick et John Stevens Henslow, réagit de façon hostile, malgré un accueil favorable dans la génération plus jeune des naturalistes professionnels. En 1860 cependant, la publication de Essays and Reviews par sept théologiens anglicans libéraux détourne de Darwin l'attention des hommes d'Église. Ces derniers condamnent comme hérétique une telle manifestation de la critique libérale car on y trouve entre autres cet argument que, par les miracles, Dieu enfreint ses propres lois[A 42].
88
+
89
+ Le débat public le plus fameux a lieu à Oxford lors d'une réunion de l'Association britannique pour l'Avancement des Sciences. Le professeur John William Draper prononce un long plaidoyer en faveur de Darwin et du progrès social ; c'est alors que l'évêque d'Oxford, Samuel Wilberforce, s'en prend à Darwin. Dans la discussion qui s'ensuit, Joseph Dalton Hooker prend énergiquement parti pour Darwin tandis que Thomas Huxley se constitue comme le « bouledogue de Darwin ». Il fut en effet le défenseur le plus farouche de la théorie de l'Évolution à l'époque victorienne. Les deux partis se séparent en criant victoire chacun, mais Huxley reste célèbre par sa réponse. Comme Wilberforce lui avait demandé s'il descend du singe par son grand-père ou par sa grand-mère, Huxley rétorque : « c'est Dieu lui-même qui vient de le livrer entre mes mains » et il réplique qu'il « préférerait descendre d'un singe plutôt que d'un homme instruit qui utilisait sa culture et son éloquence au service du préjugé et du mensonge »[38],[A 43].
90
+
91
+ Le débat déborde le cadre de la science, de l'Église anglicane et du protestantisme. Les autorités de l'Église catholique entrent dans la polémique. Dès 1860, en effet, une réunion d'évêques qui se tient à Cologne[39] précise la position catholique. Sans condamner Darwin, ni le principe de l'évolution des espèces animales, les évêques affirment qu'une intervention divine est nécessaire au moins à l'origine de l'univers (pour lui donner son existence et ses lois) ainsi que lors de l'apparition de l'homme. Ce sera désormais la position constante des autorités catholiques (moins hostiles à l'évolution que les courants protestants dits « créationnistes »).
92
+
93
+ Tenu éloigné des discussions publiques par sa maladie, Darwin n'en lit pas moins avec passion ce qu'on rapporte et reçoit des soutiens par courrier. Asa Gray convainc un éditeur aux États-Unis de payer des droits d'auteur, et Darwin fait venir et distribue la brochure de Gray qui montre que la sélection naturelle n'est nullement incompatible avec la théologie naturelle[A 44],[40]. En Grande-Bretagne, ses amis, y compris Hooker[41] et Lyell[42], prennent part aux discussions scientifiques qu'Huxley mène avec rage pour briser la domination de l'Église, incarnée par Owen, en faveur d'une nouvelle génération de professionnels de la science. Owen commet en effet l'erreur d'invoquer certaines différences anatomiques entre le cerveau du singe et le cerveau humain, et accuse Huxley de soutenir que « l'homme descend du singe ». Huxley est heureux de soutenir cette opinion et sa campagne, qui dure plus de deux ans, est une vraie catastrophe pour Owen et la « vieille garde »[A 45], qui se trouvent ainsi éliminés des débats. Les amis de Darwin forment alors le « Club X ». Ils l'aident à lui valoir l'honneur de la médaille Copley que lui décerne la Royal Society en 1864[42].
94
+
95
+ Si l'ouvrage Vestiges a déjà suscité dans le public le plus vaste intérêt, L'Origine des espèces est traduit dans un grand nombre de langues et connaît de nombreuses réimpressions, devenant un texte scientifique de base accessible aussi bien à une classe moyenne curieuse de cette nouveauté qu'aux simples travailleurs qui se pressent aux conférences d'Huxley. La théorie de Darwin[43] correspond d'ailleurs aux différents mouvements sociaux de l'époque[44] et elle devient un des fondements clés de la culture populaire (par exemple, la chanson A lady fair of lineage high de William S. Gilbert et Arthur Sullivan interprétée par Princess Ida, qui décrit l'ascendance simiesque de l'homme, mais pas des femmes).
96
+
97
+ Malgré des rechutes continuelles pendant les vingt-deux dernières années de sa vie, Darwin continue son travail. Il publie un résumé de sa théorie mais les aspects les plus controversés de son « grand livre » restent incomplets, y compris la preuve explicite du fait que l'humanité descend d'animaux antérieurs à elle, et la recherche de causes possibles qui sont à la base du développement de la société et des capacités mentales de l'homme. Il doit encore expliquer des caractéristiques sans utilité évidente si ce n'est dans un but esthétique. Darwin continue par conséquent à faire des expériences, à chercher et à écrire.
98
+
99
+ Quand la fille de Darwin tombe malade, il suspend ses expériences sur les semences et les animaux domestiques pour l'accompagner au bord de la mer ; là il s'intéresse aux orchidées[45],[46] et il en résulte une étude révolutionnaire sur la façon dont la beauté des fleurs sert à assurer la pollinisation par les insectes et à garantir une fertilisation avec croisement. Comme avec les balanes, les parties homologues remplissent des fonctions différentes chez les diverses espèces. De retour chez lui, il retrouve son lit de malade dans une pièce que remplissent ses expériences sur les plantes grimpantes. Il reçoit la visite d'Ernst Haeckel, un de ses admirateurs et qui a propagé sa théorie en Allemagne[47]. Wallace continue aussi à le soutenir, bien qu'il verse de plus en plus dans le spiritisme[48].
100
+
101
+ De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication (1868)[49] constitue la première partie du « grand livre » que Darwin projette d'écrire. Il travaille alors au développement du « résumé » qu'il a publié sous le titre L'Origine des espèces. Cette première partie s'agrandit jusqu'à devenir deux gros volumes, le forçant à laisser de côté l'évolution humaine et la sélection sexuelle. Elle se vend bien malgré sa taille[A 46].
102
+
103
+ Dans ce livre, Darwin continue à soutenir qu'une des causes de l'évolution est l'effet de l'usage et du non-usage, théorie déjà exposée par Lamarck[50] qu'on appela plus tard transmission ou hérédité des caractères acquis[51]. Il s'efforce maintenant de donner une explication théorique de l'hérédité des caractères acquis à l'aide de l'hypothèse de la pangenèse[52],[53]. Un livre supplémentaire de démonstrations, qui traite dans le même style de la sélection naturelle, est écrit en grande partie, mais reste inédit jusqu'à ce qu'il soit transcrit en 1975[54].
104
+
105
+ La question de l'évolution humaine a été soulevée par ses partisans (et ses détracteurs) peu de temps après la publication de L'Origine des espèces[55], mais la contribution propre de Darwin sur ce sujet apparaît plus de dix ans plus tard avec l'ouvrage en deux volumes La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe, publié en 1871. Dans le deuxième volume, Darwin délivre en toutes lettres sa conception de la sélection sexuelle pour expliquer l'évolution de la culture humaine, les différences entre les sexes chez l'homme et la différenciation des races humaines, aussi bien que les sons et la musique ou encore la beauté du plumage chez les oiseaux, lequel ne semble pas, selon lui, le résultat d'une adaptation[56]. L'année suivante Darwin publie son dernier travail important, L'Expression des émotions chez l'homme et les animaux, consacré à l'évolution de la psychologie humaine et sa proximité avec le comportement des animaux. Il développe ses idées selon lesquelles chez l'homme l'esprit et les cultures sont élaborés par la sélection naturelle et sexuelle[57], conception qui a connu une nouvelle jeunesse à la fin du XXe siècle avec l'émergence de la psychologie évolutionniste[58]. Comme il conclut dans La Filiation de l'Homme, Darwin estime qu'en dépit de toutes les « qualités nobles » de l'humanité, et des « pouvoirs qu'elle avait développés », « L'homme porte toujours dans sa constitution physique le sceau ineffaçable de son humble origine »[K 2]. Ses expériences et ses recherches concernant l'évolution trouvent leur conclusion dans des ouvrages sur le mouvement des plantes grimpantes, les plantes insectivores, les effets des croisements des plantes et leur auto-fertilisation, les différentes formes de fleurs sur des plantes de la même espèce, toutes recherches publiées dans La Capacité des plantes à se mouvoir. Dans ce dernier livre, il revient également à l'influence des lombrics sur la formation des sols[5].
106
+
107
+ Charles Darwin meurt à Downe, dans le Kent, le 19 avril 1882. Il a demandé à être enterré au cimetière St. Mary à Downe[59], mais sur les instances des collègues de Darwin, et notamment William Spottiswoode, président de la Société royale qui intervient pour qu'il reçoive des funérailles officielles, il est enterré dans l'abbaye de Westminster, près de l'astronome John Herschel et du physicien Isaac Newton[C 18].
108
+
109
+ Les Darwin eurent dix enfants : deux moururent en bas âge, et la disparition d'Annie, alors qu'elle n'avait que dix ans, affecta profondément ses parents. Charles était un père dévoué et très attentif envers ses enfants. Chaque fois qu'ils tombaient malades, il craignait que ce soit dû à la consanguinité, puisqu'il avait épousé sa cousine, Emma Wedgwood. Il se pencha sur cette question dans ses écrits, mettant en opposition les avantages des croisements chez beaucoup d'organismes[A 47]. Malgré ses craintes, la plupart des enfants qui survécurent firent des carrières remarquables, se distinguant même à l'intérieur de la famille Darwin-Wedgwood, déjà composée d'esprits fort brillants[60].
110
+
111
+ Parmi eux, George, Francis et Horace devinrent membres de la Royal Society, se signalant respectivement comme astronome[61], botaniste et ingénieur civil[62]. Son fils Leonard fut militaire, politicien, économiste. Partisan de l'eugénisme, il eut comme disciple Sir Ronald Aylmer Fisher (1890-1962)[63], statisticien et biologiste de l'évolution.
112
+
113
+ Bien que sa famille fût en majorité non-conformiste et que son père, son grand-père et son frère fussent libres-penseurs[A 48], au début, Darwin ne doutait pas de la vérité littérale de la Bible[L 14]. En ce sens, « l'œuvre de Darwin et sa postérité s'inscrivent plus précisément encore dans le cadre de l'époque victorienne »[B 4]. Il avait fréquenté une école de l'Église d'Angleterre, puis étudié la théologie anglicane à Cambridge pour embrasser une carrière ecclésiastique[A 49]. Il avait été convaincu par l'argument téléologique de William Paley qui voyait dans la nature un dessein prouvant l'existence de Dieu[L 15] ; cependant, au cours du voyage du Beagle Darwin se demanda, par exemple, pourquoi de superbes créatures avaient été faites au fond des océans là où personne ne pourrait les voir, ou comment il était possible de concilier la conception de Paley d'un dessein bienveillant avec la guêpe ichneumon qui paralyse des chenilles pour les donner à ses œufs comme des aliments vivants[64],[65],[L 16]. Il restait tout à fait orthodoxe et citait volontiers la Bible comme une autorité dans le domaine de la morale, mais ne croyait plus à l'historicité de l'Ancien Testament[O 4].
114
+
115
+ Alors qu'il menait ses recherches sur la transformation des espèces Darwin savait que ses amis naturalistes y voyaient une hérésie abominable qui mettait en péril les justifications miraculeuses sur lesquelles était fondé l'ordre social ; sa théorie ressemblait alors aux arguments radicaux qu'utilisaient les dissidents et les athées pour attaquer la position privilégiée de l'Église d'Angleterre en tant qu'Église établie[A 50]. Bien que Darwin eût écrit que la religion était une stratégie tribale de survivance, il croyait cependant toujours que Dieu était le législateur suprême[66],[67]. Cette conviction fut peu à peu ébranlée et, avec la mort de sa fille Annie en 1851, il finit par perdre toute foi dans le christianisme[A 51]. Il continua à aider son église locale pour le travail paroissial, mais le dimanche il allait se promener pendant que sa famille se rendait à l'église. Désormais, il jugeait préférable de regarder la douleur et les souffrances comme le résultat de lois générales plutôt que d'une intervention directe de Dieu[L 17]. Interrogé sur ses conceptions religieuses, il écrivit qu'il n'avait jamais été un athée dans le sens où il aurait nié l'existence de Dieu mais que, de façon générale, « c'est l'agnosticisme qui décrirait de la façon la plus exacte [son] état d'esprit »[L 18].
116
+
117
+ Le Récit de Lady Hope, publié en 1915, soutenait que Darwin était revenu au christianisme au cours de sa dernière maladie. Une telle affirmation a été démentie par ses enfants et les historiens l'ont également écartée. Sa fille, Henrietta, qui était à son lit de mort, a en effet dit que son père n'était pas retourné au christianisme[68]. Ses derniers mots ont été en réalité adressés à Emma : « Rappelez-vous la bonne épouse que vous avez été »[C 19].
118
+
119
+ Si la théorie du transformisme de Lamarck a ouvert la voie, la révolution évolutionniste est arrivée avec Charles Darwin et son ouvrage De l'origine des espèces (1859) dans lequel deux grandes idées, appuyées par des faits, émergent : l'unité et la diversité du vivant s'expliquent par l'évolution, et le moteur de l'évolution adaptative est la sélection naturelle. Un manuscrit inachevé de 1856-1858 permet d'attirer l'attention sur le fait que la théorie de la sélection naturelle telle qu'exposée dans De l'Origine des Espèces n'était pour Darwin qu'un résumé provisoire de ses vues. Darwin avait en effet projeté d'écrire trois volumes (l'un sur les variations des espèces domestiques, un second sur celles à l'état de nature et un dernier consacré à la sélection naturelle générale). La crainte de perdre la paternité de sa découverte au profit de Alfred Wallace poussa Darwin à ne publier que ses écrits provisoires et partiels. En effet, seul le premier parut, en 1868, dans De l'Origine des Espèces, accompagné de réponses à d'éventuelles critiques sur divers sujets[B 5].
120
+
121
+ Dans la 1re édition, Darwin n'utilise pas le mot évolution mais le mot « variation » ou « variability », pour signifier des petites variations successives à chaque descendance (ex. : « on the principle of successive slight variations »[69], ou le titre du chapitre 2 : « variation under nature ») ou bien le mot « modification » : « the theory of descent with modification through natural selection »[70]. Il a fallu attendre la 6ème et dernière édition de l'ouvrage, dix ans après, pour que l'auteur utilise à plusieurs reprises le mot « Evolution » : « The fact would be fatal to the theory of evolution through natural selection »[71], ou « Now, things are wholly changed, and almost every naturalist admits the great principle of evolution »[72]. Selon Étienne Gilson, c'est parce que le mot signifiait au XVIIe siècle une évolution vers quelques chose de défini à l'avance, et qu'à l'époque de Darwin le mot était déjà utilisé par Spencer pour une doctrine philosophique sur l'évolution psychologique, sociale et biologique du vivant. Cependant, comme dans l'esprit du public ce mot était attaché à sa propre doctrine, il vint à l'utiliser lui-même. Cela ne change rien toutefois à la doctrine elle-même[73].
122
+
123
+ De fait, à la fin du XIXe siècle, le mot « évolution » a acquis le sens actuel d'évolution des espèces au sens darwinien, et Spencer se plaint amèrement de l'amalgame fait par le public et les scientifiques entre le concept général d'évolution dont il est l'auteur et le sens particulier d'évolution biologique popularisé par les idées de Darwin. Il publie en décembre 1895 un article en anglais, allemand et français pour faire valoir son antériorité, Le principe de l’évolution, réponse à Lord Salisbury, mais en vain.
124
+
125
+ L'évolution et ses mécanismes sont encore largement étudiés aujourd'hui ; en effet, de nombreux points, déjà soulevés par Charles Darwin, sur les mécanismes de l'évolution ne sont pas encore éclaircis. Par ailleurs le darwinisme a dès ses débuts souffert d'un amalgame avec l'évolutionnisme : « Du vivant même de Darwin, vingt ans après la parution de De l'Origine des Espèces, le terme darwinisme était pratiquement devenu synonyme d'évolutionnisme »[B 6], renvoyant à un évolutionnisme finalisé et universalisant, dilué dans la notion de progrès linéaire et de plus en plus fondé sur la notion d'hérédité des caractères acquis. Cette divergence tient des apports de Weismann et de Wallace, puis de la redécouverte des lois de Mendel en 1900[B 7]. Enfin, « De nos jours encore, l'usage des termes demeure ambigu. Pour les biologistes contemporains, le « darwinisme » désigne essentiellement — mais pas toujours — la théorie de la sélection naturelle, et dès la fin du XIXe siècle s'esquissent des théories de l'évolution regroupées sous le terme — d'abord péjoratif — de « néo-darwinisme »[B 8].
126
+
127
+ Dans son livre De l'origine des espèces, Darwin expose une théorie selon laquelle, étant donné que tous les individus d'une espèce diffèrent légèrement entre eux et d'une génération à l'autre, et que seule une partie de ces individus réussit à se reproduire, seuls les descendants des individus les mieux adaptés à leur environnement survivront et se reproduiront en transmettant les variations utiles à leur survie[B 9]. Ainsi, comme les individus sélectionnés transmettent leurs caractères à leur descendance, les espèces évoluent et s'adaptent en permanence à leur environnement. Il baptise du nom de « sélection naturelle » cette sélection des individus les mieux adaptés. Ainsi, de façon sommaire, la sélection naturelle désigne le fait que les traits qui favorisent la survie et la reproduction voient leur fréquence s'accroître d'une génération à l'autre ; elle repose sur trois principes[74] : le principe de variation, qui explique que les individus diffèrent les uns des autres, ainsi que d'une génération à l'autre, le principe d'adaptation (les individus les plus adaptés au milieu survivent et se reproduisent davantage) et le principe d'hérédité, enfin, qui pose que les caractéristiques d'une espèce sont héréditaires. Darwin met en avant la notion de lutte pour l'existence ou de lutte pour la vie (struggle for life, struggle for existence), principe qui est au cœur de la sélection naturelle. La lutte pour l'existence, qui a lieu parce que les ressources sont limitées, peut avoir lieu de diverses manières : soit par la compétition, soit par la solidarité et la coopération. Celle-ci peut se faire à l'intérieur d'une espèce comme c'est le cas généralement chez les animaux sociaux, ou bien elle peut avoir lieu entre plusieurs espèces différentes, comme dans le cas des symbioses[B 10]. On trouve également chez Darwin la notion de « sélection sexuelle », qui peut prendre différentes formes également : par exemple une lutte entre mâles pour la possession des femelles (certains primates, les cervidés), la préférence des femelles pour certaines caractéristiques chez les mâles (cas de la roue du paon, préférence des oiseaux femelles pour les mâles colorés) ou des mâles pour certaines caractéristiques chez les femelles. Il conçoit également un « principe de divergence » qui explique notamment l'extinction des espèces[B 11].
128
+
129
+ La théorie de l'évolution des espèces au moyen de la sélection naturelle a comme conséquence une rupture complète avec la notion de finalisme[75]. Par là on entend l'idée que l'évolution de la nature poursuivrait une intention : soit une intention immanente à la nature, comme on peut le voir par exemple chez Aristote, soit une intention qui émane de Dieu. Darwin se comporte ici de bout en bout comme un scientifique exclusif qui considère la nature comme une mécanique obéissant uniquement aux lois naturelles : « I mean by Nature, only the aggregate action and product of many natural laws »[76]. Par ailleurs il réfute au chapitre IV de l'édition de 1872 l'interprétation selon laquelle la sélection naturelle serait une sorte d'intention consciente des animaux, de la nature ou de Dieu : « Others have objected that the term selection implies conscious choice in the animals which become modified […] It has been said that I speak of natural selection as an active power of Deity ». Il confesse que l'expression est peut-être mal choisie, mais que c'est un raccourci utile, une métaphore : « In the literal sense of the word, no doubt, natural selection is a false term »[76]. Mais il objecte que la plupart des termes scientifiques sont également des métaphores : « Everyone knows what is meant and is implied by such metaphorical expressions ; and they are almost necessary for brevity »[76] .
130
+
131
+ Même les caractères acquis par l'usage fréquent d'un organe dont parle Darwin, qui n'avait pas connaissance des travaux de Mendel, et qui sont transmissibles par hérédité, ne peuvent pas être considérés comme une intention de la part de l'animal. Comme par exemple la girafe qui allonge son cou dans le transformisme de Lamarck, dans le but de l'allonger, et qui est parfois considéré comme une sorte de finalisme. Ce sont les seules nécessités de la vie qui font qu'un être vivant utilise ou non telle ou telle capacité, qui de ce fait se développe ou s'atrophie tel un muscle. Il s'agit donc d'une action involontaire et inconsciente. C'est ce qui fait dire à un commentateur : « ce processus de sélection est un pur mécanisme, ce qui signifie que ne s'y repèrent aucune finalité, aucune intention, aucune planification, mais bien plutôt la contingence et le hasard »[77].
132
+
133
+ Ce développement, pour rendre compte de la biologie et de la diversité des espèces, d'une théorie scientifique non finaliste et mécaniste pouvant se passer de Dieu et reposant sur les seules lois de la nature, aura des conséquences humaines, épistémologiques et métaphysiques considérables.
134
+
135
+ On pourrait résumer ces conséquences par un propos de Victor Hugo : « Et quand un grave Anglais, correct, bien mis, beau linge, Me dit : — Dieu t'a fait homme et moi je te fais singe ; Rends-toi digne à présent d'une telle faveur ! — Cette promotion me laisse un peu rêveur[78]. » Pour Freud, ce sera l'objet d'une blessure narcissique aussi importante que la découverte de la rotation de la Terre autour du soleil[79] : l'homme n'est pas au centre de l'univers et n'a pas de place privilégiée dans l'ordre de la création, puisque la nature n'a pas été créée à son intention, et lui-même n'a pas été créé de manière intentionnelle. La théorie de l'évolution de Darwin nous donne un argument pour dire que l'homme, comme tout ce qui est, n'est que le fruit du hasard (ou de la contingence) et de la nécessité, selon l'expression de Théodore Monod : « L'ancienne alliance est rompue ; l'homme sait enfin qu'il est seul dans l'immensité indifférente de l'Univers d'où il a émergé par hasard. Non plus que son destin, son devoir n'est écrit nulle part »[80].
136
+
137
+ Les critiques à l'encontre de Darwin et de sa théorie sont de trois ordres : les critiques politiques, sociales et philosophiques ; les critiques scientifiques avec Rémy Chauvin, Pierre-Paul Grassé ou Étienne Rabaud ; et les critiques religieuses, avec le créationnisme et l'Église catholique romaine.
138
+
139
+ En 1910, le sociologue Jacques Novicow publie La critique du darwinisme social, qui contient une critique du darwinisme sur le plan biologique et une critique de l'usage qui est fait du darwinisme dans la sociologie. Une critique d'ordre politique provient de Karl Marx et de Friedrich Engels qui dans leur correspondance notent l'analogie entre le principe de la sélection naturelle et le fonctionnement du marché capitaliste. Mais ils ne développeront pas plus avant cette critique[81], aujourd'hui reprise et étoffée par l'historien des sciences André Pichot dans son ouvrage publié en 2008. Karl Marx cite l'Origine des Espèces dans le Capital et y note l'analogie et la distinction entre « l'histoire de la technologie naturelle » et « l'histoire de la formation des organes productifs de l'homme social ».
140
+
141
+ La critique scientifique prend diverses formes.
142
+
143
+ Le néo-lamarckien Étienne Rabaud critique de manière assez radicale la notion d'adaptation, en montrant que la sélection naturelle ne retient pas le plus apte, mais élimine seulement les organismes dont l'équilibre des échanges est déficitaire. Pour Rémy Chauvin dans Le Darwinisme ou la fin d’un mythe. L’esprit et la matière le darwinisme s'apparente à une secte prônant un athéisme obtus, aux postulats scientifiques contestables[82].
144
+
145
+ Mais c'est surtout le problème du chaînon manquant de la lignée humaine (un être qui serait intermédiaire entre le singe et l'homme) qui a longtemps été employé contre la théorie de l'évolution.
146
+
147
+ La découverte des lois de Mendel et de la génétique au début du XXe siècle bouleverse la compréhension des mécanismes de l'évolution et donne naissance à la théorie synthétique de l'évolution ou evolutionary synthesis, fondée par Ernst Mayr. Cette théorie est une combinaison de la théorie de la sélection naturelle proposée par Darwin et de la génétique mendélienne. Elle est à l'origine de nouvelles méthodes dans l'étude de l'évolution, comme la génétique des populations permise par Sewall Wright puis par Theodosius Dobzhansky (Genetics and the Origin of Species, 1937) par exemple. La Sélection n'est dès lors plus seulement un processus d'élimination ni même un mécanisme de changement mais elle peut aussi maintenir la stabilité des populations par des « procès d'équilibration »[B 12]. Les découvertes les plus récentes confortent ainsi l'idée de l'existence d'une très grande fréquence des variations, même si, remarque Daniel Becquemont, cette théorie synthétique pose autant de problèmes que la théorie de Darwin en son temps.
148
+
149
+ Plusieurs courants se rattachant au darwinisme apparurent dans le sillage des découvertes de Darwin. D'un côté la pensée de Darwin fut définitivement rejetée, de l'autre elle a été approfondie mais aussi transformée, note Daniel Becquemont[B 13]. Si l'on excepte les interprétations politiques comme celles de Francis Galton ou de Weldon, trois disciples de Darwin développèrent sa théorie dans des sens différents en fonction des nouveaux apports de la science biologique ; tous trois peuvent se réclamer légitimement de l'héritage darwinien.
150
+
151
+ Avec le biologiste allemand August Weismann (1834-1914) tout d'abord le darwinisme se « rénove », au travers de sa théorie de la sélection germinale et qui soutient qu'il se produit une sorte de sélection au niveau des éléments constituants du plasma germinatif, qui entrent alors en concurrence. Weisman permit « une distinction fondamentale entre les variations non transmissibles du phénotype et la variation génotypique, seules sources de l'évolution »[B 14]. Alfred Russel Wallace (1823-1913) publie en 1895 un traité complet consacré au darwinisme dont l'essentiel de la démonstration très proche de celle de Darwin, est consacrée à l'illustration de la validité de la théorie de la sélection naturelle, concernant la couleur et les caractères sexuels secondaires[B 15]. Sur ce point, selon Daniel Becquemont, Wallace se montre plus darwinien que Darwin, puisque ce dernier n'a jamais voulu reconnaître que ces caractères obéissent également à la loi de la sélection naturelle. Néanmoins il s'en écarte par son soutien à l'idée que la notion d'utilité régit la sélection naturelle[B 16]. Wallace vécut dans l'ombre de Darwin, même s'il fut le codécouvreur de la théorie de la sélection naturelle. Pourtant il en développa la portée et les contours, si bien que de nombreuses critiques, dont celle d'un partisan de l'orthodoxie darwinienne comme George John Romanes (1848-1894), lui attachent le surnom de « père du néo-darwinisme »[B 17]. Ce dernier réfute la notion d'utilité en biologie, expliquant que la sélection naturelle n'est jamais parfaite mais procède d'adaptations temporaires. Il défend ainsi principalement la notion d'hérédité des caractères acquis.
152
+
153
+ C'est avec la redécouverte des travaux de Gregor Mendel en 1900 par plusieurs naturalistes que se prolonge l'apport de Darwin, notamment dans son rapprochement de la génétique[B 18]. Les premières théories mutationnistes apparaissent alors, avec Hugo de Vries et Wilhelm Johannsen, puis avec Thomas Hunt Morgan, Fritz Müller et Alfred Sturtevant. Le darwinisme se scinda dès lors en deux courants, l'un lié à la génétique et un autre plus traditionnel et naturaliste. Le premier voyait l'évolution en termes de pression de mutation alors que le second raisonnait par spéciation et adaptation[B 19].
154
+
155
+ Stephen Jay Gould est un paléontologue américain qui a beaucoup œuvré à la vulgarisation de la théorie de l'évolution en biologie et à l'histoire des sciences depuis Darwin. Il a formulé la théorie des équilibres ponctués, selon laquelle les transitions évolutives entre les espèces au cours de l'évolution se font brutalement et non graduellement. Par la suite, il en viendra à insister sur le rôle du hasard dans l'évolution (la « contingence »), contre la vision adaptationniste naïve qu'il critique[B 20]. Il a aussi mené la campagne contre les créationnistes, avec le procès visant à démontrer que la « science » de ces derniers, principalement représentée par le dessein intelligent (en anglais intelligent design), ne répondait pas aux critères fondamentaux de la méthode scientifique, et n'était qu'un moyen détourné de contourner la loi afin d'imposer l'enseignement du créationnisme à l'école en lui donnant un visage pseudo-scientifique. Gould a travaillé avec un autre défenseur et continuateur de Darwin, Niles Eldredge, auteur de Darwin : Discovering the Tree of Life.
156
+
157
+ Richard Dawkins, éthologiste britannique et vulgarisateur et théoricien de l'évolution, est enfin le principal défenseur de l'héritage darwinien au XXe siècle, et en particulier face à la théorie du dessein intelligent. Il prolonge le darwinisme dans le champ de la génétique avec son concept de « gène égoïste » en soutenant que mettre au centre de l'évolution le gène est une meilleure description de la sélection naturelle et que la sélection au niveau des organismes et des populations ne l'emporte jamais sur la sélection par les gènes. Par ailleurs sa mémétique développe l'idée que les gènes ont un équivalent culturel, les mèmes. Sa théorie est toutefois très réductionniste, comparée à celle de Darwin, au sens où le véritable sujet de l'histoire, ce sont les gènes, les organismes n'étant que des supports de transition. Chez Darwin la conception de la nature est beaucoup plus riche, l'évolution n'en est que l'un des aspects, l'extrême diversité des relations entre organismes en est un autre, et les individus vivent leur histoire en tant que tels.
158
+
159
+ Les écrits et les théories de Darwin, combinés avec les découvertes génétiques de Gregor Mendel (1822-1884) (la théorie synthétique de l'évolution), sont considérés comme formant la base de toute la biologie moderne[83],[2]. Cependant, la renommée et la popularité de Darwin ont conduit à associer son nom à des idées et des mouvements qui n'entretiennent qu’une relation indirecte à son œuvre, voire sont à l’opposé de ses convictions.
160
+
161
+ Il faut dire qu'il est arrivé au moins une fois à Darwin d'exprimer des idées racistes et de les mettre en relation avec sa théorie. Ainsi, dans le passage suivant, il considère le Noir et l'aborigène australien comme plus proches du gorille que le Caucasien : « Dans un avenir pas très lointain si on compte par siècles, les races humaines civilisées vont certainement exterminer les races sauvages et prendre leur place à travers le monde. En même temps, comme l'a remarqué le Professeur Schaaffhausen, les singes anthropomorphes seront sans aucun doute exterminés. Le fossé entre l'homme et ses plus proches alliés sera alors plus large, car il séparera d'une part l'homme arrivé à un état plus civilisé, pouvons-nous espérer, que le Caucasien lui-même, et d'autre part quelque singe aussi inférieur que le babouin, au lieu de passer comme aujourd'hui entre le nègre ou l'aborigène australien d'une part et le gorille d'autre part »[84].
162
+
163
+ À la suite de la publication par Darwin de son ouvrage principal, De l'Origine des Espèces, son cousin Francis Galton appliqua ses conceptions à la société humaine, commençant en 1865 à promouvoir l'idée de « l'amélioration héréditaire », d'abord dans l'essai Hereditary talent and character de 1865[85], puis dans Hereditary genius: an inquiry into its laws and consequences, dans lequel il élabore sa théorie de façon détaillée en 1869[86], vision biométrique du darwinisme[B 21]. Dans La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe, Darwin convient que Galton ait démontré qu'il était probable que le « talent » et le « génie » chez l'homme fussent héréditaires, mais il juge trop utopiques les changements sociaux que proposait Galton[K 3]. Ni Galton ni Darwin ne soutenaient cependant une intervention gouvernementale, et ils pensaient que, tout au plus, l'hérédité devrait être prise en considération par les individus dans la recherche de partenaires[K 4]. En 1883, après la mort de Darwin, Galton commença à appeler « eugénisme » sa philosophie sociale[87]. Au XXe siècle, les mouvements eugénistes négatifs devinrent populaires dans un certain nombre de pays protestants, et participèrent aux programmes destinés à bloquer la reproduction tels que ceux de stérilisation contrainte aux États-Unis[88]. Leur usage par l'Allemagne nazie dans ses objectifs de « pureté raciale »[89] fit tomber ces méthodes en disgrâce.
164
+
165
+ On retient généralement que Herbert Spencer a appliqué les thèses évolutionnistes et la notion de « survie du plus apte » à la société humaine. Friedrich Hayek a contesté le sens dans lequel les idées évolutionnistes se sont diffusées. Selon lui, c'est de la sociologie et de l'économie que vient l'évolutionnisme, et non de la biologie[90]. C'est d'ailleurs ce que Darwin lui-même écrit dans le chapitre 3 de l'origine des espèces[91] :
166
+
167
+ « J'ai donné à ce principe, en vertu duquel une variation si insignifiante qu’elle soit se conserve et se perpétue, si elle est utile, le nom de sélection naturelle, pour indiquer les rapports de cette sélection avec celle que l’homme peut accomplir. Mais l’expression qu’emploie souvent M. Herbert Spencer : �� la persistance du plus apte », est plus exacte et quelquefois tout aussi commode. »
168
+
169
+ « Aussi, comme il naît plus d’individus qu’il n’en peut vivre, il doit y avoir, dans chaque cas, lutte pour l’existence, soit avec un autre individu de la même espèce, soit avec des individus d’espèces différentes, soit avec les conditions physiques de la vie. C’est la doctrine de Malthus appliquée avec une intensité beaucoup plus considérable à tout le règne animal et à tout le règne végétal, car il n’y a là ni production artificielle d’alimentation, ni restriction apportée au mariage par la prudence. »
170
+
171
+ Il est donc établi que Darwin a été influencé par l'économiste Thomas Malthus et qu'il a emprunté à Spencer l'idée de survie des plus aptes.
172
+
173
+ Les idées qu'on désigne aujourd'hui sous le nom de « darwinisme social » sont devenues populaires à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, au point d'être utilisées pour défendre différentes perspectives idéologiques, parfois contradictoires, y compris l'économie du « laissez-faire »[92], le colonialisme, le racisme ou encore l'impérialisme. Le terme de « darwinisme social » date des années 1890, mais il est devenu courant en tant que terme polémique au cours des années 1940, quand Richard Hofstadter a critiqué le conservatisme du laissez-faire[93]. Suivant les auteurs, le darwinisme social est alors le principe qui motive l'application de politiques conservatrices ou bien le dessein que prêtent les opposants des conservateurs à ceux-ci pour les discréditer. Il est finalement appliqué à des progressistes qui intègrent la volonté humaine comme facteur de l'évolution[92]. Ces concepts préexistaient à la publication par Darwin de L'Origine en 1859[A 52],[94], puisque Malthus était mort en 1834 et que Spencer avait publié en 1851 ses livres sur l'économie et en 1855[95] ses livres sur l'évolution. Darwin lui-même insistait pour que la politique sociale n'obéît pas simplement aux concepts de lutte et de sélection dans la nature[96], et pensait que la sympathie devait s'étendre à toutes les races et toutes les nations[C 20],[L 19]. Héritière du darwinisme social, la sociobiologie est une approche née aux États-Unis à partir de 1975 sous l'impulsion d'Edward O. Wilson[97], professeur de zoologie à Harvard. Dans Sociobiology, the new synthesis, Wilson explique que les êtres vivants sont en perpétuelle compétition pour essayer d'améliorer leur situation, et qu'ainsi l'éthologie animale est conditionnée par la sélection naturelle. Selon le chercheur Patrick Tort, ces théories pseudo-scientifiques utilisent à leurs propres fins les postulats darwiniens, les détournant ainsi de leur cadre épistémologique[98].
174
+
175
+ Durant la vie de Darwin, de nombreuses espèces ainsi que des toponymes lui ont été dédiés. Ainsi, le prolongement occidental du canal Beagle qui relie ce dernier à l’océan Pacifique, le canal de Darwin, porte son nom. C’est le capitaine FitzRoy qui le lui a dédié après une action de Darwin : parti avec deux ou trois marins, il a le réflexe de les conduire sur le rivage lorsqu’il voit un pan d’un glacier s’effondrer dans la mer et provoquer une forte vague, celle-ci aurait probablement balayé leur embarcation[M 3]. Le mont Darwin lui a été dédié lors de son 25e anniversaire[99]. Lorsque le Beagle était en Australie en 1839, John Lort Stokes, ami de Darwin, a découvert un port naturel que le capitaine de vaisseau John Clements Wickham a baptisé du nom de Port Darwin[100],[101]. La colonie de Palmerston, fondée en 1869, fut rebaptisée Darwin en 1911. Elle est devenue la capitale du Territoire du Nord de l’Australie. Cette ville s’enorgueillit de posséder une université Charles-Darwin[102] et un parc national Charles Darwin[103]. Enfin, le Darwin College de l’université de Cambridge, fondé en 1964, a été baptisé ainsi en l’honneur de la famille Darwin, en partie parce qu’elle possédait une partie des terrains sur lesquels il était bâti[104].
176
+
177
+ Les 14 espèces de pinsons qu’il avait découvertes dans les îles Galápagos ont été surnommées les « pinsons de Darwin »[105],[106] et certains taxons commémorent également le nom du scientifique, comme Wallacea darwini, décrite par G. F. Hill en 1919 et faisant également référence à Alfred Wallace[107] ou Hamitermes darwini décrite par le même auteur en 1922. En 2000, une image de Darwin a été utilisée par la banque d'Angleterre pour le billet de dix livres sterling en remplacement de l’image de Charles Dickens[108]. L'année 2009 est une année particulière pour honorer la mémoire de la naissance de Charles Darwin il y a 200 ans, et la publication de L'Origine des espèces il y a 150 ans, en 1859. Plusieurs activités à travers le monde sont prévues[109]. Une pièce de deux livres commémorant la naissance de Darwin et l'ouvrage De l'Origine des espèces a été frappée en 2009. Enfin la médaille Darwin est attribuée par la Royal Society un an sur deux à un biologiste ou à un couple de biologistes. Cette récompense vise à distinguer des recherches dans un domaine de la biologie sur lequel Charles Darwin a travaillé.
178
+
179
+ En 1935, l'Union astronomique internationale a donné le nom de Darwin à un cratère lunaire. Il existe également un cratère sur la planète Mars qui porte le nom de Darwin.
180
+
181
+ Le film Le Cauchemar de Darwin (2004) est un documentaire sur la disparition de la biodiversité dans le lac Victoria, objet de polémique. Après Darwin et la révolution scientifique qui en a suivi, l'évolution s'est propagée dans la culture populaire. Précurseur de la science-fiction moderne, l'écrivain H. G. Wells a été très marqué par les travaux de Darwin dont il s'est inspiré pour écrire son œuvre et notamment La Machine à explorer le temps et La Guerre des mondes[110]. Dans la culture populaire, l'histoire du comic X-Men est basée sur l'évolution de l'homme qui octroie des super-pouvoirs à une part croissante de l'humanité. L'un des mutants de ce comic est d'ailleurs surnommé Darwin en raison de sa capacité à s'adapter à son environnement. Les jeux vidéo SimLife et Spore sont des simulateurs de vie fondés sur les lois du darwinisme. Le pastafarisme (ou Flying Spaghetti Monsterism) parodie la création de l'homme par les pâtes célestes alors que les Darwin Awards est le prix humoristique destiné à ceux qui, victimes d'accidents mortels dus à leur inconséquence, retirent ainsi aimablement leurs gènes de la circulation.
182
+
183
+ Dans le roman humoristique pour la jeunesse Les Pirates ! Une aventure avec les savants (Pirates! In an adventure with scientists) publié par l'écrivain britannique Gideon Defoe (en) en 2004, Charles Darwin est représenté comme un jeune homme timide et maladroit à qui son aventure va inspirer la future expédition du Beagle.
184
+
185
+ Charles Darwin est l'un des personnages principaux du roman L'Arche de Darwin (Galapagos Regained) de James Morrow, paru en 2015, qui obtient le Grand Prix de l'Imaginaire en 2018.
186
+
187
+ Charles Darwin est le héros du film biographique Creation, de Jon Amiel (2009), qui évoque le conflit entre ses recherches scientifiques et les positions religieuses de sa femme.
188
+
189
+ Il apparaît dans l'adaptation au cinéma du roman pour la jeunesse Les Pirates ! Une aventure avec les savants de Gideon Defoe sous la forme d'une coproduction du studio britannique Aardman Animations et du studio américain Sony Pictures Animation sortie en 2012 : Les Pirates ! Bons à rien, mauvais en tout, un film d'animation en pâte à modeler. Dans la version originale anglaise, il est doublé par l'acteur britannique David Tennant.
190
+
191
+ Charles Darwin apparaît également dans le jeu vidéo Assassin's Creed Syndicate, où il croise à plusieurs reprises la route des protagonistes Jacob et Evie Frye. Il est également au cœur du scénario d'une extension téléchargeable (DLC) intitulée La conspiration de Darwin et Dickens ainsi que dans le jeu Curious Expedition, où il est un personnage jouable.
192
+
193
+ Œuvres publiées sous la direction de Patrick Tort de l'Institut Charles Darwin International.
194
+
195
+ Ouvrage pour la jeunesse :
196
+
197
+ Personnalités
198
+
199
+ Concepts
200
+
201
+ Sur les autres projets Wikimedia :
202
+
203
+ Darwin est l’abréviation botanique standard de Charles Darwin.
204
+
205
+ Consulter la liste des abréviations d'auteur ou la liste des plantes assignées à cet auteur par l'IPNI
206
+
207
+ Darwin est l’abréviation habituelle de Charles Darwin en zoologie.Consulter la liste des abréviations d'auteur en zoologie
fr/977.html.txt ADDED
The diff for this file is too large to render. See raw diff
 
fr/978.html.txt ADDED
The diff for this file is too large to render. See raw diff
 
fr/979.html.txt ADDED
The diff for this file is too large to render. See raw diff
 
fr/98.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,301 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ équation[3] :
4
+
5
+
6
+
7
+ ρ
8
+ =
9
+ 2.8963
10
+
11
+ /
12
+
13
+
14
+ 0.26733
15
+
16
+ (
17
+ 1
18
+ +
19
+ (
20
+ 1
21
+
22
+ T
23
+
24
+ /
25
+
26
+ 132.45
27
+
28
+ )
29
+
30
+ 0.27341
31
+
32
+
33
+ )
34
+
35
+
36
+
37
+
38
+ {\displaystyle \rho =2.8963/0.26733^{(1+(1-T/132.45)^{0.27341})}}
39
+
40
+
41
+ Masse volumique du liquide en kmol·m-3 et température en kelvins, de 59,15 à 132,45 K.
42
+ Valeurs calculées :
43
+
44
+
45
+
46
+ équation[3] :
47
+
48
+
49
+
50
+
51
+ P
52
+
53
+ v
54
+ s
55
+
56
+
57
+ =
58
+ e
59
+ x
60
+ p
61
+ (
62
+ 21.662
63
+ +
64
+
65
+
66
+
67
+
68
+ 692.39
69
+
70
+ T
71
+
72
+
73
+ +
74
+ (
75
+
76
+ 0.39208
77
+ )
78
+ ×
79
+ l
80
+ n
81
+ (
82
+ T
83
+ )
84
+ +
85
+ (
86
+ 4.7574
87
+ E
88
+
89
+ 3
90
+ )
91
+ ×
92
+
93
+ T
94
+
95
+ 1
96
+
97
+
98
+ )
99
+
100
+
101
+ {\displaystyle P_{vs}=exp(21.662+{\frac {-692.39}{T}}+(-0.39208)\times ln(T)+(4.7574E-3)\times T^{1})}
102
+
103
+
104
+ Pression en pascals et température en kelvins, de 59,15 à 132,45 K.
105
+ Valeurs calculées :
106
+
107
+ équation[3] :
108
+
109
+
110
+
111
+
112
+ C
113
+
114
+ P
115
+
116
+
117
+ =
118
+ (
119
+
120
+ 214460
121
+ )
122
+ +
123
+ (
124
+ 9185.1
125
+ )
126
+ ×
127
+ T
128
+ +
129
+ (
130
+
131
+ 106.12
132
+ )
133
+ ×
134
+
135
+ T
136
+
137
+ 2
138
+
139
+
140
+ +
141
+ (
142
+ 0.41616
143
+ )
144
+ ×
145
+
146
+ T
147
+
148
+ 3
149
+
150
+
151
+
152
+
153
+ {\displaystyle C_{P}=(-214460)+(9185.1)\times T+(-106.12)\times T^{2}+(0.41616)\times T^{3}}
154
+
155
+
156
+ Capacité thermique du liquide en J·kmol-1·K-1 et température en kelvins, de 75 à 115 K.
157
+ Valeurs calculées :
158
+
159
+
160
+
161
+ L'air est un mélange de gaz constituant l'atmosphère de la Terre. Il est normalement incolore, invisible et inodore.
162
+
163
+ L'air sec au voisinage du sol est un mélange gazeux homogène. Il est approximativement composé en fraction molaire ou en volume de :
164
+
165
+ Il contient aussi des traces de dihydrogène 0,000072 % (0,72 ppmv), mais aussi d'ozone, ainsi qu'une présence infime de radon[9]. Il peut aussi contenir du dioxyde de soufre, des oxydes d'azote, de fines substances en suspension sous forme d'aérosol, des poussières et des micro-organismes.
166
+
167
+ La plupart du temps, l'air de l'environnement terrestre est humide car il contient de la vapeur d'eau. Au voisinage du sol, la quantité de vapeur d'eau est très variable. Elle dépend des conditions climatiques, et en particulier de la température. La pression partielle de vapeur d'eau dans l'air est limitée par sa pression de vapeur saturante qui varie fortement avec la température :
168
+
169
+ pour une pression d'air de 1 013 hPa
170
+
171
+ Le pourcentage de vapeur d'eau présent dans l'air est mesuré par le taux d'hygrométrie, élément important pour les prévisions météorologiques. On parle alors d'humidité absolue, mesurée aussi en unité de masse par volume. L'humidité relative est le pourcentage de la pression partielle de vapeur d'eau par rapport à la pression de vapeur saturante.
172
+
173
+ Le taux de dioxyde de carbone varie avec le temps. D'une part, il subit une variation annuelle d'environ 6,5 ppmv (partie par million en volume) d'amplitude. D'autre part, le taux moyen annuel augmente de 1,2 à 1,4 ppmv par an. De l'ordre de 384 ppmv (0,0384 %) à mi-2008, il était de 278 ppmv avant la révolution industrielle, de 315 ppmv en 1958, de 330 ppmv en 1974 et de 353 ppmv en 1990. Ce gaz à effet de serre joue un rôle important dans le réchauffement climatique de la planète.
174
+
175
+ Le méthane est un autre gaz à effet de serre majeur dont le taux augmente avec le temps : 800 mm3/m3 (0,8 ppmv) à l'époque préindustrielle, 1 585 mm3/m3 en 1985, 1 663 mm3/m3 en 1992 et 1 676 mm3/m3 en 1996.
176
+
177
+ Jusqu'à environ 80 km d'altitude, la composition de l'air sec est très homogène, la seule variation importante de la composition de l'air étant celle de la teneur en vapeur d'eau.
178
+
179
+ Composition de l'air sec
180
+
181
+ Les proportions massiques peuvent être évaluées en multipliant les proportions volumiques par le rapport de la masse molaire du gaz considéré divisé par la masse molaire de l'air soit 28,976 g·mol-1, par exemple dans le cas du CO2. Ce rapport n'est pas négligeable puisqu'il vaut 44/28,976 = 1,52 d'où la teneur massique en CO2 dans l'air égale à 382×1,52 = 580 ppm.
182
+
183
+ L'air étant un gaz compressible, sa masse volumique (en kg/m3) est fonction de la pression, de la température et du taux d'humidité.
184
+
185
+ Pour de l'air sec sous pression atmosphérique normale (1 013,25 hPa) :
186
+
187
+ On prend généralement 1,293 kg/m3 à 0 °C et 1,204 kg/m3 à 20 °C.
188
+
189
+ Ceci est généralisé (formule des gaz parfaits) en :
190
+
191
+
192
+
193
+ ρ
194
+ =
195
+ 1
196
+ ,
197
+ 293
198
+
199
+
200
+ k
201
+ g
202
+
203
+ /
204
+
205
+
206
+ m
207
+
208
+ 3
209
+
210
+
211
+
212
+
213
+
214
+
215
+
216
+ 273
217
+ ,
218
+ 15
219
+
220
+
221
+ K
222
+
223
+
224
+ T
225
+
226
+
227
+
228
+
229
+
230
+ P
231
+
232
+ 101
233
+
234
+ 325
235
+
236
+
237
+ Pa
238
+
239
+
240
+
241
+
242
+
243
+
244
+ {\displaystyle \rho =1,293\;\mathrm {kg/m^{3}} \cdot {\frac {273,15\;\mathrm {K} }{T}}\cdot {\frac {P}{101\;325\;{\text{Pa}}}}}
245
+
246
+ (avec T en kelvins et P en pascals selon les conventions SI). Pour une température θ en degrés Celsius, la température T en kelvins est obtenue en ajoutant 273,15 à θ : T(K) = θ(°C) + 273,15.
247
+
248
+ Le potentiel de réchauffement global (PRG, en anglais : GWP : Global Warming Potential) ou équivalent CO2 permet de mesurer la « nocivité » de chaque gaz à effet de serre.
249
+
250
+ Le tableau suivant donne la valeur du PRG pour les principaux gaz à effet de serre présents dans l'air :
251
+
252
+ L'expression pour l'indice de réfraction de l'air « aux conditions standard » est[10] :
253
+
254
+ C'est pour l'air sec avec 0,03 % de dioxyde de carbone, à une pression de 101 325 Pa (760 millimètres de mercure) et une température de 288,15 kelvins (15 °C).
255
+
256
+ On peut obtenir n pour une température ou pression différente, en utilisant l'une des deux expressions suivantes :
257
+
258
+ avec :
259
+
260
+ ou :
261
+
262
+ avec :
263
+
264
+ D'après les tables publiées par Frank M. White, Heat and Mass transfer, Addison-Wesley, 1988.
265
+
266
+ avec :
267
+
268
+ Source : informations du site Chemical Professionals[11].
269
+
270
+ La relation entre la température et la conductivité thermique de l'air, valable pour une température comprise entre 100 K et 1 600 K est la suivante[12] :
271
+
272
+ où :
273
+
274
+ La relation entre la viscosité dynamique de l'air et la température est :
275
+
276
+ où :
277
+
278
+ La relation entre la viscosité cinématique de l'air et la température est :
279
+
280
+ où :
281
+
282
+ D'après les informations du WPI (en)[13], la relation entre chaleur spécifique de l'air et la température est la suivante :
283
+
284
+ où :
285
+
286
+ Du fait de la diminution de la pression de l'air avec l'altitude, il est nécessaire de pressuriser les cabines des avions et autres aéronefs. En pratique, la pression imposée dans les cabines est supérieure à la pression extérieure, bien que moindre que la pression au niveau du sol.
287
+
288
+ De l'air comprimé est également utilisé dans la plongée sous-marine.
289
+
290
+ L'air est formé de différents gaz qui, si on les refroidit suffisamment, finissent par passer à l'état liquide, puis à l'état solide. Par exemple, l'oxygène devient solide à la température de −218 °C, l'azote se liquéfie à −195 °C. À la température de −270 °C (environ 3 K), tous les gaz sauf l'hélium sont alors solides et on obtient de « l'air congelé ».
291
+ L'air n'a pu être liquéfié avant que ne soient connues les pressions et températures critiques qui marquent les limites théoriques au-delà desquelles un composé ne peut exister qu'à l'état gazeux. L'air étant un mélange, ces valeurs n'ont pas de sens strict, mais, en fait, à une température supérieure à −140 °C, l'air n'est plus liquéfiable.
292
+
293
+ Température d'ébullition des composants de l'air
294
+
295
+ Les premières gouttes d'air liquide ont été obtenues presque simultanément par Louis Paul Cailletet et Raoul-Pierre Pictet en 1877, par détente brutale entre 300 et 1 atmosphère.
296
+
297
+ En 1894, le physicien néerlandais Heike Kamerlingh Onnes mit au point la première installation d’air liquide. Pendant les quarante années qui suivirent, des chercheurs en France, Grande-Bretagne, Allemagne et Russie apportèrent de nombreuses améliorations au procédé.
298
+ Sir James Dewar liquéfia d’abord l’hydrogène, en 1898, et Heike Kamerlingh Onnes l’hélium, le gaz le plus difficile à liquéfier, en 1908.
299
+ Indépendamment de Carl von Linde, Georges Claude mit au point dès 1902 un procédé industriel de liquéfaction de l’air.
300
+
301
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/980.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,198 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ Charles de Habsbourg, dit Charles Quint ou Charles V, né le 24 février 1500 à Gand en Flandre (Pays-Bas des Habsbourg), et mort le 21 septembre 1558 au monastère de Yuste (Espagne), est prince de la maison de Habsbourg, fils de Philippe le Beau et de Jeanne la Folle. Il hérite notamment de l'Espagne et de son empire colonial, des dix-sept provinces des Pays-Bas, du royaume de Naples et des possessions habsbourgeoises ; élu empereur des Romains en 1519, il est le monarque le plus puissant de la première moitié du XVIe siècle.
4
+
5
+ Cette accumulation de pouvoirs est à la fois le fruit du hasard (la mort de sa tante, Isabelle d'Aragon, princesse des Asturies, en 1498, puis du fils de cette dernière, l'infant Miguel de la Paz, en juillet 1500, font de sa mère l'héritière des couronnes espagnoles) mais également le résultat d'une politique systématique d'alliances matrimoniales faisant de lui l'héritier de quatre dynasties : arrière-petit-fils de Charles le Téméraire, petit-fils de Maximilien d'Autriche, d'Isabelle la Catholique, reine de Castille, et de Ferdinand, roi d'Aragon et roi de Naples, il est duc de Bourgogne sous le nom de Charles II, roi d'Espagne sous le nom de Charles Ier (en espagnol Carlos I), mais passe à la postérité comme l'empereur romain germanique Charles V (en allemand Karl V.), que l'on énonce alors « Charles Quint », « quint » signifiant « cinquième »[3],[4].
6
+
7
+ Il apparaît comme le dernier empereur germanique à souhaiter réaliser le rêve carolingien d'un empire prenant la tête de la chrétienté. Cette volonté d'unité chrétienne face à la progression de l'Empire ottoman dans les Balkans et en Méditerranée se voit cependant systématiquement combattue par l'opposition des rois de France François Ier et Henri II, et remise en cause par la Réforme protestante, initiée par Martin Luther à partir de 1517. Aux problèmes extérieurs qui se posent pendant tout son règne, s'ajoutent des révoltes en Castille, dans le Saint-Empire, en Flandre et en Brabant, qui affaiblissent par moments les bases de son pouvoir.
8
+
9
+ Au terme d'une vie de combats, miné et désabusé par ses échecs face à la France, aux luthériens et à sa propre famille, il se dépouille progressivement de ses pouvoirs. Par une série de conventions avec son frère Ferdinand, il lui cède les États autrichiens et la dignité impériale. Le 25 octobre 1555, à Bruxelles, il abdique ses droits sur les États bourguignons, désormais unis et autonomes, en faveur de son fils Philippe, déjà duc de Milan et roi de Naples, avant de lui céder ses droits sur l'Espagne en 1556.
10
+
11
+ Charles, légataire universel de plusieurs dynasties européennes[5], concentre dans ses mains l'héritage de quatre dynasties représentées chacune par l'un de ses quatre grands-parents : il est à la fois un héritier de l'État des ducs Valois de Bourgogne, un Habsbourg, un Aragonais et un Castillan. Né et élevé dans une culture franco-bourguignonne[réf. nécessaire], ses incessants voyages à travers les possessions éparpillées dans l'ensemble du continent européen, ont contribué à faire de lui un personnage européen par-delà les appartenances nationales. Sa devise, Plus Oultre (« encore plus loin »), créée par un médecin italien pour illustrer la tradition chevaleresque bourguignonne, est devenue sous sa forme latine la devise nationale de l'Espagne.
12
+
13
+ Quand il naît en 1500, rien ne le destine à devenir le prince le plus puissant du XVIe siècle. Son père, Philippe le Beau, encore jeune, devrait hériter des biens de son propre père, l'empereur Maximilien. Sa mère, Jeanne la Folle, n'est à cette date qu'une simple infante espagnole ; elle a un neveu, don Miguel de la Paz, héritier présomptif des couronnes de Castille, d'Aragon et du Portugal, dont la mort, six mois après la naissance de Charles, fait de ce dernier un prince héritier des royaumes aragonais et castillans, fils et héritier de l'aîné des descendants survivants des Rois catholiques d'Espagne.
14
+
15
+ En quelques années, tout s'accélère. Isabelle la Catholique meurt en 1504, faisant de Jeanne la reine de Castille. Deux ans plus tard, Philippe le Beau, parti recueillir en Espagne l'héritage de sa femme, décède à son tour. Charles devient alors duc de Bourgogne, c'est-à-dire souverain des Pays-Bas et de la Franche-Comté. En 1515, il est émancipé et commence à négocier la succession de son grand-père Ferdinand II d'Aragon qui a au seuil de la mort déshérité sa fille Jeanne, incapable de régner, au profit du jeune duc de Bourgogne. Charles devient l'année suivante roi d'Aragon, de Naples et de Sicile, en même temps qu'il s'autoproclame roi de Castille au détriment de sa mère. Parti se faire reconnaître comme roi des royaumes espagnols, il apprend la mort de son autre grand-père, l'empereur Maximilien, qui lui lègue les duchés autrichiens et un sérieux avantage pour l'élection impériale. Le 28 juin 1519, élu Roi des Romains, il se rend à Aix-la-Chapelle pour y être couronn�� empereur élu du Saint-Empire romain germanique. Son couronnement à Bologne, le 24 février 1530, le fait empereur des Romains, couronné selon la tradition carolingienne par le Pape. Le pape Clément VII officie, marquant ainsi la concorde retrouvée entre les pouvoirs temporel et spirituel, tandis que la sainte onction est donnée par le cardinal Alexandre Farnèse.
16
+
17
+ L'archiduc Charles naît au Prinsenhof à Gand (palais aujourd'hui disparu), alors capitale du comté de Flandre, en 1500.
18
+
19
+ Il est le fils de Philippe de Habsbourg, dit Philippe le Beau, souverain des Pays-Bas, et de Jeanne de Castille, dite Jeanne la Folle.
20
+
21
+ Le jeune prince est porté sur les fonts baptismaux par la duchesse douairière de Bourgogne Marguerite d'York et celui qui sera son précepteur, Guillaume de Croÿ. On le prénomme Charles, en hommage à son arrière-grand-père, le duc de Bourgogne Charles le Téméraire.
22
+
23
+ Pour des raisons diplomatiques, son père porte le titre de duc de Luxembourg et non comte de Charolais, comme le voudrait la tradition dynastique des ducs de Bourgogne.
24
+
25
+ Charles de Habsbourg passe en Flandre, survivance des États bourguignons, les dix-sept premières années de sa vie. On lui donne pour précepteurs deux membres de la puissante maison de Croÿ : le prince de Chimay, puis le seigneur de Chièvres, son parrain.
26
+
27
+ Adrien Floriszoon, recteur de l'université de Louvain, prend en charge l'éducation religieuse du jeune prince.
28
+
29
+ Alors que Charles n'a que quatre ans, ses parents quittent définitivement le Brabant pour prendre possession du trône de Castille, vacant depuis la mort de la reine Isabelle la Catholique, mère de Jeanne. C'est Marguerite d'Autriche, sœur de Philippe, qui tient lieu de famille à Charles et à ses sœurs Éléonore, Isabelle et Marie, tandis que leur frère Ferdinand reste en Espagne où il est né, son éducation étant assurée par son grand-père Ferdinand II d'Aragon. Sa sœur Catherine, née en 1507, est élevée en Espagne auprès de leur mère, que le veuvage a rendue folle. Les enfants du couple princier restés en Flandres grandissent dans les résidences de leur tante, principalement à Malines.
30
+
31
+ Charles est avant tout élevé dans les traditions de la cour de Bourgogne. Les quelques Espagnols qu'il fréquente dans sa jeunesse s'avèrent des ennemis politiques de son grand-père Ferdinand, des exilés qui n'ont pas vu l'Espagne depuis des années.
32
+
33
+ Sa langue maternelle est le français, langue des ducs de Bourgogne vivant en Flandre[6], connue de la bourgeoisie flamande. Pendant une bonne partie de sa vie, elle sera la seule langue qu'il maîtrisera. Par la suite, il apprend également l'allemand, l'anglais, le néerlandais, l'espagnol et un peu d'italien. Il avoue dans ses lettres sa déception de n'avoir jamais réussi à apprendre le latin. Sa maîtrise proverbiale des langues constitue un facteur déterminant de sa popularité. À la fin de sa vie, il maîtrise si bien l'espagnol qu'il supervise la traduction du Chevalier délibéré, poème épique d'Olivier de La Marche dont il garde toujours un exemplaire auprès de lui. Cette épopée nourrit un attachement farouche à cette lignée brisée des ducs de Bourgogne et une méfiance profonde vis-à-vis des rois de France, que l'héritage italien des rois d'Aragon et l'élection impériale de 1519 ne feront qu'amplifier.
34
+
35
+ Parti recueillir l'héritage castillan de sa femme, Philippe le Beau meurt dans des conditions étranges le 25 septembre 1506. Charles, âgé de 6 ans, devient nouveau duc de Bourgogne, souverain des duché de Brabant, comtés de Flandre, de Hollande, de la Franche-Comté, de Bourgogne, etc.
36
+
37
+ La régence s'organise. Les états généraux refusent à l'empereur Maximilien, grand-père du jeune duc, avec lequel ils ont eu de sérieux démêlés par le passé, d'assumer cette régence dans des conditions décentes. C'est donc la sœur de Philippe, Marguerite d'Autriche, qui assure le gouvernement au nom du jeune prince. Le jeune souverain et sa tante entament un voyage inaugural pour se faire reconnaître comme prince et régente des Pays-Bas.
38
+
39
+ La régente Marguerite s'installe à Malines, où elle réside ordinairement avec ses neveux et nièces. Charles s'instruit de l'exercice du pouvoir : sa tante et son précepteur lui font prononcer des discours devant les états dès 1507, Marguerite le fait assister à une partie des séances du conseil, et Chièvres le forme à l'art de la guerre.
40
+
41
+ Un conflit entre don Juan Manuel, un chevalier de l'ordre de la Toison d'or, Maximilien, Marguerite et Ferdinand d'Aragon, entraîne l'émancipation précipitée de Charles le 5 janvier 1515.
42
+
43
+ Les états, réunis dans la grande salle du palais du Coudenberg, à Bruxelles, proclament Charles souverain effectif des Pays-Bas. Chièvres, qui a l'oreille de l'archiduc-duc, évince Marguerite et devient le principal conseiller du prince. Il commence à négocier la succession du vieux Ferdinand en envoyant Adrien d'Utrecht sur place. Le doyen est chargé d'une mission précise : il s'agit d'éviter à tout prix que le roi ne favorise le jeune frère de Charles, l'infant Ferdinand, né en Espagne en 1503 et élevé par son grand-père, au détriment des droits de l'aîné. Il faut en outre régler la question de leur mère, Jeanne la Folle, qui n'est manifestement pas en état de régner. Pendant ce temps, Charles entame un nouveau voyage. Cette fois-ci, il est reçu comme souverain, selon le rituel de Joyeuse Entrée, jurant de respecter et d'augmenter les privilèges des différentes provinces.
44
+
45
+ La nouvelle de la mort de Ferdinand d'Aragon parvient à Bruxelles le 8 février 1516. Le 14 mars, lors d'une cérémonie aussi grandiose que peu espagnole dans la collégiale Sainte-Gudule de Bruxelles, Charles est proclamé, conjointement avec sa mère, roi des Espagnes. S'il avait eu gain de cause en étant couché sur le testament du roi d'Aragon comme son unique héritier, le testament d'Isabelle la Catholique avait fait de Jeanne la seule héritière du plus important royaume d'Espagne, la Castille. Charles ne peut être, tout au plus, qu'un régent dans ces territoires. Il bafoue donc les droits de sa mère, recluse au palais-couvent de Tordesillas, en se proclamant roi au même titre qu'elle. Ce coup d'État (selon l'expression de Joseph Pérez) suscite en Castille des mécontentements qui assombrissent les premières années du règne.
46
+
47
+ Le nouveau roi termine sa visite flamande et prépare son départ pour l'Espagne. Il débarque sur la côte asturienne le 18 septembre 1517, accompagné de ses conseillers flamands et de quelques exilés castillans. À peine arrivé, il fait renvoyer en Flandre son jeune frère Ferdinand, qui s'est porté à sa rencontre. À Valladolid, le faste de la cour bourguignonne déployé lors du couronnement choque beaucoup les Espagnols, habitués à une monarchie moins cérémonieuse. En mars 1518, Charles y ouvre les Cortès de Castille pour recevoir le serment d'allégeance des délégués du royaume ainsi que d'importants subsides. L'assemblée accepte tout cela sous diverses conditions : Charles devra apprendre le castillan (il s'avère incapable de s'adresser aux Cortès dans cette langue) ; les offices de gouvernement devront être réservés à des régnicoles ; aucun métal précieux ne devra sortir du royaume sous forme de monnaie ; la reine légitime devra être maintenue dans ses droits et bien traitée.
48
+
49
+ Bien informé du caractère plus compliqué de sa reconnaissance en Aragon (il faut répéter la cérémonie d'allégeance des Cortès dans chacun des royaumes constituant la couronne d'Aragon), Charles reste peu de temps dans cette ville et se rend à Saragosse puis à Barcelone, pour y être reçu comme roi d'Aragon et comte de Barcelone. Au cours de son premier voyage, il passe plus de temps en Aragon qu'en Castille et multiplie les maladresses : il nomme de nombreux Flamands (certes naturalisés) à des postes clés du gouvernement, réclame subside sur subside, se montre ignorant des usages et des langues locales. En à peine une année, il déçoit profondément ses nouveaux sujets malgré le large capital de sympathie dont il bénéficiait en tant que petit-fils des Rois catholiques. En outre, il quitte la péninsule dès qu'il apprend son élection au trône impérial, ce qui fait craindre aux Espagnols que leurs royaumes ne deviennent une simple annexe d'un empire tourné vers le nord.
50
+
51
+ Charles doit faire face à plusieurs troubles dans ses États espagnols. Entre 1520 et 1521, il affronte une révolte en Castille où ses sujets n'acceptent pas le régent nommé par ses soins, Adrien d'Utrecht (récompensé en 1516 par la charge d'archevêque de Tortosa), et sa cour flamande. La rébellion menée par Juan de Padilla est définitivement écrasée lors de la bataille de Villalar le 21 avril 1521. Entre-temps, sur les conseils d'Adrien d'Utrecht, Charles associe deux Grands, le connétable et l'amiral de Castille, au gouvernement du royaume. Par la suite, il associe largement des Castillans à son Conseil, revient s'installer en Castille où il réside sept ans sans discontinuer, de 1522 à 1529. Il donne en outre satisfaction à ses sujets en épousant en 1526 une princesse perçue comme espagnole : sa cousine germaine Isabelle de Portugal.
52
+
53
+ Entre 1519 et 1523, Charles doit également faire face à un soulèvement armé dans la région de Valence, les Germanías, du nom de ces milices locales dont la constitution est autorisée depuis un privilège accordé par Ferdinand le Catholique pour lutter contre les Barbaresques. En 1520, profitant de l'abandon de la ville par la noblesse à la suite d'une épidémie de peste, ces milices prennent le pouvoir sous le commandement de Joan Llorenç et refusent la dissolution prononcée par Adrien d'Utrecht. Les îles Baléares sont contaminées à leur tour par le mouvement, qui n'est vaincu par la force qu'en 1523.
54
+
55
+ Sous le règne de Charles Quint se poursuit la conquête du Nouveau Monde initiée sous les Rois catholiques. À partir de 1521, Hernán Cortés conquiert la Nouvelle-Espagne — vaste région qui couvre aujourd'hui le Mexique, l'Amérique centrale et le sud des États-Unis —, Francisco Pizarro soumet Tahuantinsuyu — l'Empire inca — qui devient la vice-royauté du Pérou, et Gonzalo Jiménez de Quesada prend le contrôle du royaume des Chibchas, aujourd'hui en Colombie.
56
+
57
+ Juan Sebastián Elcano boucle le premier tour du monde en 1522, achevant le voyage commencé sous les ordres de Magellan et marquant le début de la domination espagnole sur les Philippines et les Mariannes. En 1536, Pedro de Mendoza fonde la ville de Buenos Aires sur la rive droite du Río de la Plata. Peu après, en 1537, Asuncion est fondée par Juan de Salazar (en) et Gonzalo de Mendoza, et devient le centre de la conquête et de l'administration de la région.
58
+
59
+ Ces immenses territoires sont annexés comme deux nouveaux royaumes à la couronne de Castille, assurant à celle-ci des revenus substantiels en métaux précieux. La couronne prélève directement un cinquième des métaux rapatriés en Espagne (Quinto real). Cette manne permet à Charles de financer sa politique impériale en garantissant, notamment, ses opérations de change, d'emprunt et de transfert de fonds auprès des banquiers d'Augsbourg, de Gênes et d'Anvers.
60
+
61
+ Le 12 janvier 1519, la mort de Maximilien ouvre la succession à la couronne impériale. Cette couronne, certes prestigieuse et garante d'une grande aura au sein de la chrétienté, constitue plus un poids qu'un avantage pour son titulaire. Elle ne lui permet pas de lever des fonds ; de plus, elle ne dispose que d'une armée féodale pléthorique mais inadaptée aux nouvelles exigences de la guerre, les troupes des princes allemands étant hors de son contrôle. Charles, en tant que candidat naturel à la succession de son grand-père, a été élevé dans cette perspective et doit affronter la candidature des rois d'Angleterre Henri VIII et de France François Ier, ainsi que le duc albertin Georges de Saxe, dit « le Barbu ».
62
+
63
+ La compétition se résume vite à un duel entre le roi de France et l'héritier de Maximilien. Pour convaincre les sept princes-électeurs allemands, les rivaux usent tour à tour de la propagande et d'arguments sonnants et trébuchants.
64
+
65
+ Le parti autrichien présente le roi d'Aragon comme issu du véritable estoc (lignage), mais la clef de l'élection réside essentiellement dans la capacité des candidats à acheter les princes-électeurs. François Ier, soutenu par les Médicis et les Italiens de Lyon, prodigue les écus d'or français qui s'opposent aux florins et ducats allemands et espagnols, dont Charles bénéficie grâce à Marguerite d'Autriche (sa tante) qui obtient l'appui déterminant de Jacob Fugger et de la famille Welser, richissimes banquiers d'Augsbourg. Ceux-ci émettent des lettres de change payables « après l'élection » et « pourvu que soit élu Charles d'Espagne » et profite des richesses de l'empire américain[7]. Charles Quint, qui dépense deux tonnes d'or (contre une tonne et demie pour François Ier) et pour qui Marguerite d'Autriche entoure la ville de l'élection d'une armée destinée à faire pression, est élu roi des Romains le 28 juin 1519 et sacré empereur à Aix-la-Chapelle le 23 octobre 1520[8].
66
+
67
+ Très vite, il s'aperçoit qu'il ne peut pas être le pasteur unique de la chrétienté, selon les idéaux de monarchie universelle dont tentent de le convaincre ses conseillers, comme Mercurino Gattinara. Élu empereur, il tente de mettre de l'ordre dans les affaires de son grand-père et renvoie les musiciens de la chapelle impériale dont Ludwig Senfl. Il hérite des ennemis du Saint-Empire, menacé sur son flanc sud-est par la menace turque[9] ; mais il doit également compter sur la rivalité française, incarnée dans un premier temps par François Ier, puis par son fils Henri II.
68
+
69
+ La rivalité avec François Ier marque l'essentiel de l'histoire impériale de Charles Quint. Les deux souverains sont habités par les revendications de leurs prédécesseurs. François Ier, dont le royaume est encerclé par les possessions de Charles Quint, veut poursuivre l'action des rois Charles VIII et Louis XII dans la péninsule Italienne, en réclamant Naples et Milan. De son côté, Charles Quint n'a de cesse de récupérer le duché de Bourgogne de son bisaïeul Charles le Téméraire, saisi dans des conditions juridiques douteuses mais désormais bien intégré au territoire français. La Bourgogne et l'Italie constituent les principaux théâtres d'affrontement des deux rivaux, sans qu'aucun d'eux ne puisse satisfaire ses ambitions. Charles Quint n'éprouve aucune difficulté à contrer les attaques françaises[10].
70
+
71
+ Le premier heurt se produit en royaume de Navarre. Ce royaume, dont une partie située au nord des Pyrénées — les provinces d'outre-monts ou Basse-Navarre à partir de 1512 — se trouve sous contrôle espagnol depuis sa conquête par Ferdinand d'Aragon en 1512.
72
+
73
+ La maison d'Albret, qui bénéficie de l'appui du roi de France François Ier, tente une reconquête en 1521. Les Franco-Navarrais profitent d'une démilitarisation partielle du royaume due à la guerre des Communautés de Castille et s'appuient sur le soulèvement du peuple navarrais pour prendre la capitale, Pampelune. Le rapide ressaisissement de l'armée espagnole et les erreurs stratégiques du général français André de Foix ne permettent pas de consolider la victoire, et les troupes de Charles Quint remportent la victoire à Noain sur une armée largement inférieure en effectifs. Après divers sièges et batailles, un accord diplomatique est signé : Charles Quint conserve la Haute-Navarre mais restitue la Basse-Navarre à la maison d'Albret.
74
+
75
+ Pendant cette même année 1521, Charles Quint ouvre deux nouveaux fronts. Poursuivant son objectif bourguignon, il envoie Franz von Sickingen et le comte Philippe Ier de Nassau vers le nord de la France ; ces derniers obligent Bayard à s'enfermer dans Mézières assiégée. Bayard défend la ville sans capituler, malgré les canonnades et les assauts ; le maréchal de La Palisse, arrivé en renfort, oblige Nassau à lever le siège. En Italie, Charles Quint forme une coalition avec Henri VIII et les États pontificaux pour contrer l'alliance de la France et de la république de Venise. L'armée franco-vénitienne est battue lors de la bataille de la Bicoque ; Charles Quint et ses alliés reprennent le duché de Milan. L'armée impériale entre en Provence mais échoue au siège de Marseille. François Ier prend la tête d'une contre-attaque mais se voit sévèrement battu à Pavie en 1525, où il est fait prisonnier. Charles Quint retient le roi de France à Madrid pendant plus d'un an, jusqu'à la conclusion du traité de Madrid.
76
+
77
+ Aux termes de ce traité, François Ier doit, entre autres, céder le duché de Bourgogne et le Charolais, renoncer à toute revendication sur l'Italie, les Flandres et l'Artois, et épouser Éléonore de Habsbourg, sœur de Charles. François est libéré contre l'emprisonnement pendant quatre années de ses deux fils aînés, le dauphin François de France et Henri de France (futur Henri II).
78
+
79
+ Charles Quint ne tire pas grand profit de ce traité, que le roi de France avait d'ailleurs jugé bon de déclarer inexécutable la veille de sa signature. Le 8 juin, les États de Bourgogne déclarent solennellement que la province entend rester française.
80
+
81
+ En 1526, une nouvelle ligue, scellée à Cognac, se constitue, cette fois-ci contre Charles Quint, alors en pleine lune de miel (il vient d'épouser Isabelle de Portugal). La ligue de Cognac rassemble la France, l'Angleterre, le pape et les principautés italiennes (Milan, Venise et Florence). Les armées de la ligue entrent en Italie et se heurtent à une faible résistance des troupes impériales, mal payées et affaiblies par les maladies. Naples est assiégée, Rome est saccagée par les soudards de l'armée impériale commandée par Charles de Bourbon. Ces événements contraignent Charles, catastrophé, à interrompre les festivités célébrant la naissance de son fils, le futur Philippe II d'Espagne.
82
+
83
+ Cependant, le siège de Naples se solde par un échec et les troupes de la ligue, affaiblies à leur tour par la malaria et surtout le renversement d'alliance d'Andrea Doria, doivent se retirer du royaume de Naples. Les circonstances semblent rééquilibrer les forces de Charles Quint comme celles de François Ier et les amènent à laisser Marguerite d'Autriche, tante de l'empereur, et Louise de Savoie, mère du roi de France, négocier un traité qui amende celui de Madrid : le 3 août 1529, à Cambrai, est signé la paix des Dames, ensuite ratifiée par les deux souverains. François Ier épouse Éléonore d'Autriche, veuve du roi du Portugal et sœur de Charles Quint ; il recouvre ses enfants moyennant une rançon de 2 000 000 écus et conserve la Bourgogne ; en revanche, il renonce à l'Artois, à la Flandre et à ses vues sur l'Italie.
84
+
85
+ Après le traité de Cambrai, Charles V se trouve à l'apogée de sa puissance. Le 24 février 1530, à Bologne, il est couronné empereur du Saint-Empire romain germanique par le pape Clément VII.
86
+
87
+ En 1535, à la mort du duc de Milan François II Sforza, François Ier revendique l'héritage du duché. Au début de 1536, 40 000 soldats français envahissent le duché de Savoie, allié de Charles Quint, et s'arrêtent à la frontière lombarde, dans l'attente d'une éventuelle négociation. En juin, Charles Quint riposte et envahit la Provence mais se heurte à la défense du connétable Anne de Montmorency.
88
+
89
+ Grâce à l'intercession du pape Paul III, élu en 1534 et partisan d'une réconciliation entre les deux souverains, le roi et l'empereur signent en 1538, à Nice, une trêve de deux ans et promettent de s'unir face au « danger protestant ». En signe de bonne volonté, François Ier autorise même le libre passage des troupes de l'empereur à travers la France afin que celui-ci puisse mater une insurrection de sa ville natale, Gand, et à cette occasion, en 1539, il organise pour lui, un défilé de chars sur le thème des dieux antiques[11]. Charles Quint ayant refusé, malgr�� ses engagements, l'investiture du duché de Milan à l'un des fils du roi, une nouvelle guerre éclate en 1542. Le 11 avril 1544, François de Bourbon-Condé, comte d'Enghien, à la tête des troupes françaises, défait le marquis Alfonso de Ávalos, lieutenant général des armées impériales, à la bataille de Cérisoles. Cependant, l'armée de Charles Quint, avec plus de 40 000 hommes et 62 pièces d'artillerie, traverse le Duché de Lorraine, les évêchés de Metz et de Verdun (futurs Trois-Évêchés) et envahit la Champagne. Mi-juillet, une partie des troupes assiège la place forte de Saint-Dizier, tandis que le gros de l'armée poursuit sa marche vers Paris. De graves problèmes financiers empêchent l'empereur de payer ses troupes, où se multiplient les désertions. De son côté, François Ier doit également faire face au manque de ressources financières ainsi qu'à la pression des Anglais qui assiègent et prennent Boulogne-sur-Mer. Les deux souverains, utilisant les bons offices du jeune duc François Ier de Lorraine, finissent par consentir à une paix définitive en 1544. Le traité de Crépy-en-Laonnois reprend l'essentiel de la trêve signée en 1538. La France perd sa suzeraineté sur la Flandre et l'Artois et renonce à ses prétentions sur le Milanais et sur Naples, mais conserve temporairement la Savoie et le Piémont. Charles Quint abandonne la Bourgogne et ses dépendances et donne une de ses filles en mariage, dotée du Milanais en apanage, à Charles, duc d'Orléans et troisième fils du roi.
90
+
91
+ Cependant, il tient à conforter la base originelle de sa puissance, les Pays-Bas de « par deçà », ainsi que les nomme la tradition bourguignonne. Il les agrandit au nord par l'annexion des territoires occupés par le duc de Gueldre et l'évêque d'Utrecht et les renforce au sud en repoussant la suzeraineté du roi de France sur la Flandre et l'Artois à la paix des Dames. Enfin, il règle leurs rapports avec le Saint-Empire à la diète d'Augsbourg de 1548.
92
+
93
+ Les relations avec Henri II, successeur de François Ier en 1547, s'inscrivent dans la continuité.
94
+
95
+ Dès 1551, Henri II écoute les princes réformés d'Allemagne, qu'il a bien connus lorsqu'il était dauphin. En janvier 1552, il reçoit à Chambord le margrave Albert de Brandebourg qui lui suggère d'occuper Cambrai, Verdun, Toul et Metz (ces trois dernières villes constituant les Trois-Évêchés), cités d'empire de langue française et bénéficiant traditionnellement d'une certaine autonomie. Henri II y prendrait le titre de « vicaire d'Empire ». Le traité de Chambord est signé le 15 janvier 1552, scellant l'alliance d'Henri II avec les princes réformés contre Charles Quint.
96
+
97
+ En mars 1552, l'armée française est massée à Joinville sous le commandement du connétable de Montmorency et du duc de Guise. Cambrai, Verdun et Toul ouvrent leurs portes sans opposer de résistance ; le 18 avril 1552, Henri II entre dans Metz. Après un détour par l'Alsace, le « Voyage d'Allemagne » s'achève en mai 1552.
98
+
99
+ Six mois plus tard, en octobre 1552, sur ordre de Charles Quint, le duc d'Albe met le siège devant Metz, où reste une faible garnison sous les ordres de François de Guise. Le siège dure quatre mois et, malgré le déploiement d'importantes forces impériales (35 000 fantassins, 8 000 cavaliers et 150 canons), reste voué à l'échec, et l'armée de Charles Quint finit par lever le siège en janvier 1553.
100
+
101
+ La même année, Charles Quint fait raser Hesdin et Thérouanne, en Flandre, les villes étant tombées après avoir été assiégées.
102
+
103
+ Toujours en 1552, en Italie, la ville de Sienne chasse sa garnison espagnole (26 juillet) et demande l'intervention française. Henri II en profite pour ouvrir un nouveau front. Défendue par Monluc, la ville capitule finalement le 17 avril 1555. Charles Quint cède Sienne à Florence mais conserve les présides toscans de Piombino et Orbetello.
104
+
105
+ Le règne de Charles Quint correspond à la naissance en Allemagne du luthéranisme. Défenseur de la foi, sacré par le pape en 1530, le petit-fils et successeur des « Rois catholiques » ne peut se soustraire à l'obligation de défense de la foi catholique et une accalmie dans le conflit l'opposant à François Ier lui permet de s'attacher à cette mission.
106
+
107
+ L'année même de son sacre, Charles Quint convoque la Diète d'Augsbourg pour poser la question de la soumission des princes du Saint-Empire convertis à la Réforme luthérienne. La réunion tourne à son désavantage, les princes du Nord réformistes se coalisant sous l'autorité du landgrave Philippe Ier de Hesse et de l'électeur Jean-Frédéric Ier de Saxe.
108
+
109
+ Le 25 juin 1530, les protestants présentent au souverain la confession d'Augsbourg, texte fondateur du « luthéranisme » rédigée par Philippe Mélanchthon (qui représente Luther, excommunié en 1520 et mis au ban de l'Empire, ne pouvant participer à la diète) et Camerarius, qui se voit rejetée par les théologiens catholiques. Malgré quelques modifications conciliatrices apportées par le prudent disciple du bouillant réformateur au texte original, Charles Quint la fait proscrire par la diète dont les membres s'avèrent a fortiori catholiques.
110
+
111
+ Le 20 septembre 1530, Luther conseille aux princes protestants de se préparer à la guerre plutôt que d'accepter de transiger avec l'Église catholique, ce qui aboutit au début de 1531 à la formation de la ligue de Smalkalde menée par Philippe de Hesse. La diète se termine le 19 novembre 1531 avec le recès d'Augsbourg qui confirme l'édit de Worms : il ordonne aux princes coalisés de se soumettre avant le 15 avril 1531, de rétablir dans leurs États la juridiction épiscopale et de restituer les biens de l'Église. L'apparition de ce nouvel adversaire, rapidement soutenu par la France, contribue à la dispersion des moyens à la disposition de l'empereur : il lui faut attendre les années 1540 pour être en mesure de consacrer une partie importante des moyens militaires à sa disposition contre les princes protestants[10].
112
+
113
+ Conscient de la nécessité de réformer l'Église et de résoudre le problème protestant, le pape Paul III convoque le concile de Trente, dont les travaux démarrent le 5 décembre 1545. Les protestants ne reconnaissent pas le concile et l'empereur déclenche les hostilités en juin 1546, avec une armée équipée par le pape et commandée par Octave Farnèse, futur duc de Parme, une armée autrichienne sous les ordres de son frère Ferdinand de Habsbourg et une armée de soldats des Pays-Bas sous les ordres du comte de Buren.
114
+
115
+ Grâce à l'appui du prince-électeur Maurice de Saxe, Charles Quint remporte sur Jean-Frédéric de Saxe la bataille de Muehlberg en 1547, emprisonne Philippe de Hesse et obtient la soumission des princes rebelles. En 1551, le même Maurice de Saxe réalise un renversement d'alliance pour délivrer le landgrave de Hesse-Cassel, retenu prisonnier par Charles Quint. Ce dernier, trahi par le duc Maurice, se voit réduit à traiter et à accorder, par la paix de Passau (1552), une amnistie générale et le libre exercice du culte réformé. À contre-cœur, il laisse à son frère Ferdinand le dernier mot : le 3 octobre 1555, est signée la paix d'Augsbourg. L'unité religieuse de l'Empire est sacrifiée au profit d'un ordre princier : chaque feudataire de l'Empire peut choisir laquelle des deux religions sera seule autorisée dans ses domaines. C'est le principe cujus regio, ejus religio (« la religion du prince est la religion du pays »).
116
+
117
+ Charles Quint ordonne qu'on dresse dans ses États un catalogue des auteurs à proscrire, préfigurant ainsi la mise en place de l'Index quelques années plus tard. Ces actions lui méritent une Apologia ad Carolum V Caesarem (Apologie à l'empereur Charles Quint, 1552), du cardinal anglais Reginald Pole[12].
118
+
119
+ Dans ses États patrimoniaux du Saint-Empire, ces Pays-Bas où il incarne à la fois le prince local et l'empereur, il dispose de plus de facilité à agir, n'est pas tenu de prendre en compte ces puissantes oppositions et peut agir comme il l'entend. Dans les Flandres, il fait placarder une série d'édits très stricts contre l'hérésie, introduisant une inquisition moderne sur le modèle de celle que Charles a découverte en Espagne. L'application de ces placards demeure assez molle jusqu'à l'arrivée de Philippe II en raison de la tiédeur de la reine-régente Marie de Hongrie et des élites locales à leur sujet. Les condamnations à mort se comptent toutefois en plus grand nombre dans ce seul territoire sous son règne que dans tout le royaume de France, qui bénéficiait certes d'une exposition moins visible.
120
+
121
+ L'empire de Charles Quint présente le désavantage d'être dispersé et donc vulnérable aux révoltes intérieures mais aussi aux attaques ennemies des Français sur son flanc ouest, de leurs alliés turcs sur son flanc est, et en mer Méditerranée des corsaires comme Arudj Barberousse.
122
+
123
+ L'un des principaux points de contrôle disputés est Tunis et plus généralement les villes d'Afrique du Nord. Tunis s'avère un point stratégique de contrôle de la mer Méditerranée par rapport à la Sicile et au royaume de Naples, et un point de passage vers le Levant.
124
+
125
+ En 1534, Kheir el-Din Barberousse, le frère d'Arudj, renverse le sultan hafside Moulay Hassan de Tunis.
126
+
127
+ Mulay Hassan demande à l'empereur d'équiper une flotte et d'entreprendre une expédition punitive contre Tunis, non seulement pour le rétablir sur le trône, mais aussi pour freiner la piraterie sur les côtes de Sicile et d'Italie.
128
+
129
+ Charles Quint arme une flotte de 62 galères et de 150 autres navires qui partent de Barcelone le 29 mars 1535. Les troupes impériales et les troupes espagnoles, commandées par le Génois Andrea Doria, avec l'appui de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, arrivent à proximité de Carthage et de Tunis. Tunis est prise le 21 juillet 1535, Moulay Hassan restauré, 20 000 chrétiens esclaves libérés. Moulay Hassan devient un vassal de l'Espagne et entérine l'abolition de l'esclavage et la tolérance religieuse.
130
+
131
+ Jan Cornelisz Vermeyen, peintre et tapissier, se voit chargé d'immortaliser la bataille. Les nombreux croquis qu'il y réalise servent notamment pour une suite de douze tapisseries, commandées par Marie de Hongrie[13].
132
+
133
+ En revanche, l'expédition sur Alger en 1541 se solde par un désastre et redonna aux Barbaresques le sud de la Méditerranée.
134
+
135
+ Souffrant d'une goutte particulièrement invalidante[14], il envisage assez tôt de se défaire du pouvoir. Le processus commence pour ainsi dire en 1540, peu après la mort de l'impératrice-reine. Cette année, il investit en secret son fils, le prince Philippe, du duché de Milan, vacant depuis 1535, investiture rendue publique en 1546. Deux ans plus tard, Charles fait venir celui-ci à ses côtés pour le faire reconnaître comme héritier des Flandres et le présenter aux princes de l'Empire dans l'espoir que Philippe puisse un jour briguer la couronne impériale.
136
+
137
+ En 1553, enfin, lorsque Philippe épouse Marie Tudor, et afin d'éviter une union inégale entre le duc de Milan et la reine d'Angleterre, son père lui offre le royaume de Naples. Dans ces mêmes années 1550, la question de la succession devient un sujet de contentieux entre Charles et son frère Ferdinand. Le roi des Romains s'irrite de voir son aîné privilégier partout Philippe alors qu'il avait promis à ses neveux autrichiens des parcelles de l'héritage en Flandre et en Italie.
138
+
139
+ L'année 1555 voit une accélération de ce processus. La mère de Charles, Jeanne de Castille, meurt le 11 avril 1555. L'Empereur en est très affecté, bien qu'il n'ait jamais hésité à la maintenir en détention à Tordesillas et qu'ils ne se soient jamais connus. La signature de la paix d'Augsbourg, le 25 septembre lui laisse le sentiment d'un échec cuisant. En même temps, les victoires de ses armées à Sienne et Gimnée ainsi que la présence de Philippe venu d'Espagne dans les Flandres lui donnent l'impression d'un empire suffisamment stable pour procéder à cette renonciation.
140
+
141
+ Le 22 octobre 1555, affaibli par la vieillesse et les maladies (asthme, état diabétique, hémorroïdes, pathologie fréquente à une époque où l'on voyageait à dos de cheval[15]), désabusé par les revers, tourmenté par sa complexion flegmatique et naturellement mélancolique, Charles Quint convoque les chevaliers de l'ordre de la Toison d'or pour leur faire part de sa résolution. Il se dépouille de sa qualité de chef et souverain de l'ordre et fait promettre aux chevaliers de servir son fils Philippe arrivé à Bruxelles à l'issue d'un tour d'Europe de deux ans. Trois jours plus tard, à Bruxelles, devant les états généraux, il abdique solennellement, dans la grande salle du palais du Coudenberg. C'est là où, quarante ans plus tôt, il avait été proclamé duc de Bourgogne devant ces mêmes états généraux des Pays-Bas. Dans une ambiance larmoyante, il fait le décompte des voyages incessants qu'il a consentis pour le bien de ses pays et de la chrétienté avant de faire reconnaître Philippe comme le nouveau duc de Bourgogne, souverain des Pays-Bas[16].
142
+
143
+ Quelques mois plus tard, le 16 janvier 1556, alors qu'il se dirige vers l'Espagne pour s'y retirer du monde, il transmet également à Philippe son héritage espagnol. Les dernières transactions ont lieu en 1558 : Charles abandonne la Franche-Comté et ordonne aux électeurs du Saint-Empire de considérer désormais Ferdinand comme lui-même. La diète en prend acte en élisant, le 24 février 1558[1], Ferdinand comme empereur élu des Romains.
144
+
145
+ Il se retire dans le monastère hiéronymite de Yuste, dans une petite maison aménagée pour lui ; il y meurt le 21 septembre 1558, à l'âge de 58 ans, de la malaria (maladie endémique dans la région jusqu'en 1960). Son oraison funèbre est prononcée par François Richardot, auteur de celle d'Éléonore et de Marie[17]. Ses cendres sont transférées en 1574 à la nécropole royale de l'Escurial, édifiée par son fils Philippe à 40 km de Madrid.
146
+
147
+ Le 10 août 1501 est signé, à Lyon, un contrat de mariage entre Charles et la princesse Claude de France, fille de Louis XII et d'Anne de Bretagne.
148
+
149
+ Mais il se marie le 11 mars 1526 en son palais de Séville avec sa cousine l'infante Isabelle de Portugal (1503-1539), sœur du roi Jean III de Portugal, lui-même marié peu de temps auparavant avec Catherine d'Autriche, sœur cadette de Charles Quint, pour conforter son alliance avec l'Espagne et le Saint-Empire romain germanique. De cette union naissent :
150
+
151
+ On lui connaît également des enfants illégitimes mais tous sont nés avant son mariage et pendant son veuvage :
152
+
153
+ Maximilien Ier du Saint-Empire(1459-1519)│
154
+
155
+ Marie de Bourgogne(1457-1482)│
156
+
157
+ Ferdinand II d'Aragon(1452-1516)│
158
+
159
+ Isabelle Ire de Castille(1451-1504)│
160
+
161
+ Charles Quint(1500-1558)
162
+
163
+ souverain des Pays-Bas bourguignons 1506
164
+ roi d'Espagne (Aragon et Castille) 1516
165
+ roi de Sicile 1516
166
+ archiduc d'Autriche 1519
167
+ empereur 1519
168
+ roi de Naples 1521
169
+
170
+ archiduc d'Autriche 1520
171
+ roi des Romains 1530
172
+ empereur 1556
173
+
174
+ Philippe II d'Espagne(1527-1598)
175
+
176
+ souverain des Pays-Bas 1555
177
+ roi d'Espagne 1556
178
+ roi de Sicile et de Naples 1556
179
+
180
+ En 1534, Charles Quint est désigné comme suit[18] :
181
+
182
+ « Charles par la divine clémence Empereur des Romains, toujours Auguste, roi de Germanie, de Castille, de León, de Grenade, d'Aragon, de Navarre, de Naples, de Sicile, de Majorque, de Sardaigne, des îles Indes et terres fermes de la mer Océane, archiduc d'Autriche, duc de Bourgogne, de Brabant, de Limbourg, de Luxembourg et de Gueldre, comte de Flandres, d'Artois, de Bourgogne palatin, de Hainaut, de Hollande, de Zélande, de Ferrette, de Haguenau, de Namur et de Zutphen, prince de Souabe[19], marquis de Saint-Empire, seigneur de Frise, de Salins, de Malines, le dominateur en Asie et en Afrique, roi de la Nouvelle-Espagne, du Pérou, de la Nouvelle-Grenade et du Río de la Plata et suzerain des vice-rois de ces mêmes pays. »
183
+
184
+ Les armoiries de Charles Quint ont évolué au cours de sa vie. À sa naissance, en 1500, il hérite des armes brisées de son père, écartelées d'Autriche, de Bourgogne moderne, de Bourgogne ancien et de Brabant, chargées du parti de Flandre et de Tyrol, le tout brisées d'un lambel. La mort d'Isabelle la Catholique, en 1504, constitue ses parents les rois de Castille. Les armes familiales sont modifiées pour refléter cette nouvelle situation. On écartèle donc ces armes paternelles avec celles, écartelées du contre écartelé de Castille et de Léon et du parti d'Aragon et de Sicile, le tout enté en pointe de Grenade. Comme le couple se montre inégal, Philippe, duc de Bourgogne face à la reine de Castille, les armes maternelles sont mises au point d'honneur. Charles hérite de cet écartelé pour le moins complexe, tandis que son frère Ferdinand inverse les quartiers paternels et maternels.
185
+
186
+ À partir de 1519, cet écartelé se place sur l'aigle impériale. Comme la composition devient difficile à graver et à déchiffrer, les armes se simplifient peu à peu. L'écartelé d'Aragon-Castille et d'Autriche-Bourgogne se change graduellement en un simple coupé. Ses derniers sceaux, à Yuste, retournent à l'écartelé de 1506, sans plus d'aigles ni de couronne.
187
+
188
+ Le blason est : « coupé en chef parti en 1 écartelé en 1 et 4, de gueules au château d'or ouvert et ajouré d'azur et en 2 et 3 d'argent au lion de gueules armé, lampassé et couronné d'or, en 2 parti en 1 d'or à quatre pals de gueules et en 2 écartelé en sautoir d'or aux quatre pals de gueules et d'argent à l'aigle de sable, accompagné en pointe d'argent à une pomme grenade de gueules, tigée et feuilleté de sinople, et en pointe écartelé en 1 de gueules à la face d'argent, en 2 d'azur semé de fleurs de lys d'or à la bande componée d'argent et de gueules, en 3 bandé d'or et d'azur de six pièces, à la bordure de gueules et en 4 de sable au lion d'or, armé et lampassé de gueules, sur le tout parti d'or au lion de sable armé, couronné et lampassé de gueules et d'argent à l'aigle éployé de gueules, membré et becqué d'or. »
189
+
190
+ Charles Quint, sous le nom de Don Carlos, est l'un des personnages principaux de la pièce de théâtre Hernani de Victor Hugo. Il y est décrit pendant la période de son intronisation en tant qu'empereur.
191
+
192
+ Il est cité à de nombreuses reprises dans la pièce Lorenzaccio d'Alfred de Musset, en tant que l'empereur qui a apporté la disgrâce et le malheur sur Florence. Il est cité sous le surnom de « César » et est associé au pape Clément VII.
193
+
194
+ Le personnage de Charles Quint apparaît dans de nombreux films et séries télévisées tels que :
195
+
196
+ Le personnage de Charles Quint apparaît dans les pièces suivantes :
197
+
198
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/981.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,69 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+
4
+
5
+ Charles IV, dit « le Bel » (château de Creil, 18 juin 1294 - Vincennes, 1er février 1328), roi de France et de Navarre de 1322 à sa mort, est le dernier souverain français de la dynastie dite des Capétiens directs.
6
+
7
+ Dès son avènement, Charles est confronté à une insurrection paysanne en Flandre, et en 1324, il tente sans succès de se faire élire empereur des Romains. En tant que duc d'Aquitaine, Édouard II d'Angleterre est vassal de Charles mais il refuse de lui rendre l'hommage pour ses possessions sur le continent. En représailles, Charles conquiert en 1324 le duché de Guyenne dans un bref conflit connu sous le nom de guerre de Saint-Sardos. Après un accord de paix, Édouard II accepte de rendre l'hommage et de payer une amende. En échange, l'Aquitaine lui est rétrocédée, bien qu'amputée de plusieurs territoires.
8
+
9
+ Après la mort de Charles IV sans descendance mâle, la couronne française passe à ses cousins, les Valois, tandis que la couronne navarraise passe à sa nièce Jeanne. Toutefois, les disputes concernant la succession de Charles sur le trône de France entre les Valois, issus de la lignée strictement mâle, et les Plantagenêts, descendants d'Isabelle, la sœur de Charles, conduisent moins d'une décennie plus tard au déclenchement de la guerre de Cent Ans.
10
+
11
+ Charles naît le 18 juin 1294 au château de Creil[1],[2]. Cinquième enfant et troisième fils du roi de France et de Navarre Philippe IV le Bel et de la reine Jeanne de Navarre, Charles n'est pas destiné à régner. Très peu de choses sont connues sur son enfance, qu'il passe surtout au palais de la Cité[3]. En 1307, Philippe le Bel rachète le comté de Bigorre, qu'il offre peu après en apanage à Charles.
12
+
13
+ Le 2 février 1308 à Corbeil[4], Charles épouse Blanche de Bourgogne, fille d'Othon IV de Bourgogne et de Mahaut d'Artois. En 1310, Blanche est déclarée nubile et ils sont autorisés à vivre ensemble en un appartement de la tour de Nesle. Blanche est condamnée pour adultère au début de l'année 1314 avec sa belle-sœur Marguerite de Bourgogne, dans ce que l'on a appelé l'« affaire de la tour de Nesle ». Blanche étant enfermée dans la forteresse de Château-Gaillard, le mariage n'est pas rompu et Charles ne peut se remarier.
14
+
15
+ Sous le règne de son père, du fait de son jeune âge, Charles joue un rôle très secondaire dans la conduite des affaires du royaume. Ce n'est que dans les dernières années du règne qu'il apparaît au Conseil royal. En août 1314, Charles de Bigorre participe à la très courte campagne de Flandre, et le 20 août débloque facilement Tournai assiégée par les troupes du comte de Flandre. Sans doute déçu de son piètre apanage, il doit attendre les derniers jours de la vie de son père, en novembre 1314, pour que celui-ci mourant lui accorde le comté de la Marche. Encore peut-il se sentir frustré, car il n'obtient pas le comté d'Angoulême, qui avec la Marche faisait pourtant partie de l'héritage de Hugues XIII de Lusignan récupéré par la couronne en 1308[5].
16
+
17
+ Charles de France, comte de la Marche, ne joue aucun rôle notable sous le court règne de son frère aîné Louis X le Hutin. Mais la mort de ce dernier le 5 juin 1316 lui permet d'intervenir dans la crise de succession qui s'annonce. En effet, la France se retrouve à cette date sans monarque, la reine veuve Clémence de Hongrie étant enceinte d'un enfant posthume du feu roi. Dans le cas où naîtrait une fille, de nombreux barons du royaume, et en particulier le duc Eudes IV de Bourgogne, souhaiteraient voir accéder au trône la petite Jeanne de Navarre, fille aînée de Louis X mais, soupçonnée de bâtardise après l'affaire de la tour de Nesle, elle est sans droits.
18
+
19
+ À l'été 1316, la question la plus urgente à régler est celle de la régence du royaume. Philippe, comte de Poitiers, frère de Louis X et de Charles, la réclame en tant que plus proche parent du feu roi. Ceci n'est pas sans contrarier Charles de Valois, frère cadet de Philippe le Bel qui, en plus d'être le doyen de la famille royale, a exercé la réalité du pouvoir sous le règne de son neveu Louis le Hutin. Charles de France penche nettement pour ce dernier. Selon une chronique[6], les comtes de Valois et Charles de France auraient fait occuper le Palais de la Cité par leurs hommes d'armes, ce qui aurait obligé le connétable Gaucher de Châtillon à employer la manière forte pour permettre au comte de Poitiers d'entrer dans la place et de prendre le pouvoir.
20
+
21
+ Quoi qu'il en soit Charles, qui est fils de France mais sans responsabilités, se rallie de très mauvaise grâce au gouvernement de son frère aîné. Le 15 novembre 1316, la reine Clémence met au monde le petit roi Jean Ier qui décède au bout de quatre jours. Rejetant les prétentions de Jeanne de Navarre, le comte de Poitiers se proclame roi sous le nom de Philippe V. Plus que jamais opposé à son frère et partisan des droits de sa nièce, le prince Charles n'hésite pas à répandre alors des bruits médisants selon lesquels Philippe aurait, avec la complicité de sa belle-mère Mahaut d'Artois, fait empoisonner le petit roi[7].
22
+
23
+ En janvier 1317, Charles fait scandale en quittant précipitamment la ville de Reims pour ne pas assister au sacre de son frère. De toutes les oppositions contre Philippe V, il s'allie à Eudes de Bourgogne qui souhaite voir Jeanne de Navarre sur le trône de France. Le roi, sur les conseils du pape Jean XXII, rallie son cadet en lui accordant le droit de siéger parmi les pairs de France, au titre de l'apanage du comté de la Marche, que Philippe le Bel lui avait accordé en 1314. Ainsi, le 17 mars 1317, le comte de la Marche soutient-il les droits au trône du fils qui naîtrait de Philippe V. Après une dernière brouille en juin 1317, le comte de la Marche cesse toute attaque contre son frère, Philippe V. Avec son oncle Charles de Valois, dont il reste très proche, il est toutefois tenu à l'écart de la réalité du pouvoir, sans pour autant être en disgrâce. La mort en février 1317 de Philippe, le seul fils de Philippe V, fait de lui l'héritier présomptif de la couronne de France, ce qui le pousse à la modération. Fin 1321, la maladie de son frère aîné lui fait espérer un avènement très proche.
24
+
25
+ Le comte de la Marche monte sur le trône sous le nom de Charles IV à la mort de son frère Philippe V le Long le 3 janvier 1322. Cette fois-ci, il ne tient aucun compte d'éventuels droits de ses nièces, Jeanne de Navarre et les filles de Philippe V. Contrairement à ce qui s'était passé en 1316, cette prise du pouvoir s'effectue sans aucune contestation. Charles IV est sacré à Reims le 21 février 1322 par l'archevêque Robert de Courtenay. En tant qu'héritier de sa mère Jeanne de Navarre, il ajoute au titre de roi de France celui de roi de Navarre.
26
+
27
+ On sait très peu de choses sur la personnalité de Charles le Bel. Les chroniqueurs ont jugé sévèrement ce roi qui « régna grand temps sans rien faire » et qui « tenait plus du philosophe que du roi ». Charles le Bel semble toutefois avoir été soucieux de faire respecter la justice, comme le prouve sa fermeté dans l'affaire Jourdain de l'Isle[N 1]. En 1324, le roi effectue un long voyage en Languedoc, ce qui le rend populaire auprès du peuple. Cette popularité s'érode cependant avec les pratiques financières douteuses de la couronne.
28
+
29
+ Le règne de Charles IV le Bel voit la poursuite de la bureaucratisation de l'administration royale, déjà accélérée sous le règne de son père et de ses frères aînés. Des réformes sont aussi effectuées, touchant les offices de la Chambre des comptes, du Parlement, la Chancellerie, etc. ceci afin d'effectuer des économies budgétaires et de prévenir les fraudes. Comme sous les règnes précédents, l'État royal fait face à des difficultés financières. Pour y remédier, le gouvernement de Charles le Bel utilise les expédients habituels : mutations monétaires, taxes sur les marchandises, confiscations des biens des marchands italiens. La dîme levée avec l'accord du pape dans le but officiel de préparer la Croisade est aussi un habile moyen de renflouer les caisses royales[8].
30
+
31
+ Trouvant le trésor royal épuisé par les abus du règne précédent, Charles IV punit sévèrement et dépouille les financiers lombards. Il traite avec la même rigueur les mauvais juges et les seigneurs qui avaient accaparé les biens des particuliers. Il fait même arrêter Giraud Gayte, ex-surintendant des finances de Philippe le Long, lequel est accusé d'avoir détourné un million deux cent mille livres. Il le remplace par son trésorier Pierre de Rémi, qui sera lui-même pendu sous le règne suivant pour le même motif de concussion. À la chancellerie, Charles IV nomme son ancien chancelier du comté de la Marche Pierre Rodier. Sa montée sur le trône permet aussi à son oncle et parrain Charles de Valois de retrouver un pouvoir qu’il n'avait pas eu sous le règne précédent. L’oncle du roi fait ainsi entrer au gouvernement des hommes à lui, comme le trésorier Jean Billouart ou le chancelier Jean de Cherchemont, qui remplace Pierre Rodier en 1323. Parmi les autres conseillers du nouveau souverain, on peut citer d’anciens légistes de Philippe le Bel tels que Guillaume de la Brosse et Raoul de Presles, ou encore Guillaume Flote, appelé à jouer un rôle encore plus grand sous Philippe de Valois[9].
32
+
33
+ En mai 1322, le pape Jean XXII annule le mariage de Charles IV et de Blanche de Bourgogne pour cause d'affinité, Mahaut d'Artois, la mère de son épouse, étant également sa marraine[10].
34
+
35
+ Le 21 septembre 1322 à Provins, Charles prend pour seconde épouse Marie de Luxembourg, qui lui donnera une fille mais qui ne survivra pas. Le 21 mars 1324, au cours d'un voyage à Issoudun en Berry, la voiture de Marie de Luxembourg se renverse, provoquant la mort de la reine et de l'enfant qu'elle portait.
36
+
37
+ Le 5 juillet 1324, le roi, toujours sans héritier, épouse en troisièmes noces sa cousine Jeanne d'Évreux. Cette dernière accouche d'une première fille prénommée Jeanne en 1325, et d'une seconde fille, Marie, l'année suivante. Elle est de nouveau enceinte lorsque le roi meurt en février 1328. Il faut attendre la naissance de l'enfant pour savoir si les Capétiens vont conserver le trône. C'est de nouveau une fille, Blanche, qui naît le 1er avril 1328. Cette dernière fille épousera en 1345 Philippe, duc d'Orléans, fils de Philippe VI de Valois.
38
+
39
+ Charles le Bel est parfois considéré comme le père de Thomas de La Marche[11], capitaine, né de Béatrice de la Berruère. Il est plus vraisemblablement le fils naturel de Philippe VI de Valois[12].
40
+
41
+ Les relations de Charles IV avec l'Angleterre sont d'abord cordiales. Le roi envoie en effet outre-Manche une ambassade au roi Édouard II, afin de conclure un mariage entre Marie, une des filles de Charles de Valois, et le prince Édouard, futur Édouard III. Les ambassadeurs français acceptent même de participer à une guerre contre l'Écosse, au cours de laquelle ils sont d'ailleurs fait prisonniers. Néanmoins, la Gascogne reste le point sensible des relations entre les deux royaumes. Édouard II, qui est également duc de Guyenne, souhaite mettre un terme aux luttes d'influence qui opposent dans cette région ses partisans et ceux du roi de France. En 1323, l'évasion de Roger Mortimer aggrave les relations franco-anglaises. Mortimer avait participé quelques années plus tôt à une rébellion contre le roi et son favori Hugues le Despenser. Vaincu et emprisonné à la tour de Londres, il est parvenu à s'évader et a trouvé refuge en France. En août 1323, Édouard II envoie une ambassade en France pour obtenir la livraison de Mortimer. Charles IV refuse et, prétextant un trop haut degré de parenté entre les futurs époux, met un terme au projet de mariage entre le prince Édouard et Marie de Valois[N 2]. De plus, le roi de France réclame d'Édouard II l'hommage pour le duché de Guyenne, formalité que le souverain anglais n'a toujours pas remplie depuis le sacre de Reims.
42
+
43
+ À l'automne 1323 intervient l'incident de Saint-Sardos qui met le feu aux poudres. Le village de Saint-Sardos, dans l'Agenais, se trouve à l'époque dans une situation complexe. Bien que situé sur les terres du duché de Guyenne, donc du roi d'Angleterre, il appartient au prieur de Sarlat, dépendant du roi de France. Lorsque le sire de Montpezat, seigneur gascon donc vassal du roi d'Angleterre, construit sur le site une bastide, le Parlement de Paris proclame que celle-ci se trouve sur les terres du royaume de France. Les Gascons, conduits par Montpezat, répliquent en chassant les Français qui s'étaient installés dans la place. Les officiers du roi de France qui ont eu le malheur de se trouver là sont pendus. Charles IV réagit en exigeant réparation et somme Édouard II de lui rendre hommage. Édouard désavoue Montpezat et accepte de négocier mais ne prend aucune résolution. Devant sa mauvaise volonté, Charles fait prononcer par le Parlement la saisie du duché de Guyenne le 1er juillet 1324, ce qui déclenche le conflit armé. Les principales opérations militaires se déroulent évidemment en Guyenne. Le roi y envoie une puissante expédition commandée par l'inévitable Charles de Valois. Édouard II envoie quant à lui son demi-frère Edmond de Woodstock. La campagne est très facile pour les Français qui rencontrent peu de résistance jusqu'à ce qu'ils mettent le siège devant La Réole, occupée par Edmond. Incapable de résister, celui-ci se rend au bout d'un mois, le 22 septembre 1324 et signe une trêve.
44
+
45
+ Afin de négocier la paix, Édouard II envoie en 1325 son épouse Isabelle auprès de son frère Charles le Bel. Par l'intermédiaire de la papauté et de la reine Isabelle, Français et Anglais parviennent à un accord en mai 1325 : la Guyenne est restituée à Édouard II, mais les officiers du duché seront désormais nommés par le roi de France. De plus, Édouard doit venir rendre hommage à Charles IV. Le roi d'Angleterre refuse de se déplacer à Paris, et envoie à sa place son fils le prince Édouard, qu'il titre duc d'Aquitaine. Charles profite alors de l'absence de son rival pour imposer de nouvelles conditions à son jeune fils. Le prince Édouard récupérera bien la Guyenne, mais amputée de l'Agenais. Furieux, Édouard II désavoue son fils et dénonce le traité modifié. Charles le Bel riposte en confisquant une nouvelle fois le duché.
46
+
47
+ En parallèle à ces négociations, le voyage d'Isabelle sur le continent prend un tour scandaleux. Celle-ci, en effet, affiche ostensiblement une relation avec Roger Mortimer, l'ennemi juré du roi d'Angleterre et ses favoris les Despenser. Les amants s'entendent pour renverser ces derniers puis de prendre le pouvoir. Charles IV se retrouve alors dans une situation difficile en étant assailli par les réclamations d'Édouard II, qui exige le retour de son épouse. Il est finalement contraint de demander le départ des deux amants. Ceux-ci, réfugiés en Hainaut, montent une expédition et débarquent en Angleterre en septembre 1326. Aidés par une révolte des barons du royaume, Isabelle et Mortimer éliminent les Despenser et déposent Édouard II, qui sera assassiné quelques mois plus tard. Le 25 janvier 1327, le duc d'Aquitaine est proclamé roi sous le nom d'Édouard III. Reste à régler l'affaire de Guyenne. Isabelle signe le 31 mars 1327 le traité de Paris très défavorable à l'Angleterre. En effet, si Édouard III recouvre le duché de Guyenne (moins l'Agenais), c'est au prix d'une énorme indemnité de guerre. Mais la mort de Charles le Bel moins d'un an plus tard compliquera l'application du traité.
48
+
49
+ À son accession au trône, Charles doit affronter de nouveaux problèmes en Flandre. Le comte de Flandre Louis Ier règne sur un « État immensément riche » qui mène depuis plusieurs décennies un développement autonome à la limite du royaume de France. Le roi est en théorie considéré comme le suzerain de la Flandre, mais sous les prédécesseurs de Charles, les relations franco-flamandes deviennent tendues. Philippe V avait évité une solution militaire au problème de Flandre, s'arrangeant pour que Louis Ier hérite du comté - Louis était, dans une certaine mesure, déjà sous l'influence française, ayant été élevé à la cour de France[13]. Au fil du temps, cependant, la loyauté de Louis envers la France et l'isolement de la Flandre commencent à éroder sa position dans son propre comté[14]. En 1323, une révolte paysanne menée par Nicolaas Zannekin éclate et s'achève par l'emprisonnement de Louis à Bruges.
50
+
51
+ Charles est relativement indifférent à l'insurrection paysanne, car la révolte peut aider la couronne de France en affaiblissant à long terme la position du comte Louis[15]. En 1325, cependant, la situation empire et la position de Charles évolue. Non seulement le soulèvement empêche Louis de verser à Charles une partie des sommes qui lui étaient dues par les traités de paix auparavant négociées, mais l'escalade de la rébellion représente une menace encore plus grande pour l'ordre féodal en France même. Ainsi, on peut en déduire que Charles IV est plus incapable que réticent à intervenir pour protéger son vassal[16].
52
+
53
+ En novembre 1325, Charles déclare les rebelles coupables de haute trahison et demande au pape leur excommunication, mobilisant une armée dans le même temps. De son côté, Louis a pardonné aux rebelles et a ensuite été libéré, mais une fois de retour à Paris, il change de position et promet à Charles de ne pas accepter un traité de paix séparé[17]. Bien qu'il ait amassé des forces le long de la frontière, les attentions militaires de Charles sont distraites par les problèmes en Gascogne, et il choisit finalement de régler pacifiquement la rébellion par la paix d'Arques en 1326, dans laquelle Louis n'est impliqué qu'indirectement[18].
54
+
55
+ Lorsque Charles le Bel arrive au pouvoir, deux princes revendiquent le titre d'empereur romain germanique : Louis de Bavière, élu mais non reconnu par le pape Jean XXII, et Frédéric le Bel, duc d'Autriche. En 1322, Louis de Bavière bat et capture son rival à la bataille de Mühldorf. Cependant, Jean XXII refuse toujours de le reconnaître comme empereur. Le conflit entre Louis et le souverain pontife ne cesse de s'envenimer jusqu'à l'excommunication de Louis prononcée en 1324, point de départ d'une lutte de près de vingt-cinq ans entre l'Empire et la papauté. À ce moment-là, les partisans de Frédéric d'Autriche songent à faire du roi de France leur nouveau champion. L'épouse de ce dernier, Marie de Luxembourg, est en effet la fille de l'ancien empereur Henri VII. Cette union offre à Charles IV de puissants soutiens, en plus de celui du pape, dans le cas d'une éventuelle élection à l'Empire. Mais Marie meurt prématurément le 26 mars 1324, ce qui met un terme aux ambitions impériales de Charles IV.
56
+
57
+ L'idée d'une nouvelle croisade était réapparue sous les règnes de Philippe IV et Philippe V. En 1323, le roi charge le comte de Valois de négocier avec Jean XXII l'organisation d'une nouvelle expédition en Terre sainte et l'obtention d'un subside. Toutefois, les conciliabules entre le pape et Valois sont un échec, le pape soupçonnant Charles IV de vouloir utiliser cet argent à ses fins personnelles, et nullement pour prendre la Croix[19]. En 1326, Charles le Bel s'intéresse de nouveau aux questions d'Orient et envisage de mener une expédition contre l'Empire byzantin. Il prend pour cela officiellement la Croix et nomme le vicomte de Narbonne à la tête d'une flotte expéditionnaire[20]. L'année suivante, il reçoit à Paris des envoyés de l'empereur Andronic II Paléologue qui proposent, en plus de la paix, de rétablir l'union de la chrétienté. La chute d'Andronic, renversé par son petit-fils Andronic III, et la mort de Charles mettent un terme aux négociations.
58
+
59
+ Malade, Charles IV est alité à partir du 25 décembre 1327. Selon le chroniqueur Jean Lebel – mais il est le seul à rapporter ce fait – le roi mourant aurait souhaité que le comte Philippe de Valois devînt régent si la reine Jeanne, alors enceinte, donnait naissance à un fils. Si une fille venait à naître, alors Philippe de Valois pourrait monter directement sur le trône. Mais la volonté du roi ne semble pas avoir été suivie immédiatement d'effet, puisque la question de sa succession n'est tranchée qu'après sa mort[N 3]. Charles IV meurt finalement le 1er février 1328 et ses entrailles sont déposées à l'abbaye de Maubuisson. Le 1er avril 1328, la reine Jeanne d'Évreux donne naissance à une fille, Blanche. En l'absence de descendant mâle survivant, se pose la question de savoir qui va alors régner.
60
+
61
+ Avant sa redécouverte en 1358, on ignorait qu'il y eût une Loi salique ; tous les rois avaient eu des fils, et du fait de la primogéniture masculine positionnant un frère cadet avant sa sœur ainée, les souverains avaient toujours été des hommes. Ainsi Philippe V en 1316 puis Charles IV en 1322 avaient succédé à leur frère Louis X au détriment de sa fille, Jeanne, puis de leur sœur Isabelle, après que Jean Ier avait lui-même prévalu sur Jeanne sa sœur aînée. À la mort de Charles IV en 1328, plusieurs prétendants se font connaître : tout d'abord le régent Philippe de Valois, par les droits du plus proche héritier mâle, neveu de Philippe IV le Bel ; puis Philippe d'Évreux, par les droits de son épouse Jeanne de Navarre, fille contestée de Louis X le Hutin ; enfin Édouard III d'Angleterre, par les droits de sa mère Isabelle de France, fille de Philippe le Bel. Les filles de Philippe V et de Charles IV s'abstiennent en revanche de revendications[N 4].
62
+
63
+ Tous les candidats qui devaient leur prétention successorale à une fille de France furent écartés pour le motif qu'une femme qui n'a pas le droit de monter sur le trône ne peut pas transmettre ce droit. Cette succession contestée par le roi d'Angleterre fut une des raisons principales de la guerre de Cent Ans, alors que même en mettant en doute la légitimité de Jeanne II de Navarre, dans le cas d'une transmission directe de la couronne d'une fille de France à son fils, Philippe de Bourgogne, petit-fils de Philippe V, précédait Édouard III dans la ligne de succession à la date de la mort de Charles IV. Une telle règle aurait également été une source de conflit, dans le cas où le fils d'une fille cadette ayant accédé au trône, son aînée aurait ultérieurement donné naissance à un fils, auquel le roi aurait dû de son vivant restituer la couronne malgré son sacre, ce qui aurait justement pu se produire avec la naissance de Charles le Mauvais quatre ans plus tard en 1332, lequel s'engagera d'ailleurs dans une vaine lutte avec le futur Charles V jusqu'à sa défaite à Cocherel en 1364.
64
+
65
+ Philippe de Valois, cousin germain de Charles IV, devint ainsi roi de France par primogéniture masculine sous le nom de Philippe VI. Il restitua la Navarre à laquelle il ne pouvait prétendre à son héritière légitime, Jeanne II, qui avait épousé en 1318 son cousin Philippe d’Évreux, roi de Navarre sous le nom de Philippe III de Navarre.
66
+
67
+ Charles IV est un personnage de la suite romanesque Les Rois maudits de Maurice Druon. Il est interprété par Gilles Béhat dans l'adaptation télévisée de 1972 et Aymeric Demarigny dans celle de 2005[21],[22].
68
+
69
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/982.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,69 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+
4
+
5
+ Charles IV, dit « le Bel » (château de Creil, 18 juin 1294 - Vincennes, 1er février 1328), roi de France et de Navarre de 1322 à sa mort, est le dernier souverain français de la dynastie dite des Capétiens directs.
6
+
7
+ Dès son avènement, Charles est confronté à une insurrection paysanne en Flandre, et en 1324, il tente sans succès de se faire élire empereur des Romains. En tant que duc d'Aquitaine, Édouard II d'Angleterre est vassal de Charles mais il refuse de lui rendre l'hommage pour ses possessions sur le continent. En représailles, Charles conquiert en 1324 le duché de Guyenne dans un bref conflit connu sous le nom de guerre de Saint-Sardos. Après un accord de paix, Édouard II accepte de rendre l'hommage et de payer une amende. En échange, l'Aquitaine lui est rétrocédée, bien qu'amputée de plusieurs territoires.
8
+
9
+ Après la mort de Charles IV sans descendance mâle, la couronne française passe à ses cousins, les Valois, tandis que la couronne navarraise passe à sa nièce Jeanne. Toutefois, les disputes concernant la succession de Charles sur le trône de France entre les Valois, issus de la lignée strictement mâle, et les Plantagenêts, descendants d'Isabelle, la sœur de Charles, conduisent moins d'une décennie plus tard au déclenchement de la guerre de Cent Ans.
10
+
11
+ Charles naît le 18 juin 1294 au château de Creil[1],[2]. Cinquième enfant et troisième fils du roi de France et de Navarre Philippe IV le Bel et de la reine Jeanne de Navarre, Charles n'est pas destiné à régner. Très peu de choses sont connues sur son enfance, qu'il passe surtout au palais de la Cité[3]. En 1307, Philippe le Bel rachète le comté de Bigorre, qu'il offre peu après en apanage à Charles.
12
+
13
+ Le 2 février 1308 à Corbeil[4], Charles épouse Blanche de Bourgogne, fille d'Othon IV de Bourgogne et de Mahaut d'Artois. En 1310, Blanche est déclarée nubile et ils sont autorisés à vivre ensemble en un appartement de la tour de Nesle. Blanche est condamnée pour adultère au début de l'année 1314 avec sa belle-sœur Marguerite de Bourgogne, dans ce que l'on a appelé l'« affaire de la tour de Nesle ». Blanche étant enfermée dans la forteresse de Château-Gaillard, le mariage n'est pas rompu et Charles ne peut se remarier.
14
+
15
+ Sous le règne de son père, du fait de son jeune âge, Charles joue un rôle très secondaire dans la conduite des affaires du royaume. Ce n'est que dans les dernières années du règne qu'il apparaît au Conseil royal. En août 1314, Charles de Bigorre participe à la très courte campagne de Flandre, et le 20 août débloque facilement Tournai assiégée par les troupes du comte de Flandre. Sans doute déçu de son piètre apanage, il doit attendre les derniers jours de la vie de son père, en novembre 1314, pour que celui-ci mourant lui accorde le comté de la Marche. Encore peut-il se sentir frustré, car il n'obtient pas le comté d'Angoulême, qui avec la Marche faisait pourtant partie de l'héritage de Hugues XIII de Lusignan récupéré par la couronne en 1308[5].
16
+
17
+ Charles de France, comte de la Marche, ne joue aucun rôle notable sous le court règne de son frère aîné Louis X le Hutin. Mais la mort de ce dernier le 5 juin 1316 lui permet d'intervenir dans la crise de succession qui s'annonce. En effet, la France se retrouve à cette date sans monarque, la reine veuve Clémence de Hongrie étant enceinte d'un enfant posthume du feu roi. Dans le cas où naîtrait une fille, de nombreux barons du royaume, et en particulier le duc Eudes IV de Bourgogne, souhaiteraient voir accéder au trône la petite Jeanne de Navarre, fille aînée de Louis X mais, soupçonnée de bâtardise après l'affaire de la tour de Nesle, elle est sans droits.
18
+
19
+ À l'été 1316, la question la plus urgente à régler est celle de la régence du royaume. Philippe, comte de Poitiers, frère de Louis X et de Charles, la réclame en tant que plus proche parent du feu roi. Ceci n'est pas sans contrarier Charles de Valois, frère cadet de Philippe le Bel qui, en plus d'être le doyen de la famille royale, a exercé la réalité du pouvoir sous le règne de son neveu Louis le Hutin. Charles de France penche nettement pour ce dernier. Selon une chronique[6], les comtes de Valois et Charles de France auraient fait occuper le Palais de la Cité par leurs hommes d'armes, ce qui aurait obligé le connétable Gaucher de Châtillon à employer la manière forte pour permettre au comte de Poitiers d'entrer dans la place et de prendre le pouvoir.
20
+
21
+ Quoi qu'il en soit Charles, qui est fils de France mais sans responsabilités, se rallie de très mauvaise grâce au gouvernement de son frère aîné. Le 15 novembre 1316, la reine Clémence met au monde le petit roi Jean Ier qui décède au bout de quatre jours. Rejetant les prétentions de Jeanne de Navarre, le comte de Poitiers se proclame roi sous le nom de Philippe V. Plus que jamais opposé à son frère et partisan des droits de sa nièce, le prince Charles n'hésite pas à répandre alors des bruits médisants selon lesquels Philippe aurait, avec la complicité de sa belle-mère Mahaut d'Artois, fait empoisonner le petit roi[7].
22
+
23
+ En janvier 1317, Charles fait scandale en quittant précipitamment la ville de Reims pour ne pas assister au sacre de son frère. De toutes les oppositions contre Philippe V, il s'allie à Eudes de Bourgogne qui souhaite voir Jeanne de Navarre sur le trône de France. Le roi, sur les conseils du pape Jean XXII, rallie son cadet en lui accordant le droit de siéger parmi les pairs de France, au titre de l'apanage du comté de la Marche, que Philippe le Bel lui avait accordé en 1314. Ainsi, le 17 mars 1317, le comte de la Marche soutient-il les droits au trône du fils qui naîtrait de Philippe V. Après une dernière brouille en juin 1317, le comte de la Marche cesse toute attaque contre son frère, Philippe V. Avec son oncle Charles de Valois, dont il reste très proche, il est toutefois tenu à l'écart de la réalité du pouvoir, sans pour autant être en disgrâce. La mort en février 1317 de Philippe, le seul fils de Philippe V, fait de lui l'héritier présomptif de la couronne de France, ce qui le pousse à la modération. Fin 1321, la maladie de son frère aîné lui fait espérer un avènement très proche.
24
+
25
+ Le comte de la Marche monte sur le trône sous le nom de Charles IV à la mort de son frère Philippe V le Long le 3 janvier 1322. Cette fois-ci, il ne tient aucun compte d'éventuels droits de ses nièces, Jeanne de Navarre et les filles de Philippe V. Contrairement à ce qui s'était passé en 1316, cette prise du pouvoir s'effectue sans aucune contestation. Charles IV est sacré à Reims le 21 février 1322 par l'archevêque Robert de Courtenay. En tant qu'héritier de sa mère Jeanne de Navarre, il ajoute au titre de roi de France celui de roi de Navarre.
26
+
27
+ On sait très peu de choses sur la personnalité de Charles le Bel. Les chroniqueurs ont jugé sévèrement ce roi qui « régna grand temps sans rien faire » et qui « tenait plus du philosophe que du roi ». Charles le Bel semble toutefois avoir été soucieux de faire respecter la justice, comme le prouve sa fermeté dans l'affaire Jourdain de l'Isle[N 1]. En 1324, le roi effectue un long voyage en Languedoc, ce qui le rend populaire auprès du peuple. Cette popularité s'érode cependant avec les pratiques financières douteuses de la couronne.
28
+
29
+ Le règne de Charles IV le Bel voit la poursuite de la bureaucratisation de l'administration royale, déjà accélérée sous le règne de son père et de ses frères aînés. Des réformes sont aussi effectuées, touchant les offices de la Chambre des comptes, du Parlement, la Chancellerie, etc. ceci afin d'effectuer des économies budgétaires et de prévenir les fraudes. Comme sous les règnes précédents, l'État royal fait face à des difficultés financières. Pour y remédier, le gouvernement de Charles le Bel utilise les expédients habituels : mutations monétaires, taxes sur les marchandises, confiscations des biens des marchands italiens. La dîme levée avec l'accord du pape dans le but officiel de préparer la Croisade est aussi un habile moyen de renflouer les caisses royales[8].
30
+
31
+ Trouvant le trésor royal épuisé par les abus du règne précédent, Charles IV punit sévèrement et dépouille les financiers lombards. Il traite avec la même rigueur les mauvais juges et les seigneurs qui avaient accaparé les biens des particuliers. Il fait même arrêter Giraud Gayte, ex-surintendant des finances de Philippe le Long, lequel est accusé d'avoir détourné un million deux cent mille livres. Il le remplace par son trésorier Pierre de Rémi, qui sera lui-même pendu sous le règne suivant pour le même motif de concussion. À la chancellerie, Charles IV nomme son ancien chancelier du comté de la Marche Pierre Rodier. Sa montée sur le trône permet aussi à son oncle et parrain Charles de Valois de retrouver un pouvoir qu’il n'avait pas eu sous le règne précédent. L’oncle du roi fait ainsi entrer au gouvernement des hommes à lui, comme le trésorier Jean Billouart ou le chancelier Jean de Cherchemont, qui remplace Pierre Rodier en 1323. Parmi les autres conseillers du nouveau souverain, on peut citer d’anciens légistes de Philippe le Bel tels que Guillaume de la Brosse et Raoul de Presles, ou encore Guillaume Flote, appelé à jouer un rôle encore plus grand sous Philippe de Valois[9].
32
+
33
+ En mai 1322, le pape Jean XXII annule le mariage de Charles IV et de Blanche de Bourgogne pour cause d'affinité, Mahaut d'Artois, la mère de son épouse, étant également sa marraine[10].
34
+
35
+ Le 21 septembre 1322 à Provins, Charles prend pour seconde épouse Marie de Luxembourg, qui lui donnera une fille mais qui ne survivra pas. Le 21 mars 1324, au cours d'un voyage à Issoudun en Berry, la voiture de Marie de Luxembourg se renverse, provoquant la mort de la reine et de l'enfant qu'elle portait.
36
+
37
+ Le 5 juillet 1324, le roi, toujours sans héritier, épouse en troisièmes noces sa cousine Jeanne d'Évreux. Cette dernière accouche d'une première fille prénommée Jeanne en 1325, et d'une seconde fille, Marie, l'année suivante. Elle est de nouveau enceinte lorsque le roi meurt en février 1328. Il faut attendre la naissance de l'enfant pour savoir si les Capétiens vont conserver le trône. C'est de nouveau une fille, Blanche, qui naît le 1er avril 1328. Cette dernière fille épousera en 1345 Philippe, duc d'Orléans, fils de Philippe VI de Valois.
38
+
39
+ Charles le Bel est parfois considéré comme le père de Thomas de La Marche[11], capitaine, né de Béatrice de la Berruère. Il est plus vraisemblablement le fils naturel de Philippe VI de Valois[12].
40
+
41
+ Les relations de Charles IV avec l'Angleterre sont d'abord cordiales. Le roi envoie en effet outre-Manche une ambassade au roi Édouard II, afin de conclure un mariage entre Marie, une des filles de Charles de Valois, et le prince Édouard, futur Édouard III. Les ambassadeurs français acceptent même de participer à une guerre contre l'Écosse, au cours de laquelle ils sont d'ailleurs fait prisonniers. Néanmoins, la Gascogne reste le point sensible des relations entre les deux royaumes. Édouard II, qui est également duc de Guyenne, souhaite mettre un terme aux luttes d'influence qui opposent dans cette région ses partisans et ceux du roi de France. En 1323, l'évasion de Roger Mortimer aggrave les relations franco-anglaises. Mortimer avait participé quelques années plus tôt à une rébellion contre le roi et son favori Hugues le Despenser. Vaincu et emprisonné à la tour de Londres, il est parvenu à s'évader et a trouvé refuge en France. En août 1323, Édouard II envoie une ambassade en France pour obtenir la livraison de Mortimer. Charles IV refuse et, prétextant un trop haut degré de parenté entre les futurs époux, met un terme au projet de mariage entre le prince Édouard et Marie de Valois[N 2]. De plus, le roi de France réclame d'Édouard II l'hommage pour le duché de Guyenne, formalité que le souverain anglais n'a toujours pas remplie depuis le sacre de Reims.
42
+
43
+ À l'automne 1323 intervient l'incident de Saint-Sardos qui met le feu aux poudres. Le village de Saint-Sardos, dans l'Agenais, se trouve à l'époque dans une situation complexe. Bien que situé sur les terres du duché de Guyenne, donc du roi d'Angleterre, il appartient au prieur de Sarlat, dépendant du roi de France. Lorsque le sire de Montpezat, seigneur gascon donc vassal du roi d'Angleterre, construit sur le site une bastide, le Parlement de Paris proclame que celle-ci se trouve sur les terres du royaume de France. Les Gascons, conduits par Montpezat, répliquent en chassant les Français qui s'étaient installés dans la place. Les officiers du roi de France qui ont eu le malheur de se trouver là sont pendus. Charles IV réagit en exigeant réparation et somme Édouard II de lui rendre hommage. Édouard désavoue Montpezat et accepte de négocier mais ne prend aucune résolution. Devant sa mauvaise volonté, Charles fait prononcer par le Parlement la saisie du duché de Guyenne le 1er juillet 1324, ce qui déclenche le conflit armé. Les principales opérations militaires se déroulent évidemment en Guyenne. Le roi y envoie une puissante expédition commandée par l'inévitable Charles de Valois. Édouard II envoie quant à lui son demi-frère Edmond de Woodstock. La campagne est très facile pour les Français qui rencontrent peu de résistance jusqu'à ce qu'ils mettent le siège devant La Réole, occupée par Edmond. Incapable de résister, celui-ci se rend au bout d'un mois, le 22 septembre 1324 et signe une trêve.
44
+
45
+ Afin de négocier la paix, Édouard II envoie en 1325 son épouse Isabelle auprès de son frère Charles le Bel. Par l'intermédiaire de la papauté et de la reine Isabelle, Français et Anglais parviennent à un accord en mai 1325 : la Guyenne est restituée à Édouard II, mais les officiers du duché seront désormais nommés par le roi de France. De plus, Édouard doit venir rendre hommage à Charles IV. Le roi d'Angleterre refuse de se déplacer à Paris, et envoie à sa place son fils le prince Édouard, qu'il titre duc d'Aquitaine. Charles profite alors de l'absence de son rival pour imposer de nouvelles conditions à son jeune fils. Le prince Édouard récupérera bien la Guyenne, mais amputée de l'Agenais. Furieux, Édouard II désavoue son fils et dénonce le traité modifié. Charles le Bel riposte en confisquant une nouvelle fois le duché.
46
+
47
+ En parallèle à ces négociations, le voyage d'Isabelle sur le continent prend un tour scandaleux. Celle-ci, en effet, affiche ostensiblement une relation avec Roger Mortimer, l'ennemi juré du roi d'Angleterre et ses favoris les Despenser. Les amants s'entendent pour renverser ces derniers puis de prendre le pouvoir. Charles IV se retrouve alors dans une situation difficile en étant assailli par les réclamations d'Édouard II, qui exige le retour de son épouse. Il est finalement contraint de demander le départ des deux amants. Ceux-ci, réfugiés en Hainaut, montent une expédition et débarquent en Angleterre en septembre 1326. Aidés par une révolte des barons du royaume, Isabelle et Mortimer éliminent les Despenser et déposent Édouard II, qui sera assassiné quelques mois plus tard. Le 25 janvier 1327, le duc d'Aquitaine est proclamé roi sous le nom d'Édouard III. Reste à régler l'affaire de Guyenne. Isabelle signe le 31 mars 1327 le traité de Paris très défavorable à l'Angleterre. En effet, si Édouard III recouvre le duché de Guyenne (moins l'Agenais), c'est au prix d'une énorme indemnité de guerre. Mais la mort de Charles le Bel moins d'un an plus tard compliquera l'application du traité.
48
+
49
+ À son accession au trône, Charles doit affronter de nouveaux problèmes en Flandre. Le comte de Flandre Louis Ier règne sur un « État immensément riche » qui mène depuis plusieurs décennies un développement autonome à la limite du royaume de France. Le roi est en théorie considéré comme le suzerain de la Flandre, mais sous les prédécesseurs de Charles, les relations franco-flamandes deviennent tendues. Philippe V avait évité une solution militaire au problème de Flandre, s'arrangeant pour que Louis Ier hérite du comté - Louis était, dans une certaine mesure, déjà sous l'influence française, ayant été élevé à la cour de France[13]. Au fil du temps, cependant, la loyauté de Louis envers la France et l'isolement de la Flandre commencent à éroder sa position dans son propre comté[14]. En 1323, une révolte paysanne menée par Nicolaas Zannekin éclate et s'achève par l'emprisonnement de Louis à Bruges.
50
+
51
+ Charles est relativement indifférent à l'insurrection paysanne, car la révolte peut aider la couronne de France en affaiblissant à long terme la position du comte Louis[15]. En 1325, cependant, la situation empire et la position de Charles évolue. Non seulement le soulèvement empêche Louis de verser à Charles une partie des sommes qui lui étaient dues par les traités de paix auparavant négociées, mais l'escalade de la rébellion représente une menace encore plus grande pour l'ordre féodal en France même. Ainsi, on peut en déduire que Charles IV est plus incapable que réticent à intervenir pour protéger son vassal[16].
52
+
53
+ En novembre 1325, Charles déclare les rebelles coupables de haute trahison et demande au pape leur excommunication, mobilisant une armée dans le même temps. De son côté, Louis a pardonné aux rebelles et a ensuite été libéré, mais une fois de retour à Paris, il change de position et promet à Charles de ne pas accepter un traité de paix séparé[17]. Bien qu'il ait amassé des forces le long de la frontière, les attentions militaires de Charles sont distraites par les problèmes en Gascogne, et il choisit finalement de régler pacifiquement la rébellion par la paix d'Arques en 1326, dans laquelle Louis n'est impliqué qu'indirectement[18].
54
+
55
+ Lorsque Charles le Bel arrive au pouvoir, deux princes revendiquent le titre d'empereur romain germanique : Louis de Bavière, élu mais non reconnu par le pape Jean XXII, et Frédéric le Bel, duc d'Autriche. En 1322, Louis de Bavière bat et capture son rival à la bataille de Mühldorf. Cependant, Jean XXII refuse toujours de le reconnaître comme empereur. Le conflit entre Louis et le souverain pontife ne cesse de s'envenimer jusqu'à l'excommunication de Louis prononcée en 1324, point de départ d'une lutte de près de vingt-cinq ans entre l'Empire et la papauté. À ce moment-là, les partisans de Frédéric d'Autriche songent à faire du roi de France leur nouveau champion. L'épouse de ce dernier, Marie de Luxembourg, est en effet la fille de l'ancien empereur Henri VII. Cette union offre à Charles IV de puissants soutiens, en plus de celui du pape, dans le cas d'une éventuelle élection à l'Empire. Mais Marie meurt prématurément le 26 mars 1324, ce qui met un terme aux ambitions impériales de Charles IV.
56
+
57
+ L'idée d'une nouvelle croisade était réapparue sous les règnes de Philippe IV et Philippe V. En 1323, le roi charge le comte de Valois de négocier avec Jean XXII l'organisation d'une nouvelle expédition en Terre sainte et l'obtention d'un subside. Toutefois, les conciliabules entre le pape et Valois sont un échec, le pape soupçonnant Charles IV de vouloir utiliser cet argent à ses fins personnelles, et nullement pour prendre la Croix[19]. En 1326, Charles le Bel s'intéresse de nouveau aux questions d'Orient et envisage de mener une expédition contre l'Empire byzantin. Il prend pour cela officiellement la Croix et nomme le vicomte de Narbonne à la tête d'une flotte expéditionnaire[20]. L'année suivante, il reçoit à Paris des envoyés de l'empereur Andronic II Paléologue qui proposent, en plus de la paix, de rétablir l'union de la chrétienté. La chute d'Andronic, renversé par son petit-fils Andronic III, et la mort de Charles mettent un terme aux négociations.
58
+
59
+ Malade, Charles IV est alité à partir du 25 décembre 1327. Selon le chroniqueur Jean Lebel – mais il est le seul à rapporter ce fait – le roi mourant aurait souhaité que le comte Philippe de Valois devînt régent si la reine Jeanne, alors enceinte, donnait naissance à un fils. Si une fille venait à naître, alors Philippe de Valois pourrait monter directement sur le trône. Mais la volonté du roi ne semble pas avoir été suivie immédiatement d'effet, puisque la question de sa succession n'est tranchée qu'après sa mort[N 3]. Charles IV meurt finalement le 1er février 1328 et ses entrailles sont déposées à l'abbaye de Maubuisson. Le 1er avril 1328, la reine Jeanne d'Évreux donne naissance à une fille, Blanche. En l'absence de descendant mâle survivant, se pose la question de savoir qui va alors régner.
60
+
61
+ Avant sa redécouverte en 1358, on ignorait qu'il y eût une Loi salique ; tous les rois avaient eu des fils, et du fait de la primogéniture masculine positionnant un frère cadet avant sa sœur ainée, les souverains avaient toujours été des hommes. Ainsi Philippe V en 1316 puis Charles IV en 1322 avaient succédé à leur frère Louis X au détriment de sa fille, Jeanne, puis de leur sœur Isabelle, après que Jean Ier avait lui-même prévalu sur Jeanne sa sœur aînée. À la mort de Charles IV en 1328, plusieurs prétendants se font connaître : tout d'abord le régent Philippe de Valois, par les droits du plus proche héritier mâle, neveu de Philippe IV le Bel ; puis Philippe d'Évreux, par les droits de son épouse Jeanne de Navarre, fille contestée de Louis X le Hutin ; enfin Édouard III d'Angleterre, par les droits de sa mère Isabelle de France, fille de Philippe le Bel. Les filles de Philippe V et de Charles IV s'abstiennent en revanche de revendications[N 4].
62
+
63
+ Tous les candidats qui devaient leur prétention successorale à une fille de France furent écartés pour le motif qu'une femme qui n'a pas le droit de monter sur le trône ne peut pas transmettre ce droit. Cette succession contestée par le roi d'Angleterre fut une des raisons principales de la guerre de Cent Ans, alors que même en mettant en doute la légitimité de Jeanne II de Navarre, dans le cas d'une transmission directe de la couronne d'une fille de France à son fils, Philippe de Bourgogne, petit-fils de Philippe V, précédait Édouard III dans la ligne de succession à la date de la mort de Charles IV. Une telle règle aurait également été une source de conflit, dans le cas où le fils d'une fille cadette ayant accédé au trône, son aînée aurait ultérieurement donné naissance à un fils, auquel le roi aurait dû de son vivant restituer la couronne malgré son sacre, ce qui aurait justement pu se produire avec la naissance de Charles le Mauvais quatre ans plus tard en 1332, lequel s'engagera d'ailleurs dans une vaine lutte avec le futur Charles V jusqu'à sa défaite à Cocherel en 1364.
64
+
65
+ Philippe de Valois, cousin germain de Charles IV, devint ainsi roi de France par primogéniture masculine sous le nom de Philippe VI. Il restitua la Navarre à laquelle il ne pouvait prétendre à son héritière légitime, Jeanne II, qui avait épousé en 1318 son cousin Philippe d’Évreux, roi de Navarre sous le nom de Philippe III de Navarre.
66
+
67
+ Charles IV est un personnage de la suite romanesque Les Rois maudits de Maurice Druon. Il est interprété par Gilles Béhat dans l'adaptation télévisée de 1972 et Aymeric Demarigny dans celle de 2005[21],[22].
68
+
69
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/983.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,111 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+ Améliorez sa vérifiabilité en les associant par des références à l'aide d'appels de notes.
2
+
3
+
4
+
5
+
6
+
7
+ Charles IX, né le 27 juin 1550 au château royal de Saint-Germain-en-Laye et mort le 30 mai 1574 au château de Vincennes, est roi de France de 1560 à 1574.
8
+
9
+ Il est le quatrième roi de la famille des Valois-Angoulême. Fils d'Henri II et de Catherine de Médicis, il succède à son frère François II à l'âge de 10 ans et meurt sans enfant mâle légitime à près de 24 ans.
10
+
11
+ Sous son règne, le Royaume est déchiré par les guerres de Religion, malgré tous les efforts déployés par sa mère Catherine pour les empêcher. Après plusieurs tentatives de réconciliation, son règne déboucha sur le massacre de la Saint-Barthélemy.
12
+
13
+ Né Charles-Maximilien de France, il est le cinquième des dix enfants et le troisième fils d'Henri II et de Catherine de Médicis. D'abord titré duc d'Angoulême, il est titré duc d'Orléans (1550 à 1560), après la mort de son frère Louis. Il est baptisé dans la religion catholique et reçoit pour parrains le roi Henri II de Navarre et Maximilien II, empereur du Saint-Empire romain germanique, et pour marraine la duchesse de Ferrare, Renée de France (fille du roi de France Louis XII et d'Anne de Bretagne), sa grand-tante.
14
+
15
+ Il accède au trône de France après la mort prématurée de son frère François II. Il est alors âgé de 10 ans. La régence est confiée à sa mère jusqu'à sa majorité. Charles est sacré roi de France dans la cathédrale de Reims le 5 mai 1561. Il préside du 13 décembre 1560 au 31 janvier 1561, les états généraux rassemblés à Orléans. Le premier prince du sang Antoine de Bourbon est nommé lieutenant général du Royaume.
16
+
17
+ En montant sur le trône, Charles hérite d'un royaume en train de se diviser entre catholiques et protestants. Lors du colloque de Poissy, organisé le 9 septembre 1561, la reine mère espère trouver un chemin d'entente entre le parti catholique représenté par le cardinal de Lorraine et le parti protestant représenté par Théodore de Bèze, mais aucun accord n'est accepté. Les incidents se multiplient en province, entre actes iconoclastes et violences physiques. Le 16 novembre 1561, le massacre de Cahors, qui fait près de trente morts protestants, confirme cet échec. Le 17 janvier 1562, l'édit de Saint-Germain-en-Laye permet aux protestants de pratiquer leur culte dans les campagnes et les faubourgs urbains.
18
+
19
+ Néanmoins, après le massacre de Wassy le 1er mars 1562, les protestants prennent les armes, avec, à leur tête, le prince de Condé. De nombreuses villes tombent temporairement entre leurs mains. Ils sont battus à Dreux par le duc de Guise le 19 décembre 1562. Tandis que Louis de Condé est fait prisonnier, le chef de l'armée catholique, Montmorency, est capturé par les protestants. Le 4 février 1563, François de Guise met le siège devant Orléans, et y meurt le 24 février de trois coups de pistolet dans le dos. Le 19 mars, avec le traité d'Amboise, une première paix fragile est établie. Le 19 août de la même année, Charles IX est déclaré majeur mais la reine mère continue d'exercer le pouvoir en son nom.
20
+
21
+ L’édit de pacification d’Amboise ne satisfait personne, et a du mal à être appliqué : il interdit le culte réformé dans les villes, alors que les protestants sont majoritaires dans de nombreuses places importantes, et sont maîtres de plusieurs provinces.
22
+
23
+ En mars 1564, débute un grand tour de France organisé par la reine mère, pour montrer le roi à ses sujets et faire connaître son royaume au roi. Il permet aussi de pacifier le Royaume. L’itinéraire passe par les villes les plus agitées du Royaume : Sens, Troyes en Champagne.
24
+
25
+ Le cortège sort de France le 30 avril 1564 pour se rendre à Bar-le-Duc, capitale du duché de Bar, où il séjourne du premier au 9 mai. Là, Charles III, duc de Lorraine, et son épouse Claude, sœur du roi de France, y font baptiser leur fils Henri âgé de 6 mois. Charles IX et Philippe II, roi d'Espagne, tous deux oncles maternels de l'enfant, sont les parrains du jeune prince. Le roi d'Espagne, qui règne également sur les Pays-Bas espagnols, se fait représenter par le comte de Mansfeld, seigneur de Ligny et gouverneur du duché de Luxembourg voisin. Catherine de Médicis, bien que confortée d'avoir réuni son fils Charles avec sa fille préférée Claude, manque son rendez-vous avec sa fille aînée, la reine d'Espagne Élisabeth.
26
+
27
+ Ensuite le cortège royal se rend dans le comté de Ligny en Barrois sur les confins lorrains, puis à Dijon le 19 mai, Mâcon, ville stratégique sur la Saône, et la vallée du Rhône : Roussillon, Valence, Montélimar, Avignon dans les États pontificaux.
28
+
29
+ C'est dans le château Renaissance de Roussillon que Charles IX signe l'édit de Roussillon dont un article instaure le 1er janvier comme le premier jour de l'année dans tout le royaume de France[1].
30
+
31
+ Après une halte de trois semaines, le « tour de France » continue vers Salon-de-Provence — où la reine mère retrouve son astrologue Nostradamus — puis Aix-en-Provence, siège du parlement de Provence. La suite royale arrive à Hyères pour la Toussaint 1564, passe ensuite par Toulon et Marseille, où le peuple l’accueille en faisant la fête, et quitte la Provence pacifiée.
32
+
33
+ Dans le Languedoc, le jeune roi passe à Montpellier, Narbonne, Toulouse. Dans les villes protestantes de Gascogne, il est accueilli respectueusement, sans plus. À Montauban, où l’entrée se fait le 20 mars 1565, il faut négocier le désarmement de la ville, qui avait résisté à trois sièges de Monluc. Toulouse et Bordeaux sont plus tranquilles, étant aux mains des catholiques.
34
+
35
+ Le grand tour fait une excursion à Bayonne (14 juin) par Mont-de-Marsan ; la reine mère s'y trouve pour deux raisons : revoir la reine d'Espagne, sa fille Élisabeth, épouse du roi Philippe II, et négocier un traité avec l’Espagne, qui échoue.
36
+
37
+ En juillet, la Gascogne est à nouveau traversée, puis en août et septembre, la vallée de la Charente. Dans ces régions à forte minorité protestante, la paix est extrêmement fragile, et les protestants appliquent non sans réticences l’édit d'Amboise. Cependant, partout, le plus grand loyalisme est témoigné au roi. Les seules anicroches sont à La Rochelle (dernière entrée d'un roi de France avant 1627), où les protestants se montrent mécontents, et à Orléans, où le convoi est accueilli par une émeute[2].
38
+
39
+ En 1566, le roi s'arrête enfin à Moulins, où sont décidées plusieurs réformes. Sur la proposition du chancelier Michel de L'Hospital, l'édit de Moulins règle les successions et déclare le domaine royal inaliénable.
40
+
41
+ En juin 1566 à Pamiers, malgré la pacification royale, les hostilités reprennent et les protestants assaillent les églises catholiques. La répression catholique est féroce : 700 calvinistes sont massacrés à Foix.
42
+
43
+ En août 1567, les protestants mettent au point un plan pour enlever le roi et sa mère. Ces derniers se réfugient à Meaux le 24 septembre, ce qui vaut à la conspiration de prendre le nom de « surprise de Meaux ».
44
+
45
+ À Nîmes puis dans tout le Languedoc, le 29 septembre 1567, jour de la Saint-Michel, est marqué par la Michelade : des notables catholiques sont sauvagement assassinés. À la tête des troupes protestantes, le prince de Condé et Gaspard II de Coligny arrivent aux portes de Paris.
46
+
47
+ Les protestants sont battus à Saint-Denis par le connétable de Montmorency le 10 novembre 1567, à Jarnac et à Moncontour par le duc d'Anjou. La paix est finalement signée entre Condé et Catherine de Médicis à Longjumeau le 23 mars 1568, confirmée par la paix de Saint-Germain-en-Laye en 1570.
48
+
49
+ Le 25 septembre 1568, à Saint-Maur, Charles IX promulgue un édit qui exclut de l’Université et des offices de judicature les membres de la religion réformée[3].
50
+
51
+ Charles IX se rapproche diplomatiquement de l'Angleterre et du Saint-Empire germanique. Certains verraient bien le roi de France ceindre un jour la couronne impériale. Le 27 novembre 1570, Charles IX épouse à Mézières Élisabeth d'Autriche[4], fille de Maximilien II (1527-1576), empereur romain germanique, et de Marie d'Espagne (1528-1603), infante d'Espagne. En mars 1571, la reine et le roi font leur entrée à Paris. Les plus grands artistes français ont contribué à l'élaboration du décor et du programme du cortège[5].
52
+
53
+ De cette union est issue une fille morte jeune, Marie-Élisabeth de France (1572-1578). Par ailleurs, le roi a entretenu durant huit ans sa favorite, tolérée par Catherine de Médicis, la célèbre Marie Touchet (1549-1638), dame de Belleville, laquelle lui a donné un fils illégitime, Charles de Valois ou Charles d'Angoulême (1573-1650), titré comte d'Auvergne (1589-1619) puis duc d'Angoulême en 1619.
54
+
55
+ Ainsi, Charles IX est le seul parmi les cinq fils d'Henri II et Catherine de Médicis à avoir engendré une descendance.
56
+
57
+ Tandis que le roi passe son temps à chasser, la reine mère poursuit la réconciliation entre catholiques et protestants. À l'automne 1571, l'amiral Gaspard de Coligny rencontre le roi pendant quelques jours.
58
+
59
+ Le mariage de la sœur du roi, Marguerite, avec un jeune prince protestant, le roi de Navarre, futur Henri IV, semble être le gage d'une réconciliation durable ; mais le 22 août 1572, quelques jours après le mariage, a lieu un attentat contre le chef du parti des huguenots, Gaspard II de Coligny. Craignant un soulèvement, Charles IX décide, probablement très influencé par sa mère Catherine de Médicis et ses conseillers, l'élimination des chefs protestants, à l'exception de quelques-uns parmi lesquels les princes du sang Henri de Navarre et le prince de Condé.
60
+
61
+ Cette décision déclenche le massacre de la Saint-Barthélemy (le 24 août), qui fait des milliers de morts, probablement trente mille, à Paris et dans plusieurs grandes villes de France. Déterminé à maintenir l'ordre, le roi ordonna l'arrêt des massacres dès le matin du 24 août, mais ses multiples appels au calme furent très souvent transgressés[6]. Une folie meurtrière s'empare de tout le Royaume.
62
+
63
+ Ce massacre marque un tournant dans le règne de Charles IX. L'abandon de l'édit de Saint-Germain et les exactions commises par l'entourage royal lui font définitivement perdre la confiance des protestants. Après les événements, la monarchie entend venir à bout du protestantisme. La guerre reprend et débouche sur le siège de La Rochelle.
64
+
65
+ À cause de son caractère inattendu et déroutant, le massacre de la Saint-Barthélemy a depuis toujours fait l'objet de débats[7]. Il s'agissait pour les historiens de déterminer la responsabilité du roi. Il a longtemps été cru que le massacre avait été préparé et provoqué par lui-même, mais une responsabilité collective du roi, de ses conseillers, de sa mère et de son frère Henri, duc d'Anjou paraît plus probable.
66
+
67
+ En 1571 a eu lieu la bataille de Lépante à laquelle la France n'a pas pris part, si ce n'est par l'envoi de quelques volontaires auprès des vaisseaux de Malte ou de Nice. Les armées françaises étant occupées par leurs propres conflits internes, elles ne protégeaient que difficilement les intérêts nationaux à l'international.
68
+
69
+ Pire encore, le rivage méditerranéen français est régulièrement soumis aux razzias esclavagistes du Bey d'Alger, Uluç Ali Paça, sans que les troupes royales puissent intervenir efficacement.
70
+
71
+ La victoire des armes chrétiennes à Lépante sans la participation de la France aura pour conséquence l'éviction de la flotte française de Méditerranée et la réputation d'être alliée aux Ottomans. Cette réputation sera néfaste face aux empires autrichiens, florentins, lombards, maltais ou espagnols qui, automatiquement, perdront confiance en la couronne de France[réf. nécessaire].
72
+
73
+ La santé physique du roi a toujours été médiocre. Il s'attache le service de médecins, dont François Pidoux. Après ces dramatiques événements, elle décline peu à peu. Un complot est fomenté contre lui et sa mère pour faire monter son frère cadet François, duc d'Alençon, sur le trône. Déjoués par Catherine de Médicis, ces tumultes finissent d'affaiblir le roi qui se réfugie au château de Vincennes, où il s'alite. La fièvre ne le quitte plus, sa respiration se fait difficile ; il meurt le dimanche 30 mai 1574, jour de la Pentecôte, vers 3 heures de l'après midi[8], un mois avant son 24e anniversaire. Dès le lendemain, à la suite de rumeurs d'empoisonnement, Ambroise Paré procède à une autopsie et confirme que le roi est mort d'une pleurésie faisant suite à une pneumonie tuberculeuse.
74
+
75
+ À l'annonce de son décès, son frère, le duc d'Anjou, parti pour Cracovie en automne 1573[9] à la suite de son élection en tant que roi de Pologne[10], délaisse la couronne polonaise[11] et rentre en France où il devient Henri III.
76
+
77
+ Charles IX fut enseveli à Saint-Denis. Six ans plus tôt, Catherine de Médicis y avait lancé la construction d'un mausolée pour les Valois.
78
+
79
+ En 1793 lors de la profanation des tombes de la basilique Saint-Denis, le corps du roi va être jeté en fosse commune.
80
+
81
+ Veuve à 20 ans, la jeune reine, Élisabeth d'Autriche, refusant tout remariage, rentra en Autriche dès 1576 et se retira près d'un couvent de clarisses qu'elle avait fondé. Leur fille, Marie-Élisabeth de France, meurt en 1578, quatre ans après la mort de Charles IX.
82
+
83
+ Ce prince, qui avait reçu les leçons de Jacques Amyot, était instruit et cultivait les lettres : on a de lui de jolis vers et un traité de la Chasse royale[12], publié pour la première fois en 1625, réimprimé par Henri Chevreul en 1858.
84
+
85
+ Guillaume-Gabriel Le Breton fit représenter devant lui, en 1569, sa tragédie Adonis.
86
+
87
+ En 1561, Charles IX décide d'offrir le 1er mai un brin de muguet comme porte-bonheur aux dames de la cour, et demande que cela soit répété les années suivantes. Cette coutume, dont les origines remontent aux symboliques celte et romaine du retour du printemps, liées à cette fleur, est toutefois d'abord limitée à l'aristocratie et ne se popularise qu'à la fin du XIXe siècle[13].
88
+
89
+ Dès l'accession au pouvoir de Charles, Catherine de Médicis fit refaire la plus grande partie des peintures de ses appartements à Fontainebleau, en particulier le plafond du cabinet du roi, un plafond à caisson peint par Primatice[14].
90
+
91
+ En 1596, un fou ou un imposteur nommé François de La Ramée est condamné à mort pour avoir prétendu être le fils de Charles IX.
92
+
93
+ En 1566, la principauté de Mantoue dans le Perche (composée de Brezolles et Senonches) est créée par Charles IX pour mettre un terme à un litige opposant le duc de Nevers et les seigneurs de Châteauneuf-en-Thymerais. Cette principauté deviendra le marquisat de Senonches, propriété des Broglie.[réf. nécessaire]
94
+
95
+ La famille :
96
+
97
+ Les conseillers et serviteurs de l'État :
98
+
99
+ Les princes de sang :
100
+
101
+ Les Grands :
102
+
103
+ Les hommes des arts et des lettres :
104
+
105
+ Les chefs de guerre :
106
+
107
+ Les hommes de science :
108
+
109
+ Sur les autres projets Wikimedia :
110
+
111
+ • Le casque et le bouclier de Charles IX.
fr/984.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,93 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+ modifier - modifier le code - modifier Wikidata
2
+
3
+ Charles Perrault, né le 12 janvier 1628 à Paris et mort dans cette même ville le 16 mai 1703, est un homme de lettres français, célèbre pour ses Contes de ma mère l’Oye.
4
+
5
+ Auteur de textes religieux, chef de file des Modernes dans la Querelle des Anciens et des Modernes, Charles Perrault est l'un des grands auteurs du XVIIe siècle. L'essentiel de son travail consiste en la collecte et la retranscription de contes issus de la tradition orale française. Il est l'un des formalisateurs du genre littéraire écrit du conte merveilleux.
6
+
7
+ Charles Perrault est né dans une famille bourgeoise tourangelle installée à Paris. Son grand-père a été brodeur du roi, son père Pierre († 1652) avocat au Parlement de Paris s'est marié en 1608 à Paquette Le Clerc († 1657) qui lui donne sept enfants. Charles est le dernier de cette fratrie[2] : Jean, l’aîné, avocat comme son père, meurt en 1669 ; Pierre (1611-1680), receveur général des finances, perd pour indélicatesse son crédit auprès de Colbert en 1664 ; Claude (1613-1688), médecin et architecte, membre de l'Académie des sciences[3] et du Conseil des bâtiments, publie des ouvrages d’histoire naturelle et d’architecture, on lui doit notamment la colonnade du Louvre ; Nicolas (1624-1662), amateur de mathématiques et théologien, est exclu de la Sorbonne pour jansénisme en 1656 ; Marie, l’unique fille, meurt à treize ans[4] ; il a également un frère jumeau, François, mort en bas âge, à 6 mois[5].
8
+
9
+ Charles Perrault est baptisé le 13 janvier 1628 en l'église Saint-Étienne-du-Mont à Paris. Son parrain est son frère Pierre et sa marraine est Françoise Pépin, sa cousine[6].
10
+
11
+ Il fait des études littéraires brillantes au collège de Beauvais à Paris dont il raconte, dans ses Mémoires, qu’y étant élève de philosophie, il quitta la classe à la suite d’une discussion avec son professeur, en compagnie d’un de ses camarades. Tous deux décident de ne plus retourner au collège, et ils se mettent avec ardeur à la lecture des auteurs sacrés et profanes, des Pères de l'Église, de la Bible, de l’histoire de France, faisant de tout des traductions et des extraits. C’est à la suite de ce singulier amalgame de libres études qu’il met en vers burlesques le sixième livre de l'Énéide et écrit les Murs de Troie ou l’Origine du burlesque.
12
+
13
+ Reçu avocat en 1651 après avoir obtenu sa licence de droit, il s’inscrit au barreau mais, s’ennuie bientôt de « traîner une robe dans le Palais ». En 1653, il publie avec son frère Claude un poème, « Les murs de Troie ou L'origine du burlesque ». Un an plus tard, il entre en qualité de commis chez son frère qui était receveur général des finances. Cette place lui laissant du loisir, il en profite pour se livrer à son goût pour la poésie[7].
14
+
15
+ Il est chargé par Colbert de la politique artistique et littéraire de Louis XIV en 1663 en tant que secrétaire de séance de la Petite Académie, puis en 1672 en tant que contrôleur général de la Surintendance des bâtiments du roi[8]. Dès lors, Perrault use de la faveur du ministre au profit des lettres, des sciences et des arts. Il n'est pas étranger au projet d’après lequel des pensions sont distribuées aux écrivains et aux savants de France et d’Europe.
16
+
17
+ À 44 ans, il épouse une jeune femme de 19 ans, Marie Guichon, avec qui il a quatre enfants[9].
18
+
19
+ Perrault contribue également à la fondation de l’Académie des sciences et à la reconstitution de l’Académie de peinture[10]. Il fait partie, dès l’origine, de la commission des devises et inscriptions qui devint l’Académie des inscriptions et belles-lettres mais à la mort de Colbert en 1683, il perd sa charge de contrôleur général et est exclu de cette Académie. Entré à l’Académie française en 1671, il y donne l’idée des jetons de présence, de rendre publiques les séances de réception et de faire les élections « par scrutin et par billets, afin que chacun soit dans une pleine liberté de nommer qui il lui plairait. » C’est lui encore qui rédige la préface du Dictionnaire de l'Académie en 1694.
20
+
21
+ Perrault était un touche-à-tout littéraire qui s’essaya au genre galant avec Dialogue de l’amour et de l’amitié (1660) et Le Miroir ou la Métamorphose d’Orante. Toutes ses productions littéraires se bornaient à quelques poésies légères, comme le Portrait d’Iris, lorsqu’il lut à l’Académie, le 27 janvier 1687, un poème intitulé le Siècle de Louis le Grand. Ce poème, où Perrault, parlant avec assez peu de respect d’Homère, de Ménandre et des plus révérés d’entre les auteurs classiques, plaça pour la première fois le XVIIe siècle au-dessus de tous les siècles précédents, tient une place importante dans l’histoire des lettres en ce qu’il inaugure la Querelle des Anciens et des Modernes. Perrault, qui sera le chef de file des partisans des Modernes, y explique l’égalité nécessaire entre les diff��rents âges par une loi de la nature :
22
+
23
+ À former les esprits comme à former les corps,
24
+ La nature en tout temps fait les mêmes efforts ;
25
+ Son être est immuable, et cette force aisée
26
+ Dont elle produit tout ne s’est point épuisée :
27
+ Jamais l’astre du jour qu’aujourd’hui nous voyons
28
+ N’eut le front couronné de plus brillants rayons ;
29
+ Jamais dans le printemps les roses empourprées
30
+ D’un plus vif incarnat ne furent colorées.
31
+ De cette même main les forces infinies
32
+ Produisent en tout temps de semblables génies.
33
+
34
+ À cette lecture, Boileau se leva furieux, disant que c’était une honte de la supporter. D’autres académiciens, qui y voyaient une flatterie pour eux-mêmes, applaudirent vivement. Racine félicita ironiquement Perrault d’avoir si bien mené ce jeu d’esprit et d’avoir si parfaitement rendu le contraire de ce qu’il pensait. Ainsi naquit une des plus fameuses querelles littéraires, s’il est vrai, comme on l’a dit, que ce fut pour répondre à Racine que Perrault entreprit une démonstration méthodique de sa thèse et publia le Parallèle des anciens et des modernes (Paris, 1688-1698, 4 vol. in-12), ouvrage écrit sous forme de dialogue entre un président savant et un peu entêté, un chevalier léger, agréable et hardi, et un abbé qui représente la modération. Son quatrième tome consacre une part importante à l’architecture, reprenant les idées que son frère Claude Perrault avait développé dans ses ouvrages, en se posant à l’encontre des canons éternels de la notion du beau.
35
+
36
+ Boileau répondit par des épigrammes et dans les Réflexions sur Longin. Dans cette discussion, où les adversaires avaient à la fois raison et tort à différents points de vue, et où, suivant chacun sa voie, ils se répliquaient sans se répondre, Perrault l'emporta en général par l’urbanité. On l’injuriait, il ripostait d’un ton spirituellement dégagé :
37
+
38
+ L’aimable dispute où nous nous amusons
39
+ Passera, sans finir, jusqu’aux races futures ;
40
+ Nous dirons toujours des raisons,
41
+ Ils diront toujours des injures.
42
+
43
+ Perrault se laissa cependant aller à quelques paroles trop vives dans son Apologie des femmes, qu’il publia en 1694, pour répondre à la satire de Boileau contre les femmes. Les deux ennemis furent réconciliés, du moins en apparence, en 1700 et leur querelle fut continuée par d’autres écrivains.
44
+
45
+ Perrault avait commencé en 1696 et termina en 1701 un ouvrage intitulé les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle (2 vol. in-fol.), recueil de cent deux biographies, courtes, précises et exactes, accompagnées de magnifiques portraits gravés.
46
+
47
+ Mais ce qui a fait l’immortelle popularité de Charles Perrault, ce n’est ni cette riche publication, ni ses discussions littéraires, c’est le petit volume intitulé Contes de ma mère l’Oye, ou Histoires du temps passé (1697, petit in-12, édition très rare et contrefaite la même année) qu’il publia sous le nom de son jeune fils, Perrault d’Armancourt.
48
+
49
+ Comme Charles Perrault n'a couché par écrit que les versions qu'il avait entendues, et du fait de la forte légitimité de l'écrit, les contes dits « de Perrault » ont souvent pris le pas sur les autres versions des mêmes histoires, issues du patrimoine oral de France et du monde entier. Ainsi, Pierre Dubois pense que Charles Perrault a considérablement modifié la perception de la fée en faisant des « belles de mai » mentionnées dans les anciennes croyances des femmes raffinées, délicates et élégantes fréquentant la cour dans ses contes, détruisant ainsi leur symbolisme originel lié au renouveau de la nature. Selon lui, il « détourne et dénature » les fées des saisons avec l'ajout de ses morales[11].
50
+
51
+ Cependant, le point de vue de cet auteur, Pierre Dubois, est lié à la perception écologique que l'on a des fées en cette fin de XXe et début de XXIe siècle[12], bien que les auteurs de Fantasy (dont il fait partie[13]) dépeignent rarement les fées comme étant des ordonnatrices de la Mère Nature. Pour Perrault les fées sont surtout les instruments du Destin[14] et des magiciennes comme elles l'ont été durant tout le Moyen Âge. Ne disait-on pas fée pour désigner un objet magique, alors que tout ce qui était lié à la nature et à son renouveau était selon Paracelse[15] plutôt du domaine des éléments et de leurs représentants, les elfes, les lutins, les trolls. Dans la légende arthurienne de la Table Ronde, Viviane et Morgane ne sont pas des fées des saisons mais bel et bien des magiciennes[16]. Les fées de Perrault ne sont pas les délicates fréquentant la cour comme dit cet auteur de bandes dessinées[17], le conte Les Fées met en scène une magicienne qui tour à tour endosse l'apparence d'une vieille femme[18] puis d'une dame pour rendre justice à la bonté, la fée de Cendrillon transforme une citrouille en carrosse mais nulle part il n'est question d'une femme de cour, elle est une marraine, une protectrice[19] et quant à la vieille fée dans La belle au bois dormant, elle serait plus proche de la sorcière jeteuse de sorts[20]. Perrault était un écrivain philosophe qui a laissé dans ses contes les traces d'un enseignement hermétique comme le souligne Armand Langlois[21] dans son analyse des contes de Perrault. Il n'était pas un auteur de Fantasy, il n'a jamais prétendu endormir les enfants avec de jolies histoires mais c'était un moraliste[22] qui a utilisé le merveilleux pour éduquer[23] et donner une direction pour l'accomplissement de la personne humaine.
52
+
53
+ En 1691, Perrault publie une « nouvelle » en vers :
54
+
55
+ En 1693, il publie un premier « conte en vers » dans le Mercure galant[24] :
56
+
57
+ En 1694, il réunit dans une même édition[25] les deux œuvres précédentes et y ajoute une troisième histoire, deuxième « conte en vers » :
58
+
59
+ En 1696 paraît dans le Mercure galant un conte en prose : La Belle au bois dormant.
60
+
61
+ L’année suivante, sort de chez Claude Barbin un volume intitulé Histoires ou Contes du temps passé (1697). Ce volume contient les huit contes en prose suivants :
62
+
63
+ Ce recueil subit deux contrefaçons la même année : l'édition de Jacques Desbordes, à Amsterdam, Histoire ou Contes du temps passé. Avec Moralitez, et l'édition du Prince de Dombes, à Trévoux, Histoires ou Contes du temps passé. Avec des Moralitez[27].
64
+
65
+ La critique moderne retient, outre les publications très importantes des deux contes parus dans Le Mercure galant, le manuscrit d'apparat de 1695 dédié à Elisabeth-Charlotte d'Orléans, fille de Monsieur et de la Princesse Palatine, nièce de Louis XIV. Apparaissent dans une première version les cinq premiers contes du recueil. L'étude des modifications génétiques apportées en 1697 est très intéressante: ajout de Moralités, transformation significative du début des Fées qui s'ajuste au sixième conte : Cendrillon.[28] Le livre de 1697 multiplie quantitativement le volume en multipliant par deux le nombre de pages et multiplie les relations entre les huit contes qui sont trop souvent étudiés de manière individuelle, comme des textes autonomes, au lieu de prendre en compte la logique du recueil, intégrant le frontispice, la vignette qui surplombe la dédicace et l'épître dédicatoire à Mademoiselle.
66
+
67
+ Il fait paraître son recueil sous le nom de son troisième fils, Pierre Darmancour, ou d’Armancour, Armancour étant le nom du domaine que Charles vient d’acquérir et d’offrir à Pierre. Ce dernier, né en 1678[29], aspirait à devenir secrétaire de « Mademoiselle », nièce de Louis XIV, à qui est dédicacé l’ouvrage.
68
+
69
+ De plus, Perrault voulait éviter une nouvelle polémique entre Anciens et Modernes (il était le chef de file de ces derniers) avec la publication de ses Contes. Il s’était réconcilié avec Boileau en 1694. Le nom de son fils lui a donc été d’une grande aide pour éviter la reprise de la querelle.
70
+
71
+ Cependant, des avis pour l'attribution des Contes en prose au fils subsistent, insistant sur le fait qu'ils étaient trop maladroits et trop immoraux pour être de la main du père[30]. Cette position est aujourd'hui assez largement contestée avec un certain nombre de preuves détaillées, par exemple, par Ute Heidmann et Jean-Michel Adam[28].
72
+
73
+ En 1683, Perrault, ayant perdu à la fois son poste à l’Académie et sa femme, décide de se consacrer à l’éducation de ses enfants et écrit Les Contes de ma mère l’Oye (1697).
74
+
75
+ Il meurt le 16 mai 1703 dans sa maison de la rue de l'Estrapade sur la Montagne Sainte-Geneviève et est inhumé le lendemain en l'église Saint-Benoît-le-Bétourné en présence de son fils Charles Perrault[31].
76
+
77
+ Le genre des contes de fées est à la mode dans les salons mondains : les membres de la haute société assistent aux veillées populaires et prennent note des histoires qui s’y racontent. Son recueil intitulé Contes de ma mère l’Oye, où les contes sont à la fois d’inspiration orale (la « Mère l’Oye » désigne la nourrice qui raconte des histoires aux enfants) et littéraire (Boccace avait déjà écrit une première version de Griselidis dans le Décaméron). Le travail que Perrault opère sur cette matière déjà existante, c’est qu’il les moralise et en fait des outils « à l'enseignement des jeunes enfants ». Ainsi, il rajoute des moralités à la fin de chaque conte, signalant quelles valeurs il illustre.
78
+
79
+ Perrault conçoit ses contes comme une contestation des positions des Anciens et dans un dialogue avec ses contemporains : La Fontaine et Fénelon, Marie-Jeanne Lhéritier et Catherine Bernard. Il a été largement démontré aujourd'hui qu'il promeut un certain usage des textes latins et s'inspire très massivement de Virgile et d'Apulée[32],[33], mais aussi de Straparola (Le Piacevoli Notti) et de Basile (Locunto de li ).
80
+
81
+ Marc Soriano dit de Perrault qu’il est « le plus méconnu des classiques » : tout le monde connaît ses contes, mais très peu connaissent sa version des contes : ainsi, chez Perrault, le petit chaperon rouge et sa grand-mère finissent mangés par le loup : la version postérieure où le chasseur les sort du ventre est de Grimm. De même, c’est dans Disney que le baiser du prince réveille la Belle au bois dormant (c'est également la version des frères Grimm) : chez Perrault, elle se réveille toute seule après que le Prince se soit agenouillé près d'elle. De même, on a longtemps eu un doute sur la fameuse pantoufle de verre : était-elle en verre ou en vair ? C'est en fait Balzac qui, pour rationaliser les contes de Perrault, modifia le conte en prétendant qu'il s'agissait d'une pantoufle de vair. Idée reprise par Littré dans son célèbre dictionnaire. Il s'agissait bien d'une pantoufle de verre.
82
+
83
+ Et la postérité a préféré ne garder que ce que Perrault appelait le « conte tout sec », c’est-à-dire le conte de fée, en oubliant les moralités. Or, les moralités de Perrault sont tout aussi essentielles à ses contes que ne le sont les moralités des Fables de La Fontaine.
84
+
85
+ Les contes de Perrault inspirèrent plusieurs chefs-d'œuvre du ballet classique, comme :
86
+
87
+ Il existe de très nombreuses adaptations cinématographiques de ses contes, parmi lesquelles :
88
+
89
+ Sur les autres projets Wikimedia :
90
+
91
+ Sur les autres projets Wikimedia :
92
+
93
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/985.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,93 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+ modifier - modifier le code - modifier Wikidata
2
+
3
+ Charles Perrault, né le 12 janvier 1628 à Paris et mort dans cette même ville le 16 mai 1703, est un homme de lettres français, célèbre pour ses Contes de ma mère l’Oye.
4
+
5
+ Auteur de textes religieux, chef de file des Modernes dans la Querelle des Anciens et des Modernes, Charles Perrault est l'un des grands auteurs du XVIIe siècle. L'essentiel de son travail consiste en la collecte et la retranscription de contes issus de la tradition orale française. Il est l'un des formalisateurs du genre littéraire écrit du conte merveilleux.
6
+
7
+ Charles Perrault est né dans une famille bourgeoise tourangelle installée à Paris. Son grand-père a été brodeur du roi, son père Pierre († 1652) avocat au Parlement de Paris s'est marié en 1608 à Paquette Le Clerc († 1657) qui lui donne sept enfants. Charles est le dernier de cette fratrie[2] : Jean, l’aîné, avocat comme son père, meurt en 1669 ; Pierre (1611-1680), receveur général des finances, perd pour indélicatesse son crédit auprès de Colbert en 1664 ; Claude (1613-1688), médecin et architecte, membre de l'Académie des sciences[3] et du Conseil des bâtiments, publie des ouvrages d’histoire naturelle et d’architecture, on lui doit notamment la colonnade du Louvre ; Nicolas (1624-1662), amateur de mathématiques et théologien, est exclu de la Sorbonne pour jansénisme en 1656 ; Marie, l’unique fille, meurt à treize ans[4] ; il a également un frère jumeau, François, mort en bas âge, à 6 mois[5].
8
+
9
+ Charles Perrault est baptisé le 13 janvier 1628 en l'église Saint-Étienne-du-Mont à Paris. Son parrain est son frère Pierre et sa marraine est Françoise Pépin, sa cousine[6].
10
+
11
+ Il fait des études littéraires brillantes au collège de Beauvais à Paris dont il raconte, dans ses Mémoires, qu’y étant élève de philosophie, il quitta la classe à la suite d’une discussion avec son professeur, en compagnie d’un de ses camarades. Tous deux décident de ne plus retourner au collège, et ils se mettent avec ardeur à la lecture des auteurs sacrés et profanes, des Pères de l'Église, de la Bible, de l’histoire de France, faisant de tout des traductions et des extraits. C’est à la suite de ce singulier amalgame de libres études qu’il met en vers burlesques le sixième livre de l'Énéide et écrit les Murs de Troie ou l’Origine du burlesque.
12
+
13
+ Reçu avocat en 1651 après avoir obtenu sa licence de droit, il s’inscrit au barreau mais, s’ennuie bientôt de « traîner une robe dans le Palais ». En 1653, il publie avec son frère Claude un poème, « Les murs de Troie ou L'origine du burlesque ». Un an plus tard, il entre en qualité de commis chez son frère qui était receveur général des finances. Cette place lui laissant du loisir, il en profite pour se livrer à son goût pour la poésie[7].
14
+
15
+ Il est chargé par Colbert de la politique artistique et littéraire de Louis XIV en 1663 en tant que secrétaire de séance de la Petite Académie, puis en 1672 en tant que contrôleur général de la Surintendance des bâtiments du roi[8]. Dès lors, Perrault use de la faveur du ministre au profit des lettres, des sciences et des arts. Il n'est pas étranger au projet d’après lequel des pensions sont distribuées aux écrivains et aux savants de France et d’Europe.
16
+
17
+ À 44 ans, il épouse une jeune femme de 19 ans, Marie Guichon, avec qui il a quatre enfants[9].
18
+
19
+ Perrault contribue également à la fondation de l’Académie des sciences et à la reconstitution de l’Académie de peinture[10]. Il fait partie, dès l’origine, de la commission des devises et inscriptions qui devint l’Académie des inscriptions et belles-lettres mais à la mort de Colbert en 1683, il perd sa charge de contrôleur général et est exclu de cette Académie. Entré à l’Académie française en 1671, il y donne l’idée des jetons de présence, de rendre publiques les séances de réception et de faire les élections « par scrutin et par billets, afin que chacun soit dans une pleine liberté de nommer qui il lui plairait. » C’est lui encore qui rédige la préface du Dictionnaire de l'Académie en 1694.
20
+
21
+ Perrault était un touche-à-tout littéraire qui s’essaya au genre galant avec Dialogue de l’amour et de l’amitié (1660) et Le Miroir ou la Métamorphose d’Orante. Toutes ses productions littéraires se bornaient à quelques poésies légères, comme le Portrait d’Iris, lorsqu’il lut à l’Académie, le 27 janvier 1687, un poème intitulé le Siècle de Louis le Grand. Ce poème, où Perrault, parlant avec assez peu de respect d’Homère, de Ménandre et des plus révérés d’entre les auteurs classiques, plaça pour la première fois le XVIIe siècle au-dessus de tous les siècles précédents, tient une place importante dans l’histoire des lettres en ce qu’il inaugure la Querelle des Anciens et des Modernes. Perrault, qui sera le chef de file des partisans des Modernes, y explique l’égalité nécessaire entre les diff��rents âges par une loi de la nature :
22
+
23
+ À former les esprits comme à former les corps,
24
+ La nature en tout temps fait les mêmes efforts ;
25
+ Son être est immuable, et cette force aisée
26
+ Dont elle produit tout ne s’est point épuisée :
27
+ Jamais l’astre du jour qu’aujourd’hui nous voyons
28
+ N’eut le front couronné de plus brillants rayons ;
29
+ Jamais dans le printemps les roses empourprées
30
+ D’un plus vif incarnat ne furent colorées.
31
+ De cette même main les forces infinies
32
+ Produisent en tout temps de semblables génies.
33
+
34
+ À cette lecture, Boileau se leva furieux, disant que c’était une honte de la supporter. D’autres académiciens, qui y voyaient une flatterie pour eux-mêmes, applaudirent vivement. Racine félicita ironiquement Perrault d’avoir si bien mené ce jeu d’esprit et d’avoir si parfaitement rendu le contraire de ce qu’il pensait. Ainsi naquit une des plus fameuses querelles littéraires, s’il est vrai, comme on l’a dit, que ce fut pour répondre à Racine que Perrault entreprit une démonstration méthodique de sa thèse et publia le Parallèle des anciens et des modernes (Paris, 1688-1698, 4 vol. in-12), ouvrage écrit sous forme de dialogue entre un président savant et un peu entêté, un chevalier léger, agréable et hardi, et un abbé qui représente la modération. Son quatrième tome consacre une part importante à l’architecture, reprenant les idées que son frère Claude Perrault avait développé dans ses ouvrages, en se posant à l’encontre des canons éternels de la notion du beau.
35
+
36
+ Boileau répondit par des épigrammes et dans les Réflexions sur Longin. Dans cette discussion, où les adversaires avaient à la fois raison et tort à différents points de vue, et où, suivant chacun sa voie, ils se répliquaient sans se répondre, Perrault l'emporta en général par l’urbanité. On l’injuriait, il ripostait d’un ton spirituellement dégagé :
37
+
38
+ L’aimable dispute où nous nous amusons
39
+ Passera, sans finir, jusqu’aux races futures ;
40
+ Nous dirons toujours des raisons,
41
+ Ils diront toujours des injures.
42
+
43
+ Perrault se laissa cependant aller à quelques paroles trop vives dans son Apologie des femmes, qu’il publia en 1694, pour répondre à la satire de Boileau contre les femmes. Les deux ennemis furent réconciliés, du moins en apparence, en 1700 et leur querelle fut continuée par d’autres écrivains.
44
+
45
+ Perrault avait commencé en 1696 et termina en 1701 un ouvrage intitulé les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle (2 vol. in-fol.), recueil de cent deux biographies, courtes, précises et exactes, accompagnées de magnifiques portraits gravés.
46
+
47
+ Mais ce qui a fait l’immortelle popularité de Charles Perrault, ce n’est ni cette riche publication, ni ses discussions littéraires, c’est le petit volume intitulé Contes de ma mère l’Oye, ou Histoires du temps passé (1697, petit in-12, édition très rare et contrefaite la même année) qu’il publia sous le nom de son jeune fils, Perrault d’Armancourt.
48
+
49
+ Comme Charles Perrault n'a couché par écrit que les versions qu'il avait entendues, et du fait de la forte légitimité de l'écrit, les contes dits « de Perrault » ont souvent pris le pas sur les autres versions des mêmes histoires, issues du patrimoine oral de France et du monde entier. Ainsi, Pierre Dubois pense que Charles Perrault a considérablement modifié la perception de la fée en faisant des « belles de mai » mentionnées dans les anciennes croyances des femmes raffinées, délicates et élégantes fréquentant la cour dans ses contes, détruisant ainsi leur symbolisme originel lié au renouveau de la nature. Selon lui, il « détourne et dénature » les fées des saisons avec l'ajout de ses morales[11].
50
+
51
+ Cependant, le point de vue de cet auteur, Pierre Dubois, est lié à la perception écologique que l'on a des fées en cette fin de XXe et début de XXIe siècle[12], bien que les auteurs de Fantasy (dont il fait partie[13]) dépeignent rarement les fées comme étant des ordonnatrices de la Mère Nature. Pour Perrault les fées sont surtout les instruments du Destin[14] et des magiciennes comme elles l'ont été durant tout le Moyen Âge. Ne disait-on pas fée pour désigner un objet magique, alors que tout ce qui était lié à la nature et à son renouveau était selon Paracelse[15] plutôt du domaine des éléments et de leurs représentants, les elfes, les lutins, les trolls. Dans la légende arthurienne de la Table Ronde, Viviane et Morgane ne sont pas des fées des saisons mais bel et bien des magiciennes[16]. Les fées de Perrault ne sont pas les délicates fréquentant la cour comme dit cet auteur de bandes dessinées[17], le conte Les Fées met en scène une magicienne qui tour à tour endosse l'apparence d'une vieille femme[18] puis d'une dame pour rendre justice à la bonté, la fée de Cendrillon transforme une citrouille en carrosse mais nulle part il n'est question d'une femme de cour, elle est une marraine, une protectrice[19] et quant à la vieille fée dans La belle au bois dormant, elle serait plus proche de la sorcière jeteuse de sorts[20]. Perrault était un écrivain philosophe qui a laissé dans ses contes les traces d'un enseignement hermétique comme le souligne Armand Langlois[21] dans son analyse des contes de Perrault. Il n'était pas un auteur de Fantasy, il n'a jamais prétendu endormir les enfants avec de jolies histoires mais c'était un moraliste[22] qui a utilisé le merveilleux pour éduquer[23] et donner une direction pour l'accomplissement de la personne humaine.
52
+
53
+ En 1691, Perrault publie une « nouvelle » en vers :
54
+
55
+ En 1693, il publie un premier « conte en vers » dans le Mercure galant[24] :
56
+
57
+ En 1694, il réunit dans une même édition[25] les deux œuvres précédentes et y ajoute une troisième histoire, deuxième « conte en vers » :
58
+
59
+ En 1696 paraît dans le Mercure galant un conte en prose : La Belle au bois dormant.
60
+
61
+ L’année suivante, sort de chez Claude Barbin un volume intitulé Histoires ou Contes du temps passé (1697). Ce volume contient les huit contes en prose suivants :
62
+
63
+ Ce recueil subit deux contrefaçons la même année : l'édition de Jacques Desbordes, à Amsterdam, Histoire ou Contes du temps passé. Avec Moralitez, et l'édition du Prince de Dombes, à Trévoux, Histoires ou Contes du temps passé. Avec des Moralitez[27].
64
+
65
+ La critique moderne retient, outre les publications très importantes des deux contes parus dans Le Mercure galant, le manuscrit d'apparat de 1695 dédié à Elisabeth-Charlotte d'Orléans, fille de Monsieur et de la Princesse Palatine, nièce de Louis XIV. Apparaissent dans une première version les cinq premiers contes du recueil. L'étude des modifications génétiques apportées en 1697 est très intéressante: ajout de Moralités, transformation significative du début des Fées qui s'ajuste au sixième conte : Cendrillon.[28] Le livre de 1697 multiplie quantitativement le volume en multipliant par deux le nombre de pages et multiplie les relations entre les huit contes qui sont trop souvent étudiés de manière individuelle, comme des textes autonomes, au lieu de prendre en compte la logique du recueil, intégrant le frontispice, la vignette qui surplombe la dédicace et l'épître dédicatoire à Mademoiselle.
66
+
67
+ Il fait paraître son recueil sous le nom de son troisième fils, Pierre Darmancour, ou d’Armancour, Armancour étant le nom du domaine que Charles vient d’acquérir et d’offrir à Pierre. Ce dernier, né en 1678[29], aspirait à devenir secrétaire de « Mademoiselle », nièce de Louis XIV, à qui est dédicacé l’ouvrage.
68
+
69
+ De plus, Perrault voulait éviter une nouvelle polémique entre Anciens et Modernes (il était le chef de file de ces derniers) avec la publication de ses Contes. Il s’était réconcilié avec Boileau en 1694. Le nom de son fils lui a donc été d’une grande aide pour éviter la reprise de la querelle.
70
+
71
+ Cependant, des avis pour l'attribution des Contes en prose au fils subsistent, insistant sur le fait qu'ils étaient trop maladroits et trop immoraux pour être de la main du père[30]. Cette position est aujourd'hui assez largement contestée avec un certain nombre de preuves détaillées, par exemple, par Ute Heidmann et Jean-Michel Adam[28].
72
+
73
+ En 1683, Perrault, ayant perdu à la fois son poste à l’Académie et sa femme, décide de se consacrer à l’éducation de ses enfants et écrit Les Contes de ma mère l’Oye (1697).
74
+
75
+ Il meurt le 16 mai 1703 dans sa maison de la rue de l'Estrapade sur la Montagne Sainte-Geneviève et est inhumé le lendemain en l'église Saint-Benoît-le-Bétourné en présence de son fils Charles Perrault[31].
76
+
77
+ Le genre des contes de fées est à la mode dans les salons mondains : les membres de la haute société assistent aux veillées populaires et prennent note des histoires qui s’y racontent. Son recueil intitulé Contes de ma mère l’Oye, où les contes sont à la fois d’inspiration orale (la « Mère l’Oye » désigne la nourrice qui raconte des histoires aux enfants) et littéraire (Boccace avait déjà écrit une première version de Griselidis dans le Décaméron). Le travail que Perrault opère sur cette matière déjà existante, c’est qu’il les moralise et en fait des outils « à l'enseignement des jeunes enfants ». Ainsi, il rajoute des moralités à la fin de chaque conte, signalant quelles valeurs il illustre.
78
+
79
+ Perrault conçoit ses contes comme une contestation des positions des Anciens et dans un dialogue avec ses contemporains : La Fontaine et Fénelon, Marie-Jeanne Lhéritier et Catherine Bernard. Il a été largement démontré aujourd'hui qu'il promeut un certain usage des textes latins et s'inspire très massivement de Virgile et d'Apulée[32],[33], mais aussi de Straparola (Le Piacevoli Notti) et de Basile (Locunto de li ).
80
+
81
+ Marc Soriano dit de Perrault qu’il est « le plus méconnu des classiques » : tout le monde connaît ses contes, mais très peu connaissent sa version des contes : ainsi, chez Perrault, le petit chaperon rouge et sa grand-mère finissent mangés par le loup : la version postérieure où le chasseur les sort du ventre est de Grimm. De même, c’est dans Disney que le baiser du prince réveille la Belle au bois dormant (c'est également la version des frères Grimm) : chez Perrault, elle se réveille toute seule après que le Prince se soit agenouillé près d'elle. De même, on a longtemps eu un doute sur la fameuse pantoufle de verre : était-elle en verre ou en vair ? C'est en fait Balzac qui, pour rationaliser les contes de Perrault, modifia le conte en prétendant qu'il s'agissait d'une pantoufle de vair. Idée reprise par Littré dans son célèbre dictionnaire. Il s'agissait bien d'une pantoufle de verre.
82
+
83
+ Et la postérité a préféré ne garder que ce que Perrault appelait le « conte tout sec », c’est-à-dire le conte de fée, en oubliant les moralités. Or, les moralités de Perrault sont tout aussi essentielles à ses contes que ne le sont les moralités des Fables de La Fontaine.
84
+
85
+ Les contes de Perrault inspirèrent plusieurs chefs-d'œuvre du ballet classique, comme :
86
+
87
+ Il existe de très nombreuses adaptations cinématographiques de ses contes, parmi lesquelles :
88
+
89
+ Sur les autres projets Wikimedia :
90
+
91
+ Sur les autres projets Wikimedia :
92
+
93
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/986.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,93 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+ modifier - modifier le code - modifier Wikidata
2
+
3
+ Charles Perrault, né le 12 janvier 1628 à Paris et mort dans cette même ville le 16 mai 1703, est un homme de lettres français, célèbre pour ses Contes de ma mère l’Oye.
4
+
5
+ Auteur de textes religieux, chef de file des Modernes dans la Querelle des Anciens et des Modernes, Charles Perrault est l'un des grands auteurs du XVIIe siècle. L'essentiel de son travail consiste en la collecte et la retranscription de contes issus de la tradition orale française. Il est l'un des formalisateurs du genre littéraire écrit du conte merveilleux.
6
+
7
+ Charles Perrault est né dans une famille bourgeoise tourangelle installée à Paris. Son grand-père a été brodeur du roi, son père Pierre († 1652) avocat au Parlement de Paris s'est marié en 1608 à Paquette Le Clerc († 1657) qui lui donne sept enfants. Charles est le dernier de cette fratrie[2] : Jean, l’aîné, avocat comme son père, meurt en 1669 ; Pierre (1611-1680), receveur général des finances, perd pour indélicatesse son crédit auprès de Colbert en 1664 ; Claude (1613-1688), médecin et architecte, membre de l'Académie des sciences[3] et du Conseil des bâtiments, publie des ouvrages d’histoire naturelle et d’architecture, on lui doit notamment la colonnade du Louvre ; Nicolas (1624-1662), amateur de mathématiques et théologien, est exclu de la Sorbonne pour jansénisme en 1656 ; Marie, l’unique fille, meurt à treize ans[4] ; il a également un frère jumeau, François, mort en bas âge, à 6 mois[5].
8
+
9
+ Charles Perrault est baptisé le 13 janvier 1628 en l'église Saint-Étienne-du-Mont à Paris. Son parrain est son frère Pierre et sa marraine est Françoise Pépin, sa cousine[6].
10
+
11
+ Il fait des études littéraires brillantes au collège de Beauvais à Paris dont il raconte, dans ses Mémoires, qu’y étant élève de philosophie, il quitta la classe à la suite d’une discussion avec son professeur, en compagnie d’un de ses camarades. Tous deux décident de ne plus retourner au collège, et ils se mettent avec ardeur à la lecture des auteurs sacrés et profanes, des Pères de l'Église, de la Bible, de l’histoire de France, faisant de tout des traductions et des extraits. C’est à la suite de ce singulier amalgame de libres études qu’il met en vers burlesques le sixième livre de l'Énéide et écrit les Murs de Troie ou l’Origine du burlesque.
12
+
13
+ Reçu avocat en 1651 après avoir obtenu sa licence de droit, il s’inscrit au barreau mais, s’ennuie bientôt de « traîner une robe dans le Palais ». En 1653, il publie avec son frère Claude un poème, « Les murs de Troie ou L'origine du burlesque ». Un an plus tard, il entre en qualité de commis chez son frère qui était receveur général des finances. Cette place lui laissant du loisir, il en profite pour se livrer à son goût pour la poésie[7].
14
+
15
+ Il est chargé par Colbert de la politique artistique et littéraire de Louis XIV en 1663 en tant que secrétaire de séance de la Petite Académie, puis en 1672 en tant que contrôleur général de la Surintendance des bâtiments du roi[8]. Dès lors, Perrault use de la faveur du ministre au profit des lettres, des sciences et des arts. Il n'est pas étranger au projet d’après lequel des pensions sont distribuées aux écrivains et aux savants de France et d’Europe.
16
+
17
+ À 44 ans, il épouse une jeune femme de 19 ans, Marie Guichon, avec qui il a quatre enfants[9].
18
+
19
+ Perrault contribue également à la fondation de l’Académie des sciences et à la reconstitution de l’Académie de peinture[10]. Il fait partie, dès l’origine, de la commission des devises et inscriptions qui devint l’Académie des inscriptions et belles-lettres mais à la mort de Colbert en 1683, il perd sa charge de contrôleur général et est exclu de cette Académie. Entré à l’Académie française en 1671, il y donne l’idée des jetons de présence, de rendre publiques les séances de réception et de faire les élections « par scrutin et par billets, afin que chacun soit dans une pleine liberté de nommer qui il lui plairait. » C’est lui encore qui rédige la préface du Dictionnaire de l'Académie en 1694.
20
+
21
+ Perrault était un touche-à-tout littéraire qui s’essaya au genre galant avec Dialogue de l’amour et de l’amitié (1660) et Le Miroir ou la Métamorphose d’Orante. Toutes ses productions littéraires se bornaient à quelques poésies légères, comme le Portrait d’Iris, lorsqu’il lut à l’Académie, le 27 janvier 1687, un poème intitulé le Siècle de Louis le Grand. Ce poème, où Perrault, parlant avec assez peu de respect d’Homère, de Ménandre et des plus révérés d’entre les auteurs classiques, plaça pour la première fois le XVIIe siècle au-dessus de tous les siècles précédents, tient une place importante dans l’histoire des lettres en ce qu’il inaugure la Querelle des Anciens et des Modernes. Perrault, qui sera le chef de file des partisans des Modernes, y explique l’égalité nécessaire entre les diff��rents âges par une loi de la nature :
22
+
23
+ À former les esprits comme à former les corps,
24
+ La nature en tout temps fait les mêmes efforts ;
25
+ Son être est immuable, et cette force aisée
26
+ Dont elle produit tout ne s’est point épuisée :
27
+ Jamais l’astre du jour qu’aujourd’hui nous voyons
28
+ N’eut le front couronné de plus brillants rayons ;
29
+ Jamais dans le printemps les roses empourprées
30
+ D’un plus vif incarnat ne furent colorées.
31
+ De cette même main les forces infinies
32
+ Produisent en tout temps de semblables génies.
33
+
34
+ À cette lecture, Boileau se leva furieux, disant que c’était une honte de la supporter. D’autres académiciens, qui y voyaient une flatterie pour eux-mêmes, applaudirent vivement. Racine félicita ironiquement Perrault d’avoir si bien mené ce jeu d’esprit et d’avoir si parfaitement rendu le contraire de ce qu’il pensait. Ainsi naquit une des plus fameuses querelles littéraires, s’il est vrai, comme on l’a dit, que ce fut pour répondre à Racine que Perrault entreprit une démonstration méthodique de sa thèse et publia le Parallèle des anciens et des modernes (Paris, 1688-1698, 4 vol. in-12), ouvrage écrit sous forme de dialogue entre un président savant et un peu entêté, un chevalier léger, agréable et hardi, et un abbé qui représente la modération. Son quatrième tome consacre une part importante à l’architecture, reprenant les idées que son frère Claude Perrault avait développé dans ses ouvrages, en se posant à l’encontre des canons éternels de la notion du beau.
35
+
36
+ Boileau répondit par des épigrammes et dans les Réflexions sur Longin. Dans cette discussion, où les adversaires avaient à la fois raison et tort à différents points de vue, et où, suivant chacun sa voie, ils se répliquaient sans se répondre, Perrault l'emporta en général par l’urbanité. On l’injuriait, il ripostait d’un ton spirituellement dégagé :
37
+
38
+ L’aimable dispute où nous nous amusons
39
+ Passera, sans finir, jusqu’aux races futures ;
40
+ Nous dirons toujours des raisons,
41
+ Ils diront toujours des injures.
42
+
43
+ Perrault se laissa cependant aller à quelques paroles trop vives dans son Apologie des femmes, qu’il publia en 1694, pour répondre à la satire de Boileau contre les femmes. Les deux ennemis furent réconciliés, du moins en apparence, en 1700 et leur querelle fut continuée par d’autres écrivains.
44
+
45
+ Perrault avait commencé en 1696 et termina en 1701 un ouvrage intitulé les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle (2 vol. in-fol.), recueil de cent deux biographies, courtes, précises et exactes, accompagnées de magnifiques portraits gravés.
46
+
47
+ Mais ce qui a fait l’immortelle popularité de Charles Perrault, ce n’est ni cette riche publication, ni ses discussions littéraires, c’est le petit volume intitulé Contes de ma mère l’Oye, ou Histoires du temps passé (1697, petit in-12, édition très rare et contrefaite la même année) qu’il publia sous le nom de son jeune fils, Perrault d’Armancourt.
48
+
49
+ Comme Charles Perrault n'a couché par écrit que les versions qu'il avait entendues, et du fait de la forte légitimité de l'écrit, les contes dits « de Perrault » ont souvent pris le pas sur les autres versions des mêmes histoires, issues du patrimoine oral de France et du monde entier. Ainsi, Pierre Dubois pense que Charles Perrault a considérablement modifié la perception de la fée en faisant des « belles de mai » mentionnées dans les anciennes croyances des femmes raffinées, délicates et élégantes fréquentant la cour dans ses contes, détruisant ainsi leur symbolisme originel lié au renouveau de la nature. Selon lui, il « détourne et dénature » les fées des saisons avec l'ajout de ses morales[11].
50
+
51
+ Cependant, le point de vue de cet auteur, Pierre Dubois, est lié à la perception écologique que l'on a des fées en cette fin de XXe et début de XXIe siècle[12], bien que les auteurs de Fantasy (dont il fait partie[13]) dépeignent rarement les fées comme étant des ordonnatrices de la Mère Nature. Pour Perrault les fées sont surtout les instruments du Destin[14] et des magiciennes comme elles l'ont été durant tout le Moyen Âge. Ne disait-on pas fée pour désigner un objet magique, alors que tout ce qui était lié à la nature et à son renouveau était selon Paracelse[15] plutôt du domaine des éléments et de leurs représentants, les elfes, les lutins, les trolls. Dans la légende arthurienne de la Table Ronde, Viviane et Morgane ne sont pas des fées des saisons mais bel et bien des magiciennes[16]. Les fées de Perrault ne sont pas les délicates fréquentant la cour comme dit cet auteur de bandes dessinées[17], le conte Les Fées met en scène une magicienne qui tour à tour endosse l'apparence d'une vieille femme[18] puis d'une dame pour rendre justice à la bonté, la fée de Cendrillon transforme une citrouille en carrosse mais nulle part il n'est question d'une femme de cour, elle est une marraine, une protectrice[19] et quant à la vieille fée dans La belle au bois dormant, elle serait plus proche de la sorcière jeteuse de sorts[20]. Perrault était un écrivain philosophe qui a laissé dans ses contes les traces d'un enseignement hermétique comme le souligne Armand Langlois[21] dans son analyse des contes de Perrault. Il n'était pas un auteur de Fantasy, il n'a jamais prétendu endormir les enfants avec de jolies histoires mais c'était un moraliste[22] qui a utilisé le merveilleux pour éduquer[23] et donner une direction pour l'accomplissement de la personne humaine.
52
+
53
+ En 1691, Perrault publie une « nouvelle » en vers :
54
+
55
+ En 1693, il publie un premier « conte en vers » dans le Mercure galant[24] :
56
+
57
+ En 1694, il réunit dans une même édition[25] les deux œuvres précédentes et y ajoute une troisième histoire, deuxième « conte en vers » :
58
+
59
+ En 1696 paraît dans le Mercure galant un conte en prose : La Belle au bois dormant.
60
+
61
+ L’année suivante, sort de chez Claude Barbin un volume intitulé Histoires ou Contes du temps passé (1697). Ce volume contient les huit contes en prose suivants :
62
+
63
+ Ce recueil subit deux contrefaçons la même année : l'édition de Jacques Desbordes, à Amsterdam, Histoire ou Contes du temps passé. Avec Moralitez, et l'édition du Prince de Dombes, à Trévoux, Histoires ou Contes du temps passé. Avec des Moralitez[27].
64
+
65
+ La critique moderne retient, outre les publications très importantes des deux contes parus dans Le Mercure galant, le manuscrit d'apparat de 1695 dédié à Elisabeth-Charlotte d'Orléans, fille de Monsieur et de la Princesse Palatine, nièce de Louis XIV. Apparaissent dans une première version les cinq premiers contes du recueil. L'étude des modifications génétiques apportées en 1697 est très intéressante: ajout de Moralités, transformation significative du début des Fées qui s'ajuste au sixième conte : Cendrillon.[28] Le livre de 1697 multiplie quantitativement le volume en multipliant par deux le nombre de pages et multiplie les relations entre les huit contes qui sont trop souvent étudiés de manière individuelle, comme des textes autonomes, au lieu de prendre en compte la logique du recueil, intégrant le frontispice, la vignette qui surplombe la dédicace et l'épître dédicatoire à Mademoiselle.
66
+
67
+ Il fait paraître son recueil sous le nom de son troisième fils, Pierre Darmancour, ou d’Armancour, Armancour étant le nom du domaine que Charles vient d’acquérir et d’offrir à Pierre. Ce dernier, né en 1678[29], aspirait à devenir secrétaire de « Mademoiselle », nièce de Louis XIV, à qui est dédicacé l’ouvrage.
68
+
69
+ De plus, Perrault voulait éviter une nouvelle polémique entre Anciens et Modernes (il était le chef de file de ces derniers) avec la publication de ses Contes. Il s’était réconcilié avec Boileau en 1694. Le nom de son fils lui a donc été d’une grande aide pour éviter la reprise de la querelle.
70
+
71
+ Cependant, des avis pour l'attribution des Contes en prose au fils subsistent, insistant sur le fait qu'ils étaient trop maladroits et trop immoraux pour être de la main du père[30]. Cette position est aujourd'hui assez largement contestée avec un certain nombre de preuves détaillées, par exemple, par Ute Heidmann et Jean-Michel Adam[28].
72
+
73
+ En 1683, Perrault, ayant perdu à la fois son poste à l’Académie et sa femme, décide de se consacrer à l’éducation de ses enfants et écrit Les Contes de ma mère l’Oye (1697).
74
+
75
+ Il meurt le 16 mai 1703 dans sa maison de la rue de l'Estrapade sur la Montagne Sainte-Geneviève et est inhumé le lendemain en l'église Saint-Benoît-le-Bétourné en présence de son fils Charles Perrault[31].
76
+
77
+ Le genre des contes de fées est à la mode dans les salons mondains : les membres de la haute société assistent aux veillées populaires et prennent note des histoires qui s’y racontent. Son recueil intitulé Contes de ma mère l’Oye, où les contes sont à la fois d’inspiration orale (la « Mère l’Oye » désigne la nourrice qui raconte des histoires aux enfants) et littéraire (Boccace avait déjà écrit une première version de Griselidis dans le Décaméron). Le travail que Perrault opère sur cette matière déjà existante, c’est qu’il les moralise et en fait des outils « à l'enseignement des jeunes enfants ». Ainsi, il rajoute des moralités à la fin de chaque conte, signalant quelles valeurs il illustre.
78
+
79
+ Perrault conçoit ses contes comme une contestation des positions des Anciens et dans un dialogue avec ses contemporains : La Fontaine et Fénelon, Marie-Jeanne Lhéritier et Catherine Bernard. Il a été largement démontré aujourd'hui qu'il promeut un certain usage des textes latins et s'inspire très massivement de Virgile et d'Apulée[32],[33], mais aussi de Straparola (Le Piacevoli Notti) et de Basile (Locunto de li ).
80
+
81
+ Marc Soriano dit de Perrault qu’il est « le plus méconnu des classiques » : tout le monde connaît ses contes, mais très peu connaissent sa version des contes : ainsi, chez Perrault, le petit chaperon rouge et sa grand-mère finissent mangés par le loup : la version postérieure où le chasseur les sort du ventre est de Grimm. De même, c’est dans Disney que le baiser du prince réveille la Belle au bois dormant (c'est également la version des frères Grimm) : chez Perrault, elle se réveille toute seule après que le Prince se soit agenouillé près d'elle. De même, on a longtemps eu un doute sur la fameuse pantoufle de verre : était-elle en verre ou en vair ? C'est en fait Balzac qui, pour rationaliser les contes de Perrault, modifia le conte en prétendant qu'il s'agissait d'une pantoufle de vair. Idée reprise par Littré dans son célèbre dictionnaire. Il s'agissait bien d'une pantoufle de verre.
82
+
83
+ Et la postérité a préféré ne garder que ce que Perrault appelait le « conte tout sec », c’est-à-dire le conte de fée, en oubliant les moralités. Or, les moralités de Perrault sont tout aussi essentielles à ses contes que ne le sont les moralités des Fables de La Fontaine.
84
+
85
+ Les contes de Perrault inspirèrent plusieurs chefs-d'œuvre du ballet classique, comme :
86
+
87
+ Il existe de très nombreuses adaptations cinématographiques de ses contes, parmi lesquelles :
88
+
89
+ Sur les autres projets Wikimedia :
90
+
91
+ Sur les autres projets Wikimedia :
92
+
93
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/987.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,198 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ Charles de Habsbourg, dit Charles Quint ou Charles V, né le 24 février 1500 à Gand en Flandre (Pays-Bas des Habsbourg), et mort le 21 septembre 1558 au monastère de Yuste (Espagne), est prince de la maison de Habsbourg, fils de Philippe le Beau et de Jeanne la Folle. Il hérite notamment de l'Espagne et de son empire colonial, des dix-sept provinces des Pays-Bas, du royaume de Naples et des possessions habsbourgeoises ; élu empereur des Romains en 1519, il est le monarque le plus puissant de la première moitié du XVIe siècle.
4
+
5
+ Cette accumulation de pouvoirs est à la fois le fruit du hasard (la mort de sa tante, Isabelle d'Aragon, princesse des Asturies, en 1498, puis du fils de cette dernière, l'infant Miguel de la Paz, en juillet 1500, font de sa mère l'héritière des couronnes espagnoles) mais également le résultat d'une politique systématique d'alliances matrimoniales faisant de lui l'héritier de quatre dynasties : arrière-petit-fils de Charles le Téméraire, petit-fils de Maximilien d'Autriche, d'Isabelle la Catholique, reine de Castille, et de Ferdinand, roi d'Aragon et roi de Naples, il est duc de Bourgogne sous le nom de Charles II, roi d'Espagne sous le nom de Charles Ier (en espagnol Carlos I), mais passe à la postérité comme l'empereur romain germanique Charles V (en allemand Karl V.), que l'on énonce alors « Charles Quint », « quint » signifiant « cinquième »[3],[4].
6
+
7
+ Il apparaît comme le dernier empereur germanique à souhaiter réaliser le rêve carolingien d'un empire prenant la tête de la chrétienté. Cette volonté d'unité chrétienne face à la progression de l'Empire ottoman dans les Balkans et en Méditerranée se voit cependant systématiquement combattue par l'opposition des rois de France François Ier et Henri II, et remise en cause par la Réforme protestante, initiée par Martin Luther à partir de 1517. Aux problèmes extérieurs qui se posent pendant tout son règne, s'ajoutent des révoltes en Castille, dans le Saint-Empire, en Flandre et en Brabant, qui affaiblissent par moments les bases de son pouvoir.
8
+
9
+ Au terme d'une vie de combats, miné et désabusé par ses échecs face à la France, aux luthériens et à sa propre famille, il se dépouille progressivement de ses pouvoirs. Par une série de conventions avec son frère Ferdinand, il lui cède les États autrichiens et la dignité impériale. Le 25 octobre 1555, à Bruxelles, il abdique ses droits sur les États bourguignons, désormais unis et autonomes, en faveur de son fils Philippe, déjà duc de Milan et roi de Naples, avant de lui céder ses droits sur l'Espagne en 1556.
10
+
11
+ Charles, légataire universel de plusieurs dynasties européennes[5], concentre dans ses mains l'héritage de quatre dynasties représentées chacune par l'un de ses quatre grands-parents : il est à la fois un héritier de l'État des ducs Valois de Bourgogne, un Habsbourg, un Aragonais et un Castillan. Né et élevé dans une culture franco-bourguignonne[réf. nécessaire], ses incessants voyages à travers les possessions éparpillées dans l'ensemble du continent européen, ont contribué à faire de lui un personnage européen par-delà les appartenances nationales. Sa devise, Plus Oultre (« encore plus loin »), créée par un médecin italien pour illustrer la tradition chevaleresque bourguignonne, est devenue sous sa forme latine la devise nationale de l'Espagne.
12
+
13
+ Quand il naît en 1500, rien ne le destine à devenir le prince le plus puissant du XVIe siècle. Son père, Philippe le Beau, encore jeune, devrait hériter des biens de son propre père, l'empereur Maximilien. Sa mère, Jeanne la Folle, n'est à cette date qu'une simple infante espagnole ; elle a un neveu, don Miguel de la Paz, héritier présomptif des couronnes de Castille, d'Aragon et du Portugal, dont la mort, six mois après la naissance de Charles, fait de ce dernier un prince héritier des royaumes aragonais et castillans, fils et héritier de l'aîné des descendants survivants des Rois catholiques d'Espagne.
14
+
15
+ En quelques années, tout s'accélère. Isabelle la Catholique meurt en 1504, faisant de Jeanne la reine de Castille. Deux ans plus tard, Philippe le Beau, parti recueillir en Espagne l'héritage de sa femme, décède à son tour. Charles devient alors duc de Bourgogne, c'est-à-dire souverain des Pays-Bas et de la Franche-Comté. En 1515, il est émancipé et commence à négocier la succession de son grand-père Ferdinand II d'Aragon qui a au seuil de la mort déshérité sa fille Jeanne, incapable de régner, au profit du jeune duc de Bourgogne. Charles devient l'année suivante roi d'Aragon, de Naples et de Sicile, en même temps qu'il s'autoproclame roi de Castille au détriment de sa mère. Parti se faire reconnaître comme roi des royaumes espagnols, il apprend la mort de son autre grand-père, l'empereur Maximilien, qui lui lègue les duchés autrichiens et un sérieux avantage pour l'élection impériale. Le 28 juin 1519, élu Roi des Romains, il se rend à Aix-la-Chapelle pour y être couronn�� empereur élu du Saint-Empire romain germanique. Son couronnement à Bologne, le 24 février 1530, le fait empereur des Romains, couronné selon la tradition carolingienne par le Pape. Le pape Clément VII officie, marquant ainsi la concorde retrouvée entre les pouvoirs temporel et spirituel, tandis que la sainte onction est donnée par le cardinal Alexandre Farnèse.
16
+
17
+ L'archiduc Charles naît au Prinsenhof à Gand (palais aujourd'hui disparu), alors capitale du comté de Flandre, en 1500.
18
+
19
+ Il est le fils de Philippe de Habsbourg, dit Philippe le Beau, souverain des Pays-Bas, et de Jeanne de Castille, dite Jeanne la Folle.
20
+
21
+ Le jeune prince est porté sur les fonts baptismaux par la duchesse douairière de Bourgogne Marguerite d'York et celui qui sera son précepteur, Guillaume de Croÿ. On le prénomme Charles, en hommage à son arrière-grand-père, le duc de Bourgogne Charles le Téméraire.
22
+
23
+ Pour des raisons diplomatiques, son père porte le titre de duc de Luxembourg et non comte de Charolais, comme le voudrait la tradition dynastique des ducs de Bourgogne.
24
+
25
+ Charles de Habsbourg passe en Flandre, survivance des États bourguignons, les dix-sept premières années de sa vie. On lui donne pour précepteurs deux membres de la puissante maison de Croÿ : le prince de Chimay, puis le seigneur de Chièvres, son parrain.
26
+
27
+ Adrien Floriszoon, recteur de l'université de Louvain, prend en charge l'éducation religieuse du jeune prince.
28
+
29
+ Alors que Charles n'a que quatre ans, ses parents quittent définitivement le Brabant pour prendre possession du trône de Castille, vacant depuis la mort de la reine Isabelle la Catholique, mère de Jeanne. C'est Marguerite d'Autriche, sœur de Philippe, qui tient lieu de famille à Charles et à ses sœurs Éléonore, Isabelle et Marie, tandis que leur frère Ferdinand reste en Espagne où il est né, son éducation étant assurée par son grand-père Ferdinand II d'Aragon. Sa sœur Catherine, née en 1507, est élevée en Espagne auprès de leur mère, que le veuvage a rendue folle. Les enfants du couple princier restés en Flandres grandissent dans les résidences de leur tante, principalement à Malines.
30
+
31
+ Charles est avant tout élevé dans les traditions de la cour de Bourgogne. Les quelques Espagnols qu'il fréquente dans sa jeunesse s'avèrent des ennemis politiques de son grand-père Ferdinand, des exilés qui n'ont pas vu l'Espagne depuis des années.
32
+
33
+ Sa langue maternelle est le français, langue des ducs de Bourgogne vivant en Flandre[6], connue de la bourgeoisie flamande. Pendant une bonne partie de sa vie, elle sera la seule langue qu'il maîtrisera. Par la suite, il apprend également l'allemand, l'anglais, le néerlandais, l'espagnol et un peu d'italien. Il avoue dans ses lettres sa déception de n'avoir jamais réussi à apprendre le latin. Sa maîtrise proverbiale des langues constitue un facteur déterminant de sa popularité. À la fin de sa vie, il maîtrise si bien l'espagnol qu'il supervise la traduction du Chevalier délibéré, poème épique d'Olivier de La Marche dont il garde toujours un exemplaire auprès de lui. Cette épopée nourrit un attachement farouche à cette lignée brisée des ducs de Bourgogne et une méfiance profonde vis-à-vis des rois de France, que l'héritage italien des rois d'Aragon et l'élection impériale de 1519 ne feront qu'amplifier.
34
+
35
+ Parti recueillir l'héritage castillan de sa femme, Philippe le Beau meurt dans des conditions étranges le 25 septembre 1506. Charles, âgé de 6 ans, devient nouveau duc de Bourgogne, souverain des duché de Brabant, comtés de Flandre, de Hollande, de la Franche-Comté, de Bourgogne, etc.
36
+
37
+ La régence s'organise. Les états généraux refusent à l'empereur Maximilien, grand-père du jeune duc, avec lequel ils ont eu de sérieux démêlés par le passé, d'assumer cette régence dans des conditions décentes. C'est donc la sœur de Philippe, Marguerite d'Autriche, qui assure le gouvernement au nom du jeune prince. Le jeune souverain et sa tante entament un voyage inaugural pour se faire reconnaître comme prince et régente des Pays-Bas.
38
+
39
+ La régente Marguerite s'installe à Malines, où elle réside ordinairement avec ses neveux et nièces. Charles s'instruit de l'exercice du pouvoir : sa tante et son précepteur lui font prononcer des discours devant les états dès 1507, Marguerite le fait assister à une partie des séances du conseil, et Chièvres le forme à l'art de la guerre.
40
+
41
+ Un conflit entre don Juan Manuel, un chevalier de l'ordre de la Toison d'or, Maximilien, Marguerite et Ferdinand d'Aragon, entraîne l'émancipation précipitée de Charles le 5 janvier 1515.
42
+
43
+ Les états, réunis dans la grande salle du palais du Coudenberg, à Bruxelles, proclament Charles souverain effectif des Pays-Bas. Chièvres, qui a l'oreille de l'archiduc-duc, évince Marguerite et devient le principal conseiller du prince. Il commence à négocier la succession du vieux Ferdinand en envoyant Adrien d'Utrecht sur place. Le doyen est chargé d'une mission précise : il s'agit d'éviter à tout prix que le roi ne favorise le jeune frère de Charles, l'infant Ferdinand, né en Espagne en 1503 et élevé par son grand-père, au détriment des droits de l'aîné. Il faut en outre régler la question de leur mère, Jeanne la Folle, qui n'est manifestement pas en état de régner. Pendant ce temps, Charles entame un nouveau voyage. Cette fois-ci, il est reçu comme souverain, selon le rituel de Joyeuse Entrée, jurant de respecter et d'augmenter les privilèges des différentes provinces.
44
+
45
+ La nouvelle de la mort de Ferdinand d'Aragon parvient à Bruxelles le 8 février 1516. Le 14 mars, lors d'une cérémonie aussi grandiose que peu espagnole dans la collégiale Sainte-Gudule de Bruxelles, Charles est proclamé, conjointement avec sa mère, roi des Espagnes. S'il avait eu gain de cause en étant couché sur le testament du roi d'Aragon comme son unique héritier, le testament d'Isabelle la Catholique avait fait de Jeanne la seule héritière du plus important royaume d'Espagne, la Castille. Charles ne peut être, tout au plus, qu'un régent dans ces territoires. Il bafoue donc les droits de sa mère, recluse au palais-couvent de Tordesillas, en se proclamant roi au même titre qu'elle. Ce coup d'État (selon l'expression de Joseph Pérez) suscite en Castille des mécontentements qui assombrissent les premières années du règne.
46
+
47
+ Le nouveau roi termine sa visite flamande et prépare son départ pour l'Espagne. Il débarque sur la côte asturienne le 18 septembre 1517, accompagné de ses conseillers flamands et de quelques exilés castillans. À peine arrivé, il fait renvoyer en Flandre son jeune frère Ferdinand, qui s'est porté à sa rencontre. À Valladolid, le faste de la cour bourguignonne déployé lors du couronnement choque beaucoup les Espagnols, habitués à une monarchie moins cérémonieuse. En mars 1518, Charles y ouvre les Cortès de Castille pour recevoir le serment d'allégeance des délégués du royaume ainsi que d'importants subsides. L'assemblée accepte tout cela sous diverses conditions : Charles devra apprendre le castillan (il s'avère incapable de s'adresser aux Cortès dans cette langue) ; les offices de gouvernement devront être réservés à des régnicoles ; aucun métal précieux ne devra sortir du royaume sous forme de monnaie ; la reine légitime devra être maintenue dans ses droits et bien traitée.
48
+
49
+ Bien informé du caractère plus compliqué de sa reconnaissance en Aragon (il faut répéter la cérémonie d'allégeance des Cortès dans chacun des royaumes constituant la couronne d'Aragon), Charles reste peu de temps dans cette ville et se rend à Saragosse puis à Barcelone, pour y être reçu comme roi d'Aragon et comte de Barcelone. Au cours de son premier voyage, il passe plus de temps en Aragon qu'en Castille et multiplie les maladresses : il nomme de nombreux Flamands (certes naturalisés) à des postes clés du gouvernement, réclame subside sur subside, se montre ignorant des usages et des langues locales. En à peine une année, il déçoit profondément ses nouveaux sujets malgré le large capital de sympathie dont il bénéficiait en tant que petit-fils des Rois catholiques. En outre, il quitte la péninsule dès qu'il apprend son élection au trône impérial, ce qui fait craindre aux Espagnols que leurs royaumes ne deviennent une simple annexe d'un empire tourné vers le nord.
50
+
51
+ Charles doit faire face à plusieurs troubles dans ses États espagnols. Entre 1520 et 1521, il affronte une révolte en Castille où ses sujets n'acceptent pas le régent nommé par ses soins, Adrien d'Utrecht (récompensé en 1516 par la charge d'archevêque de Tortosa), et sa cour flamande. La rébellion menée par Juan de Padilla est définitivement écrasée lors de la bataille de Villalar le 21 avril 1521. Entre-temps, sur les conseils d'Adrien d'Utrecht, Charles associe deux Grands, le connétable et l'amiral de Castille, au gouvernement du royaume. Par la suite, il associe largement des Castillans à son Conseil, revient s'installer en Castille où il réside sept ans sans discontinuer, de 1522 à 1529. Il donne en outre satisfaction à ses sujets en épousant en 1526 une princesse perçue comme espagnole : sa cousine germaine Isabelle de Portugal.
52
+
53
+ Entre 1519 et 1523, Charles doit également faire face à un soulèvement armé dans la région de Valence, les Germanías, du nom de ces milices locales dont la constitution est autorisée depuis un privilège accordé par Ferdinand le Catholique pour lutter contre les Barbaresques. En 1520, profitant de l'abandon de la ville par la noblesse à la suite d'une épidémie de peste, ces milices prennent le pouvoir sous le commandement de Joan Llorenç et refusent la dissolution prononcée par Adrien d'Utrecht. Les îles Baléares sont contaminées à leur tour par le mouvement, qui n'est vaincu par la force qu'en 1523.
54
+
55
+ Sous le règne de Charles Quint se poursuit la conquête du Nouveau Monde initiée sous les Rois catholiques. À partir de 1521, Hernán Cortés conquiert la Nouvelle-Espagne — vaste région qui couvre aujourd'hui le Mexique, l'Amérique centrale et le sud des États-Unis —, Francisco Pizarro soumet Tahuantinsuyu — l'Empire inca — qui devient la vice-royauté du Pérou, et Gonzalo Jiménez de Quesada prend le contrôle du royaume des Chibchas, aujourd'hui en Colombie.
56
+
57
+ Juan Sebastián Elcano boucle le premier tour du monde en 1522, achevant le voyage commencé sous les ordres de Magellan et marquant le début de la domination espagnole sur les Philippines et les Mariannes. En 1536, Pedro de Mendoza fonde la ville de Buenos Aires sur la rive droite du Río de la Plata. Peu après, en 1537, Asuncion est fondée par Juan de Salazar (en) et Gonzalo de Mendoza, et devient le centre de la conquête et de l'administration de la région.
58
+
59
+ Ces immenses territoires sont annexés comme deux nouveaux royaumes à la couronne de Castille, assurant à celle-ci des revenus substantiels en métaux précieux. La couronne prélève directement un cinquième des métaux rapatriés en Espagne (Quinto real). Cette manne permet à Charles de financer sa politique impériale en garantissant, notamment, ses opérations de change, d'emprunt et de transfert de fonds auprès des banquiers d'Augsbourg, de Gênes et d'Anvers.
60
+
61
+ Le 12 janvier 1519, la mort de Maximilien ouvre la succession à la couronne impériale. Cette couronne, certes prestigieuse et garante d'une grande aura au sein de la chrétienté, constitue plus un poids qu'un avantage pour son titulaire. Elle ne lui permet pas de lever des fonds ; de plus, elle ne dispose que d'une armée féodale pléthorique mais inadaptée aux nouvelles exigences de la guerre, les troupes des princes allemands étant hors de son contrôle. Charles, en tant que candidat naturel à la succession de son grand-père, a été élevé dans cette perspective et doit affronter la candidature des rois d'Angleterre Henri VIII et de France François Ier, ainsi que le duc albertin Georges de Saxe, dit « le Barbu ».
62
+
63
+ La compétition se résume vite à un duel entre le roi de France et l'héritier de Maximilien. Pour convaincre les sept princes-électeurs allemands, les rivaux usent tour à tour de la propagande et d'arguments sonnants et trébuchants.
64
+
65
+ Le parti autrichien présente le roi d'Aragon comme issu du véritable estoc (lignage), mais la clef de l'élection réside essentiellement dans la capacité des candidats à acheter les princes-électeurs. François Ier, soutenu par les Médicis et les Italiens de Lyon, prodigue les écus d'or français qui s'opposent aux florins et ducats allemands et espagnols, dont Charles bénéficie grâce à Marguerite d'Autriche (sa tante) qui obtient l'appui déterminant de Jacob Fugger et de la famille Welser, richissimes banquiers d'Augsbourg. Ceux-ci émettent des lettres de change payables « après l'élection » et « pourvu que soit élu Charles d'Espagne » et profite des richesses de l'empire américain[7]. Charles Quint, qui dépense deux tonnes d'or (contre une tonne et demie pour François Ier) et pour qui Marguerite d'Autriche entoure la ville de l'élection d'une armée destinée à faire pression, est élu roi des Romains le 28 juin 1519 et sacré empereur à Aix-la-Chapelle le 23 octobre 1520[8].
66
+
67
+ Très vite, il s'aperçoit qu'il ne peut pas être le pasteur unique de la chrétienté, selon les idéaux de monarchie universelle dont tentent de le convaincre ses conseillers, comme Mercurino Gattinara. Élu empereur, il tente de mettre de l'ordre dans les affaires de son grand-père et renvoie les musiciens de la chapelle impériale dont Ludwig Senfl. Il hérite des ennemis du Saint-Empire, menacé sur son flanc sud-est par la menace turque[9] ; mais il doit également compter sur la rivalité française, incarnée dans un premier temps par François Ier, puis par son fils Henri II.
68
+
69
+ La rivalité avec François Ier marque l'essentiel de l'histoire impériale de Charles Quint. Les deux souverains sont habités par les revendications de leurs prédécesseurs. François Ier, dont le royaume est encerclé par les possessions de Charles Quint, veut poursuivre l'action des rois Charles VIII et Louis XII dans la péninsule Italienne, en réclamant Naples et Milan. De son côté, Charles Quint n'a de cesse de récupérer le duché de Bourgogne de son bisaïeul Charles le Téméraire, saisi dans des conditions juridiques douteuses mais désormais bien intégré au territoire français. La Bourgogne et l'Italie constituent les principaux théâtres d'affrontement des deux rivaux, sans qu'aucun d'eux ne puisse satisfaire ses ambitions. Charles Quint n'éprouve aucune difficulté à contrer les attaques françaises[10].
70
+
71
+ Le premier heurt se produit en royaume de Navarre. Ce royaume, dont une partie située au nord des Pyrénées — les provinces d'outre-monts ou Basse-Navarre à partir de 1512 — se trouve sous contrôle espagnol depuis sa conquête par Ferdinand d'Aragon en 1512.
72
+
73
+ La maison d'Albret, qui bénéficie de l'appui du roi de France François Ier, tente une reconquête en 1521. Les Franco-Navarrais profitent d'une démilitarisation partielle du royaume due à la guerre des Communautés de Castille et s'appuient sur le soulèvement du peuple navarrais pour prendre la capitale, Pampelune. Le rapide ressaisissement de l'armée espagnole et les erreurs stratégiques du général français André de Foix ne permettent pas de consolider la victoire, et les troupes de Charles Quint remportent la victoire à Noain sur une armée largement inférieure en effectifs. Après divers sièges et batailles, un accord diplomatique est signé : Charles Quint conserve la Haute-Navarre mais restitue la Basse-Navarre à la maison d'Albret.
74
+
75
+ Pendant cette même année 1521, Charles Quint ouvre deux nouveaux fronts. Poursuivant son objectif bourguignon, il envoie Franz von Sickingen et le comte Philippe Ier de Nassau vers le nord de la France ; ces derniers obligent Bayard à s'enfermer dans Mézières assiégée. Bayard défend la ville sans capituler, malgré les canonnades et les assauts ; le maréchal de La Palisse, arrivé en renfort, oblige Nassau à lever le siège. En Italie, Charles Quint forme une coalition avec Henri VIII et les États pontificaux pour contrer l'alliance de la France et de la république de Venise. L'armée franco-vénitienne est battue lors de la bataille de la Bicoque ; Charles Quint et ses alliés reprennent le duché de Milan. L'armée impériale entre en Provence mais échoue au siège de Marseille. François Ier prend la tête d'une contre-attaque mais se voit sévèrement battu à Pavie en 1525, où il est fait prisonnier. Charles Quint retient le roi de France à Madrid pendant plus d'un an, jusqu'à la conclusion du traité de Madrid.
76
+
77
+ Aux termes de ce traité, François Ier doit, entre autres, céder le duché de Bourgogne et le Charolais, renoncer à toute revendication sur l'Italie, les Flandres et l'Artois, et épouser Éléonore de Habsbourg, sœur de Charles. François est libéré contre l'emprisonnement pendant quatre années de ses deux fils aînés, le dauphin François de France et Henri de France (futur Henri II).
78
+
79
+ Charles Quint ne tire pas grand profit de ce traité, que le roi de France avait d'ailleurs jugé bon de déclarer inexécutable la veille de sa signature. Le 8 juin, les États de Bourgogne déclarent solennellement que la province entend rester française.
80
+
81
+ En 1526, une nouvelle ligue, scellée à Cognac, se constitue, cette fois-ci contre Charles Quint, alors en pleine lune de miel (il vient d'épouser Isabelle de Portugal). La ligue de Cognac rassemble la France, l'Angleterre, le pape et les principautés italiennes (Milan, Venise et Florence). Les armées de la ligue entrent en Italie et se heurtent à une faible résistance des troupes impériales, mal payées et affaiblies par les maladies. Naples est assiégée, Rome est saccagée par les soudards de l'armée impériale commandée par Charles de Bourbon. Ces événements contraignent Charles, catastrophé, à interrompre les festivités célébrant la naissance de son fils, le futur Philippe II d'Espagne.
82
+
83
+ Cependant, le siège de Naples se solde par un échec et les troupes de la ligue, affaiblies à leur tour par la malaria et surtout le renversement d'alliance d'Andrea Doria, doivent se retirer du royaume de Naples. Les circonstances semblent rééquilibrer les forces de Charles Quint comme celles de François Ier et les amènent à laisser Marguerite d'Autriche, tante de l'empereur, et Louise de Savoie, mère du roi de France, négocier un traité qui amende celui de Madrid : le 3 août 1529, à Cambrai, est signé la paix des Dames, ensuite ratifiée par les deux souverains. François Ier épouse Éléonore d'Autriche, veuve du roi du Portugal et sœur de Charles Quint ; il recouvre ses enfants moyennant une rançon de 2 000 000 écus et conserve la Bourgogne ; en revanche, il renonce à l'Artois, à la Flandre et à ses vues sur l'Italie.
84
+
85
+ Après le traité de Cambrai, Charles V se trouve à l'apogée de sa puissance. Le 24 février 1530, à Bologne, il est couronné empereur du Saint-Empire romain germanique par le pape Clément VII.
86
+
87
+ En 1535, à la mort du duc de Milan François II Sforza, François Ier revendique l'héritage du duché. Au début de 1536, 40 000 soldats français envahissent le duché de Savoie, allié de Charles Quint, et s'arrêtent à la frontière lombarde, dans l'attente d'une éventuelle négociation. En juin, Charles Quint riposte et envahit la Provence mais se heurte à la défense du connétable Anne de Montmorency.
88
+
89
+ Grâce à l'intercession du pape Paul III, élu en 1534 et partisan d'une réconciliation entre les deux souverains, le roi et l'empereur signent en 1538, à Nice, une trêve de deux ans et promettent de s'unir face au « danger protestant ». En signe de bonne volonté, François Ier autorise même le libre passage des troupes de l'empereur à travers la France afin que celui-ci puisse mater une insurrection de sa ville natale, Gand, et à cette occasion, en 1539, il organise pour lui, un défilé de chars sur le thème des dieux antiques[11]. Charles Quint ayant refusé, malgr�� ses engagements, l'investiture du duché de Milan à l'un des fils du roi, une nouvelle guerre éclate en 1542. Le 11 avril 1544, François de Bourbon-Condé, comte d'Enghien, à la tête des troupes françaises, défait le marquis Alfonso de Ávalos, lieutenant général des armées impériales, à la bataille de Cérisoles. Cependant, l'armée de Charles Quint, avec plus de 40 000 hommes et 62 pièces d'artillerie, traverse le Duché de Lorraine, les évêchés de Metz et de Verdun (futurs Trois-Évêchés) et envahit la Champagne. Mi-juillet, une partie des troupes assiège la place forte de Saint-Dizier, tandis que le gros de l'armée poursuit sa marche vers Paris. De graves problèmes financiers empêchent l'empereur de payer ses troupes, où se multiplient les désertions. De son côté, François Ier doit également faire face au manque de ressources financières ainsi qu'à la pression des Anglais qui assiègent et prennent Boulogne-sur-Mer. Les deux souverains, utilisant les bons offices du jeune duc François Ier de Lorraine, finissent par consentir à une paix définitive en 1544. Le traité de Crépy-en-Laonnois reprend l'essentiel de la trêve signée en 1538. La France perd sa suzeraineté sur la Flandre et l'Artois et renonce à ses prétentions sur le Milanais et sur Naples, mais conserve temporairement la Savoie et le Piémont. Charles Quint abandonne la Bourgogne et ses dépendances et donne une de ses filles en mariage, dotée du Milanais en apanage, à Charles, duc d'Orléans et troisième fils du roi.
90
+
91
+ Cependant, il tient à conforter la base originelle de sa puissance, les Pays-Bas de « par deçà », ainsi que les nomme la tradition bourguignonne. Il les agrandit au nord par l'annexion des territoires occupés par le duc de Gueldre et l'évêque d'Utrecht et les renforce au sud en repoussant la suzeraineté du roi de France sur la Flandre et l'Artois à la paix des Dames. Enfin, il règle leurs rapports avec le Saint-Empire à la diète d'Augsbourg de 1548.
92
+
93
+ Les relations avec Henri II, successeur de François Ier en 1547, s'inscrivent dans la continuité.
94
+
95
+ Dès 1551, Henri II écoute les princes réformés d'Allemagne, qu'il a bien connus lorsqu'il était dauphin. En janvier 1552, il reçoit à Chambord le margrave Albert de Brandebourg qui lui suggère d'occuper Cambrai, Verdun, Toul et Metz (ces trois dernières villes constituant les Trois-Évêchés), cités d'empire de langue française et bénéficiant traditionnellement d'une certaine autonomie. Henri II y prendrait le titre de « vicaire d'Empire ». Le traité de Chambord est signé le 15 janvier 1552, scellant l'alliance d'Henri II avec les princes réformés contre Charles Quint.
96
+
97
+ En mars 1552, l'armée française est massée à Joinville sous le commandement du connétable de Montmorency et du duc de Guise. Cambrai, Verdun et Toul ouvrent leurs portes sans opposer de résistance ; le 18 avril 1552, Henri II entre dans Metz. Après un détour par l'Alsace, le « Voyage d'Allemagne » s'achève en mai 1552.
98
+
99
+ Six mois plus tard, en octobre 1552, sur ordre de Charles Quint, le duc d'Albe met le siège devant Metz, où reste une faible garnison sous les ordres de François de Guise. Le siège dure quatre mois et, malgré le déploiement d'importantes forces impériales (35 000 fantassins, 8 000 cavaliers et 150 canons), reste voué à l'échec, et l'armée de Charles Quint finit par lever le siège en janvier 1553.
100
+
101
+ La même année, Charles Quint fait raser Hesdin et Thérouanne, en Flandre, les villes étant tombées après avoir été assiégées.
102
+
103
+ Toujours en 1552, en Italie, la ville de Sienne chasse sa garnison espagnole (26 juillet) et demande l'intervention française. Henri II en profite pour ouvrir un nouveau front. Défendue par Monluc, la ville capitule finalement le 17 avril 1555. Charles Quint cède Sienne à Florence mais conserve les présides toscans de Piombino et Orbetello.
104
+
105
+ Le règne de Charles Quint correspond à la naissance en Allemagne du luthéranisme. Défenseur de la foi, sacré par le pape en 1530, le petit-fils et successeur des « Rois catholiques » ne peut se soustraire à l'obligation de défense de la foi catholique et une accalmie dans le conflit l'opposant à François Ier lui permet de s'attacher à cette mission.
106
+
107
+ L'année même de son sacre, Charles Quint convoque la Diète d'Augsbourg pour poser la question de la soumission des princes du Saint-Empire convertis à la Réforme luthérienne. La réunion tourne à son désavantage, les princes du Nord réformistes se coalisant sous l'autorité du landgrave Philippe Ier de Hesse et de l'électeur Jean-Frédéric Ier de Saxe.
108
+
109
+ Le 25 juin 1530, les protestants présentent au souverain la confession d'Augsbourg, texte fondateur du « luthéranisme » rédigée par Philippe Mélanchthon (qui représente Luther, excommunié en 1520 et mis au ban de l'Empire, ne pouvant participer à la diète) et Camerarius, qui se voit rejetée par les théologiens catholiques. Malgré quelques modifications conciliatrices apportées par le prudent disciple du bouillant réformateur au texte original, Charles Quint la fait proscrire par la diète dont les membres s'avèrent a fortiori catholiques.
110
+
111
+ Le 20 septembre 1530, Luther conseille aux princes protestants de se préparer à la guerre plutôt que d'accepter de transiger avec l'Église catholique, ce qui aboutit au début de 1531 à la formation de la ligue de Smalkalde menée par Philippe de Hesse. La diète se termine le 19 novembre 1531 avec le recès d'Augsbourg qui confirme l'édit de Worms : il ordonne aux princes coalisés de se soumettre avant le 15 avril 1531, de rétablir dans leurs États la juridiction épiscopale et de restituer les biens de l'Église. L'apparition de ce nouvel adversaire, rapidement soutenu par la France, contribue à la dispersion des moyens à la disposition de l'empereur : il lui faut attendre les années 1540 pour être en mesure de consacrer une partie importante des moyens militaires à sa disposition contre les princes protestants[10].
112
+
113
+ Conscient de la nécessité de réformer l'Église et de résoudre le problème protestant, le pape Paul III convoque le concile de Trente, dont les travaux démarrent le 5 décembre 1545. Les protestants ne reconnaissent pas le concile et l'empereur déclenche les hostilités en juin 1546, avec une armée équipée par le pape et commandée par Octave Farnèse, futur duc de Parme, une armée autrichienne sous les ordres de son frère Ferdinand de Habsbourg et une armée de soldats des Pays-Bas sous les ordres du comte de Buren.
114
+
115
+ Grâce à l'appui du prince-électeur Maurice de Saxe, Charles Quint remporte sur Jean-Frédéric de Saxe la bataille de Muehlberg en 1547, emprisonne Philippe de Hesse et obtient la soumission des princes rebelles. En 1551, le même Maurice de Saxe réalise un renversement d'alliance pour délivrer le landgrave de Hesse-Cassel, retenu prisonnier par Charles Quint. Ce dernier, trahi par le duc Maurice, se voit réduit à traiter et à accorder, par la paix de Passau (1552), une amnistie générale et le libre exercice du culte réformé. À contre-cœur, il laisse à son frère Ferdinand le dernier mot : le 3 octobre 1555, est signée la paix d'Augsbourg. L'unité religieuse de l'Empire est sacrifiée au profit d'un ordre princier : chaque feudataire de l'Empire peut choisir laquelle des deux religions sera seule autorisée dans ses domaines. C'est le principe cujus regio, ejus religio (« la religion du prince est la religion du pays »).
116
+
117
+ Charles Quint ordonne qu'on dresse dans ses États un catalogue des auteurs à proscrire, préfigurant ainsi la mise en place de l'Index quelques années plus tard. Ces actions lui méritent une Apologia ad Carolum V Caesarem (Apologie à l'empereur Charles Quint, 1552), du cardinal anglais Reginald Pole[12].
118
+
119
+ Dans ses États patrimoniaux du Saint-Empire, ces Pays-Bas où il incarne à la fois le prince local et l'empereur, il dispose de plus de facilité à agir, n'est pas tenu de prendre en compte ces puissantes oppositions et peut agir comme il l'entend. Dans les Flandres, il fait placarder une série d'édits très stricts contre l'hérésie, introduisant une inquisition moderne sur le modèle de celle que Charles a découverte en Espagne. L'application de ces placards demeure assez molle jusqu'à l'arrivée de Philippe II en raison de la tiédeur de la reine-régente Marie de Hongrie et des élites locales à leur sujet. Les condamnations à mort se comptent toutefois en plus grand nombre dans ce seul territoire sous son règne que dans tout le royaume de France, qui bénéficiait certes d'une exposition moins visible.
120
+
121
+ L'empire de Charles Quint présente le désavantage d'être dispersé et donc vulnérable aux révoltes intérieures mais aussi aux attaques ennemies des Français sur son flanc ouest, de leurs alliés turcs sur son flanc est, et en mer Méditerranée des corsaires comme Arudj Barberousse.
122
+
123
+ L'un des principaux points de contrôle disputés est Tunis et plus généralement les villes d'Afrique du Nord. Tunis s'avère un point stratégique de contrôle de la mer Méditerranée par rapport à la Sicile et au royaume de Naples, et un point de passage vers le Levant.
124
+
125
+ En 1534, Kheir el-Din Barberousse, le frère d'Arudj, renverse le sultan hafside Moulay Hassan de Tunis.
126
+
127
+ Mulay Hassan demande à l'empereur d'équiper une flotte et d'entreprendre une expédition punitive contre Tunis, non seulement pour le rétablir sur le trône, mais aussi pour freiner la piraterie sur les côtes de Sicile et d'Italie.
128
+
129
+ Charles Quint arme une flotte de 62 galères et de 150 autres navires qui partent de Barcelone le 29 mars 1535. Les troupes impériales et les troupes espagnoles, commandées par le Génois Andrea Doria, avec l'appui de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, arrivent à proximité de Carthage et de Tunis. Tunis est prise le 21 juillet 1535, Moulay Hassan restauré, 20 000 chrétiens esclaves libérés. Moulay Hassan devient un vassal de l'Espagne et entérine l'abolition de l'esclavage et la tolérance religieuse.
130
+
131
+ Jan Cornelisz Vermeyen, peintre et tapissier, se voit chargé d'immortaliser la bataille. Les nombreux croquis qu'il y réalise servent notamment pour une suite de douze tapisseries, commandées par Marie de Hongrie[13].
132
+
133
+ En revanche, l'expédition sur Alger en 1541 se solde par un désastre et redonna aux Barbaresques le sud de la Méditerranée.
134
+
135
+ Souffrant d'une goutte particulièrement invalidante[14], il envisage assez tôt de se défaire du pouvoir. Le processus commence pour ainsi dire en 1540, peu après la mort de l'impératrice-reine. Cette année, il investit en secret son fils, le prince Philippe, du duché de Milan, vacant depuis 1535, investiture rendue publique en 1546. Deux ans plus tard, Charles fait venir celui-ci à ses côtés pour le faire reconnaître comme héritier des Flandres et le présenter aux princes de l'Empire dans l'espoir que Philippe puisse un jour briguer la couronne impériale.
136
+
137
+ En 1553, enfin, lorsque Philippe épouse Marie Tudor, et afin d'éviter une union inégale entre le duc de Milan et la reine d'Angleterre, son père lui offre le royaume de Naples. Dans ces mêmes années 1550, la question de la succession devient un sujet de contentieux entre Charles et son frère Ferdinand. Le roi des Romains s'irrite de voir son aîné privilégier partout Philippe alors qu'il avait promis à ses neveux autrichiens des parcelles de l'héritage en Flandre et en Italie.
138
+
139
+ L'année 1555 voit une accélération de ce processus. La mère de Charles, Jeanne de Castille, meurt le 11 avril 1555. L'Empereur en est très affecté, bien qu'il n'ait jamais hésité à la maintenir en détention à Tordesillas et qu'ils ne se soient jamais connus. La signature de la paix d'Augsbourg, le 25 septembre lui laisse le sentiment d'un échec cuisant. En même temps, les victoires de ses armées à Sienne et Gimnée ainsi que la présence de Philippe venu d'Espagne dans les Flandres lui donnent l'impression d'un empire suffisamment stable pour procéder à cette renonciation.
140
+
141
+ Le 22 octobre 1555, affaibli par la vieillesse et les maladies (asthme, état diabétique, hémorroïdes, pathologie fréquente à une époque où l'on voyageait à dos de cheval[15]), désabusé par les revers, tourmenté par sa complexion flegmatique et naturellement mélancolique, Charles Quint convoque les chevaliers de l'ordre de la Toison d'or pour leur faire part de sa résolution. Il se dépouille de sa qualité de chef et souverain de l'ordre et fait promettre aux chevaliers de servir son fils Philippe arrivé à Bruxelles à l'issue d'un tour d'Europe de deux ans. Trois jours plus tard, à Bruxelles, devant les états généraux, il abdique solennellement, dans la grande salle du palais du Coudenberg. C'est là où, quarante ans plus tôt, il avait été proclamé duc de Bourgogne devant ces mêmes états généraux des Pays-Bas. Dans une ambiance larmoyante, il fait le décompte des voyages incessants qu'il a consentis pour le bien de ses pays et de la chrétienté avant de faire reconnaître Philippe comme le nouveau duc de Bourgogne, souverain des Pays-Bas[16].
142
+
143
+ Quelques mois plus tard, le 16 janvier 1556, alors qu'il se dirige vers l'Espagne pour s'y retirer du monde, il transmet également à Philippe son héritage espagnol. Les dernières transactions ont lieu en 1558 : Charles abandonne la Franche-Comté et ordonne aux électeurs du Saint-Empire de considérer désormais Ferdinand comme lui-même. La diète en prend acte en élisant, le 24 février 1558[1], Ferdinand comme empereur élu des Romains.
144
+
145
+ Il se retire dans le monastère hiéronymite de Yuste, dans une petite maison aménagée pour lui ; il y meurt le 21 septembre 1558, à l'âge de 58 ans, de la malaria (maladie endémique dans la région jusqu'en 1960). Son oraison funèbre est prononcée par François Richardot, auteur de celle d'Éléonore et de Marie[17]. Ses cendres sont transférées en 1574 à la nécropole royale de l'Escurial, édifiée par son fils Philippe à 40 km de Madrid.
146
+
147
+ Le 10 août 1501 est signé, à Lyon, un contrat de mariage entre Charles et la princesse Claude de France, fille de Louis XII et d'Anne de Bretagne.
148
+
149
+ Mais il se marie le 11 mars 1526 en son palais de Séville avec sa cousine l'infante Isabelle de Portugal (1503-1539), sœur du roi Jean III de Portugal, lui-même marié peu de temps auparavant avec Catherine d'Autriche, sœur cadette de Charles Quint, pour conforter son alliance avec l'Espagne et le Saint-Empire romain germanique. De cette union naissent :
150
+
151
+ On lui connaît également des enfants illégitimes mais tous sont nés avant son mariage et pendant son veuvage :
152
+
153
+ Maximilien Ier du Saint-Empire(1459-1519)│
154
+
155
+ Marie de Bourgogne(1457-1482)│
156
+
157
+ Ferdinand II d'Aragon(1452-1516)│
158
+
159
+ Isabelle Ire de Castille(1451-1504)│
160
+
161
+ Charles Quint(1500-1558)
162
+
163
+ souverain des Pays-Bas bourguignons 1506
164
+ roi d'Espagne (Aragon et Castille) 1516
165
+ roi de Sicile 1516
166
+ archiduc d'Autriche 1519
167
+ empereur 1519
168
+ roi de Naples 1521
169
+
170
+ archiduc d'Autriche 1520
171
+ roi des Romains 1530
172
+ empereur 1556
173
+
174
+ Philippe II d'Espagne(1527-1598)
175
+
176
+ souverain des Pays-Bas 1555
177
+ roi d'Espagne 1556
178
+ roi de Sicile et de Naples 1556
179
+
180
+ En 1534, Charles Quint est désigné comme suit[18] :
181
+
182
+ « Charles par la divine clémence Empereur des Romains, toujours Auguste, roi de Germanie, de Castille, de León, de Grenade, d'Aragon, de Navarre, de Naples, de Sicile, de Majorque, de Sardaigne, des îles Indes et terres fermes de la mer Océane, archiduc d'Autriche, duc de Bourgogne, de Brabant, de Limbourg, de Luxembourg et de Gueldre, comte de Flandres, d'Artois, de Bourgogne palatin, de Hainaut, de Hollande, de Zélande, de Ferrette, de Haguenau, de Namur et de Zutphen, prince de Souabe[19], marquis de Saint-Empire, seigneur de Frise, de Salins, de Malines, le dominateur en Asie et en Afrique, roi de la Nouvelle-Espagne, du Pérou, de la Nouvelle-Grenade et du Río de la Plata et suzerain des vice-rois de ces mêmes pays. »
183
+
184
+ Les armoiries de Charles Quint ont évolué au cours de sa vie. À sa naissance, en 1500, il hérite des armes brisées de son père, écartelées d'Autriche, de Bourgogne moderne, de Bourgogne ancien et de Brabant, chargées du parti de Flandre et de Tyrol, le tout brisées d'un lambel. La mort d'Isabelle la Catholique, en 1504, constitue ses parents les rois de Castille. Les armes familiales sont modifiées pour refléter cette nouvelle situation. On écartèle donc ces armes paternelles avec celles, écartelées du contre écartelé de Castille et de Léon et du parti d'Aragon et de Sicile, le tout enté en pointe de Grenade. Comme le couple se montre inégal, Philippe, duc de Bourgogne face à la reine de Castille, les armes maternelles sont mises au point d'honneur. Charles hérite de cet écartelé pour le moins complexe, tandis que son frère Ferdinand inverse les quartiers paternels et maternels.
185
+
186
+ À partir de 1519, cet écartelé se place sur l'aigle impériale. Comme la composition devient difficile à graver et à déchiffrer, les armes se simplifient peu à peu. L'écartelé d'Aragon-Castille et d'Autriche-Bourgogne se change graduellement en un simple coupé. Ses derniers sceaux, à Yuste, retournent à l'écartelé de 1506, sans plus d'aigles ni de couronne.
187
+
188
+ Le blason est : « coupé en chef parti en 1 écartelé en 1 et 4, de gueules au château d'or ouvert et ajouré d'azur et en 2 et 3 d'argent au lion de gueules armé, lampassé et couronné d'or, en 2 parti en 1 d'or à quatre pals de gueules et en 2 écartelé en sautoir d'or aux quatre pals de gueules et d'argent à l'aigle de sable, accompagné en pointe d'argent à une pomme grenade de gueules, tigée et feuilleté de sinople, et en pointe écartelé en 1 de gueules à la face d'argent, en 2 d'azur semé de fleurs de lys d'or à la bande componée d'argent et de gueules, en 3 bandé d'or et d'azur de six pièces, à la bordure de gueules et en 4 de sable au lion d'or, armé et lampassé de gueules, sur le tout parti d'or au lion de sable armé, couronné et lampassé de gueules et d'argent à l'aigle éployé de gueules, membré et becqué d'or. »
189
+
190
+ Charles Quint, sous le nom de Don Carlos, est l'un des personnages principaux de la pièce de théâtre Hernani de Victor Hugo. Il y est décrit pendant la période de son intronisation en tant qu'empereur.
191
+
192
+ Il est cité à de nombreuses reprises dans la pièce Lorenzaccio d'Alfred de Musset, en tant que l'empereur qui a apporté la disgrâce et le malheur sur Florence. Il est cité sous le surnom de « César » et est associé au pape Clément VII.
193
+
194
+ Le personnage de Charles Quint apparaît dans de nombreux films et séries télévisées tels que :
195
+
196
+ Le personnage de Charles Quint apparaît dans les pièces suivantes :
197
+
198
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/988.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,198 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ Charles de Habsbourg, dit Charles Quint ou Charles V, né le 24 février 1500 à Gand en Flandre (Pays-Bas des Habsbourg), et mort le 21 septembre 1558 au monastère de Yuste (Espagne), est prince de la maison de Habsbourg, fils de Philippe le Beau et de Jeanne la Folle. Il hérite notamment de l'Espagne et de son empire colonial, des dix-sept provinces des Pays-Bas, du royaume de Naples et des possessions habsbourgeoises ; élu empereur des Romains en 1519, il est le monarque le plus puissant de la première moitié du XVIe siècle.
4
+
5
+ Cette accumulation de pouvoirs est à la fois le fruit du hasard (la mort de sa tante, Isabelle d'Aragon, princesse des Asturies, en 1498, puis du fils de cette dernière, l'infant Miguel de la Paz, en juillet 1500, font de sa mère l'héritière des couronnes espagnoles) mais également le résultat d'une politique systématique d'alliances matrimoniales faisant de lui l'héritier de quatre dynasties : arrière-petit-fils de Charles le Téméraire, petit-fils de Maximilien d'Autriche, d'Isabelle la Catholique, reine de Castille, et de Ferdinand, roi d'Aragon et roi de Naples, il est duc de Bourgogne sous le nom de Charles II, roi d'Espagne sous le nom de Charles Ier (en espagnol Carlos I), mais passe à la postérité comme l'empereur romain germanique Charles V (en allemand Karl V.), que l'on énonce alors « Charles Quint », « quint » signifiant « cinquième »[3],[4].
6
+
7
+ Il apparaît comme le dernier empereur germanique à souhaiter réaliser le rêve carolingien d'un empire prenant la tête de la chrétienté. Cette volonté d'unité chrétienne face à la progression de l'Empire ottoman dans les Balkans et en Méditerranée se voit cependant systématiquement combattue par l'opposition des rois de France François Ier et Henri II, et remise en cause par la Réforme protestante, initiée par Martin Luther à partir de 1517. Aux problèmes extérieurs qui se posent pendant tout son règne, s'ajoutent des révoltes en Castille, dans le Saint-Empire, en Flandre et en Brabant, qui affaiblissent par moments les bases de son pouvoir.
8
+
9
+ Au terme d'une vie de combats, miné et désabusé par ses échecs face à la France, aux luthériens et à sa propre famille, il se dépouille progressivement de ses pouvoirs. Par une série de conventions avec son frère Ferdinand, il lui cède les États autrichiens et la dignité impériale. Le 25 octobre 1555, à Bruxelles, il abdique ses droits sur les États bourguignons, désormais unis et autonomes, en faveur de son fils Philippe, déjà duc de Milan et roi de Naples, avant de lui céder ses droits sur l'Espagne en 1556.
10
+
11
+ Charles, légataire universel de plusieurs dynasties européennes[5], concentre dans ses mains l'héritage de quatre dynasties représentées chacune par l'un de ses quatre grands-parents : il est à la fois un héritier de l'État des ducs Valois de Bourgogne, un Habsbourg, un Aragonais et un Castillan. Né et élevé dans une culture franco-bourguignonne[réf. nécessaire], ses incessants voyages à travers les possessions éparpillées dans l'ensemble du continent européen, ont contribué à faire de lui un personnage européen par-delà les appartenances nationales. Sa devise, Plus Oultre (« encore plus loin »), créée par un médecin italien pour illustrer la tradition chevaleresque bourguignonne, est devenue sous sa forme latine la devise nationale de l'Espagne.
12
+
13
+ Quand il naît en 1500, rien ne le destine à devenir le prince le plus puissant du XVIe siècle. Son père, Philippe le Beau, encore jeune, devrait hériter des biens de son propre père, l'empereur Maximilien. Sa mère, Jeanne la Folle, n'est à cette date qu'une simple infante espagnole ; elle a un neveu, don Miguel de la Paz, héritier présomptif des couronnes de Castille, d'Aragon et du Portugal, dont la mort, six mois après la naissance de Charles, fait de ce dernier un prince héritier des royaumes aragonais et castillans, fils et héritier de l'aîné des descendants survivants des Rois catholiques d'Espagne.
14
+
15
+ En quelques années, tout s'accélère. Isabelle la Catholique meurt en 1504, faisant de Jeanne la reine de Castille. Deux ans plus tard, Philippe le Beau, parti recueillir en Espagne l'héritage de sa femme, décède à son tour. Charles devient alors duc de Bourgogne, c'est-à-dire souverain des Pays-Bas et de la Franche-Comté. En 1515, il est émancipé et commence à négocier la succession de son grand-père Ferdinand II d'Aragon qui a au seuil de la mort déshérité sa fille Jeanne, incapable de régner, au profit du jeune duc de Bourgogne. Charles devient l'année suivante roi d'Aragon, de Naples et de Sicile, en même temps qu'il s'autoproclame roi de Castille au détriment de sa mère. Parti se faire reconnaître comme roi des royaumes espagnols, il apprend la mort de son autre grand-père, l'empereur Maximilien, qui lui lègue les duchés autrichiens et un sérieux avantage pour l'élection impériale. Le 28 juin 1519, élu Roi des Romains, il se rend à Aix-la-Chapelle pour y être couronn�� empereur élu du Saint-Empire romain germanique. Son couronnement à Bologne, le 24 février 1530, le fait empereur des Romains, couronné selon la tradition carolingienne par le Pape. Le pape Clément VII officie, marquant ainsi la concorde retrouvée entre les pouvoirs temporel et spirituel, tandis que la sainte onction est donnée par le cardinal Alexandre Farnèse.
16
+
17
+ L'archiduc Charles naît au Prinsenhof à Gand (palais aujourd'hui disparu), alors capitale du comté de Flandre, en 1500.
18
+
19
+ Il est le fils de Philippe de Habsbourg, dit Philippe le Beau, souverain des Pays-Bas, et de Jeanne de Castille, dite Jeanne la Folle.
20
+
21
+ Le jeune prince est porté sur les fonts baptismaux par la duchesse douairière de Bourgogne Marguerite d'York et celui qui sera son précepteur, Guillaume de Croÿ. On le prénomme Charles, en hommage à son arrière-grand-père, le duc de Bourgogne Charles le Téméraire.
22
+
23
+ Pour des raisons diplomatiques, son père porte le titre de duc de Luxembourg et non comte de Charolais, comme le voudrait la tradition dynastique des ducs de Bourgogne.
24
+
25
+ Charles de Habsbourg passe en Flandre, survivance des États bourguignons, les dix-sept premières années de sa vie. On lui donne pour précepteurs deux membres de la puissante maison de Croÿ : le prince de Chimay, puis le seigneur de Chièvres, son parrain.
26
+
27
+ Adrien Floriszoon, recteur de l'université de Louvain, prend en charge l'éducation religieuse du jeune prince.
28
+
29
+ Alors que Charles n'a que quatre ans, ses parents quittent définitivement le Brabant pour prendre possession du trône de Castille, vacant depuis la mort de la reine Isabelle la Catholique, mère de Jeanne. C'est Marguerite d'Autriche, sœur de Philippe, qui tient lieu de famille à Charles et à ses sœurs Éléonore, Isabelle et Marie, tandis que leur frère Ferdinand reste en Espagne où il est né, son éducation étant assurée par son grand-père Ferdinand II d'Aragon. Sa sœur Catherine, née en 1507, est élevée en Espagne auprès de leur mère, que le veuvage a rendue folle. Les enfants du couple princier restés en Flandres grandissent dans les résidences de leur tante, principalement à Malines.
30
+
31
+ Charles est avant tout élevé dans les traditions de la cour de Bourgogne. Les quelques Espagnols qu'il fréquente dans sa jeunesse s'avèrent des ennemis politiques de son grand-père Ferdinand, des exilés qui n'ont pas vu l'Espagne depuis des années.
32
+
33
+ Sa langue maternelle est le français, langue des ducs de Bourgogne vivant en Flandre[6], connue de la bourgeoisie flamande. Pendant une bonne partie de sa vie, elle sera la seule langue qu'il maîtrisera. Par la suite, il apprend également l'allemand, l'anglais, le néerlandais, l'espagnol et un peu d'italien. Il avoue dans ses lettres sa déception de n'avoir jamais réussi à apprendre le latin. Sa maîtrise proverbiale des langues constitue un facteur déterminant de sa popularité. À la fin de sa vie, il maîtrise si bien l'espagnol qu'il supervise la traduction du Chevalier délibéré, poème épique d'Olivier de La Marche dont il garde toujours un exemplaire auprès de lui. Cette épopée nourrit un attachement farouche à cette lignée brisée des ducs de Bourgogne et une méfiance profonde vis-à-vis des rois de France, que l'héritage italien des rois d'Aragon et l'élection impériale de 1519 ne feront qu'amplifier.
34
+
35
+ Parti recueillir l'héritage castillan de sa femme, Philippe le Beau meurt dans des conditions étranges le 25 septembre 1506. Charles, âgé de 6 ans, devient nouveau duc de Bourgogne, souverain des duché de Brabant, comtés de Flandre, de Hollande, de la Franche-Comté, de Bourgogne, etc.
36
+
37
+ La régence s'organise. Les états généraux refusent à l'empereur Maximilien, grand-père du jeune duc, avec lequel ils ont eu de sérieux démêlés par le passé, d'assumer cette régence dans des conditions décentes. C'est donc la sœur de Philippe, Marguerite d'Autriche, qui assure le gouvernement au nom du jeune prince. Le jeune souverain et sa tante entament un voyage inaugural pour se faire reconnaître comme prince et régente des Pays-Bas.
38
+
39
+ La régente Marguerite s'installe à Malines, où elle réside ordinairement avec ses neveux et nièces. Charles s'instruit de l'exercice du pouvoir : sa tante et son précepteur lui font prononcer des discours devant les états dès 1507, Marguerite le fait assister à une partie des séances du conseil, et Chièvres le forme à l'art de la guerre.
40
+
41
+ Un conflit entre don Juan Manuel, un chevalier de l'ordre de la Toison d'or, Maximilien, Marguerite et Ferdinand d'Aragon, entraîne l'émancipation précipitée de Charles le 5 janvier 1515.
42
+
43
+ Les états, réunis dans la grande salle du palais du Coudenberg, à Bruxelles, proclament Charles souverain effectif des Pays-Bas. Chièvres, qui a l'oreille de l'archiduc-duc, évince Marguerite et devient le principal conseiller du prince. Il commence à négocier la succession du vieux Ferdinand en envoyant Adrien d'Utrecht sur place. Le doyen est chargé d'une mission précise : il s'agit d'éviter à tout prix que le roi ne favorise le jeune frère de Charles, l'infant Ferdinand, né en Espagne en 1503 et élevé par son grand-père, au détriment des droits de l'aîné. Il faut en outre régler la question de leur mère, Jeanne la Folle, qui n'est manifestement pas en état de régner. Pendant ce temps, Charles entame un nouveau voyage. Cette fois-ci, il est reçu comme souverain, selon le rituel de Joyeuse Entrée, jurant de respecter et d'augmenter les privilèges des différentes provinces.
44
+
45
+ La nouvelle de la mort de Ferdinand d'Aragon parvient à Bruxelles le 8 février 1516. Le 14 mars, lors d'une cérémonie aussi grandiose que peu espagnole dans la collégiale Sainte-Gudule de Bruxelles, Charles est proclamé, conjointement avec sa mère, roi des Espagnes. S'il avait eu gain de cause en étant couché sur le testament du roi d'Aragon comme son unique héritier, le testament d'Isabelle la Catholique avait fait de Jeanne la seule héritière du plus important royaume d'Espagne, la Castille. Charles ne peut être, tout au plus, qu'un régent dans ces territoires. Il bafoue donc les droits de sa mère, recluse au palais-couvent de Tordesillas, en se proclamant roi au même titre qu'elle. Ce coup d'État (selon l'expression de Joseph Pérez) suscite en Castille des mécontentements qui assombrissent les premières années du règne.
46
+
47
+ Le nouveau roi termine sa visite flamande et prépare son départ pour l'Espagne. Il débarque sur la côte asturienne le 18 septembre 1517, accompagné de ses conseillers flamands et de quelques exilés castillans. À peine arrivé, il fait renvoyer en Flandre son jeune frère Ferdinand, qui s'est porté à sa rencontre. À Valladolid, le faste de la cour bourguignonne déployé lors du couronnement choque beaucoup les Espagnols, habitués à une monarchie moins cérémonieuse. En mars 1518, Charles y ouvre les Cortès de Castille pour recevoir le serment d'allégeance des délégués du royaume ainsi que d'importants subsides. L'assemblée accepte tout cela sous diverses conditions : Charles devra apprendre le castillan (il s'avère incapable de s'adresser aux Cortès dans cette langue) ; les offices de gouvernement devront être réservés à des régnicoles ; aucun métal précieux ne devra sortir du royaume sous forme de monnaie ; la reine légitime devra être maintenue dans ses droits et bien traitée.
48
+
49
+ Bien informé du caractère plus compliqué de sa reconnaissance en Aragon (il faut répéter la cérémonie d'allégeance des Cortès dans chacun des royaumes constituant la couronne d'Aragon), Charles reste peu de temps dans cette ville et se rend à Saragosse puis à Barcelone, pour y être reçu comme roi d'Aragon et comte de Barcelone. Au cours de son premier voyage, il passe plus de temps en Aragon qu'en Castille et multiplie les maladresses : il nomme de nombreux Flamands (certes naturalisés) à des postes clés du gouvernement, réclame subside sur subside, se montre ignorant des usages et des langues locales. En à peine une année, il déçoit profondément ses nouveaux sujets malgré le large capital de sympathie dont il bénéficiait en tant que petit-fils des Rois catholiques. En outre, il quitte la péninsule dès qu'il apprend son élection au trône impérial, ce qui fait craindre aux Espagnols que leurs royaumes ne deviennent une simple annexe d'un empire tourné vers le nord.
50
+
51
+ Charles doit faire face à plusieurs troubles dans ses États espagnols. Entre 1520 et 1521, il affronte une révolte en Castille où ses sujets n'acceptent pas le régent nommé par ses soins, Adrien d'Utrecht (récompensé en 1516 par la charge d'archevêque de Tortosa), et sa cour flamande. La rébellion menée par Juan de Padilla est définitivement écrasée lors de la bataille de Villalar le 21 avril 1521. Entre-temps, sur les conseils d'Adrien d'Utrecht, Charles associe deux Grands, le connétable et l'amiral de Castille, au gouvernement du royaume. Par la suite, il associe largement des Castillans à son Conseil, revient s'installer en Castille où il réside sept ans sans discontinuer, de 1522 à 1529. Il donne en outre satisfaction à ses sujets en épousant en 1526 une princesse perçue comme espagnole : sa cousine germaine Isabelle de Portugal.
52
+
53
+ Entre 1519 et 1523, Charles doit également faire face à un soulèvement armé dans la région de Valence, les Germanías, du nom de ces milices locales dont la constitution est autorisée depuis un privilège accordé par Ferdinand le Catholique pour lutter contre les Barbaresques. En 1520, profitant de l'abandon de la ville par la noblesse à la suite d'une épidémie de peste, ces milices prennent le pouvoir sous le commandement de Joan Llorenç et refusent la dissolution prononcée par Adrien d'Utrecht. Les îles Baléares sont contaminées à leur tour par le mouvement, qui n'est vaincu par la force qu'en 1523.
54
+
55
+ Sous le règne de Charles Quint se poursuit la conquête du Nouveau Monde initiée sous les Rois catholiques. À partir de 1521, Hernán Cortés conquiert la Nouvelle-Espagne — vaste région qui couvre aujourd'hui le Mexique, l'Amérique centrale et le sud des États-Unis —, Francisco Pizarro soumet Tahuantinsuyu — l'Empire inca — qui devient la vice-royauté du Pérou, et Gonzalo Jiménez de Quesada prend le contrôle du royaume des Chibchas, aujourd'hui en Colombie.
56
+
57
+ Juan Sebastián Elcano boucle le premier tour du monde en 1522, achevant le voyage commencé sous les ordres de Magellan et marquant le début de la domination espagnole sur les Philippines et les Mariannes. En 1536, Pedro de Mendoza fonde la ville de Buenos Aires sur la rive droite du Río de la Plata. Peu après, en 1537, Asuncion est fondée par Juan de Salazar (en) et Gonzalo de Mendoza, et devient le centre de la conquête et de l'administration de la région.
58
+
59
+ Ces immenses territoires sont annexés comme deux nouveaux royaumes à la couronne de Castille, assurant à celle-ci des revenus substantiels en métaux précieux. La couronne prélève directement un cinquième des métaux rapatriés en Espagne (Quinto real). Cette manne permet à Charles de financer sa politique impériale en garantissant, notamment, ses opérations de change, d'emprunt et de transfert de fonds auprès des banquiers d'Augsbourg, de Gênes et d'Anvers.
60
+
61
+ Le 12 janvier 1519, la mort de Maximilien ouvre la succession à la couronne impériale. Cette couronne, certes prestigieuse et garante d'une grande aura au sein de la chrétienté, constitue plus un poids qu'un avantage pour son titulaire. Elle ne lui permet pas de lever des fonds ; de plus, elle ne dispose que d'une armée féodale pléthorique mais inadaptée aux nouvelles exigences de la guerre, les troupes des princes allemands étant hors de son contrôle. Charles, en tant que candidat naturel à la succession de son grand-père, a été élevé dans cette perspective et doit affronter la candidature des rois d'Angleterre Henri VIII et de France François Ier, ainsi que le duc albertin Georges de Saxe, dit « le Barbu ».
62
+
63
+ La compétition se résume vite à un duel entre le roi de France et l'héritier de Maximilien. Pour convaincre les sept princes-électeurs allemands, les rivaux usent tour à tour de la propagande et d'arguments sonnants et trébuchants.
64
+
65
+ Le parti autrichien présente le roi d'Aragon comme issu du véritable estoc (lignage), mais la clef de l'élection réside essentiellement dans la capacité des candidats à acheter les princes-électeurs. François Ier, soutenu par les Médicis et les Italiens de Lyon, prodigue les écus d'or français qui s'opposent aux florins et ducats allemands et espagnols, dont Charles bénéficie grâce à Marguerite d'Autriche (sa tante) qui obtient l'appui déterminant de Jacob Fugger et de la famille Welser, richissimes banquiers d'Augsbourg. Ceux-ci émettent des lettres de change payables « après l'élection » et « pourvu que soit élu Charles d'Espagne » et profite des richesses de l'empire américain[7]. Charles Quint, qui dépense deux tonnes d'or (contre une tonne et demie pour François Ier) et pour qui Marguerite d'Autriche entoure la ville de l'élection d'une armée destinée à faire pression, est élu roi des Romains le 28 juin 1519 et sacré empereur à Aix-la-Chapelle le 23 octobre 1520[8].
66
+
67
+ Très vite, il s'aperçoit qu'il ne peut pas être le pasteur unique de la chrétienté, selon les idéaux de monarchie universelle dont tentent de le convaincre ses conseillers, comme Mercurino Gattinara. Élu empereur, il tente de mettre de l'ordre dans les affaires de son grand-père et renvoie les musiciens de la chapelle impériale dont Ludwig Senfl. Il hérite des ennemis du Saint-Empire, menacé sur son flanc sud-est par la menace turque[9] ; mais il doit également compter sur la rivalité française, incarnée dans un premier temps par François Ier, puis par son fils Henri II.
68
+
69
+ La rivalité avec François Ier marque l'essentiel de l'histoire impériale de Charles Quint. Les deux souverains sont habités par les revendications de leurs prédécesseurs. François Ier, dont le royaume est encerclé par les possessions de Charles Quint, veut poursuivre l'action des rois Charles VIII et Louis XII dans la péninsule Italienne, en réclamant Naples et Milan. De son côté, Charles Quint n'a de cesse de récupérer le duché de Bourgogne de son bisaïeul Charles le Téméraire, saisi dans des conditions juridiques douteuses mais désormais bien intégré au territoire français. La Bourgogne et l'Italie constituent les principaux théâtres d'affrontement des deux rivaux, sans qu'aucun d'eux ne puisse satisfaire ses ambitions. Charles Quint n'éprouve aucune difficulté à contrer les attaques françaises[10].
70
+
71
+ Le premier heurt se produit en royaume de Navarre. Ce royaume, dont une partie située au nord des Pyrénées — les provinces d'outre-monts ou Basse-Navarre à partir de 1512 — se trouve sous contrôle espagnol depuis sa conquête par Ferdinand d'Aragon en 1512.
72
+
73
+ La maison d'Albret, qui bénéficie de l'appui du roi de France François Ier, tente une reconquête en 1521. Les Franco-Navarrais profitent d'une démilitarisation partielle du royaume due à la guerre des Communautés de Castille et s'appuient sur le soulèvement du peuple navarrais pour prendre la capitale, Pampelune. Le rapide ressaisissement de l'armée espagnole et les erreurs stratégiques du général français André de Foix ne permettent pas de consolider la victoire, et les troupes de Charles Quint remportent la victoire à Noain sur une armée largement inférieure en effectifs. Après divers sièges et batailles, un accord diplomatique est signé : Charles Quint conserve la Haute-Navarre mais restitue la Basse-Navarre à la maison d'Albret.
74
+
75
+ Pendant cette même année 1521, Charles Quint ouvre deux nouveaux fronts. Poursuivant son objectif bourguignon, il envoie Franz von Sickingen et le comte Philippe Ier de Nassau vers le nord de la France ; ces derniers obligent Bayard à s'enfermer dans Mézières assiégée. Bayard défend la ville sans capituler, malgré les canonnades et les assauts ; le maréchal de La Palisse, arrivé en renfort, oblige Nassau à lever le siège. En Italie, Charles Quint forme une coalition avec Henri VIII et les États pontificaux pour contrer l'alliance de la France et de la république de Venise. L'armée franco-vénitienne est battue lors de la bataille de la Bicoque ; Charles Quint et ses alliés reprennent le duché de Milan. L'armée impériale entre en Provence mais échoue au siège de Marseille. François Ier prend la tête d'une contre-attaque mais se voit sévèrement battu à Pavie en 1525, où il est fait prisonnier. Charles Quint retient le roi de France à Madrid pendant plus d'un an, jusqu'à la conclusion du traité de Madrid.
76
+
77
+ Aux termes de ce traité, François Ier doit, entre autres, céder le duché de Bourgogne et le Charolais, renoncer à toute revendication sur l'Italie, les Flandres et l'Artois, et épouser Éléonore de Habsbourg, sœur de Charles. François est libéré contre l'emprisonnement pendant quatre années de ses deux fils aînés, le dauphin François de France et Henri de France (futur Henri II).
78
+
79
+ Charles Quint ne tire pas grand profit de ce traité, que le roi de France avait d'ailleurs jugé bon de déclarer inexécutable la veille de sa signature. Le 8 juin, les États de Bourgogne déclarent solennellement que la province entend rester française.
80
+
81
+ En 1526, une nouvelle ligue, scellée à Cognac, se constitue, cette fois-ci contre Charles Quint, alors en pleine lune de miel (il vient d'épouser Isabelle de Portugal). La ligue de Cognac rassemble la France, l'Angleterre, le pape et les principautés italiennes (Milan, Venise et Florence). Les armées de la ligue entrent en Italie et se heurtent à une faible résistance des troupes impériales, mal payées et affaiblies par les maladies. Naples est assiégée, Rome est saccagée par les soudards de l'armée impériale commandée par Charles de Bourbon. Ces événements contraignent Charles, catastrophé, à interrompre les festivités célébrant la naissance de son fils, le futur Philippe II d'Espagne.
82
+
83
+ Cependant, le siège de Naples se solde par un échec et les troupes de la ligue, affaiblies à leur tour par la malaria et surtout le renversement d'alliance d'Andrea Doria, doivent se retirer du royaume de Naples. Les circonstances semblent rééquilibrer les forces de Charles Quint comme celles de François Ier et les amènent à laisser Marguerite d'Autriche, tante de l'empereur, et Louise de Savoie, mère du roi de France, négocier un traité qui amende celui de Madrid : le 3 août 1529, à Cambrai, est signé la paix des Dames, ensuite ratifiée par les deux souverains. François Ier épouse Éléonore d'Autriche, veuve du roi du Portugal et sœur de Charles Quint ; il recouvre ses enfants moyennant une rançon de 2 000 000 écus et conserve la Bourgogne ; en revanche, il renonce à l'Artois, à la Flandre et à ses vues sur l'Italie.
84
+
85
+ Après le traité de Cambrai, Charles V se trouve à l'apogée de sa puissance. Le 24 février 1530, à Bologne, il est couronné empereur du Saint-Empire romain germanique par le pape Clément VII.
86
+
87
+ En 1535, à la mort du duc de Milan François II Sforza, François Ier revendique l'héritage du duché. Au début de 1536, 40 000 soldats français envahissent le duché de Savoie, allié de Charles Quint, et s'arrêtent à la frontière lombarde, dans l'attente d'une éventuelle négociation. En juin, Charles Quint riposte et envahit la Provence mais se heurte à la défense du connétable Anne de Montmorency.
88
+
89
+ Grâce à l'intercession du pape Paul III, élu en 1534 et partisan d'une réconciliation entre les deux souverains, le roi et l'empereur signent en 1538, à Nice, une trêve de deux ans et promettent de s'unir face au « danger protestant ». En signe de bonne volonté, François Ier autorise même le libre passage des troupes de l'empereur à travers la France afin que celui-ci puisse mater une insurrection de sa ville natale, Gand, et à cette occasion, en 1539, il organise pour lui, un défilé de chars sur le thème des dieux antiques[11]. Charles Quint ayant refusé, malgr�� ses engagements, l'investiture du duché de Milan à l'un des fils du roi, une nouvelle guerre éclate en 1542. Le 11 avril 1544, François de Bourbon-Condé, comte d'Enghien, à la tête des troupes françaises, défait le marquis Alfonso de Ávalos, lieutenant général des armées impériales, à la bataille de Cérisoles. Cependant, l'armée de Charles Quint, avec plus de 40 000 hommes et 62 pièces d'artillerie, traverse le Duché de Lorraine, les évêchés de Metz et de Verdun (futurs Trois-Évêchés) et envahit la Champagne. Mi-juillet, une partie des troupes assiège la place forte de Saint-Dizier, tandis que le gros de l'armée poursuit sa marche vers Paris. De graves problèmes financiers empêchent l'empereur de payer ses troupes, où se multiplient les désertions. De son côté, François Ier doit également faire face au manque de ressources financières ainsi qu'à la pression des Anglais qui assiègent et prennent Boulogne-sur-Mer. Les deux souverains, utilisant les bons offices du jeune duc François Ier de Lorraine, finissent par consentir à une paix définitive en 1544. Le traité de Crépy-en-Laonnois reprend l'essentiel de la trêve signée en 1538. La France perd sa suzeraineté sur la Flandre et l'Artois et renonce à ses prétentions sur le Milanais et sur Naples, mais conserve temporairement la Savoie et le Piémont. Charles Quint abandonne la Bourgogne et ses dépendances et donne une de ses filles en mariage, dotée du Milanais en apanage, à Charles, duc d'Orléans et troisième fils du roi.
90
+
91
+ Cependant, il tient à conforter la base originelle de sa puissance, les Pays-Bas de « par deçà », ainsi que les nomme la tradition bourguignonne. Il les agrandit au nord par l'annexion des territoires occupés par le duc de Gueldre et l'évêque d'Utrecht et les renforce au sud en repoussant la suzeraineté du roi de France sur la Flandre et l'Artois à la paix des Dames. Enfin, il règle leurs rapports avec le Saint-Empire à la diète d'Augsbourg de 1548.
92
+
93
+ Les relations avec Henri II, successeur de François Ier en 1547, s'inscrivent dans la continuité.
94
+
95
+ Dès 1551, Henri II écoute les princes réformés d'Allemagne, qu'il a bien connus lorsqu'il était dauphin. En janvier 1552, il reçoit à Chambord le margrave Albert de Brandebourg qui lui suggère d'occuper Cambrai, Verdun, Toul et Metz (ces trois dernières villes constituant les Trois-Évêchés), cités d'empire de langue française et bénéficiant traditionnellement d'une certaine autonomie. Henri II y prendrait le titre de « vicaire d'Empire ». Le traité de Chambord est signé le 15 janvier 1552, scellant l'alliance d'Henri II avec les princes réformés contre Charles Quint.
96
+
97
+ En mars 1552, l'armée française est massée à Joinville sous le commandement du connétable de Montmorency et du duc de Guise. Cambrai, Verdun et Toul ouvrent leurs portes sans opposer de résistance ; le 18 avril 1552, Henri II entre dans Metz. Après un détour par l'Alsace, le « Voyage d'Allemagne » s'achève en mai 1552.
98
+
99
+ Six mois plus tard, en octobre 1552, sur ordre de Charles Quint, le duc d'Albe met le siège devant Metz, où reste une faible garnison sous les ordres de François de Guise. Le siège dure quatre mois et, malgré le déploiement d'importantes forces impériales (35 000 fantassins, 8 000 cavaliers et 150 canons), reste voué à l'échec, et l'armée de Charles Quint finit par lever le siège en janvier 1553.
100
+
101
+ La même année, Charles Quint fait raser Hesdin et Thérouanne, en Flandre, les villes étant tombées après avoir été assiégées.
102
+
103
+ Toujours en 1552, en Italie, la ville de Sienne chasse sa garnison espagnole (26 juillet) et demande l'intervention française. Henri II en profite pour ouvrir un nouveau front. Défendue par Monluc, la ville capitule finalement le 17 avril 1555. Charles Quint cède Sienne à Florence mais conserve les présides toscans de Piombino et Orbetello.
104
+
105
+ Le règne de Charles Quint correspond à la naissance en Allemagne du luthéranisme. Défenseur de la foi, sacré par le pape en 1530, le petit-fils et successeur des « Rois catholiques » ne peut se soustraire à l'obligation de défense de la foi catholique et une accalmie dans le conflit l'opposant à François Ier lui permet de s'attacher à cette mission.
106
+
107
+ L'année même de son sacre, Charles Quint convoque la Diète d'Augsbourg pour poser la question de la soumission des princes du Saint-Empire convertis à la Réforme luthérienne. La réunion tourne à son désavantage, les princes du Nord réformistes se coalisant sous l'autorité du landgrave Philippe Ier de Hesse et de l'électeur Jean-Frédéric Ier de Saxe.
108
+
109
+ Le 25 juin 1530, les protestants présentent au souverain la confession d'Augsbourg, texte fondateur du « luthéranisme » rédigée par Philippe Mélanchthon (qui représente Luther, excommunié en 1520 et mis au ban de l'Empire, ne pouvant participer à la diète) et Camerarius, qui se voit rejetée par les théologiens catholiques. Malgré quelques modifications conciliatrices apportées par le prudent disciple du bouillant réformateur au texte original, Charles Quint la fait proscrire par la diète dont les membres s'avèrent a fortiori catholiques.
110
+
111
+ Le 20 septembre 1530, Luther conseille aux princes protestants de se préparer à la guerre plutôt que d'accepter de transiger avec l'Église catholique, ce qui aboutit au début de 1531 à la formation de la ligue de Smalkalde menée par Philippe de Hesse. La diète se termine le 19 novembre 1531 avec le recès d'Augsbourg qui confirme l'édit de Worms : il ordonne aux princes coalisés de se soumettre avant le 15 avril 1531, de rétablir dans leurs États la juridiction épiscopale et de restituer les biens de l'Église. L'apparition de ce nouvel adversaire, rapidement soutenu par la France, contribue à la dispersion des moyens à la disposition de l'empereur : il lui faut attendre les années 1540 pour être en mesure de consacrer une partie importante des moyens militaires à sa disposition contre les princes protestants[10].
112
+
113
+ Conscient de la nécessité de réformer l'Église et de résoudre le problème protestant, le pape Paul III convoque le concile de Trente, dont les travaux démarrent le 5 décembre 1545. Les protestants ne reconnaissent pas le concile et l'empereur déclenche les hostilités en juin 1546, avec une armée équipée par le pape et commandée par Octave Farnèse, futur duc de Parme, une armée autrichienne sous les ordres de son frère Ferdinand de Habsbourg et une armée de soldats des Pays-Bas sous les ordres du comte de Buren.
114
+
115
+ Grâce à l'appui du prince-électeur Maurice de Saxe, Charles Quint remporte sur Jean-Frédéric de Saxe la bataille de Muehlberg en 1547, emprisonne Philippe de Hesse et obtient la soumission des princes rebelles. En 1551, le même Maurice de Saxe réalise un renversement d'alliance pour délivrer le landgrave de Hesse-Cassel, retenu prisonnier par Charles Quint. Ce dernier, trahi par le duc Maurice, se voit réduit à traiter et à accorder, par la paix de Passau (1552), une amnistie générale et le libre exercice du culte réformé. À contre-cœur, il laisse à son frère Ferdinand le dernier mot : le 3 octobre 1555, est signée la paix d'Augsbourg. L'unité religieuse de l'Empire est sacrifiée au profit d'un ordre princier : chaque feudataire de l'Empire peut choisir laquelle des deux religions sera seule autorisée dans ses domaines. C'est le principe cujus regio, ejus religio (« la religion du prince est la religion du pays »).
116
+
117
+ Charles Quint ordonne qu'on dresse dans ses États un catalogue des auteurs à proscrire, préfigurant ainsi la mise en place de l'Index quelques années plus tard. Ces actions lui méritent une Apologia ad Carolum V Caesarem (Apologie à l'empereur Charles Quint, 1552), du cardinal anglais Reginald Pole[12].
118
+
119
+ Dans ses États patrimoniaux du Saint-Empire, ces Pays-Bas où il incarne à la fois le prince local et l'empereur, il dispose de plus de facilité à agir, n'est pas tenu de prendre en compte ces puissantes oppositions et peut agir comme il l'entend. Dans les Flandres, il fait placarder une série d'édits très stricts contre l'hérésie, introduisant une inquisition moderne sur le modèle de celle que Charles a découverte en Espagne. L'application de ces placards demeure assez molle jusqu'à l'arrivée de Philippe II en raison de la tiédeur de la reine-régente Marie de Hongrie et des élites locales à leur sujet. Les condamnations à mort se comptent toutefois en plus grand nombre dans ce seul territoire sous son règne que dans tout le royaume de France, qui bénéficiait certes d'une exposition moins visible.
120
+
121
+ L'empire de Charles Quint présente le désavantage d'être dispersé et donc vulnérable aux révoltes intérieures mais aussi aux attaques ennemies des Français sur son flanc ouest, de leurs alliés turcs sur son flanc est, et en mer Méditerranée des corsaires comme Arudj Barberousse.
122
+
123
+ L'un des principaux points de contrôle disputés est Tunis et plus généralement les villes d'Afrique du Nord. Tunis s'avère un point stratégique de contrôle de la mer Méditerranée par rapport à la Sicile et au royaume de Naples, et un point de passage vers le Levant.
124
+
125
+ En 1534, Kheir el-Din Barberousse, le frère d'Arudj, renverse le sultan hafside Moulay Hassan de Tunis.
126
+
127
+ Mulay Hassan demande à l'empereur d'équiper une flotte et d'entreprendre une expédition punitive contre Tunis, non seulement pour le rétablir sur le trône, mais aussi pour freiner la piraterie sur les côtes de Sicile et d'Italie.
128
+
129
+ Charles Quint arme une flotte de 62 galères et de 150 autres navires qui partent de Barcelone le 29 mars 1535. Les troupes impériales et les troupes espagnoles, commandées par le Génois Andrea Doria, avec l'appui de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, arrivent à proximité de Carthage et de Tunis. Tunis est prise le 21 juillet 1535, Moulay Hassan restauré, 20 000 chrétiens esclaves libérés. Moulay Hassan devient un vassal de l'Espagne et entérine l'abolition de l'esclavage et la tolérance religieuse.
130
+
131
+ Jan Cornelisz Vermeyen, peintre et tapissier, se voit chargé d'immortaliser la bataille. Les nombreux croquis qu'il y réalise servent notamment pour une suite de douze tapisseries, commandées par Marie de Hongrie[13].
132
+
133
+ En revanche, l'expédition sur Alger en 1541 se solde par un désastre et redonna aux Barbaresques le sud de la Méditerranée.
134
+
135
+ Souffrant d'une goutte particulièrement invalidante[14], il envisage assez tôt de se défaire du pouvoir. Le processus commence pour ainsi dire en 1540, peu après la mort de l'impératrice-reine. Cette année, il investit en secret son fils, le prince Philippe, du duché de Milan, vacant depuis 1535, investiture rendue publique en 1546. Deux ans plus tard, Charles fait venir celui-ci à ses côtés pour le faire reconnaître comme héritier des Flandres et le présenter aux princes de l'Empire dans l'espoir que Philippe puisse un jour briguer la couronne impériale.
136
+
137
+ En 1553, enfin, lorsque Philippe épouse Marie Tudor, et afin d'éviter une union inégale entre le duc de Milan et la reine d'Angleterre, son père lui offre le royaume de Naples. Dans ces mêmes années 1550, la question de la succession devient un sujet de contentieux entre Charles et son frère Ferdinand. Le roi des Romains s'irrite de voir son aîné privilégier partout Philippe alors qu'il avait promis à ses neveux autrichiens des parcelles de l'héritage en Flandre et en Italie.
138
+
139
+ L'année 1555 voit une accélération de ce processus. La mère de Charles, Jeanne de Castille, meurt le 11 avril 1555. L'Empereur en est très affecté, bien qu'il n'ait jamais hésité à la maintenir en détention à Tordesillas et qu'ils ne se soient jamais connus. La signature de la paix d'Augsbourg, le 25 septembre lui laisse le sentiment d'un échec cuisant. En même temps, les victoires de ses armées à Sienne et Gimnée ainsi que la présence de Philippe venu d'Espagne dans les Flandres lui donnent l'impression d'un empire suffisamment stable pour procéder à cette renonciation.
140
+
141
+ Le 22 octobre 1555, affaibli par la vieillesse et les maladies (asthme, état diabétique, hémorroïdes, pathologie fréquente à une époque où l'on voyageait à dos de cheval[15]), désabusé par les revers, tourmenté par sa complexion flegmatique et naturellement mélancolique, Charles Quint convoque les chevaliers de l'ordre de la Toison d'or pour leur faire part de sa résolution. Il se dépouille de sa qualité de chef et souverain de l'ordre et fait promettre aux chevaliers de servir son fils Philippe arrivé à Bruxelles à l'issue d'un tour d'Europe de deux ans. Trois jours plus tard, à Bruxelles, devant les états généraux, il abdique solennellement, dans la grande salle du palais du Coudenberg. C'est là où, quarante ans plus tôt, il avait été proclamé duc de Bourgogne devant ces mêmes états généraux des Pays-Bas. Dans une ambiance larmoyante, il fait le décompte des voyages incessants qu'il a consentis pour le bien de ses pays et de la chrétienté avant de faire reconnaître Philippe comme le nouveau duc de Bourgogne, souverain des Pays-Bas[16].
142
+
143
+ Quelques mois plus tard, le 16 janvier 1556, alors qu'il se dirige vers l'Espagne pour s'y retirer du monde, il transmet également à Philippe son héritage espagnol. Les dernières transactions ont lieu en 1558 : Charles abandonne la Franche-Comté et ordonne aux électeurs du Saint-Empire de considérer désormais Ferdinand comme lui-même. La diète en prend acte en élisant, le 24 février 1558[1], Ferdinand comme empereur élu des Romains.
144
+
145
+ Il se retire dans le monastère hiéronymite de Yuste, dans une petite maison aménagée pour lui ; il y meurt le 21 septembre 1558, à l'âge de 58 ans, de la malaria (maladie endémique dans la région jusqu'en 1960). Son oraison funèbre est prononcée par François Richardot, auteur de celle d'Éléonore et de Marie[17]. Ses cendres sont transférées en 1574 à la nécropole royale de l'Escurial, édifiée par son fils Philippe à 40 km de Madrid.
146
+
147
+ Le 10 août 1501 est signé, à Lyon, un contrat de mariage entre Charles et la princesse Claude de France, fille de Louis XII et d'Anne de Bretagne.
148
+
149
+ Mais il se marie le 11 mars 1526 en son palais de Séville avec sa cousine l'infante Isabelle de Portugal (1503-1539), sœur du roi Jean III de Portugal, lui-même marié peu de temps auparavant avec Catherine d'Autriche, sœur cadette de Charles Quint, pour conforter son alliance avec l'Espagne et le Saint-Empire romain germanique. De cette union naissent :
150
+
151
+ On lui connaît également des enfants illégitimes mais tous sont nés avant son mariage et pendant son veuvage :
152
+
153
+ Maximilien Ier du Saint-Empire(1459-1519)│
154
+
155
+ Marie de Bourgogne(1457-1482)│
156
+
157
+ Ferdinand II d'Aragon(1452-1516)│
158
+
159
+ Isabelle Ire de Castille(1451-1504)│
160
+
161
+ Charles Quint(1500-1558)
162
+
163
+ souverain des Pays-Bas bourguignons 1506
164
+ roi d'Espagne (Aragon et Castille) 1516
165
+ roi de Sicile 1516
166
+ archiduc d'Autriche 1519
167
+ empereur 1519
168
+ roi de Naples 1521
169
+
170
+ archiduc d'Autriche 1520
171
+ roi des Romains 1530
172
+ empereur 1556
173
+
174
+ Philippe II d'Espagne(1527-1598)
175
+
176
+ souverain des Pays-Bas 1555
177
+ roi d'Espagne 1556
178
+ roi de Sicile et de Naples 1556
179
+
180
+ En 1534, Charles Quint est désigné comme suit[18] :
181
+
182
+ « Charles par la divine clémence Empereur des Romains, toujours Auguste, roi de Germanie, de Castille, de León, de Grenade, d'Aragon, de Navarre, de Naples, de Sicile, de Majorque, de Sardaigne, des îles Indes et terres fermes de la mer Océane, archiduc d'Autriche, duc de Bourgogne, de Brabant, de Limbourg, de Luxembourg et de Gueldre, comte de Flandres, d'Artois, de Bourgogne palatin, de Hainaut, de Hollande, de Zélande, de Ferrette, de Haguenau, de Namur et de Zutphen, prince de Souabe[19], marquis de Saint-Empire, seigneur de Frise, de Salins, de Malines, le dominateur en Asie et en Afrique, roi de la Nouvelle-Espagne, du Pérou, de la Nouvelle-Grenade et du Río de la Plata et suzerain des vice-rois de ces mêmes pays. »
183
+
184
+ Les armoiries de Charles Quint ont évolué au cours de sa vie. À sa naissance, en 1500, il hérite des armes brisées de son père, écartelées d'Autriche, de Bourgogne moderne, de Bourgogne ancien et de Brabant, chargées du parti de Flandre et de Tyrol, le tout brisées d'un lambel. La mort d'Isabelle la Catholique, en 1504, constitue ses parents les rois de Castille. Les armes familiales sont modifiées pour refléter cette nouvelle situation. On écartèle donc ces armes paternelles avec celles, écartelées du contre écartelé de Castille et de Léon et du parti d'Aragon et de Sicile, le tout enté en pointe de Grenade. Comme le couple se montre inégal, Philippe, duc de Bourgogne face à la reine de Castille, les armes maternelles sont mises au point d'honneur. Charles hérite de cet écartelé pour le moins complexe, tandis que son frère Ferdinand inverse les quartiers paternels et maternels.
185
+
186
+ À partir de 1519, cet écartelé se place sur l'aigle impériale. Comme la composition devient difficile à graver et à déchiffrer, les armes se simplifient peu à peu. L'écartelé d'Aragon-Castille et d'Autriche-Bourgogne se change graduellement en un simple coupé. Ses derniers sceaux, à Yuste, retournent à l'écartelé de 1506, sans plus d'aigles ni de couronne.
187
+
188
+ Le blason est : « coupé en chef parti en 1 écartelé en 1 et 4, de gueules au château d'or ouvert et ajouré d'azur et en 2 et 3 d'argent au lion de gueules armé, lampassé et couronné d'or, en 2 parti en 1 d'or à quatre pals de gueules et en 2 écartelé en sautoir d'or aux quatre pals de gueules et d'argent à l'aigle de sable, accompagné en pointe d'argent à une pomme grenade de gueules, tigée et feuilleté de sinople, et en pointe écartelé en 1 de gueules à la face d'argent, en 2 d'azur semé de fleurs de lys d'or à la bande componée d'argent et de gueules, en 3 bandé d'or et d'azur de six pièces, à la bordure de gueules et en 4 de sable au lion d'or, armé et lampassé de gueules, sur le tout parti d'or au lion de sable armé, couronné et lampassé de gueules et d'argent à l'aigle éployé de gueules, membré et becqué d'or. »
189
+
190
+ Charles Quint, sous le nom de Don Carlos, est l'un des personnages principaux de la pièce de théâtre Hernani de Victor Hugo. Il y est décrit pendant la période de son intronisation en tant qu'empereur.
191
+
192
+ Il est cité à de nombreuses reprises dans la pièce Lorenzaccio d'Alfred de Musset, en tant que l'empereur qui a apporté la disgrâce et le malheur sur Florence. Il est cité sous le surnom de « César » et est associé au pape Clément VII.
193
+
194
+ Le personnage de Charles Quint apparaît dans de nombreux films et séries télévisées tels que :
195
+
196
+ Le personnage de Charles Quint apparaît dans les pièces suivantes :
197
+
198
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/989.html.txt ADDED
The diff for this file is too large to render. See raw diff
 
fr/99.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,254 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ Ajaccio (Aiacciu en corse, Aiaccio en Italien, Adiacium en Latin) est une commune française, préfecture du département de la Corse-du-Sud, préfecture de la Corse et siège de la collectivité territoriale de Corse. Son aire urbaine comptait 106 488 habitants en 2016[1], la plus grande de l'Île. Ajaccio est située sur la côte ouest de la Corse, à 390 km de Marseille.
4
+
5
+ Après avoir connu un déclin relatif au Moyen-Âge, Ajaccio s'est développé avec la présence des Génois, qui y ont construit une citadelle en 1492 au sud de la ville.
6
+
7
+ « Cité impériale » et autrefois « cité du corail ». Ajaccio est la ville de naissance de Napoléon Bonaparte mais elle est aussi connue pour être la première ville française libérée durant la Seconde Guerre mondiale, le 9 septembre 1943.
8
+
9
+ La ville se situe dans la partie sud de la Corse, bordée par la mer Méditerranée. Elle possède une position avantageuse par rapport au reste de l'île. Elle est implantée en position d'abri sur la côte occidentale de l'île.
10
+ La commune en elle-même s'étend sur la rive nord du golfe d'Ajaccio, entre la Gravona et la pointe de la Parata, incluant les îles Sanguinaires. De nombreuses plages et criques bordent son territoire dont la partie ouest est particulièrement accidentée (point culminant : 790 mètres).
11
+
12
+ La baie d'Ajaccio.
13
+
14
+ Îles Sanguinaires.
15
+
16
+ Îles Sanguinaires.
17
+
18
+ Hauteurs d'Ajaccio
19
+
20
+ Une station existe depuis le 1er mars 1944 à l'aéroport à 41,91806, 8,79278, à 5 m d'altitude[6].
21
+
22
+ La ville possède un climat méditerranéen, classé Csa dans la classification de Köppen et Geiger[7]. L'ensoleillement moyen annuel est de 2 726 heures.
23
+
24
+ On note d'importantes variations climatiques locales, en particulier concernant l'exposition aux vents et les précipitations totales, selon que l'on se situe dans le centre urbain, près de l'aéroport ou des îles Sanguinaires. Les précipitations moyennes annuelles sont de 645,6 mm à la station de Campo dell'Oro et de 523,9 mm à celle de la Parata, la troisième plus sèche de France métropolitaine[8]. La chaleur et la sécheresse de l'été sont quelque peu tempérées par la proximité de la mer Méditerranée, sauf lorsque souffle le sirocco. En automne et au printemps, de violents épisodes pluvio-orageux peuvent se produire. Les hivers sont doux et la neige assez rare. Ajaccio est la ville de France qui détient, sur la période de référence 1971-2000, le record du nombre d'orages, avec une moyenne de 39 jours d'orage par an[9].
25
+
26
+ Le 14 septembre 2009, la ville fut frappée par une tornade d'intensité F1 sur l'échelle de Fujita. Il n'y eut que peu de dégâts (notamment des panneaux publicitaires arrachés, des tuiles envolées, des voitures retournées et des vitres cassées) et aucune victime.
27
+
28
+
29
+
30
+ La ville est accessible par la RT 21 (ex-RN 193) depuis Bastia et Corte, par la RT 40 (ex-RN 196) depuis Porto-Vecchio, Bonifacio et Sartène et par la RD 81 depuis Calvi et Vico.
31
+
32
+ Ces principaux axes, ainsi que les routes secondaires menant aux villages périurbains, relient Ajaccio par le nord, le site de la cité impériale formant un cul de sac obstrué par la mer au sud. Seuls le cours Napoléon et le boulevard du Roi-Jérôme permettent de traverser la ville.
33
+
34
+ Cela explique avec la forte densité urbaine les problèmes importants de circulation et de stationnement rencontrés, notamment aux heures de pointe et durant la saison touristique estivale. Une rocade de contournement traversant plusieurs quartiers est en voie d'achèvement.
35
+
36
+ La ville est distante, par route[13], de :
37
+
38
+ Le réseau Muvistrada offre un service d'une quinzaine de lignes urbaines et 8 lignes périurbaines, dont la fréquence varie selon la fréquentation des lignes (intervalle de 30 minutes pour les plus importantes). En outre, deux navette Aiaccina desservent le centre-ville et la navette maritime Muvimare relie la ville à Porticcio depuis 2015.
39
+
40
+ Un parc relais de 300 places a été construit à Mezzana sur la commune voisine de Sarrola-Carcopino dans le but de promouvoir l'intermodalité entre les voitures et les transports en commun[14]. Il a été inauguré le 12 juillet 2010[15].
41
+
42
+ Par ailleurs la municipalité a évoqué l'introduction d'un tramway ou d'un tram-train entre la gare de Mezzana en zone périurbaine et la gare d'Ajaccio située dans le centre.
43
+
44
+ La ville est desservie par un aéroport d'Ajaccio-Napoléon-Bonaparte, aéroport international, siège d'Air Corsica, compagnie aérienne corse. Il relie Ajaccio à un certain nombre de villes de France continentale (notamment Paris, Marseille, Nice, Lyon, Bordeaux, Lille, Toulouse, Clermont-Ferrand, Brive, Brest, Rennes, Caen)..., et d'Europe, Londres, Genève, Amsterdam, Bruxelles, Rome, Barcelone etc de par sa fonction touristique. C'est le premier aéroport de Corse en termes de trafic. Il peut accueillir un peu plus de 1 000 000 passagers par an[16],[17].
45
+
46
+ Le port d'Ajaccio est relié au continent français de manière quotidienne (Marseille, Toulon et Nice). Des liaisons saisonnières existent vers la Sardaigne (Porto Torres) de même qu'un service saisonnier dessert Calvi et Propriano[18]. Les trois compagnies de navigation assurant ces liaisons sont Corsica Linea, La Méridionale et Corsica Ferries.
47
+
48
+ Ajaccio est devenu également une escale de croisière notable (avec 909 752 passagers en 2011), de loin la première de Corse et la deuxième de France (derrière Marseille, mais devant Nice/Villefranche-sur-Mer et Cannes). L'objectif est à terme qu'Ajaccio devienne le premier port français pour les croisières mais également que la ville devienne une tête de pont pour les départs[18].
49
+
50
+ La fonction portuaire de la ville est aussi constituée par le commerce, la plaisance et la pêche artisanale (3 ports)[18]. Autrefois, le port d'Ajaccio était chaque jour le lieu de départ de dizaines de corailleurs pour de longs mois à la recherche de leur marchandise près des côtes d'Afrique du Nord.
51
+
52
+ La gare d'Ajaccio, appartenant aux Chemins de fer de Corse, se situe près du port, square Pierre-Griffi et permet de relier en train Corte, Bastia (durée : 3 h 25 min) et Calvi (par correspondance).
53
+
54
+ Deux arrêts facultatifs :
55
+
56
+ Ajaccio dispose d'un plan local d'urbanisme[19].
57
+
58
+ Une charte d'écoquartier du Finosello a par ailleurs été signée[20] et la procédure de mise en oeuvre d'une Aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine a été engagée.
59
+
60
+ Si la commune d'Ajaccio a une vaste superficie (82,03 km2), seule une partie est urbanisée. De ce fait, l'unité urbaine d'Ajaccio se situe dans l'est de la commune, sur une bande littorale formant un arc de cercle très densément peuplé. Le reste du territoire communal est naturel, avec un habitat peu important et assez diffus. La périurbanisation se développe au nord et à l'est de l'agglomération.
61
+
62
+ Le noyau urbain originel, à proximité de l'ancienne plaine marécageuse des Cannes, s'est effacé au profit de la ville génoise, articulée à proximité de la Punta della Lechia. Celle-ci a subi divers aménagements, notamment sous Napoléon, qui est à l'origine des deux grandes artères structurantes actuelles (Cours Napoléon orienté nord-sud, Cours Grandval dans le sens est-ouest).
63
+
64
+ Mais Ajaccio a connu une forte expansion démographique dans les années 1960, ce qui explique que 85 % des logements sont postérieurs à 1949[21]. Cela se ressent dans l'urbanisme de la ville, très marqué par les grands ensembles de barres et de tours en béton, présents dans plusieurs quartiers, en particulier sur les hauteurs (Les Jardins de l'Empereur) dans le nord et l'est de la ville (front de mer, Les Cannes, Les Salines) entre autres. Une dichotomie apparaît dans le paysage, entre la ville ancienne et d'imposants immeubles modernes. Ajaccio donne ainsi l'image d'une ville construite sur deux niveaux différents.
65
+
66
+ Dix quartiers sont comptabilisés par la municipalité[22].
67
+
68
+ Ajaccio a toujours souffert d'un déficit chronique en offre de logements, dû à un manque d'espace, ce qui a profité aux communes périurbaines. Au cours des années 1960 et plus tard encore, le développement urbain s'est réalisé au gré des opportunités foncières sans réflexion préalable sur un choix d'aménagement urbain global et tranchant avec la qualité de la trame urbaine du centre ancien, reflet d'une époque et du souci de l'esthétique urbaine. Actuellement un effort est réalisé dans le renouvellement urbain du centre ancien et des quartiers d'habitat social.
69
+
70
+ Un développement important de l'offre de logements est possible dans le quartier du Vazzio, de Saint-Joseph ainsi que sur les hauteurs du quartier Pietralba qui sont situés à l'est de la ville. En outre, un développement urbain est également possible le long de la rocade extérieure au nord de la ville. Plus au sud, le long de la route des Sanguinaires, située entre mer et montagne, un développement de l'offre de logements existe sur les quelques parcelles encore disponibles et en particulier sur le secteur de Vignola qui envisage aussi d'accueillir des activités de hautes technologies et un centre de thalassothérapie. Enfin, pour répondre à l'attractivité de la ville et à la demande de logements qui en résulte, d'autres secteurs selon les dispositions du plan local d'urbanisme (PLU) en cours d'élaboration pourraient s'ouvrir à l'urbanisation tout en privilégiant la densité urbaine plutôt que l'étalement urbain contraire au développement durable.
71
+
72
+ Une zone d'aménagement concerté (ZAC) dont les contours restent à préciser est aussi prévue en plein cœur du quartier des Salines et les terrains dits de la gare-amirauté en continuité du centre-ville ont vocation à devenir à plus long terme, après les études d'un aménagement urbain adéquat, un nouveau quartier, emblème du renouveau urbain d'Ajaccio.
73
+
74
+ En corse, le nom de la commune est Aiacciu /aˈjat͡ʃu/, ou localement Aghjacciu (dans la vallée de la Gravona notamment).
75
+
76
+ Plusieurs hypothèses ont été émises quant à l'étymologie du nom Ajaccio (Aiacciu en corse, Addiazzo sur les vieux documents). Parmi celles-ci, la plus prestigieuse prétend que la ville aurait été fondée par le héros grec légendaire Ajax qui lui aurait donné son nom. D'autres explications sont cependant bien plus réalistes. Par exemple, le nom Ajaccio pourrait être apparenté au toscan agghiacciu (enclos à brebis). De même, aghja est en corse l'aire où l'on bat le blé. Une autre explication, étayée par des sources byzantines voisines de l'an 600 nomment la ville Agiation, suggérant une origine grecque du mot, agathè pouvant signifier « bonne fortune » ou « bon mouillage » (racine également à l'origine du nom de la ville d'Agde).
77
+
78
+ "Remarques concernant le nom de la ville :
79
+ À l'origine, on trouve Adjacium, mentionné au Ve siècle dans la cosmographie de Ravenne (...) Adjacium, du latin ad-jacere (être situé près) semble avoir désigné le port (près de la mer). Le nom de la localité est attesté sous les formes Agiation entre 667 et 670, Aiazo entre 1311 et 1320[23]. Aux XVIe et XVIIe siècles, le nom a été transcrit en français sous la forme "La Hiace" (...) Ajaccio, forme italienne, est le nom de la ville génoise, prononcé Aiaccio (...) Dans les pieves avoisinantes on emploie encore de nos jours le toponyme Aghjacciu (l'aghjacciu, enclos à bétail) du verbe corse ghjace/ghjacia qui correspond au français gésir, et qui lui-même est issu du verbe latin de le deuxième conjugaison jacere, pris dans le sens de "être étendu, couché" (...) Dans le reste de l'ile, on dit Aiacciu, prononciation corse du nom de la ville génoise. C'est cette forme qu'il convient d'adopter comme étant consacrée par un usage largement majoritaire. Cela ne disqualifie nullement Aghjacciu qui garde sa valeur sémantique et qui doit conserver toute sa vigueur dans les territoires de l'intérieur immédiat où, d'ailleurs, les habitants de la ville sont appelés l'Aghjaccinchi. C'est pourquoi nous avons proposé : Aiacciu (Aghjacciu)." D'après PM Agostini, I nomi di i nostri locchi, p. 102 et 103, 1990.
80
+
81
+ Les habitants d'Ajaccio sont appelés les Ajacciens (Aiaccini ou Aghjaccinchi par les Corses de l'intérieur. On note également "Ajacciotti" pour -habitants du bourg- dans une correspondance de P.Paoli : "Avrebbero potuto entrare nel Borgo; ma gli Ajacciotti non si meritano da noi violenze". Pasquale Paoli al Conte Rivarola, Corti, 2 dicembre 1763. In, Lettere di Pasquale Paoli : con note e proemio di N. Tommaseo. G. P. Vieusseux ed. Firenze, 1846.)
82
+
83
+ Noter, à titre anecdotique, le livre intitulé Agiacsiò, il romanzo della Corsica, de Guido Milanesi, Milano Montadori ed 1940.
84
+
85
+ La ville n'est pas mentionnée par le géographe grec Ptolémée d'Alexandrie au IIe siècle apr. J.-C., malgré la présence d'une localité nommée Ourkinion dans la Cinarca voisine. Or c'est vraisemblablement à cette époque que la ville d'Ajaccio connut son premier développement. En cette période de prospérité au sein du bassin méditerranéen (la Pax Romana), le besoin d'un véritable port à même d'accueillir de grands bâtiments à l'aval des différentes vallées qui aboutissent dans le golfe se fit probablement sentir (d'importantes découvertes archéologiques sous-marines récentes d'embarcations romaines tendent à le confirmer).
86
+
87
+ D'autres fouilles menées récemment ont permis la découverte d'importants vestiges paléochrétiens de nature à considérablement réévaluer à la hausse la taille de l'agglomération ajaccienne dans la deuxième partie de l'Antiquité et au début du Moyen Âge. La ville était en tous cas suffisamment notable pour être déjà le siège d'un diocèse, mentionné par le pape Grégoire le Grand en 591. La cité était alors située plus au nord que l'emplacement choisi plus tard par les génois, à l'emplacement des quartiers actuels de Castel Vecchio et Sainte-Lucie.
88
+
89
+ Il est établi qu'à partir du VIIIe siècle la ville, à l'instar de la plupart des autres communautés côtières corses, déclina fortement et disparut presque complètement. Néanmoins, on sait qu'un château et une cathédrale étaient toujours en place en 1492 et que cette dernière ne fut démolie qu'en 1748.
90
+
91
+ À la fin du XVe siècle, les Génois désireux d'affirmer leur domination sur le sud de l'île décidèrent de rebâtir la ville d'Ajaccio. Plusieurs sites furent alors considérés : la Pointe de la Parata (non retenue car trop exposée aux vents), l'ancienne ville (considéré finalement comme insalubre à cause de la proximité de l'étang des Salines), enfin la Punta della Lechia sur laquelle le choix a été arrêté.
92
+ Les travaux débutèrent le 21 avril 1492. La ville se développa rapidement et devint le chef-lieu de la province du Delà Des Monts (plus ou moins l'actuelle Corse-du-Sud)[Note 1], Bastia demeurant le chef-lieu de l'île entière.
93
+
94
+ D'abord une colonie peuplée exclusivement de Génois, la ville s'ouvre lentement aux Corses, même si pratiquement jusqu'à la conquête française, les Ajacciens légalement citoyens de Gênes, se distingueront très volontiers des paesani insulaires, ces derniers habitant principalement le Borgu, faubourg à l'extérieur des remparts de la cité (l'actuelle rue Fesch en était l'artère principale).
95
+
96
+ En 1553 de Thermes prit Ajaccio où il établit son domicile et le quartier général. Pour défendre la place, « il fit construire la citadelle dont il la sépara par un fossé taillé presque entièrement dans le roc, et qui reçoit l’eau de la mer ; il fit aussi construire plusieurs autres morceaux de fortifications, entre autres le bastion qui flanque les deux côtés de la ville, vis-à-vis des montagnes et du couvent de S. François. - Goury De Champgrand in Histoire de l'isle de Corse - 1749, p. 35 ». Ajaccio fut occupée par les Français jusqu'en 1559.
97
+
98
+ En 1731, les rebelles étaient quasi maîtres de toute l'île. Les Génois ne pouvant maîtriser la rébellion, des troupes impériales, 4 000 hommes sous les ordres du baron de Wachtendonk, sont envoyées en Corse. Il ne restait plus aux Génois que Bastia, Calvi & Ajaccio. Peu après, 2 000 hommes sous les ordres du Prince Louis de Wurtemberg sont envoyés en renfort. Durant deux années, les Allemands ruinèrent l'île sans pouvoir obtenir des habitants leur soumission aux Génois.
99
+ Le 5 juin 1733, la Corse paraissant entièrement pacifiée, les troupes impériales évacuèrent l'île.
100
+ Début 1734, le feu se ralluma plus fortement que jamais et embrasa toute l'île.
101
+
102
+ Le 10 novembre 1737 à Fontainebleau, une convention est signée entre la France et Gênes pour l'envoi de troupes en Corse.
103
+ En 1739, de nombreux habitants venus à l'obéissance, rendent une grande quantité d'armes entre les mains du commandant de la frégate « la Flore » qui était dans le golfe d'Ajaccio, ou à des officiers particuliers que Maillebois avait envoyés dans cette place un mois auparavant[24].
104
+
105
+ En même temps, pendant les mois de juillet et d'août, de grands travaux sont effectués pour faciliter la communication entre Corte et Ajaccio, « ces deux parties de l'île étant séparées par des montagnes affreuses & presque impraticables, pour traverser ce que l'on appelle le Foci di Bogognano qui est un chemin de quatre lieues environ, où l’on ne pouvait pénétrer qu'au travers de grands bois et des montagnes couvertes de neige la plus grande partie de l'année. - Jean F. De Champgrand in Histoire de l'isle de Corse - 1749, p. 97. »
106
+
107
+ Dans son ouvrage, l'historien contemporain Goury De Champgrand qui dit avoir demeuré deux ans à Ajaccio, écrit : « la ville est très petite, & qu’outre trois bataillons français qui y étaient en garnison avec environ 600 Génois & près de 900 Grecs, hommes, femmes & enfants, il y avait plusieurs familles des villages circonvoisins qui s'y étaient réfugiées après la ruine de leurs maisons pendant la rébellion, ce qui faisait que les trois quarts de la ville gens pauvres & misérables, étaient les uns sur les autres ; j’ai vu dans ces temps-là en plusieurs endroits différents cinq & six ménages dans une même chambre avec tous leurs enfants. »
108
+
109
+ La Corse passa définitivement à la France en 1769 : après avoir vaincu l'armée royale à Borgo en octobre 1768, les patriotes de Pascal Paoli sont écrasés en mai 1769 à Ponte-Novu.
110
+
111
+ La ville fut imaginée par Napoléon Ier, qui en était originaire, le chef-lieu de l'unique département de l'île au détriment de Bastia. C'est au cours des XIXe et XXe siècles qu'Ajaccio rattrapa son retard sur cette dernière et devint la ville la plus peuplée de l'île.
112
+
113
+ Au XIXe siècle, Ajaccio est une station d'hivernage très prisée de la haute société de l'époque, particulièrement anglaise, à l'instar de Monaco, Cannes, Nice. Une église anglicane fut même bâtie.
114
+
115
+ Le premier bagne pour enfants de France fut construit à Ajaccio en 1855 : la colonie horticole de Saint Antoine. C'était une colonie correctionnelle pour jeunes délinquants, (de 8 à 20 ans) établie en vertu de l'article 10 de la loi du 5 août 1850. Près de 1200 enfants venus de toute la France y séjournèrent jusqu'en 1866, date de sa fermeture. Cent soixante d'entre eux y périrent, victimes des conditions sanitaires déplorables et de la malaria qui infestait les zones insalubres, qu'ils étaient chargés d'assainir[25],[26].
116
+
117
+ En 1862, Ajaccio cède une partie de son territoire, conjointement avec Alata, pour former la nouvelle commune de Villanova[27].
118
+
119
+ Le 9 septembre 1943, Ajaccio se soulève massivement contre l'occupant nazi[28] et devient ainsi la première ville française libérée de la domination allemande. Le général de Gaulle se rend à Ajaccio le 8 octobre 1943, et déclare : "Nous devons sur le champ tirer la leçon de la page d'histoire que vient d'écrire la Corse française. La Corse a la fortune et l'honneur d'être le premier morceau libéré de la France ; ce qu'elle a fait éclater de ses sentiments et de sa volonté, à la lumière de sa libération, démontre que ce sont les sentiments et la volonté de la Nation tout entière".
120
+
121
+ Durant toute cette période, aucun juif n'a été exécuté ni déporté en Corse grâce à la protection accordée par ses habitants et son administration[29],[30]. Cette particularité permet aujourd'hui à la Corse de prétendre à devenir juste parmi les nations, titre qu'aucune région n'a encore eu (en France, la seule collectivité territoriale à avoir obtenu ce titre est la commune altoligérienne du Chambon-sur-Lignon). Le dossier est en 2010 en cours d'étude[31].
122
+
123
+ Depuis le milieu du XXe siècle, Ajaccio a connu un développement important. La cité impériale a connu un accroissement démographique et un étalement urbain considérable. Aujourd'hui chef-lieu de la Corse et principale agglomération de l'île, elle cherche à s'affirmer comme une véritable métropole régionale[32].
124
+
125
+ Ajaccio a été successivement :
126
+
127
+ La cité impériale resta (avec quelques interruptions) un bastion électoral bonapartiste (CCB) jusqu'aux élections municipales de 2001. La municipalité sortante fut alors battue par une coalition de gauche dirigée par Simon Renucci, rassemblant sociaux-démocrates, communistes ainsi que Charles Bonaparte, prétendant au trône impérial. La droite retrouve le pouvoir avec la victoire de Laurent Marcangeli aux élections municipales de 2014.
128
+
129
+ En 2018, le budget de la commune était constitué ainsi[33] :
130
+
131
+ Avec les taux de fiscalité suivants :
132
+
133
+ Chiffres clés Revenus et pauvreté des ménages en 2016 : médiane en 2016 du revenu disponible, par unité de consommation : 20 412 €[34].
134
+
135
+ Ajaccio fait partie depuis décembre 2001 de la communauté d'agglomération du Pays ajaccien (CAPA) avec neuf autres communes (Afa, Alata, Appietto, Cuttoli Corticchiato, Peri, Sarrola Carcopino, Tavaco, Valle di Mezzana et Villanova).
136
+
137
+ La communauté d'agglomération du Pays ajaccien est née d’une volonté politique forte formalisée autour d’orientations stratégiques claires et précises ;
138
+
139
+ Renforcer l’identité commune entre mer et montagne,
140
+ libérer les forces vives du territoire pour s’engager dans les voies de la modernité,
141
+ maintenir et développer les solidarités territoriales et sociales pour venir en aide aux plus fragiles,
142
+ célébrer les atouts et le potentiel d’un pays riche d’histoire et de culture, pour renforcer sa notoriété spontanée,
143
+ écrire le présent sans oublier notre passé et en pensant toujours à rendre meilleur et possible le futur des générations à venir,
144
+ Les lois fondatrices de l’intercommunalité à fiscalité propre :
145
+
146
+ Créée par la loi du 12 juillet 1999 sur le renforcement de l’intercommunalité dite loi Chevènement, la communauté d’agglomération est un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, c’est-à-dire qu’il prélève un impôt. La communauté d’agglomération a pour objectifs d’associer les communes au sein d’un espace de solidarité pour développer les aires urbaines et de développer la solidarité financière par la mise en commun des produits de la taxe professionnelle prélevée auprès des entreprises. L’action de la communauté d’agglomération s’inscrit également dans les directives de deux autres textes fondateurs de l’aménagement du territoire ; la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain dite loi Gayssot du 13/12/2000 et la loi d’orientation et d’aménagement durable du territoire dite loi Voynet du 25/06/1999.
147
+
148
+ De juin à décembre 2001, le marathon de la concertation.
149
+
150
+ Les élus municipaux du Pays Ajaccien ont engagé un véritable marathon politique. En moins de sept mois, plus de 30 réunions sont organisées avec la participation notamment des cabinets Klopfer et Durand.
151
+ Ces mois de débats, d’échanges d’idées, de collecte d’information, d’élaboration de synthèse, renforcent la conviction des élus et leur volonté de construire un niveau d’administration politique du territoire capable avec les autres collectivités dont les communes, le Département et la Région de construire l’avenir du territoire avec la « qualité de vie » comme ligne directrice.
152
+ 15 décembre 2001, l’arrêté de création du préfet
153
+ La communauté d'agglomération du Pays ajaccien (CAPA) constituée par un arrêté du préfet en se compose des dix communes suivantes : Afa, Ajaccio, Alata, Appietto, Cuttoli Corticchiato, Peri, Sarrola Carcopino, Tavaco, Valle di Mezzana et Villanova.
154
+ Elle compte 65 000 habitants (INSEE 99) soit 54,8 % de la population du département de la Corse du Sud.
155
+ 27 mai 2004, la mise en place du conseil de développement
156
+ Le Conseil de développement, constitué de 38 membres de la société civile, se met en place pour participer à la définition et aux choix des grandes orientations de la politique communautaire.
157
+
158
+ 18 novembre 2004 le projet de territoire
159
+ Fruit d’une réflexion collective, le projet de Territoire, présenté en séance publique, est adopté à l’unanimité par le Conseil communautaire.
160
+
161
+ 13 janvier 2005 le contrat d’agglomération:
162
+ La signature du premier contrat d’agglomération 2005-2006 avec l’État et la Région permet à la communauté de s’inscrire dans une phase opérationnelle et concrète, pour permettre d’améliorer de façon continue la qualité du service public rendu à l’usager par la réalisation d’équipements structurants et la mise en œuvre de services à la population.
163
+
164
+ Ajaccio est le chef-lieu de sept cantons :
165
+
166
+ Ajaccio est une ville relativement calme du point de vue de la petite délinquance, se classant en 2007 au 21e rang des agglomérations supérieures à 20 000 habitants les plus sûres, même si la ville possède un certain nombre de quartiers défavorisés[35].
167
+
168
+ Le canal de la Gravona était chargé d'acheminer l'eau destinée à l’adduction d'eau potable de la ville. Le canal mal entretenu sert maintenant pour l'irrigation. La ville est désormais alimentée principalement par le bassin de compensation d'Ocana dont l'eau est issue du barrage de Tolla.
169
+
170
+ La ville est, avec Bastia, le centre économique, commercial et administratif de la Corse. Son aire urbaine de près de 105 000 habitants s'étend sur une part importante de la Corse-du-Sud, de part et d'autre du golfe d'Ajaccio et remontant la vallée de la Gravona. Son activité est avant tout orientée vers le tertiaire et les services.
171
+
172
+ Le secteur tertiaire représente de loin le principal pourvoyeur d'emplois de la ville. Ajaccio est un centre administratif, regroupant les services communaux, intercommunaux, départementaux, régionaux et préfectoraux.
173
+
174
+ C'est aussi un centre commercial, avec les rues commerçantes du centre-ville, le marché central d'Ajaccio, sur la place Foch, à côté de la mairie, la Halle aux poissons est situé dans le bâtiment de l'office du tourisme, derrière la mairie, et le Marché de la place Abbatucci, sont ouverts tous les matins sauf le lundi et proposent des produits frais et spécialités régionales, attirant à la fois les habitants et les touristes. un marché forain est également ouvert le week-end et un marché au puce tous les dimanches.
175
+
176
+ Les zones d'activités périphériques, dont celle de Mezzavia (hypermarché Géant Casino), le long de la rocade (hypermarchés Carrefour et E.Leclerc), ainsi que le centre commercial Atrium sur la commune voisine de Sarrola-Carcopino (hypermarché Auchan).
177
+
178
+ Le tourisme constitue un des aspects importants de l'économie ; il repose sur le tourisme balnéaire estival, le tourisme culturel, ainsi que sur la pêche. Ajaccio compte environ vingt kilomètres de littoral et de nombreuses plages sauvages ou aménagées dont certaines en plein centre ville. Nombre d'hôtels, aux caractéristiques diverses, maillent le territoire communal.
179
+
180
+ Le palais des congrès d'Ajaccio a vocation à développer le tourisme d'affaires[32].
181
+
182
+ Ajaccio est le siège de la Chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio et de la Corse-du-Sud. Elle gère le port de commerce d’Ajaccio, le port de commerce de Bonifacio, le port de commerce de Porto-Vecchio, le port de commerce de Propriano et le port de plaisance Tino Rossi. Elle gère aussi l'aéroport d'Ajaccio Napoléon Bonaparte[42], et l’aéroport de Figari-Sud-Corse ainsi que le palais des congrès et le Centre du Ricanto.
183
+
184
+ Le secteur secondaire est encore peu développé, mis à part l'aéronautique (Corse Composites Aéronautiques CCA), plus grosse entreprise de l'île avec 135 employés répartis sur deux sites[43]. Les sites de stockage GDF et d'Antargaz, dans le quartier du Vazzio, sont classés à risque Seveso.
185
+
186
+ La centrale EDF du Vazzio, avec des moteurs diesel au fioul lourd entraînant des alternateurs, fournit le sud de l'île en électricité.
187
+
188
+ Le développement démographique d'Ajaccio a connu une certaine hausse à partir des années 1950. Cela s'explique par l'exode rural et l'installation d'immigrés notamment d'origine pied-noir, sarde, italienne, maghrébine, portugaise et française du continent.
189
+
190
+ L'évolution du nombre d'habitants est connue à travers les recensements de la population effectués dans la commune depuis 1615. À partir de 2006, les populations légales des communes sont publiées annuellement par l'Insee. Le recensement repose désormais sur une collecte d'information annuelle, concernant successivement tous les territoires communaux au cours d'une période de cinq ans. Pour les communes de plus de 10 000 habitants les recensements ont lieu chaque année à la suite d'une enquête par sondage auprès d'un échantillon d'adresses représentant 8 % de leurs logements, contrairement aux autres communes qui ont un recensement réel tous les cinq ans[44],[Note 2].
191
+
192
+ En 2017, la commune comptait 70 659 habitants[Note 3], en augmentation de 6,66 % par rapport à 2012 (France hors Mayotte : +2,36 %).
193
+
194
+ Ajaccio est le siège de l'Académie de Corse.
195
+
196
+ La ville d'Ajaccio compte[47]:
197
+
198
+ L'enseignement supérieur est encore peu développé mis à part les BTS et l'IFSI, l'université de Corse se situant à Corte. Un établissement de recherche de l'INRA est également implanté sur Ajaccio[48].
199
+
200
+ Ajaccio possède 3 sites hospitaliers :
201
+
202
+ Afin de répondre aux besoins de développement de l'offre hospitalière, actuellement enserrée dans des locaux devenus inadaptés, il est prévu de construire un nouvel hôpital regroupant les différents services actuels sur le site de Stiletto à l'est de la ville.
203
+
204
+ Ajaccio est pour la première fois une étape du célèbre Tour de France de l'édition 2013. C'est chaque année le lieu de départ ou d'arrivée du Tour de Corse automobile.
205
+
206
+ Les infrastructures sportives, assez diverses, sont bien développées sur l'ensemble de la ville. Ainsi, Ajaccio est une cité pluridisciplinaire en matière sportive. Football, volley, handball : dans toutes ces disciplines, les clubs de la ville évoluent ou ont évolué au plus haut niveau national.
207
+
208
+ Unités ayant été stationnées à Ajaccio :
209
+
210
+ Ajaccio dispose d'un potentiel touristique varié, possédant aussi bien un cadre culturel dans le centre de la ville qu'un patrimoine naturel à travers la mer Méditerranée, ses criques et ses plages, ainsi que la réserve Natura 2000 que constituent les îles Sanguinaires.
211
+
212
+ La citadelle du XVIe siècle est l'œuvre du maréchal de Thermes et de son successeur, Giordano Orsini. Elle fut édifiée pour l'essentiel de 1554 à 1559. Les fortifications avec fossés, fermées au public, sont inscrites au titre des Monuments historiques[58].
213
+
214
+ « La citadelle jolie, régulière, fut élevée par le maréchal de Thermes, conquérant plus heureux qu'illustre, chevalier bien effacé par ses deux barbares lieutenan[t]s le montagnard corse Sampiero et le corsaire Dragut, amiral de Soliman alors allié de la France. L'inscription trouvée dans une ancienne maison voisine de la citadelle porte : Henri II, par la grâce de Dieu roi de France et seigneur de l'île de Corse, l'an de grâce 1554. »
215
+
216
+ — Antoine Claude Valery in Voyages en Corse, à l'île d'Elbe et en Sardaigne, 1837 - p. 167.
217
+
218
+ De nombreux monuments sont consacrés à Napoléon:
219
+
220
+ Autres monuments commémoratifs :
221
+
222
+ Patrimoine religieux :
223
+
224
+ Patrimoine civil :
225
+
226
+ Maison de naissance de Napoléon Bonaparte
227
+
228
+ Napoléon sur son cheval- Place Charles de Gaulle
229
+
230
+ Vue d'un rempart de la citadelle
231
+
232
+ Cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption
233
+
234
+ Église Saint-Roch, sur le cours Napoléon
235
+
236
+ La plage Saint-François au sud / ouest de la ville
237
+
238
+ Le Golfe d'Ajaccio vue de La Parata.
239
+
240
+ Les îles Sanguinaires et la Parata vues depuis le sentier des crêtes.
241
+
242
+ Rocher à la tête de mort.
243
+
244
+ Le génois a été la langue des premiers ajacciens de 1492, ce n'est que cent ans plus tard que des familles de toute la Gravona, Prunelli, Cinarca et Ornano se sont installés à Ajaccio et ont contribué au changement du parler local.
245
+
246
+ Films tournés à Ajaccio :
247
+
248
+ Le blason d'Ajaccio se blasonne ainsi : D'azur à une colonne sommée d'une couronne d'argent, accostée et supportée par deux lions affrontés d'or, le tout posé sur une terrasse de sinople.
249
+
250
+
251
+
252
+ En 1575, le Sénat de Gênes avait concédé à la cité d'Ajaccio des armoiries « d'azur » à la colonne d'argent surmontée des armes de Gênes, accostée de deux lévriers blancs.
253
+
254
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/990.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,263 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ Charles VII, dit « le Victorieux » ou « le Bien Servi », né à l'hôtel Saint-Pol à Paris le 22 février 1403 et mort au château de Mehun-sur-Yèvre, résidence royale située à Mehun-sur-Yèvre, entre Bourges et Vierzon, le 22 juillet 1461, est roi de France de 1422 à 1461. Il est le cinquième roi de la branche dite de Valois de la dynastie capétienne.
4
+
5
+ Charles VII est le fils de Charles VI et d'Isabeau de Bavière. Roi indissociable de l'épopée de Jeanne d'Arc, il réussit, au cours d'un long règne de près de quarante ans, presque aussi long que celui de son père et prédécesseur sur le trône (1380-1422), à renverser une situation compromise.
6
+
7
+ En 1418, le dauphin Charles échappe à la capture lors de la prise du pouvoir par les Bourguignons à Paris. Il se réfugie à Bourges où il se proclame lui-même régent du royaume de France, eu égard à l'indisponibilité de son père atteint de folie, resté à Paris et tombé au pouvoir de Jean sans Peur, duc de Bourgogne[1].
8
+
9
+ Le traité de Troyes (1420) déshérite le dauphin du royaume de France au profit de la dynastie anglaise des Lancastre, rameau cadet des Plantagenêts. Le dauphin Charles de Ponthieu, seul héritier légitime du trône, réfute ce traité et se proclame roi de France sous le nom de Charles VII le 30 octobre 1422, en la Cathédrale de Bourges, après la mort de son père, le roi Charles VI, survenue le 21 octobre 1422.
10
+
11
+ Contesté par les Bourguignons et par les Anglais, Charles VII devient le souverain d'un royaume en proie à la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons, compliquée d'une intervention militaire anglaise victorieuse depuis la bataille d'Azincourt (1415). Allié au parti des Armagnacs, replié au sud de la Loire dans son duché de Berry, surnommé par dérision « roi de Bourges », par ses ennemis, le dauphin Charles de Ponthieu, proclamé roi Charles VII de France, voit sa légitimité et sa situation militaire s'arranger nettement grâce à l'intervention de Jeanne d'Arc. Celle-ci participe à la levée du siège d'Orléans et conduit Charles VII à la cérémonie du sacre à Reims.
12
+
13
+ Le souverain se fait sacrer à Reims le 17 juillet 1429, ce qui renforce sa légitimité. Il poursuit le combat contre les Bourguignons, alliés des Anglais, tout en ratifiant des trêves successives avec le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, avant de conclure avec lui le traité d'Arras de 1435, qui met fin à la guerre civile engagée depuis l'année 1407 entre Armagnacs et Bourguignons. L'armée royale est réorganisée par la création des compagnies d'ordonnance le 26 mai 1445. Charles VII peut ainsi se consacrer à la guerre contre les Anglais, achevant à terme de les chasser du royaume par la victoire finale de Castillon, en 1453, qui clôt la guerre de Cent Ans.
14
+
15
+ Charles VII s'emploie à restaurer l'autorité royale en s'affirmant comme le gardien des droits de l'Église de France par la Pragmatique Sanction de Bourges en 1438, et en brisant la révolte des grands féodaux lors de la Praguerie de 1440. Il tente également de rétablir l'économie grâce à l'aide de son Grand Argentier Jacques Cœur.
16
+
17
+ Souvent critiqué par la postérité pour avoir censément ralenti la reconquête du royaume, relancée notamment par Jeanne d'Arc, et pour avoir abandonné celle-ci à son sort, le roi cautionne néanmoins en 1456 le procès en nullité de la condamnation de la Pucelle, qui la lave solennellement de toute accusation d'hérésie.
18
+
19
+ Charles est né le 22 février 1403 en la résidence royale de l'Hôtel Saint-Pol à Paris. Il est le onzième et avant-dernier enfant de Charles VI et d'Isabeau de Bavière. Il est le troisième à porter le prénom de Charles (les deux Charles précédents étant morts, l'un au berceau, l'autre à l'âge de neuf ans).
20
+
21
+ Il reçoit le titre de comte de Ponthieu dans sa première année et, en tant que cadet de famille, précédé de deux frères aînés , les princes Louis de Guyenne, né en 1397 et Jean de Touraine, né en 1398, il ne peut prétendre à la succession royale française : son seul avenir plausible serait de recevoir un apanage pour lequel il rendrait hommage au roi de France.
22
+
23
+ Il est né dans un pays en pleine tourmente: à la Guerre de Cent ans (1337-1453) fomentée par la dynastie anglaise de Plantagenêt, qui revendique l'accession au trône de France, vient s'ajouter en 1407, la Guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons (1407-1435) [2].
24
+
25
+ Le jeune Charles de Ponthieu, âgé de 10 ans, interfère très tôt, bien malgré lui, avec les querelles entre les maisons d’Anjou et de Bourgogne.
26
+
27
+ Le 20 novembre 1413, le duc Louis II d'Anjou, cousin du roi Charles VI et roi titulaire de Naples, qui avait conclu une future alliance avec la maison de Bourgogne, annule le projet de mariage entre son fils Louis, futur Louis III d'Anjou et Catherine de Bourgogne, fille du duc Jean sans Peur. Cette rupture intervient en raison de sa fidélité à la dynastie de Valois, du fait de son désaccord avec la politique de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, qui intrigue pour prendre le pouvoir au royaume de France, après avoir fait assassiner le 23 novembre 1407 Louis Ier d'Orléans, frère du roi Charles VI[3].
28
+
29
+ Un mois plus tard, le 18 décembre 1413, le duc d'Anjou renforce son alliance avec la dynastie de Valois, en donnant en fiançailles, sa fille Marie d'Anjou à Charles de Ponthieu, au Louvre : les enfants n'ont respectivement que neuf et dix ans[4]..
30
+
31
+ La mère de Marie, Yolande d'Aragon, duchesse d'Anjou, ne souhaite pas, depuis la sanglante révolte des Cabochiens survenue au printemps 1413 à Paris, laisser les jeunes fiancés dans la capitale, les hôtes royaux de l'hôtel Saint-Pol étant notamment menacés par les Bourguignons. Elle réussit à emmener sa fille et son futur gendre en Anjou le 5 février 1414, puis Charles rallie Tours d'octobre à décembre 1414[5]. Vers la mi-janvier 1415, sa future belle-famille emmène Charles en Provence[6], au château de Tarascon. Il revient en Anjou à la fin de l'année. Ainsi le prince peut-il passer, avec sa fiancée, quelques heureuses et paisibles années jusqu'en 1416.
32
+
33
+ Pendant son séjour en Anjou et en Provence, le jeune prince a reçu les leçons des meilleurs éducateurs : il sera aussi cultivé que son ancêtre, le roi Charles V.
34
+
35
+ Son frère aîné, le dauphin Louis, duc de Guyenne (1397-1415), gendre de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, commence à gérer le royaume à l'âge de 16 ans, au début de l'année 1413, sous l'influence de sa mère Isabeau de Bavière et de son beau-père Jean sans Peur. Ce dernier demande la réunion des états généraux, qui se tiennent le 30 janvier 1413 à l'Hôtel Saint-Pol de Paris, sous la présidence du roi Charles VI, où des remontrances sont prononcées sur l'inefficacité et la corruption du gouvernement de la régence[7] : il en ressort que le remède aux problèmes du royaume pourrait être apporté par le duc de Guyenne et son beau-père, le duc de Bourgogne, acharné à s'emparer du pouvoir.
36
+
37
+ Mais la lutte du boucher Simon Caboche contre les Armagnacs, fomentée par Jean sans Peur, à partir du 30 janvier 1413, se poursuit par la Révolte des Cabochiens du mois d'août 1413 ; Jean sans Peur tente de contrôler cette insurrection, cependant que le duc de Guyenne, opposé à son beau-père, participe, de son côté, à la réduction des émeutiers à l'aide des Armagnacs. Jean sans peur, accompagné de Caboche, s'enfuit de la capitale le 22 août 1413. L'année suivante, les Armagnacs mènent une campagne contre le duc de Bourgogne, qui se termine par le siège d'Arras (1414), victorieusement remporté par les armées du roi Charles VI contre les Bourguignons. La paix d'Arras est ratifiée le 4 septembre 1414 entre Charles VI et Jean sans Peur, qui se pardonnent mutuellement.
38
+
39
+ Le 26 avril 1415, le dauphin Louis de Guyenne est nommé par son père, le roi Charles VI, lieutenant et capitaine général sur toutes les frontières du royaume. Après la bataille d'Azincourt, où les Français subirent une lourde défaite, face aux Anglais, le jeune Charles de Ponthieu, âgé de 12 ans, est nommé garde et capitaine du château du bois de Vincennes le 1er novembre 1415 par le roi et par le duc de Guyenne.
40
+
41
+ La bataille d'Azincourt provoque un changement de rapport de force ; un rapprochement devient possible avec le duc de Bourgogne, au Conseil du 5 décembre 1415 où siègent le duc Louis II d'Anjou , président du conseil de régence et le dauphin Louis de Guyenne.
42
+
43
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
44
+
45
+ À l'initiative de Yolande d'Aragon, Charles de Ponthieu était rentré à Paris au début de l'année 1416, pour assister au Conseil de Régence présidé par son futur beau-père le duc Louis II d'Anjou[n 1]. À l'hôtel Saint-Pol, il est placé sous la tutelle de son père Charles VI, dont l'état de démence s'est aggravé.
46
+
47
+ Le dauphin Louis, duc de Guyenne était mort prématurément le 18 décembre 1415 d'un mal mystérieux, à l'âge de 18 ans. Il a été remplacé par son frère Jean, duc de Touraine, qui a pris les titres de duc de Berry et de comte de Poitiers à la mort de son oncle, le duc Jean de Berry, décédé sans postérité le 17 juin 1416.
48
+
49
+ Or le nouveau dauphin, Jean de Touraine , qui succède à feu son frère, le duc de Guyenne, vit à la cour de Hainaut chez son beau-père le comte Guillaume IV de Hainaut[7]. Il fait l'objet des assiduités du duc de Bourgogne, Jean sans Peur, qui tente par tous les moyens de se rapprocher du Conseil de régence à Paris.
50
+
51
+ Le dauphin Jean de Touraine se dirige vers Paris, accompagné par le comte Guillaume de Hainaut. Il séjourne seul à Compiègne, en attendant que son beau-père négocie les modalités de son arrivée à Paris. Ce dernier entre donc à Paris et demande que la ville accueille son gendre , accompagné par le duc de Bourgogne, Jean sans Peur. Faute de quoi, le duc Guillaume de Hainaut déclare qu'il a l'intention de retourner en Hainaut avec son protégé.
52
+
53
+ En revenant à Compiègne, le comte Guillaume de Hainaut retrouve le dauphin Jean de Touraine gravement malade. Ce dernier succombe prématurément le 5 avril 1417 d'un mal mystérieux, à l'âge de 19 ans[9]. Cette disparition fait de Charles de Ponthieu le nouveau dauphin, et le dernier espoir de la dynastie de Valois. Il hérite le titre de duc de Berry de son frère défunt.
54
+
55
+ Charles, comte de Ponthieu, dernier héritier vivant de la couronne de France, devient dauphin de France, sous la dénomination traditionnelle de dauphin de Viennois, à l'âge de 14 ans, à partir du 5 avril 1417[n 2]. Dès le décès de son futur beau-père, le duc d'Anjou, survenu le 29 avril 1417, Charles de Ponthieu le remplace à la présidence du conseil de régence. Or, sa mère, Isabeau de Bavière, prétend assumer seule la direction de la régence, sous l'influence du duc de Bourgogne, Jean sans Peur. Pour s'en débarrasser, son fils Charles l'envoie sous bonne garde à Tours, en résidence surveillée par les Armagnacs : elle ne pardonnera jamais au dauphin cette mésaventure.
56
+
57
+ Le dauphin prend part à la régence du royaume avec ses conseillers Armagnacs. Il est fait duc de Touraine, duc de Berry et comte de Poitiers (sous le nom de Charles II de Poitiers). En mai 1417, il est nommé lieutenant-général du royaume, chargé de suppléer son père en cas d'empêchement. Il bénéficie de la garde rapprochée de quelques officiers de la couronne affiliés au parti d'Armagnac.
58
+
59
+ Cependant, le duc de Bourgogne, Jean sans Peur, dévoré d'ambition, vient de libérer la reine Isabeau de sa prison tourangelle. Il l'installe à Troyes le 23 décembre 1417, après l'avoir ralliée à sa cause contre le dauphin[n 3]. Il publie un manifeste pour réclamer les pleins pouvoirs, eu égard à la maladie du roi et à la jeunesse du dauphin.
60
+
61
+ Jean sans Peur décide de prendre le contrôle de la situation à Paris en enlevant le dauphin Charles et en éliminant les Armagnacs, afin d'assumer seul la régence du royaume.
62
+
63
+ En pleine guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons, Paris est envahi le 29 mai 1418 pendant la nuit par les gens du duc de Bourgogne menés par le bourreau Capeluche. Ils se dirigent vers l'hôtel Saint-Pol où réside le dauphin. L'héritier du trône de France, sous la protection d'officiers de la couronne, doit quitter précipitamment Paris. Il échappe ainsi à l'influence de Jean sans Peur, cependant que les envahisseurs bourguignons procèdent au massacre du chancelier de France, Henri de Marle, du connétable de France, le comte d'Armagnac et de leurs partisans Armagnacs[11].
64
+
65
+ Le dauphin, âgé de quinze ans, se réfugie à Bourges, capitale de son duché de Berry, pour y organiser la résistance contre les Bourguignons et les Anglais[n 4], entouré des fidèles officiers de la couronne affiliés au parti d'Armagnac, qui deviendront ses premiers conseillers, ce qui lui vaut, de la part des chroniqueurs bourguignons, le sobriquet péjoratif de « roi de Bourges », tandis que ses conseillers sont traités d'« aventuriers sans scrupules », « avides de pouvoir » et accusés de « cupidité ». Les mêmes chroniqueurs répandent le bruit que le jeune dauphin est totalement livré à l'influence de ses conseillers et qu'il manque singulièrement de caractère : le parcours de Charles VII prouvera au contraire sa conduite avisée[n 5].
66
+
67
+ Il apparaît comme l'héritier légitime du royaume de France dont il porte toujours le titre de lieutenant-général du royaume, conféré par son père, Charles VI. Il est allié des Armagnacs et hostile à la politique du duc de Bourgogne, Jean sans Peur, secrètement allié des Anglais. C'est dans cette ville de Bourges qu'il se proclame régent du royaume de France, au grand dam de Jean sans Peur. Ce dernier fait promulguer à Paris un édit par le roi Charles VI — toujours en état de démence — pour révoquer les pouvoirs du lieutenant-général et pour stigmatiser les « méfaits » de ses conseillers.
68
+
69
+ Le dauphin Charles établit le Parlement à Poitiers et la Cour des comptes à Bourges. Il prend les armes pour reconquérir son royaume. Entouré de grands féodaux et de chefs de guerre, il soumet plusieurs villes telles que Tours, Melun, Meaux, Compiègne et Montereau.
70
+
71
+ Les Bourguignons occupant les environs de Paris sont cernés par les Armagnacs. Jean sans Peur, soucieux de prendre le contrôle sur le dauphin réfugié à Bourges, va tenter une première action diplomatique en ratifiant avec la reine Isabeau de Bavière et le duc Jean V de Bretagne le 16 septembre 1418 le traité de Saint-Maur[n 6].
72
+
73
+ Par ce traité, concocté en dehors du roi Charles VI et du dauphin de France, Jean sans Peur et Isabeau de Bavière proposent d'accorder leur pardon aux Armagnacs pour tous les maux dont ils seraient coupables. Ils sont accusés, notamment, d'avoir empoisonné les deux premiers dauphins de France, Louis de Guyenne (mort en 1415) et Jean de Touraine (mort en 1417), et de détenir en otage à Bourges le dernier dauphin survivant, en la personne du dauphin Charles, dans l'intention de le livrer ultérieurement aux Anglais. En contrepartie, le dauphin et ses conseillers Armagnacs sont priés de se soumettre aux volontés de Jean sans Peur et d'Isabeau de Bavière en signant le traité de Saint-Maur et en renonçant à toute résistance.
74
+
75
+ Le duc Jean V de Bretagne, envoyé le 22 septembre 1418 en ambassade par Jean sans Peur, rencontre le dauphin à Saumur pour tenter de lui faire entériner ce traité[14]. Mais le dauphin n'est pas dupe des intentions de son cousin bourguignon et il n'entend pas désavouer ses conseillers Armagnacs. Assisté de Jean Louvet, président de Provence, et de ses conseillers, il n'accepte aucune capitulation : il refuse de le ratifier et le traité va rester caduc.
76
+
77
+ Cependant, Jean sans Peur est toujours soucieux de faire rapatrier le dauphin à Paris sous la tutelle de son père, pour mieux le contrôler, comme il l'avait déjà fait avec les deux dauphins précédents. En vain, car Charles est déjà en campagne pour recouvrer son royaume.
78
+
79
+ L'alliance entre les Bourguignons et les Anglais se délite devant les ambitions du roi Henri V d'Angleterre. Jean sans Peur décide alors de négocier directement avec le dauphin et avec ses conseillers un traité d'alliance contre les Anglais.
80
+
81
+ Une première rencontre a lieu le 8 juillet 1419 à Pouilly-le-Fort. Elle se solde par un traité provisoire signé le 11 juillet 1419, connu sous le nom de paix du Ponceau, qui devra être confirmé ultérieurement. Jean sans Peur, conscient de l'hostilité des Armagnacs à son encontre, a pris la précaution de faire co-signer et sceller le traité par les conseillers du dauphin, en leur faisant prêter serment sur les Saintes Écritures et sur de saintes reliques, en la présence de prélats bourguignons, sous peine d'être taxés de crime de lèse-majesté en cas de parjure.
82
+
83
+ Jean sans Peur prend l'engagement de rompre toutes ses relations avec les Anglais et de dégager les places qu'il occupe autour de Paris. Il est convenu qu'une deuxième rencontre doit être programmée afin de consolider cette alliance contre les Anglais. Étant précisé que Jean sans Peur a toujours en vue de faire revenir le dauphin à Paris, sous la tutelle royale, lorsque cet engagement sera respecté.
84
+
85
+ La seconde rencontre entre le dauphin de France et le duc de Bourgogne Jean sans Peur a lieu le 10 septembre 1419, à Montereau, résidence royale où s'est transporté le dauphin, entouré de sa garde[n 7]. On dresse un enclos au milieu du pont sur l'Yonne qui relie le château à la ville de Montereau : le dauphin et Jean sans Peur s'y retrouvent avec chacun 10 hommes armés, le gros de chaque troupe attendant sur l'une et l'autre rive. La discussion est orageuse : le dauphin reprocherait à son cousin de maintenir secrètement son alliance avec les Anglais et de ne pas avoir retiré ses garnisons, en dépit du traité provisoire de Pouilly. Ce dernier répliquerait qu'il avait fait ce qu'il avait à faire ! Les entourages sont nerveux et, alors que le ton monte, les hommes d'armes brandissent leur épée. Tanguy du Châtel, qui avait sauvé le jeune prince lors de l'entrée des Bourguignons à Paris en 1418, écarte le dauphin de la mêlée. Jean sans Peur est tué.
86
+
87
+ Les Bourguignons vont accuser le dauphin d'assassinat prémédité. Celui-ci s'en défendra[n 8] et devra affronter longtemps la vengeance du duc Philippe le Bon, fils de feu Jean sans Peur.
88
+
89
+ Dès la mort de son père, Philippe le Bon, prévenu par son ancien précepteur, Monseigneur de Thoisy, s'est allié avec les Anglais pour combattre le dauphin. Il cherche à se venger en s'associant avec le roi Henri V d'Angleterre et la reine Isabeau de Bavière pour éliminer le dauphin Charles de la succession du royaume de France[n 9].
90
+
91
+ Le 21 mai 1420, en pleine crise de folie, le roi de France Charles VI est représenté par Isabeau de Bavière. Elle confirme la destitution de son propre fils au profit du roi d'Angleterre et de ses héritiers légitimes, en signant avec le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, et Henri V d'Angleterre, le traité de Troyes.
92
+
93
+ Ce traité tripartite stipule que la couronne de France sera cédée à Henri V d'Angleterre, à la mort du roi Charles VI, à condition qu'il épouse une de ses filles. Le dimanche de la Trinité, en l'église Saint-Jean-du-Marché de Troyes, son mariage est donc célébré avec Catherine de Valois (la propre sœur du dauphin Charles), dont il aura un fils : le futur Henri VI sera couronné — encore enfant — roi de France et d'Angleterre après la mort de son père le roi Henri V d'Angleterre, et celle de son grand-père le roi de France Charles VI, en vertu du traité de Troyes[n 10].
94
+
95
+ Le dauphin Charles, en évoquant l'incapacité mentale de son père, refuse les termes du traité de Troyes qui devait, selon les protagonistes, abréger la guerre.
96
+
97
+ Soulignant les déprédations des gens de guerre, Alain Chartier, poète et historiographe du futur Charles VII, écrit dans Le Quadrilogue invectif : « Nous allons comme la nef sans gouvernail et comme le cheval sans frein »[16].
98
+
99
+ Bien que le traité de Troyes organise la future succession du roi Charles VI au profit du roi d'Angleterre, Henri V[n 11], ce scénario n'a pas lieu car Henri V meurt le 31 août 1422 au château de Vincennes, avant que Charles VI ne trépasse à l'hôtel Saint-Pol de Paris moins de deux mois plus tard, le 21 octobre 1422.
100
+
101
+ Il s'ensuit que le jeune Henri VI d'Angleterre, bébé de neuf mois, succède à son père comme roi d'Angleterre le 1er septembre 1422 et qu'il double la mise le 22 octobre 1422 en devenant également roi de France, sous la régence de son oncle paternel le duc de Bedford qui va gouverner à Paris[n 12].
102
+
103
+ Le dauphin se proclame roi de France sous le nom de Charles VII le 30 octobre 1422, mais il est alors dans l'impossibilité de respecter la tradition en se faisant sacrer en la Cathédrale de Reims, en présence des chevaliers de la Sainte Ampoule, car le pays est infesté par les troupes ennemies. Il siège pour la première fois en majesté, en compagnie de son épouse, Marie d'Anjou en la cathédrale Saint-Étienne de Bourges.
104
+
105
+ Le 17 avril 1423, une triple alliance est programmée , dans le cadre du Traité d'Amiens, contre le roi Charles VII, entre Jean de Lancastre, duc de Bedford, régent des royaumes d'Angleterre et de France, représentant son neveu Henri VI d'Angleterre (âgé d'un an),Philippe le Bon, duc de Bourgogne et Jean V, duc de Bretagne. Ce dernier parviendra toutefois à un compromis en 1425, en acceptant de rompre cette alliance au profit du roi Charles VII, par l'entremise de Yolande d'Aragon,duchesse d'Anjou.
106
+
107
+ Le roi Charles VII doit affronter les Anglais et les Bourguignons dans de durs combats pour recouvrer l'intégralité du royaume de France dont il est le légitime héritier.
108
+
109
+ De 1422 à 1425, Charles VII consolide ses positions. Il contrôle le Berry, la Touraine, le Poitou, l'Aunis, et la Saintonge, l'Auvergne et le Limousin, Lyon, le Dauphiné, le Languedoc, l'Agenais, le Rouergue et le Quercy. L'Anjou, le Maine, le Bourbonnais, l'Orléanais et le Vendômois sont également placés sous son contrôle.
110
+
111
+ Très affaibli sur le plan militaire consécutivement à la défaite des troupes royales à Verneuil le 17 août 1424, Charles VII recherche de nouveaux appuis politiques. Il se tourne donc vers sa belle-mère, Yolande d'Aragon, dirigeante de la maison d'Anjou et reine de Sicile, qui l'incite depuis 1423 à une alliance avec le duc Jean V de Bretagne. Soucieuse des bons rapports entre les duchés voisins d'Anjou et de Bretagne, la reine de Sicile pousse son beau-fils à privilégier et à entériner ses propres intérêts diplomatiques[19],[20],[21].
112
+
113
+ La politique prônée par les maisons alliées d'Anjou et de Bretagne revendique le retour à une concorde idéale entre les princes, l'entrée des grands feudataires au Conseil royal ainsi que la poursuite de la guerre contre les Anglais. En mars 1425, Charles VII accepte de remettre l'épée de connétable de France à Arthur de Richemont, frère cadet du duc Jean V de Bretagne[22]. En plaçant ainsi le prince breton à la tête de son armée, le roi consent au rapprochement de la couronne avec les duchés de Bourgogne et de Bretagne. En effet, Arthur de Richemont est non seulement le frère du duc de Bretagne, mais également l'époux de Marguerite, sœur du duc Philippe de Bourgogne. Partant, les liens familiaux de Richemont sont censés faciliter les démarches diplomatiques du roi de France auprès des ducs Philippe de Bourgogne et Jean de Bretagne, ses ennemis déclarés après le meurtre de Montereau en 1419 pour l'un et le complot des Penthièvre en 1420, pour l'autre.
114
+
115
+ Devant l'exigence des ducs de Bourgogne et de Bretagne, en gage de bonne volonté, Charles VII se résigne à écarter de son Conseil ses fidèles conseillers de la première heure, accusés d'implication dans la mort de Jean sans peur et du soutien de la Maison de Penthièvre. Parmi les conseillers forcés de quitter la cour royale, on compte Tanguy du Chastel, Béraud d'Auvergne, Hardouin de Maillé, Robert Le Maçon, ainsi que Jean Louvet, seigneur de Mérindol , ancien président de la chambre des comptes d'Aix-en-Provence[23] et Pierre Frotier, commandant de la garde royale et grand maître de l'écurie du roi.
116
+
117
+ Le médiéviste Olivier Bouzy note que la politique du connétable de Richemont se heurte à des relations difficiles avec le roi de France : « Il va sans dire que cette vision idyllique d'une grande aristocratie luttant réconciliée et sans arrière-pensée pour le salut du royaume était d'une grande naïveté : c'était le rêve du retour au bon temps du roi Saint Louis, que les Bourguignons vantaient depuis le temps de l'ordonnance cabochienne. Le duc de Bourgogne, qui avait d'autres objectifs politiques, fit capoter les rêves de Richemont (...)[23]. »: l'alliance avec le duché de Bretagne renforce les armes de France, nonobstant quelques atermoiements relevés de part et d'autre au fil des années. De 1425 à 1429, les troupes royales confrontées aux Anglais et aux Bourguignons, subissent des revers entrecoupés de quelques victoires… Le sort du royaume de France semble indécis.
118
+
119
+ En 1428, les troupes royales conquièrent Chinon afin de soustraire ce fief royal au contrôle du connétable Arthur de Richemont, alors brouillé avec Charles VII. L'année suivante, le château de Chinon héberge essentiellement les capitaines du souverain, tandis que la reine Marie d'Anjou et le dauphin Louis d'Anjou s'abritent au château de Loches[24]. L'image d'une cour royale s'adonnant aux festivités, au temps du siège d'Orléans, relève d'une idée reçue, façonnée ultérieurement d'après des chroniques dénonçant les voluptés d'un Charles VII bien plus mûr[25],[26].
120
+
121
+ Les Anglais reviennent en force et le 4 septembre 1428 envahissent le Gâtinais. Ils investissent Beaugency, Notre-Dame de Cléry et d'autres places : leur objectif est de prendre Orléans et ses ponts, ville-clef de la défense française, vrai verrou sur la Loire.
122
+
123
+ Le 1er octobre 1428, pour faire face au péril, Charles VII réunit les états généraux à Chinon, afin d'obtenir les ressources nécessaires pour résister à l'ennemi. Il obtient à la fois des subsides et des renforts qui serviront utilement à la défense de la ville d'Orléans.
124
+
125
+ Le duc de Bedford, régent des royaumes de France et d'Angleterre, met le siège devant Orléans, et veut poursuivre jusqu'à Bourges pour s'emparer du roi Charles VII. Mais celui-ci s'était d'ores et déjà réfugié à Chinon. C'est dans le château de Chinon que le 25 février 1429, une jeune fille vient le trouver et lui demande audience. Elle lui dit : « Gentil dauphin, je te dis de la part de Messire Dieu que tu es vrai héritier du trône de France. »
126
+
127
+ Cette jeune fille de seize ans lui affirme qu'elle a eu des visions qui lui ont intimé l'ordre de sauver Orléans et de le faire sacrer roi de France. Charles VII la fait examiner par des ecclésiastiques, qui se montrent convaincus de sa sincérité et de sa catholicité. Cette jeune fille, qui dit venir de Lorraine (en fait du Barrois) et s'appeler Jeanne d'Arc, pousse Charles à se faire sacrer roi et à lever son armée pour « bouter les Anglais hors de France. »
128
+
129
+ Commencé en juillet 1428, le siège d'Orléans se poursuit pendant près de dix mois, entrecoupé de revers et de succès. Les Français, aux ordres de Jean de Dunois et leurs alliés écossais, conduits par John Stuart de Darnley, se font tailler en pièces lors de la journée des Harengs, du 12 février 1429. Mais les forces fidèles à Charles VII réagissent et le siège d'Orléans s'achève le 8 mai 1429 par une éclatante victoire française. Les historiens considèrent que cette victoire est due à Jeanne d'Arc et à son compagnon d'armes Dunois.
130
+
131
+ Après une chevauchée en territoire contrôlé en partie par l'ennemi, Charles VII est sacré roi de France par monseigneur Regnault de Chartres, chancelier de France, dans la cathédrale Notre-Dame de Reims le 17 juillet 1429, en présence notamment de Jeanne d'Arc et — selon la tradition — des chevaliers de la Sainte Ampoule.
132
+
133
+ De son côté, Henri VI d'Angleterre est sacré, à son tour, roi de France à l'âge de neuf ans en la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 16 décembre 1431, par le cardinal de Winchester, entouré du duc de Bedford et de nombreux lords anglais[n 13].
134
+
135
+ Depuis la levée du siège d'Orléans, Jeanne d'Arc participe sans interruption à des combats victorieux contre les Anglais au cours du mois de juin 1429 :
136
+
137
+ Puis elle s'engage dans la marche triomphale de Charles VII jusqu'à Reims où il est sacré le 17 juillet 1429. Enfin, après une période de négociations et de trêves entre les Armagnacs et les Bourguignons, ces derniers rouvrent les hostilités. Le 10 mai 1430, Jean de Luxembourg entame le siège de Compiègne. Alertée par ses habitants, Jeanne d'Arc vient à leur secours à la tête de 400 lances. Mais, tombée dans une embuscade, elle devient prisonnière des Bourguignons. Elle est vendue aux Anglais, jugée à Rouen par le tribunal ecclésiastique présidé par l'évêque de Beauvais, Pierre Cauchon. Elle est condamnée à mort comme hérétique et relapse, et meurt brûlée vive à Rouen le 30 mai 1431, à l'âge de 19 ans.
138
+
139
+ Le roi Charles VII, après avoir libéré Rouen en 1449, fera ouvrir une enquête sur les circonstances de son procès et de son supplice. Il obtient pour celle qui l'avait si fidèlement servi une solennelle réhabilitation le 17 juillet 1456. Sa fête, devenue fête nationale française en 1920, est alors fixée au dimanche suivant le 8 mai, jour anniversaire de la délivrance d'Orléans.
140
+
141
+ Depuis le XVe siècle, les historiens ont cherché à définir le rôle exact de celle qui fut nommée sainte patronne de la France. Sur le plan militaire, elle n'est pas considérée comme chef de guerre, mais plutôt comme l'auxiliaire de la victoire, par ses encouragements et ses incitations à se battre résolument contre les Anglais et leurs alliés bourguignons. Sur le plan politique, elle sert admirablement les desseins du roi Charles VII, au moment où il était atteint de découragement devant les progrès de l'ennemi et la faiblesse de son camp : cette jeune fille religieusement inspirée, énergique et enthousiaste, entraîne le roi vers un total changement de cap. Elle est surtout à l'origine de sa légitimation définitive en le faisant sacrer à Reims. Enfin, elle incarne le symbole de la résistance du peuple de France contre l'occupant étranger.
142
+
143
+ Longtemps indécis, Charles VII va exploiter l'extraordinaire élan suscité par Jeanne d'Arc pour asseoir son autorité et lancer la reconquête des territoires perdus sur les Anglais. Néanmoins, il sait qu'il ne peut rien tant que la guerre civile avec la Bourgogne ne sera pas terminée. Il entame donc des négociations avec le duc de Bourgogne, Philippe le Bon. N'attendant plus rien des Anglais et désirant se consacrer au développement de ses provinces, Philippe le Bon accepte de traiter avec Charles VII[27]. Le 1er juillet 1435, sous la présidence des légats du pape et en présence de nombreux princes français et étrangers, le congrès de la paix entre Bourguignons et Armagnacs s'ouvre dans la ville d'Arras. Le roi Charles VII est représenté par le duc de Bourbon, le comte de Vendôme et le connétable de Richemont. De son côté, Philippe le Bon est accompagné de son fils, le futur duc de Bourgogne Charles le Téméraire et il est assisté du chancelier Rolin.
144
+
145
+ Le 21 septembre 1435, dans la liesse populaire, la paix d'Arras est proclamée en l'église Saint-Waast, mettant fin à la guerre civile déclenchée en 1407 entre les Armagnacs et les Bourguignons, à la suite de l'assassinat du duc Louis d'Orléans par les sbires du duc de Bourgogne, Jean sans Peur[n 14]. Charles VII reconnaît officiellement Philippe le Bon comme souverain de la Bourgogne et le dispense personnellement de lui rendre hommage. Il lui cède également les comtés de Mâcon et d'Auxerre et lui vend plusieurs villes de la Somme, dont Amiens, Abbeville, Saint-Quentin. Le tribut à payer est lourd, mais pour Charles VII, le principal est ailleurs : il a désormais les mains libres et pourra affronter sereinement les Anglais[27].
146
+
147
+ En 1438, le roi Charles VII, soucieux d'affirmer son autorité sur l'Église de France, décide de convoquer une assemblée composée d'évêques, de religieux et de théologiens, ainsi que des représentants du pape Eugène IV[n 15], en la Sainte-Chapelle de Bourges, afin de bien définir et de renforcer les pouvoirs du roi de France face aux prérogatives du souverain pontife. La Pragmatique Sanction de Bourges, promulguée le 7 juillet 1438, lui permet ainsi de s'imposer comme le chef naturel de l'Église de France. Il détient désormais le pouvoir de désigner les principaux représentants du clergé français dans les abbayes et les différents sièges épiscopaux français, avec l'approbation des conciles et celle du souverain pontife. En outre, il a un droit de regard et d'intervention sur les modalités de la redistribution des redevances religieuses vers le Saint-Siège. C'est le premier pas vers une institution bien française connue sous le nom de gallicanisme.
148
+
149
+ En 1439, les états généraux de langue d'oïl, réunis sous la présidence du roi Charles VII à Orléans, émettent le vœu qu'une réforme intervienne pour mettre fin aux désordres provoqués par les routiers et les écorcheurs. Ces supplétifs des troupes combattantes de l'armée royale, le plus souvent aux ordres des grands féodaux, se signalaient en effet par leurs nombreuses exactions. Entre deux combats, leurs groupes armés pillaient et rançonnaient la population, en échappant à tout contrôle des autorités constituées.
150
+
151
+ Par l'ordonnance d'Orléans, donnée le 2 novembre 1439 par le roi Charles VII, deux réformes sont décidées :
152
+
153
+ L'armée royale est tenue de respecter un règlement disciplinaire rigoureux.
154
+
155
+ L'ordonnance d'Orléans provoque la réaction des féodaux du royaume qui refusent toute atteinte de leurs prérogatives médiévales au profit du pouvoir royal centralisateur.
156
+
157
+ En 1440, les grands vassaux s'engagent dans une révolte armée contre le roi Charles VII. Cette conspiration est connue sous le nom de Praguerie, par allusion à la révolte des hussites à Prague au début du XVe siècle. Parmi les comploteurs se retrouvent Jean II, Jean IV d'Armagnac, Charles Ier de Bourbon et jusqu'au dauphin Louis, futur Louis XI, pressé de prendre le pouvoir en éliminant son père.
158
+
159
+ Les conjurés prennent les armes, mais ils essuient le refus des seigneurs restés fidèles au roi Charles VII. Après de nombreux combats, les troupes royales, dirigées en personne par le roi Charles VII, finissent par venir à bout des révoltés le 19 juillet 1440. Ces derniers demandent grâce et l'obtiennent de la part du roi. Son fils Louis est éloigné jusqu'en Dauphiné, dont il va assumer le gouvernement en tant que Dauphin du Viennois.
160
+
161
+ Profitant d'une accalmie dans la guerre de Cent Ans, le roi Charles VII crée, par l'ordonnance de 1445, les premières unités militaires permanentes à disposition du roi de France, appelées compagnies d'ordonnance.
162
+
163
+ Elles visent à la fois une plus grande efficacité au combat de l'armée royale, et une diminution des dégâts causés par l'armée en déplacement. Elles joueront un grand rôle dans la victoire de la France à la fin de la guerre de Cent Ans en 1453[28].
164
+
165
+ Le 31 juillet 1449, le conseil du roi approuve la décision de Charles VII d'ouvrir les hostilités afin de libérer définitivement cette province.
166
+
167
+ Trois corps d'armée dirigés par le comte de Saint-Pol, par Jean de Dunois et Pierre de Brézé et par le duc François Ier de Bretagne, investissent les places-fortes du Cotentin, de Basse et Haute-Normandie. Les troupes anglaises rendent les armes sous la pression des forces de l'intérieur et de l'armée royale.
168
+
169
+ Le 1er novembre 1449, la ville de Rouen est libérée. Le roi Charles VII préside en majesté le grand défilé de la Libération, dont il confie le commandement à Pierre Frotier, baron de Preuilly[n 16].
170
+
171
+ Après de nombreux combats auxquels le roi prend part directement, les troupes royales libèrent Caen le 6 juillet 1450 ; puis Cherbourg capitule le 12 août 1450 après un siège meurtrier.
172
+
173
+ La Normandie est ainsi conquise et libérée définitivement de la domination anglaise après un an de combat.
174
+
175
+ La libération de la Guyenne devait se révéler plus longue et plus difficile que celle de Normandie. En effet, les Bordelais considéraient les Anglais comme des amis et surtout des clients privilégiés dans le commerce du vin.
176
+
177
+ Le roi envoie en septembre 1450 un détachement sous les ordres de Jean de Blois-Bretagne, comte de Périgord. Les Français investissent Bergerac, Jonzac et plusieurs places fortes aux environs de Bordeaux.
178
+
179
+ En mai 1451, une armée forte de 20 000 hommes, aux ordres de Jean de Dunois, procède au siège de Bordeaux. La capitale de la Guyenne est prise le 24 juin 1451 et occupée par les royaux qui administrent la cité. Mais les Bordelais se révoltent et, le 22 octobre 1452, ouvrent les portes aux forces anglaises commandées par John Talbot. Les Français sont faits prisonniers et la ville est à nouveau occupée et défendue par les Anglais.
180
+
181
+ Ce n'est que le 2 juin 1453 que le roi parvient à envoyer des renforts, après avoir défendu les côtes normandes d'une nouvelle et menaçante invasion anglaise. Les armées françaises battent les troupes de Talbot le 17 juillet 1453 lors de la bataille de Castillon (où John Talbot trouve la mort) et reprennent le siège de Bordeaux, avec l'appui de l'artillerie des frères Bureau. Les assiégés résistent vaillamment, tous Bordelais et Anglais confondus, mais ils finissent par capituler le 5 octobre 1453 auprès de l'amiral de Bueil, comte de Sancerre.
182
+
183
+ Le roi Charles VII fait grâce aux rebelles bordelais pendant que les Anglais rembarquent définitivement le 19 octobre 1453. Cette année 1453 marque la fin de la guerre de Cent Ans et le triomphe de Charles VII, le Victorieux. Le roi Henri VI d'Angleterre sombre quant à lui dans la démence comme son grand-père maternel, le roi de France Charles VI.
184
+
185
+ Ainsi s'achève la reconquête de la France, à l'exception de Calais qui ne sera prise qu'en 1558. La prédiction de Jeanne d'Arc est réalisée : les Anglais sont définitivement « boutés hors de France ».
186
+
187
+ Les dernières années de Charles VII sont troublées par l'ambition de son fils, le futur Louis XI, qui s'était déjà manifesté dans le passé en participant activement à la Praguerie en 1440.
188
+
189
+ En 1451, Jacques Cœur, grand argentier du roi, est arrêté, sans doute à cause de ses créanciers et débiteurs jaloux de sa réussite personnelle. Il est banni en 1453.
190
+
191
+ Le 19 octobre 1453, les Anglais capitulent à Bordeaux : c'est la fin de la guerre de Cent Ans (même si le traité définitif date seulement de 1475). Charles VII recouvre la souveraineté de la Guyenne et de l'ensemble du royaume de France, à la seule exception de la ville de Calais qui restera aux mains des Anglais jusqu'en 1558.
192
+
193
+ Après un long règne de près de 40 ans, le roi Charles VII s'éteint dans son Château de Mehun-sur-Yèvre le 22 juillet 1461, à l'âge de 58 ans. Son fils aîné, le Dauphin Louis, lui succède immédiatement et devient le roi Louis XI, à 38 ans. Le 7 août 1461, le défunt roi est inhumé en la Basilique de Saint-Denis, au nord de Paris, aux côtés de tous ses prédécesseurs, et près de son père.
194
+
195
+ C'est en 1443, à l'âge de quarante ans, que Charles VII fait connaissance d'Agnès Sorel, demoiselle d'honneur d'Isabelle Ire de Lorraine, épouse du duc René d'Anjou. Elle fut admise à la cour royale et devint la favorite du roi. Elle lui donna trois filles, les princesses Marie de Valois, Charlotte de Valois et Jehanne de Valois, qui furent officiellement légitimées et mariées à de grands seigneurs de la cour.
196
+
197
+ Selon les historiographes de l'époque, Agnès Sorel rayonnait par sa grâce et sa beauté. Le peintre Jean Fouquet en a fait un célèbre portrait éloquent. Elle avait reçu en présent du roi le château de Beauté et elle fut surnommée la « dame de Beauté. »
198
+
199
+ Agnès Sorel est morte prématurément avant d'avoir atteint l'âge de trente ans, le 9 février 1450, peu de temps après avoir mis au monde une quatrième fille qui n'a pas survécu, au grand désespoir du roi. Le tombeau d'Agnès Sorel est érigé dans l'église abbatiale jouxtant le château de Loches. Un deuxième tombeau contenant une partie de ses cendres est érigé à l'abbaye de Jumièges.
200
+
201
+ Né vers 1395 à Bourges, Jacques Cœur est le fils de Pierre Cœur, riche marchand pelletier, fournisseur de la cour du duc Jean Ier de Berry. Jacques Cœur prend la suite de son père et devient en 1427 fournisseur attitré de la cour du roi Charles VII, qui a fait de Bourges sa capitale. Il s'engage dans le commerce international et dirige une flotte de 12 navires marchands. En 1435, il obtient la charge de maître de la monnaie de Bourges, puis de celle de Paris. Le 2 février 1439, il est nommé grand argentier de France, chargé de recevoir les redevances des trésoriers généraux au nom du roi. Il crée des impôts nouveaux ou les remet en vigueur : la taille, le fouage, les aides et la gabelle.
202
+
203
+ Toujours chargé de son commerce international, Jacques Cœur est anobli en 1441. Il est nommé conseiller du roi en 1442. Il devient son confident et reçoit de nombreuses missions diplomatiques. Il intervient aussi pour assainir les finances du royaume. Devenu richissime, Jacques Cœur est sollicité pour financer la bataille de Normandie contre les Anglais en 1447.
204
+
205
+ Il avait fait construire en 1443 un somptueux palais à Bourges, aujourd'hui connu sous le nom de palais Jacques-Cœur, qui dépassait en magnificence le palais royal de Bourges et celui des archevêques. Il suscita de nombreuses jalousies et fut la victime, notamment de ceux qui lui avaient emprunté de l'argent. Ils témoignèrent contre lui lorsqu'un procès pour concussion lui fut intenté en 1451. Condamné à la confiscation de ses biens et au bannissement en 1453, il s'évade du château de Poitiers et se réfugie à Rome. Le pape Calixte III lui confie en 1456 le commandement de l'expédition sur l'île génoise de Chios contre les Ottomans. Il meurt au cours de l'expédition le 25 novembre 1456.
206
+
207
+ Né en 1384, le comte Georges Ier de La Trémoille, après avoir servi les ducs de Bourgogne, rejoint les rangs du roi Charles VII à Bourges en 1422, tout en conservant des intelligences dans le camp des Bourguignons.
208
+
209
+ Il entre au conseil du roi et devient son confident. Il s'oppose au connétable de Richemont et trempe dans de nombreuses intrigues pour finalement subir une tentative d'attentat le 3 juin 1433 dont il ressort blessé et captif du connétable. En 1440, il complote avec les grands féodaux dans la conspiration de la Praguerie, mais défait, il se retire dans son château de Sully-sur-Loire où il meurt le 6 mai 1446.
210
+
211
+ Né en 1405, le chevalier Jean II de Chambes rentre comme écuyer au service du roi Charles VII en 1426, puis devient panetier du roi en 1438, premier maître d'hôtel en 1444 pour devenir ensuite conseiller privé du roi. Il préside les États de Languedoc avec Jacques Cœur en 1443 et négocie la reddition de Bordeaux en 1453. En 1452, il met ses talents diplomatiques au service du roi pour résoudre le conflit qui oppose Charles VII au dauphin futur roi Louis XI à la suite du mariage de ce dernier sans autorisation. Avec Thibaud de Lucé, évêque de Maillezais, il négocie un traité d'alliance avec Frédéric II de Saxe le 11 avril 1453. Il est nommé ambassadeur à Rome en 1454, à Venise en 1458 afin de préparer une croisade par convocation du pape Pie II. Il est aussi nommé ambassadeur pour l'Empire ottoman. Il obtient une somme considérable d'argent lors du procès de Jacques Cœur. En 1450 il acquiert de son beau-frère Louis Chabot la forteresse de Montsoreau, et entreprend des travaux considérables afin de faire construire dans le lit de la Loire l'actuel château de Montsoreau. Il fait aveu au roi René en 1466 et reçoit Louis XI au château de Montsoreau le 28 juillet 1471. Jean II de Chambes meurt entre 1474 et 1476.
212
+
213
+ Parmi les premiers conseillers du dauphin de 1418 à 1425 figurent notamment Robert Le Maçon, Jean Louvet, Tanneguy III du Chastel, Arnault Guilhem de Barbazan et Pierre Frotier. Ils adhèrent au parti d'Armagnac et protègent le jeune dauphin de France lors de l'invasion de Paris par les Bourguignons en 1418. Repliés à Bourges avec l'héritier du trône, ils l'assistent fidèlement lors de ses négociations avec les Bourguignons. Ils constituent sa garde rapprochée dans ses combats contre les Anglais et les Bourguignons. Ils sont partie prenante à l'entrevue de Montereau en 1419, accusés du meurtre de Jean sans Peur. Ils sont poursuivis par la vindicte du duc Philippe le Bon de Bourgogne qui entend venger la mort de son père. Ils sont jugés par contumace dans la cour de Justice de Paris en 1420 et passibles de la peine de mort pour crime de lèse-majesté. Le procès traîne en longueur et n'aboutira jamais.
214
+
215
+ Ils sont évincés du pouvoir en 1425 par le comte Arthur de Richemont, nouveau connétable de France, à l'instigation de son beau-frère Philippe le Bon. Ils sont menacés dans leur vie et dans leurs biens lors de la signature du traité d'Arras en 1435 mettant fin à la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons[n 18]. En dépit des clauses du traité imposées par les Bourguignons, le roi Charles VII reste fidèle à ceux qui l'ont si bien servi à ses débuts et il les maintient ou les rétablit dans de nouvelles fonctions dès l'année 1444.
216
+
217
+ Parmi les capitaines et chefs de guerre qui appuient Charles VII dans sa guerre contre les Anglais et les Bourguignons, se distinguent nombre de personnalités (voir section suivante).
218
+
219
+ La famille :
220
+
221
+ La maison d'Orléans :
222
+
223
+ La maison d'Anjou :
224
+
225
+ La maison de Bretagne :
226
+
227
+ Les conseillers :
228
+
229
+ Les hommes de guerre :
230
+
231
+ Les financiers :
232
+
233
+ Les hommes des arts et des lettres :
234
+
235
+ Les adversaires bourguignons :
236
+
237
+ Les adversaires anglais :
238
+
239
+ Il fut inhumé en l'église abbatiale de Saint-Denis, où il reposa avec son épouse jusqu'à la Révolution, dans la chapelle caroline de Saint-Jean-Baptiste. Les travaux de construction du tombeau débutèrent avant même le décès de la reine Marie et furent achevés entre 1464 et 1465. Le socle de marbre noir n'était pas entouré de pleurants ni de statuettes princières, à la différence des tombeaux de Charles V et de Charles VI. Deux colonnes de marbre blanc sculpté bordaient les gisants sur la dalle. On retrouvait dais, coussins et chiens traditionnels. Une inscription funéraire était gravée au dos du dais de Marie d'Anjou. La réalisation des gisants est attribuée à Michel Colombe (1430–1513). Le grand sculpteur, célèbre pour la réalisation du tombeau de François II de Bretagne, n'a guère séjourné en Île-de-France mais il a suivi les rois dans leur déplacement de Bourges à Tours.
240
+
241
+ Le document de la collection Gaignières (aujourd'hui à Oxford, à la Bodleian Library) montre qu'au XVIIe siècle le tombeau n'était plus intact. Les bras des souverains avaient été cassés et les couronnes amputées. On ne sait à quelle période eurent lieu ces dégradations marginales.
242
+
243
+ Cependant le monument était relativement bien préservé, comme le prouve l'état du décor gothique entourant les deux gisants, tout au moins jusqu'à la fin du XVIIe siècle car si le dessin de Gaignières reproduit les deux colonnettes horizontales gothiques sur les côtés de la dalle, le plan de dom Félibien de 1706 ne les montre plus. Ce plan, très détaillé, les maintient pour les tombeaux de Charles V et Charles VI, ce qui peut laisser penser qu'il y eut des travaux inachevés au début du XVIIIe siècle qui motivèrent un retrait temporaire de cette décoration.
244
+
245
+ Le tombeau fut détruit du 5 au 8 août 1793. À la différence des gisants de Charles V, de Charles VI et d'Isabeau de Bavière, ceux de Charles VII et de Marie d'Anjou furent brisés à coup de masse. Alexandre Lenoir put sauver les bustes des gisants qu'il fit détacher des parties supérieures amputées et s'émiettant. Aussi fit-il découper horizontalement à la scie ce qui restait de récupérable pour le transporter dans les réserves du musée des monuments français.
246
+
247
+ Au XIXe siècle, les deux vestiges ne retournèrent pas à Saint-Denis mais subirent une restauration (nouveaux nez, nouvelles couronnes), peut-être à l'initiative de Viollet-le-Duc. Ils furent ensuite envoyés aux Archives nationales puis au Louvre et enfin retournèrent à la fin des années 1990 dans la basilique Saint-Denis, juste à côté du tombeau de Charles VI et d'Isabeau de Bavière, sur des colonnes se faisant face.
248
+
249
+
250
+
251
+ Ce paragraphe indique la fratrie de Charles VII et la destinée de chacun de ses frères et sœurs[31], souvent liés avec l'Angleterre des Lancastre et la famille de Bourgogne, ces deux Maisons cernant en quelque sorte la succession au trône de France.
252
+
253
+
254
+
255
+ Il n'a pas vingt ans lorsqu'il épouse le 22 avril 1422 à Bourges, dans la cathédrale Saint-Étienne, Marie d'Anjou. Ils eurent quatorze enfants :
256
+
257
+ Charles VII eut de sa liaison avec Agnès Sorel :
258
+
259
+ À partir de 1461, sauf les Valois-Orléans de 1498 à 1589, tous les rois de France ou de Navarre descendent de Charles VII.
260
+
261
+ Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang (dir.), « Charles VII (roi de France) » dans Dictionnaire universel d’histoire et de géographie, 1878 (lire sur Wikisource).
262
+
263
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/991.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,263 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ Charles VII, dit « le Victorieux » ou « le Bien Servi », né à l'hôtel Saint-Pol à Paris le 22 février 1403 et mort au château de Mehun-sur-Yèvre, résidence royale située à Mehun-sur-Yèvre, entre Bourges et Vierzon, le 22 juillet 1461, est roi de France de 1422 à 1461. Il est le cinquième roi de la branche dite de Valois de la dynastie capétienne.
4
+
5
+ Charles VII est le fils de Charles VI et d'Isabeau de Bavière. Roi indissociable de l'épopée de Jeanne d'Arc, il réussit, au cours d'un long règne de près de quarante ans, presque aussi long que celui de son père et prédécesseur sur le trône (1380-1422), à renverser une situation compromise.
6
+
7
+ En 1418, le dauphin Charles échappe à la capture lors de la prise du pouvoir par les Bourguignons à Paris. Il se réfugie à Bourges où il se proclame lui-même régent du royaume de France, eu égard à l'indisponibilité de son père atteint de folie, resté à Paris et tombé au pouvoir de Jean sans Peur, duc de Bourgogne[1].
8
+
9
+ Le traité de Troyes (1420) déshérite le dauphin du royaume de France au profit de la dynastie anglaise des Lancastre, rameau cadet des Plantagenêts. Le dauphin Charles de Ponthieu, seul héritier légitime du trône, réfute ce traité et se proclame roi de France sous le nom de Charles VII le 30 octobre 1422, en la Cathédrale de Bourges, après la mort de son père, le roi Charles VI, survenue le 21 octobre 1422.
10
+
11
+ Contesté par les Bourguignons et par les Anglais, Charles VII devient le souverain d'un royaume en proie à la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons, compliquée d'une intervention militaire anglaise victorieuse depuis la bataille d'Azincourt (1415). Allié au parti des Armagnacs, replié au sud de la Loire dans son duché de Berry, surnommé par dérision « roi de Bourges », par ses ennemis, le dauphin Charles de Ponthieu, proclamé roi Charles VII de France, voit sa légitimité et sa situation militaire s'arranger nettement grâce à l'intervention de Jeanne d'Arc. Celle-ci participe à la levée du siège d'Orléans et conduit Charles VII à la cérémonie du sacre à Reims.
12
+
13
+ Le souverain se fait sacrer à Reims le 17 juillet 1429, ce qui renforce sa légitimité. Il poursuit le combat contre les Bourguignons, alliés des Anglais, tout en ratifiant des trêves successives avec le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, avant de conclure avec lui le traité d'Arras de 1435, qui met fin à la guerre civile engagée depuis l'année 1407 entre Armagnacs et Bourguignons. L'armée royale est réorganisée par la création des compagnies d'ordonnance le 26 mai 1445. Charles VII peut ainsi se consacrer à la guerre contre les Anglais, achevant à terme de les chasser du royaume par la victoire finale de Castillon, en 1453, qui clôt la guerre de Cent Ans.
14
+
15
+ Charles VII s'emploie à restaurer l'autorité royale en s'affirmant comme le gardien des droits de l'Église de France par la Pragmatique Sanction de Bourges en 1438, et en brisant la révolte des grands féodaux lors de la Praguerie de 1440. Il tente également de rétablir l'économie grâce à l'aide de son Grand Argentier Jacques Cœur.
16
+
17
+ Souvent critiqué par la postérité pour avoir censément ralenti la reconquête du royaume, relancée notamment par Jeanne d'Arc, et pour avoir abandonné celle-ci à son sort, le roi cautionne néanmoins en 1456 le procès en nullité de la condamnation de la Pucelle, qui la lave solennellement de toute accusation d'hérésie.
18
+
19
+ Charles est né le 22 février 1403 en la résidence royale de l'Hôtel Saint-Pol à Paris. Il est le onzième et avant-dernier enfant de Charles VI et d'Isabeau de Bavière. Il est le troisième à porter le prénom de Charles (les deux Charles précédents étant morts, l'un au berceau, l'autre à l'âge de neuf ans).
20
+
21
+ Il reçoit le titre de comte de Ponthieu dans sa première année et, en tant que cadet de famille, précédé de deux frères aînés , les princes Louis de Guyenne, né en 1397 et Jean de Touraine, né en 1398, il ne peut prétendre à la succession royale française : son seul avenir plausible serait de recevoir un apanage pour lequel il rendrait hommage au roi de France.
22
+
23
+ Il est né dans un pays en pleine tourmente: à la Guerre de Cent ans (1337-1453) fomentée par la dynastie anglaise de Plantagenêt, qui revendique l'accession au trône de France, vient s'ajouter en 1407, la Guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons (1407-1435) [2].
24
+
25
+ Le jeune Charles de Ponthieu, âgé de 10 ans, interfère très tôt, bien malgré lui, avec les querelles entre les maisons d’Anjou et de Bourgogne.
26
+
27
+ Le 20 novembre 1413, le duc Louis II d'Anjou, cousin du roi Charles VI et roi titulaire de Naples, qui avait conclu une future alliance avec la maison de Bourgogne, annule le projet de mariage entre son fils Louis, futur Louis III d'Anjou et Catherine de Bourgogne, fille du duc Jean sans Peur. Cette rupture intervient en raison de sa fidélité à la dynastie de Valois, du fait de son désaccord avec la politique de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, qui intrigue pour prendre le pouvoir au royaume de France, après avoir fait assassiner le 23 novembre 1407 Louis Ier d'Orléans, frère du roi Charles VI[3].
28
+
29
+ Un mois plus tard, le 18 décembre 1413, le duc d'Anjou renforce son alliance avec la dynastie de Valois, en donnant en fiançailles, sa fille Marie d'Anjou à Charles de Ponthieu, au Louvre : les enfants n'ont respectivement que neuf et dix ans[4]..
30
+
31
+ La mère de Marie, Yolande d'Aragon, duchesse d'Anjou, ne souhaite pas, depuis la sanglante révolte des Cabochiens survenue au printemps 1413 à Paris, laisser les jeunes fiancés dans la capitale, les hôtes royaux de l'hôtel Saint-Pol étant notamment menacés par les Bourguignons. Elle réussit à emmener sa fille et son futur gendre en Anjou le 5 février 1414, puis Charles rallie Tours d'octobre à décembre 1414[5]. Vers la mi-janvier 1415, sa future belle-famille emmène Charles en Provence[6], au château de Tarascon. Il revient en Anjou à la fin de l'année. Ainsi le prince peut-il passer, avec sa fiancée, quelques heureuses et paisibles années jusqu'en 1416.
32
+
33
+ Pendant son séjour en Anjou et en Provence, le jeune prince a reçu les leçons des meilleurs éducateurs : il sera aussi cultivé que son ancêtre, le roi Charles V.
34
+
35
+ Son frère aîné, le dauphin Louis, duc de Guyenne (1397-1415), gendre de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, commence à gérer le royaume à l'âge de 16 ans, au début de l'année 1413, sous l'influence de sa mère Isabeau de Bavière et de son beau-père Jean sans Peur. Ce dernier demande la réunion des états généraux, qui se tiennent le 30 janvier 1413 à l'Hôtel Saint-Pol de Paris, sous la présidence du roi Charles VI, où des remontrances sont prononcées sur l'inefficacité et la corruption du gouvernement de la régence[7] : il en ressort que le remède aux problèmes du royaume pourrait être apporté par le duc de Guyenne et son beau-père, le duc de Bourgogne, acharné à s'emparer du pouvoir.
36
+
37
+ Mais la lutte du boucher Simon Caboche contre les Armagnacs, fomentée par Jean sans Peur, à partir du 30 janvier 1413, se poursuit par la Révolte des Cabochiens du mois d'août 1413 ; Jean sans Peur tente de contrôler cette insurrection, cependant que le duc de Guyenne, opposé à son beau-père, participe, de son côté, à la réduction des émeutiers à l'aide des Armagnacs. Jean sans peur, accompagné de Caboche, s'enfuit de la capitale le 22 août 1413. L'année suivante, les Armagnacs mènent une campagne contre le duc de Bourgogne, qui se termine par le siège d'Arras (1414), victorieusement remporté par les armées du roi Charles VI contre les Bourguignons. La paix d'Arras est ratifiée le 4 septembre 1414 entre Charles VI et Jean sans Peur, qui se pardonnent mutuellement.
38
+
39
+ Le 26 avril 1415, le dauphin Louis de Guyenne est nommé par son père, le roi Charles VI, lieutenant et capitaine général sur toutes les frontières du royaume. Après la bataille d'Azincourt, où les Français subirent une lourde défaite, face aux Anglais, le jeune Charles de Ponthieu, âgé de 12 ans, est nommé garde et capitaine du château du bois de Vincennes le 1er novembre 1415 par le roi et par le duc de Guyenne.
40
+
41
+ La bataille d'Azincourt provoque un changement de rapport de force ; un rapprochement devient possible avec le duc de Bourgogne, au Conseil du 5 décembre 1415 où siègent le duc Louis II d'Anjou , président du conseil de régence et le dauphin Louis de Guyenne.
42
+
43
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
44
+
45
+ À l'initiative de Yolande d'Aragon, Charles de Ponthieu était rentré à Paris au début de l'année 1416, pour assister au Conseil de Régence présidé par son futur beau-père le duc Louis II d'Anjou[n 1]. À l'hôtel Saint-Pol, il est placé sous la tutelle de son père Charles VI, dont l'état de démence s'est aggravé.
46
+
47
+ Le dauphin Louis, duc de Guyenne était mort prématurément le 18 décembre 1415 d'un mal mystérieux, à l'âge de 18 ans. Il a été remplacé par son frère Jean, duc de Touraine, qui a pris les titres de duc de Berry et de comte de Poitiers à la mort de son oncle, le duc Jean de Berry, décédé sans postérité le 17 juin 1416.
48
+
49
+ Or le nouveau dauphin, Jean de Touraine , qui succède à feu son frère, le duc de Guyenne, vit à la cour de Hainaut chez son beau-père le comte Guillaume IV de Hainaut[7]. Il fait l'objet des assiduités du duc de Bourgogne, Jean sans Peur, qui tente par tous les moyens de se rapprocher du Conseil de régence à Paris.
50
+
51
+ Le dauphin Jean de Touraine se dirige vers Paris, accompagné par le comte Guillaume de Hainaut. Il séjourne seul à Compiègne, en attendant que son beau-père négocie les modalités de son arrivée à Paris. Ce dernier entre donc à Paris et demande que la ville accueille son gendre , accompagné par le duc de Bourgogne, Jean sans Peur. Faute de quoi, le duc Guillaume de Hainaut déclare qu'il a l'intention de retourner en Hainaut avec son protégé.
52
+
53
+ En revenant à Compiègne, le comte Guillaume de Hainaut retrouve le dauphin Jean de Touraine gravement malade. Ce dernier succombe prématurément le 5 avril 1417 d'un mal mystérieux, à l'âge de 19 ans[9]. Cette disparition fait de Charles de Ponthieu le nouveau dauphin, et le dernier espoir de la dynastie de Valois. Il hérite le titre de duc de Berry de son frère défunt.
54
+
55
+ Charles, comte de Ponthieu, dernier héritier vivant de la couronne de France, devient dauphin de France, sous la dénomination traditionnelle de dauphin de Viennois, à l'âge de 14 ans, à partir du 5 avril 1417[n 2]. Dès le décès de son futur beau-père, le duc d'Anjou, survenu le 29 avril 1417, Charles de Ponthieu le remplace à la présidence du conseil de régence. Or, sa mère, Isabeau de Bavière, prétend assumer seule la direction de la régence, sous l'influence du duc de Bourgogne, Jean sans Peur. Pour s'en débarrasser, son fils Charles l'envoie sous bonne garde à Tours, en résidence surveillée par les Armagnacs : elle ne pardonnera jamais au dauphin cette mésaventure.
56
+
57
+ Le dauphin prend part à la régence du royaume avec ses conseillers Armagnacs. Il est fait duc de Touraine, duc de Berry et comte de Poitiers (sous le nom de Charles II de Poitiers). En mai 1417, il est nommé lieutenant-général du royaume, chargé de suppléer son père en cas d'empêchement. Il bénéficie de la garde rapprochée de quelques officiers de la couronne affiliés au parti d'Armagnac.
58
+
59
+ Cependant, le duc de Bourgogne, Jean sans Peur, dévoré d'ambition, vient de libérer la reine Isabeau de sa prison tourangelle. Il l'installe à Troyes le 23 décembre 1417, après l'avoir ralliée à sa cause contre le dauphin[n 3]. Il publie un manifeste pour réclamer les pleins pouvoirs, eu égard à la maladie du roi et à la jeunesse du dauphin.
60
+
61
+ Jean sans Peur décide de prendre le contrôle de la situation à Paris en enlevant le dauphin Charles et en éliminant les Armagnacs, afin d'assumer seul la régence du royaume.
62
+
63
+ En pleine guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons, Paris est envahi le 29 mai 1418 pendant la nuit par les gens du duc de Bourgogne menés par le bourreau Capeluche. Ils se dirigent vers l'hôtel Saint-Pol où réside le dauphin. L'héritier du trône de France, sous la protection d'officiers de la couronne, doit quitter précipitamment Paris. Il échappe ainsi à l'influence de Jean sans Peur, cependant que les envahisseurs bourguignons procèdent au massacre du chancelier de France, Henri de Marle, du connétable de France, le comte d'Armagnac et de leurs partisans Armagnacs[11].
64
+
65
+ Le dauphin, âgé de quinze ans, se réfugie à Bourges, capitale de son duché de Berry, pour y organiser la résistance contre les Bourguignons et les Anglais[n 4], entouré des fidèles officiers de la couronne affiliés au parti d'Armagnac, qui deviendront ses premiers conseillers, ce qui lui vaut, de la part des chroniqueurs bourguignons, le sobriquet péjoratif de « roi de Bourges », tandis que ses conseillers sont traités d'« aventuriers sans scrupules », « avides de pouvoir » et accusés de « cupidité ». Les mêmes chroniqueurs répandent le bruit que le jeune dauphin est totalement livré à l'influence de ses conseillers et qu'il manque singulièrement de caractère : le parcours de Charles VII prouvera au contraire sa conduite avisée[n 5].
66
+
67
+ Il apparaît comme l'héritier légitime du royaume de France dont il porte toujours le titre de lieutenant-général du royaume, conféré par son père, Charles VI. Il est allié des Armagnacs et hostile à la politique du duc de Bourgogne, Jean sans Peur, secrètement allié des Anglais. C'est dans cette ville de Bourges qu'il se proclame régent du royaume de France, au grand dam de Jean sans Peur. Ce dernier fait promulguer à Paris un édit par le roi Charles VI — toujours en état de démence — pour révoquer les pouvoirs du lieutenant-général et pour stigmatiser les « méfaits » de ses conseillers.
68
+
69
+ Le dauphin Charles établit le Parlement à Poitiers et la Cour des comptes à Bourges. Il prend les armes pour reconquérir son royaume. Entouré de grands féodaux et de chefs de guerre, il soumet plusieurs villes telles que Tours, Melun, Meaux, Compiègne et Montereau.
70
+
71
+ Les Bourguignons occupant les environs de Paris sont cernés par les Armagnacs. Jean sans Peur, soucieux de prendre le contrôle sur le dauphin réfugié à Bourges, va tenter une première action diplomatique en ratifiant avec la reine Isabeau de Bavière et le duc Jean V de Bretagne le 16 septembre 1418 le traité de Saint-Maur[n 6].
72
+
73
+ Par ce traité, concocté en dehors du roi Charles VI et du dauphin de France, Jean sans Peur et Isabeau de Bavière proposent d'accorder leur pardon aux Armagnacs pour tous les maux dont ils seraient coupables. Ils sont accusés, notamment, d'avoir empoisonné les deux premiers dauphins de France, Louis de Guyenne (mort en 1415) et Jean de Touraine (mort en 1417), et de détenir en otage à Bourges le dernier dauphin survivant, en la personne du dauphin Charles, dans l'intention de le livrer ultérieurement aux Anglais. En contrepartie, le dauphin et ses conseillers Armagnacs sont priés de se soumettre aux volontés de Jean sans Peur et d'Isabeau de Bavière en signant le traité de Saint-Maur et en renonçant à toute résistance.
74
+
75
+ Le duc Jean V de Bretagne, envoyé le 22 septembre 1418 en ambassade par Jean sans Peur, rencontre le dauphin à Saumur pour tenter de lui faire entériner ce traité[14]. Mais le dauphin n'est pas dupe des intentions de son cousin bourguignon et il n'entend pas désavouer ses conseillers Armagnacs. Assisté de Jean Louvet, président de Provence, et de ses conseillers, il n'accepte aucune capitulation : il refuse de le ratifier et le traité va rester caduc.
76
+
77
+ Cependant, Jean sans Peur est toujours soucieux de faire rapatrier le dauphin à Paris sous la tutelle de son père, pour mieux le contrôler, comme il l'avait déjà fait avec les deux dauphins précédents. En vain, car Charles est déjà en campagne pour recouvrer son royaume.
78
+
79
+ L'alliance entre les Bourguignons et les Anglais se délite devant les ambitions du roi Henri V d'Angleterre. Jean sans Peur décide alors de négocier directement avec le dauphin et avec ses conseillers un traité d'alliance contre les Anglais.
80
+
81
+ Une première rencontre a lieu le 8 juillet 1419 à Pouilly-le-Fort. Elle se solde par un traité provisoire signé le 11 juillet 1419, connu sous le nom de paix du Ponceau, qui devra être confirmé ultérieurement. Jean sans Peur, conscient de l'hostilité des Armagnacs à son encontre, a pris la précaution de faire co-signer et sceller le traité par les conseillers du dauphin, en leur faisant prêter serment sur les Saintes Écritures et sur de saintes reliques, en la présence de prélats bourguignons, sous peine d'être taxés de crime de lèse-majesté en cas de parjure.
82
+
83
+ Jean sans Peur prend l'engagement de rompre toutes ses relations avec les Anglais et de dégager les places qu'il occupe autour de Paris. Il est convenu qu'une deuxième rencontre doit être programmée afin de consolider cette alliance contre les Anglais. Étant précisé que Jean sans Peur a toujours en vue de faire revenir le dauphin à Paris, sous la tutelle royale, lorsque cet engagement sera respecté.
84
+
85
+ La seconde rencontre entre le dauphin de France et le duc de Bourgogne Jean sans Peur a lieu le 10 septembre 1419, à Montereau, résidence royale où s'est transporté le dauphin, entouré de sa garde[n 7]. On dresse un enclos au milieu du pont sur l'Yonne qui relie le château à la ville de Montereau : le dauphin et Jean sans Peur s'y retrouvent avec chacun 10 hommes armés, le gros de chaque troupe attendant sur l'une et l'autre rive. La discussion est orageuse : le dauphin reprocherait à son cousin de maintenir secrètement son alliance avec les Anglais et de ne pas avoir retiré ses garnisons, en dépit du traité provisoire de Pouilly. Ce dernier répliquerait qu'il avait fait ce qu'il avait à faire ! Les entourages sont nerveux et, alors que le ton monte, les hommes d'armes brandissent leur épée. Tanguy du Châtel, qui avait sauvé le jeune prince lors de l'entrée des Bourguignons à Paris en 1418, écarte le dauphin de la mêlée. Jean sans Peur est tué.
86
+
87
+ Les Bourguignons vont accuser le dauphin d'assassinat prémédité. Celui-ci s'en défendra[n 8] et devra affronter longtemps la vengeance du duc Philippe le Bon, fils de feu Jean sans Peur.
88
+
89
+ Dès la mort de son père, Philippe le Bon, prévenu par son ancien précepteur, Monseigneur de Thoisy, s'est allié avec les Anglais pour combattre le dauphin. Il cherche à se venger en s'associant avec le roi Henri V d'Angleterre et la reine Isabeau de Bavière pour éliminer le dauphin Charles de la succession du royaume de France[n 9].
90
+
91
+ Le 21 mai 1420, en pleine crise de folie, le roi de France Charles VI est représenté par Isabeau de Bavière. Elle confirme la destitution de son propre fils au profit du roi d'Angleterre et de ses héritiers légitimes, en signant avec le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, et Henri V d'Angleterre, le traité de Troyes.
92
+
93
+ Ce traité tripartite stipule que la couronne de France sera cédée à Henri V d'Angleterre, à la mort du roi Charles VI, à condition qu'il épouse une de ses filles. Le dimanche de la Trinité, en l'église Saint-Jean-du-Marché de Troyes, son mariage est donc célébré avec Catherine de Valois (la propre sœur du dauphin Charles), dont il aura un fils : le futur Henri VI sera couronné — encore enfant — roi de France et d'Angleterre après la mort de son père le roi Henri V d'Angleterre, et celle de son grand-père le roi de France Charles VI, en vertu du traité de Troyes[n 10].
94
+
95
+ Le dauphin Charles, en évoquant l'incapacité mentale de son père, refuse les termes du traité de Troyes qui devait, selon les protagonistes, abréger la guerre.
96
+
97
+ Soulignant les déprédations des gens de guerre, Alain Chartier, poète et historiographe du futur Charles VII, écrit dans Le Quadrilogue invectif : « Nous allons comme la nef sans gouvernail et comme le cheval sans frein »[16].
98
+
99
+ Bien que le traité de Troyes organise la future succession du roi Charles VI au profit du roi d'Angleterre, Henri V[n 11], ce scénario n'a pas lieu car Henri V meurt le 31 août 1422 au château de Vincennes, avant que Charles VI ne trépasse à l'hôtel Saint-Pol de Paris moins de deux mois plus tard, le 21 octobre 1422.
100
+
101
+ Il s'ensuit que le jeune Henri VI d'Angleterre, bébé de neuf mois, succède à son père comme roi d'Angleterre le 1er septembre 1422 et qu'il double la mise le 22 octobre 1422 en devenant également roi de France, sous la régence de son oncle paternel le duc de Bedford qui va gouverner à Paris[n 12].
102
+
103
+ Le dauphin se proclame roi de France sous le nom de Charles VII le 30 octobre 1422, mais il est alors dans l'impossibilité de respecter la tradition en se faisant sacrer en la Cathédrale de Reims, en présence des chevaliers de la Sainte Ampoule, car le pays est infesté par les troupes ennemies. Il siège pour la première fois en majesté, en compagnie de son épouse, Marie d'Anjou en la cathédrale Saint-Étienne de Bourges.
104
+
105
+ Le 17 avril 1423, une triple alliance est programmée , dans le cadre du Traité d'Amiens, contre le roi Charles VII, entre Jean de Lancastre, duc de Bedford, régent des royaumes d'Angleterre et de France, représentant son neveu Henri VI d'Angleterre (âgé d'un an),Philippe le Bon, duc de Bourgogne et Jean V, duc de Bretagne. Ce dernier parviendra toutefois à un compromis en 1425, en acceptant de rompre cette alliance au profit du roi Charles VII, par l'entremise de Yolande d'Aragon,duchesse d'Anjou.
106
+
107
+ Le roi Charles VII doit affronter les Anglais et les Bourguignons dans de durs combats pour recouvrer l'intégralité du royaume de France dont il est le légitime héritier.
108
+
109
+ De 1422 à 1425, Charles VII consolide ses positions. Il contrôle le Berry, la Touraine, le Poitou, l'Aunis, et la Saintonge, l'Auvergne et le Limousin, Lyon, le Dauphiné, le Languedoc, l'Agenais, le Rouergue et le Quercy. L'Anjou, le Maine, le Bourbonnais, l'Orléanais et le Vendômois sont également placés sous son contrôle.
110
+
111
+ Très affaibli sur le plan militaire consécutivement à la défaite des troupes royales à Verneuil le 17 août 1424, Charles VII recherche de nouveaux appuis politiques. Il se tourne donc vers sa belle-mère, Yolande d'Aragon, dirigeante de la maison d'Anjou et reine de Sicile, qui l'incite depuis 1423 à une alliance avec le duc Jean V de Bretagne. Soucieuse des bons rapports entre les duchés voisins d'Anjou et de Bretagne, la reine de Sicile pousse son beau-fils à privilégier et à entériner ses propres intérêts diplomatiques[19],[20],[21].
112
+
113
+ La politique prônée par les maisons alliées d'Anjou et de Bretagne revendique le retour à une concorde idéale entre les princes, l'entrée des grands feudataires au Conseil royal ainsi que la poursuite de la guerre contre les Anglais. En mars 1425, Charles VII accepte de remettre l'épée de connétable de France à Arthur de Richemont, frère cadet du duc Jean V de Bretagne[22]. En plaçant ainsi le prince breton à la tête de son armée, le roi consent au rapprochement de la couronne avec les duchés de Bourgogne et de Bretagne. En effet, Arthur de Richemont est non seulement le frère du duc de Bretagne, mais également l'époux de Marguerite, sœur du duc Philippe de Bourgogne. Partant, les liens familiaux de Richemont sont censés faciliter les démarches diplomatiques du roi de France auprès des ducs Philippe de Bourgogne et Jean de Bretagne, ses ennemis déclarés après le meurtre de Montereau en 1419 pour l'un et le complot des Penthièvre en 1420, pour l'autre.
114
+
115
+ Devant l'exigence des ducs de Bourgogne et de Bretagne, en gage de bonne volonté, Charles VII se résigne à écarter de son Conseil ses fidèles conseillers de la première heure, accusés d'implication dans la mort de Jean sans peur et du soutien de la Maison de Penthièvre. Parmi les conseillers forcés de quitter la cour royale, on compte Tanguy du Chastel, Béraud d'Auvergne, Hardouin de Maillé, Robert Le Maçon, ainsi que Jean Louvet, seigneur de Mérindol , ancien président de la chambre des comptes d'Aix-en-Provence[23] et Pierre Frotier, commandant de la garde royale et grand maître de l'écurie du roi.
116
+
117
+ Le médiéviste Olivier Bouzy note que la politique du connétable de Richemont se heurte à des relations difficiles avec le roi de France : « Il va sans dire que cette vision idyllique d'une grande aristocratie luttant réconciliée et sans arrière-pensée pour le salut du royaume était d'une grande naïveté : c'était le rêve du retour au bon temps du roi Saint Louis, que les Bourguignons vantaient depuis le temps de l'ordonnance cabochienne. Le duc de Bourgogne, qui avait d'autres objectifs politiques, fit capoter les rêves de Richemont (...)[23]. »: l'alliance avec le duché de Bretagne renforce les armes de France, nonobstant quelques atermoiements relevés de part et d'autre au fil des années. De 1425 à 1429, les troupes royales confrontées aux Anglais et aux Bourguignons, subissent des revers entrecoupés de quelques victoires… Le sort du royaume de France semble indécis.
118
+
119
+ En 1428, les troupes royales conquièrent Chinon afin de soustraire ce fief royal au contrôle du connétable Arthur de Richemont, alors brouillé avec Charles VII. L'année suivante, le château de Chinon héberge essentiellement les capitaines du souverain, tandis que la reine Marie d'Anjou et le dauphin Louis d'Anjou s'abritent au château de Loches[24]. L'image d'une cour royale s'adonnant aux festivités, au temps du siège d'Orléans, relève d'une idée reçue, façonnée ultérieurement d'après des chroniques dénonçant les voluptés d'un Charles VII bien plus mûr[25],[26].
120
+
121
+ Les Anglais reviennent en force et le 4 septembre 1428 envahissent le Gâtinais. Ils investissent Beaugency, Notre-Dame de Cléry et d'autres places : leur objectif est de prendre Orléans et ses ponts, ville-clef de la défense française, vrai verrou sur la Loire.
122
+
123
+ Le 1er octobre 1428, pour faire face au péril, Charles VII réunit les états généraux à Chinon, afin d'obtenir les ressources nécessaires pour résister à l'ennemi. Il obtient à la fois des subsides et des renforts qui serviront utilement à la défense de la ville d'Orléans.
124
+
125
+ Le duc de Bedford, régent des royaumes de France et d'Angleterre, met le siège devant Orléans, et veut poursuivre jusqu'à Bourges pour s'emparer du roi Charles VII. Mais celui-ci s'était d'ores et déjà réfugié à Chinon. C'est dans le château de Chinon que le 25 février 1429, une jeune fille vient le trouver et lui demande audience. Elle lui dit : « Gentil dauphin, je te dis de la part de Messire Dieu que tu es vrai héritier du trône de France. »
126
+
127
+ Cette jeune fille de seize ans lui affirme qu'elle a eu des visions qui lui ont intimé l'ordre de sauver Orléans et de le faire sacrer roi de France. Charles VII la fait examiner par des ecclésiastiques, qui se montrent convaincus de sa sincérité et de sa catholicité. Cette jeune fille, qui dit venir de Lorraine (en fait du Barrois) et s'appeler Jeanne d'Arc, pousse Charles à se faire sacrer roi et à lever son armée pour « bouter les Anglais hors de France. »
128
+
129
+ Commencé en juillet 1428, le siège d'Orléans se poursuit pendant près de dix mois, entrecoupé de revers et de succès. Les Français, aux ordres de Jean de Dunois et leurs alliés écossais, conduits par John Stuart de Darnley, se font tailler en pièces lors de la journée des Harengs, du 12 février 1429. Mais les forces fidèles à Charles VII réagissent et le siège d'Orléans s'achève le 8 mai 1429 par une éclatante victoire française. Les historiens considèrent que cette victoire est due à Jeanne d'Arc et à son compagnon d'armes Dunois.
130
+
131
+ Après une chevauchée en territoire contrôlé en partie par l'ennemi, Charles VII est sacré roi de France par monseigneur Regnault de Chartres, chancelier de France, dans la cathédrale Notre-Dame de Reims le 17 juillet 1429, en présence notamment de Jeanne d'Arc et — selon la tradition — des chevaliers de la Sainte Ampoule.
132
+
133
+ De son côté, Henri VI d'Angleterre est sacré, à son tour, roi de France à l'âge de neuf ans en la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 16 décembre 1431, par le cardinal de Winchester, entouré du duc de Bedford et de nombreux lords anglais[n 13].
134
+
135
+ Depuis la levée du siège d'Orléans, Jeanne d'Arc participe sans interruption à des combats victorieux contre les Anglais au cours du mois de juin 1429 :
136
+
137
+ Puis elle s'engage dans la marche triomphale de Charles VII jusqu'à Reims où il est sacré le 17 juillet 1429. Enfin, après une période de négociations et de trêves entre les Armagnacs et les Bourguignons, ces derniers rouvrent les hostilités. Le 10 mai 1430, Jean de Luxembourg entame le siège de Compiègne. Alertée par ses habitants, Jeanne d'Arc vient à leur secours à la tête de 400 lances. Mais, tombée dans une embuscade, elle devient prisonnière des Bourguignons. Elle est vendue aux Anglais, jugée à Rouen par le tribunal ecclésiastique présidé par l'évêque de Beauvais, Pierre Cauchon. Elle est condamnée à mort comme hérétique et relapse, et meurt brûlée vive à Rouen le 30 mai 1431, à l'âge de 19 ans.
138
+
139
+ Le roi Charles VII, après avoir libéré Rouen en 1449, fera ouvrir une enquête sur les circonstances de son procès et de son supplice. Il obtient pour celle qui l'avait si fidèlement servi une solennelle réhabilitation le 17 juillet 1456. Sa fête, devenue fête nationale française en 1920, est alors fixée au dimanche suivant le 8 mai, jour anniversaire de la délivrance d'Orléans.
140
+
141
+ Depuis le XVe siècle, les historiens ont cherché à définir le rôle exact de celle qui fut nommée sainte patronne de la France. Sur le plan militaire, elle n'est pas considérée comme chef de guerre, mais plutôt comme l'auxiliaire de la victoire, par ses encouragements et ses incitations à se battre résolument contre les Anglais et leurs alliés bourguignons. Sur le plan politique, elle sert admirablement les desseins du roi Charles VII, au moment où il était atteint de découragement devant les progrès de l'ennemi et la faiblesse de son camp : cette jeune fille religieusement inspirée, énergique et enthousiaste, entraîne le roi vers un total changement de cap. Elle est surtout à l'origine de sa légitimation définitive en le faisant sacrer à Reims. Enfin, elle incarne le symbole de la résistance du peuple de France contre l'occupant étranger.
142
+
143
+ Longtemps indécis, Charles VII va exploiter l'extraordinaire élan suscité par Jeanne d'Arc pour asseoir son autorité et lancer la reconquête des territoires perdus sur les Anglais. Néanmoins, il sait qu'il ne peut rien tant que la guerre civile avec la Bourgogne ne sera pas terminée. Il entame donc des négociations avec le duc de Bourgogne, Philippe le Bon. N'attendant plus rien des Anglais et désirant se consacrer au développement de ses provinces, Philippe le Bon accepte de traiter avec Charles VII[27]. Le 1er juillet 1435, sous la présidence des légats du pape et en présence de nombreux princes français et étrangers, le congrès de la paix entre Bourguignons et Armagnacs s'ouvre dans la ville d'Arras. Le roi Charles VII est représenté par le duc de Bourbon, le comte de Vendôme et le connétable de Richemont. De son côté, Philippe le Bon est accompagné de son fils, le futur duc de Bourgogne Charles le Téméraire et il est assisté du chancelier Rolin.
144
+
145
+ Le 21 septembre 1435, dans la liesse populaire, la paix d'Arras est proclamée en l'église Saint-Waast, mettant fin à la guerre civile déclenchée en 1407 entre les Armagnacs et les Bourguignons, à la suite de l'assassinat du duc Louis d'Orléans par les sbires du duc de Bourgogne, Jean sans Peur[n 14]. Charles VII reconnaît officiellement Philippe le Bon comme souverain de la Bourgogne et le dispense personnellement de lui rendre hommage. Il lui cède également les comtés de Mâcon et d'Auxerre et lui vend plusieurs villes de la Somme, dont Amiens, Abbeville, Saint-Quentin. Le tribut à payer est lourd, mais pour Charles VII, le principal est ailleurs : il a désormais les mains libres et pourra affronter sereinement les Anglais[27].
146
+
147
+ En 1438, le roi Charles VII, soucieux d'affirmer son autorité sur l'Église de France, décide de convoquer une assemblée composée d'évêques, de religieux et de théologiens, ainsi que des représentants du pape Eugène IV[n 15], en la Sainte-Chapelle de Bourges, afin de bien définir et de renforcer les pouvoirs du roi de France face aux prérogatives du souverain pontife. La Pragmatique Sanction de Bourges, promulguée le 7 juillet 1438, lui permet ainsi de s'imposer comme le chef naturel de l'Église de France. Il détient désormais le pouvoir de désigner les principaux représentants du clergé français dans les abbayes et les différents sièges épiscopaux français, avec l'approbation des conciles et celle du souverain pontife. En outre, il a un droit de regard et d'intervention sur les modalités de la redistribution des redevances religieuses vers le Saint-Siège. C'est le premier pas vers une institution bien française connue sous le nom de gallicanisme.
148
+
149
+ En 1439, les états généraux de langue d'oïl, réunis sous la présidence du roi Charles VII à Orléans, émettent le vœu qu'une réforme intervienne pour mettre fin aux désordres provoqués par les routiers et les écorcheurs. Ces supplétifs des troupes combattantes de l'armée royale, le plus souvent aux ordres des grands féodaux, se signalaient en effet par leurs nombreuses exactions. Entre deux combats, leurs groupes armés pillaient et rançonnaient la population, en échappant à tout contrôle des autorités constituées.
150
+
151
+ Par l'ordonnance d'Orléans, donnée le 2 novembre 1439 par le roi Charles VII, deux réformes sont décidées :
152
+
153
+ L'armée royale est tenue de respecter un règlement disciplinaire rigoureux.
154
+
155
+ L'ordonnance d'Orléans provoque la réaction des féodaux du royaume qui refusent toute atteinte de leurs prérogatives médiévales au profit du pouvoir royal centralisateur.
156
+
157
+ En 1440, les grands vassaux s'engagent dans une révolte armée contre le roi Charles VII. Cette conspiration est connue sous le nom de Praguerie, par allusion à la révolte des hussites à Prague au début du XVe siècle. Parmi les comploteurs se retrouvent Jean II, Jean IV d'Armagnac, Charles Ier de Bourbon et jusqu'au dauphin Louis, futur Louis XI, pressé de prendre le pouvoir en éliminant son père.
158
+
159
+ Les conjurés prennent les armes, mais ils essuient le refus des seigneurs restés fidèles au roi Charles VII. Après de nombreux combats, les troupes royales, dirigées en personne par le roi Charles VII, finissent par venir à bout des révoltés le 19 juillet 1440. Ces derniers demandent grâce et l'obtiennent de la part du roi. Son fils Louis est éloigné jusqu'en Dauphiné, dont il va assumer le gouvernement en tant que Dauphin du Viennois.
160
+
161
+ Profitant d'une accalmie dans la guerre de Cent Ans, le roi Charles VII crée, par l'ordonnance de 1445, les premières unités militaires permanentes à disposition du roi de France, appelées compagnies d'ordonnance.
162
+
163
+ Elles visent à la fois une plus grande efficacité au combat de l'armée royale, et une diminution des dégâts causés par l'armée en déplacement. Elles joueront un grand rôle dans la victoire de la France à la fin de la guerre de Cent Ans en 1453[28].
164
+
165
+ Le 31 juillet 1449, le conseil du roi approuve la décision de Charles VII d'ouvrir les hostilités afin de libérer définitivement cette province.
166
+
167
+ Trois corps d'armée dirigés par le comte de Saint-Pol, par Jean de Dunois et Pierre de Brézé et par le duc François Ier de Bretagne, investissent les places-fortes du Cotentin, de Basse et Haute-Normandie. Les troupes anglaises rendent les armes sous la pression des forces de l'intérieur et de l'armée royale.
168
+
169
+ Le 1er novembre 1449, la ville de Rouen est libérée. Le roi Charles VII préside en majesté le grand défilé de la Libération, dont il confie le commandement à Pierre Frotier, baron de Preuilly[n 16].
170
+
171
+ Après de nombreux combats auxquels le roi prend part directement, les troupes royales libèrent Caen le 6 juillet 1450 ; puis Cherbourg capitule le 12 août 1450 après un siège meurtrier.
172
+
173
+ La Normandie est ainsi conquise et libérée définitivement de la domination anglaise après un an de combat.
174
+
175
+ La libération de la Guyenne devait se révéler plus longue et plus difficile que celle de Normandie. En effet, les Bordelais considéraient les Anglais comme des amis et surtout des clients privilégiés dans le commerce du vin.
176
+
177
+ Le roi envoie en septembre 1450 un détachement sous les ordres de Jean de Blois-Bretagne, comte de Périgord. Les Français investissent Bergerac, Jonzac et plusieurs places fortes aux environs de Bordeaux.
178
+
179
+ En mai 1451, une armée forte de 20 000 hommes, aux ordres de Jean de Dunois, procède au siège de Bordeaux. La capitale de la Guyenne est prise le 24 juin 1451 et occupée par les royaux qui administrent la cité. Mais les Bordelais se révoltent et, le 22 octobre 1452, ouvrent les portes aux forces anglaises commandées par John Talbot. Les Français sont faits prisonniers et la ville est à nouveau occupée et défendue par les Anglais.
180
+
181
+ Ce n'est que le 2 juin 1453 que le roi parvient à envoyer des renforts, après avoir défendu les côtes normandes d'une nouvelle et menaçante invasion anglaise. Les armées françaises battent les troupes de Talbot le 17 juillet 1453 lors de la bataille de Castillon (où John Talbot trouve la mort) et reprennent le siège de Bordeaux, avec l'appui de l'artillerie des frères Bureau. Les assiégés résistent vaillamment, tous Bordelais et Anglais confondus, mais ils finissent par capituler le 5 octobre 1453 auprès de l'amiral de Bueil, comte de Sancerre.
182
+
183
+ Le roi Charles VII fait grâce aux rebelles bordelais pendant que les Anglais rembarquent définitivement le 19 octobre 1453. Cette année 1453 marque la fin de la guerre de Cent Ans et le triomphe de Charles VII, le Victorieux. Le roi Henri VI d'Angleterre sombre quant à lui dans la démence comme son grand-père maternel, le roi de France Charles VI.
184
+
185
+ Ainsi s'achève la reconquête de la France, à l'exception de Calais qui ne sera prise qu'en 1558. La prédiction de Jeanne d'Arc est réalisée : les Anglais sont définitivement « boutés hors de France ».
186
+
187
+ Les dernières années de Charles VII sont troublées par l'ambition de son fils, le futur Louis XI, qui s'était déjà manifesté dans le passé en participant activement à la Praguerie en 1440.
188
+
189
+ En 1451, Jacques Cœur, grand argentier du roi, est arrêté, sans doute à cause de ses créanciers et débiteurs jaloux de sa réussite personnelle. Il est banni en 1453.
190
+
191
+ Le 19 octobre 1453, les Anglais capitulent à Bordeaux : c'est la fin de la guerre de Cent Ans (même si le traité définitif date seulement de 1475). Charles VII recouvre la souveraineté de la Guyenne et de l'ensemble du royaume de France, à la seule exception de la ville de Calais qui restera aux mains des Anglais jusqu'en 1558.
192
+
193
+ Après un long règne de près de 40 ans, le roi Charles VII s'éteint dans son Château de Mehun-sur-Yèvre le 22 juillet 1461, à l'âge de 58 ans. Son fils aîné, le Dauphin Louis, lui succède immédiatement et devient le roi Louis XI, à 38 ans. Le 7 août 1461, le défunt roi est inhumé en la Basilique de Saint-Denis, au nord de Paris, aux côtés de tous ses prédécesseurs, et près de son père.
194
+
195
+ C'est en 1443, à l'âge de quarante ans, que Charles VII fait connaissance d'Agnès Sorel, demoiselle d'honneur d'Isabelle Ire de Lorraine, épouse du duc René d'Anjou. Elle fut admise à la cour royale et devint la favorite du roi. Elle lui donna trois filles, les princesses Marie de Valois, Charlotte de Valois et Jehanne de Valois, qui furent officiellement légitimées et mariées à de grands seigneurs de la cour.
196
+
197
+ Selon les historiographes de l'époque, Agnès Sorel rayonnait par sa grâce et sa beauté. Le peintre Jean Fouquet en a fait un célèbre portrait éloquent. Elle avait reçu en présent du roi le château de Beauté et elle fut surnommée la « dame de Beauté. »
198
+
199
+ Agnès Sorel est morte prématurément avant d'avoir atteint l'âge de trente ans, le 9 février 1450, peu de temps après avoir mis au monde une quatrième fille qui n'a pas survécu, au grand désespoir du roi. Le tombeau d'Agnès Sorel est érigé dans l'église abbatiale jouxtant le château de Loches. Un deuxième tombeau contenant une partie de ses cendres est érigé à l'abbaye de Jumièges.
200
+
201
+ Né vers 1395 à Bourges, Jacques Cœur est le fils de Pierre Cœur, riche marchand pelletier, fournisseur de la cour du duc Jean Ier de Berry. Jacques Cœur prend la suite de son père et devient en 1427 fournisseur attitré de la cour du roi Charles VII, qui a fait de Bourges sa capitale. Il s'engage dans le commerce international et dirige une flotte de 12 navires marchands. En 1435, il obtient la charge de maître de la monnaie de Bourges, puis de celle de Paris. Le 2 février 1439, il est nommé grand argentier de France, chargé de recevoir les redevances des trésoriers généraux au nom du roi. Il crée des impôts nouveaux ou les remet en vigueur : la taille, le fouage, les aides et la gabelle.
202
+
203
+ Toujours chargé de son commerce international, Jacques Cœur est anobli en 1441. Il est nommé conseiller du roi en 1442. Il devient son confident et reçoit de nombreuses missions diplomatiques. Il intervient aussi pour assainir les finances du royaume. Devenu richissime, Jacques Cœur est sollicité pour financer la bataille de Normandie contre les Anglais en 1447.
204
+
205
+ Il avait fait construire en 1443 un somptueux palais à Bourges, aujourd'hui connu sous le nom de palais Jacques-Cœur, qui dépassait en magnificence le palais royal de Bourges et celui des archevêques. Il suscita de nombreuses jalousies et fut la victime, notamment de ceux qui lui avaient emprunté de l'argent. Ils témoignèrent contre lui lorsqu'un procès pour concussion lui fut intenté en 1451. Condamné à la confiscation de ses biens et au bannissement en 1453, il s'évade du château de Poitiers et se réfugie à Rome. Le pape Calixte III lui confie en 1456 le commandement de l'expédition sur l'île génoise de Chios contre les Ottomans. Il meurt au cours de l'expédition le 25 novembre 1456.
206
+
207
+ Né en 1384, le comte Georges Ier de La Trémoille, après avoir servi les ducs de Bourgogne, rejoint les rangs du roi Charles VII à Bourges en 1422, tout en conservant des intelligences dans le camp des Bourguignons.
208
+
209
+ Il entre au conseil du roi et devient son confident. Il s'oppose au connétable de Richemont et trempe dans de nombreuses intrigues pour finalement subir une tentative d'attentat le 3 juin 1433 dont il ressort blessé et captif du connétable. En 1440, il complote avec les grands féodaux dans la conspiration de la Praguerie, mais défait, il se retire dans son château de Sully-sur-Loire où il meurt le 6 mai 1446.
210
+
211
+ Né en 1405, le chevalier Jean II de Chambes rentre comme écuyer au service du roi Charles VII en 1426, puis devient panetier du roi en 1438, premier maître d'hôtel en 1444 pour devenir ensuite conseiller privé du roi. Il préside les États de Languedoc avec Jacques Cœur en 1443 et négocie la reddition de Bordeaux en 1453. En 1452, il met ses talents diplomatiques au service du roi pour résoudre le conflit qui oppose Charles VII au dauphin futur roi Louis XI à la suite du mariage de ce dernier sans autorisation. Avec Thibaud de Lucé, évêque de Maillezais, il négocie un traité d'alliance avec Frédéric II de Saxe le 11 avril 1453. Il est nommé ambassadeur à Rome en 1454, à Venise en 1458 afin de préparer une croisade par convocation du pape Pie II. Il est aussi nommé ambassadeur pour l'Empire ottoman. Il obtient une somme considérable d'argent lors du procès de Jacques Cœur. En 1450 il acquiert de son beau-frère Louis Chabot la forteresse de Montsoreau, et entreprend des travaux considérables afin de faire construire dans le lit de la Loire l'actuel château de Montsoreau. Il fait aveu au roi René en 1466 et reçoit Louis XI au château de Montsoreau le 28 juillet 1471. Jean II de Chambes meurt entre 1474 et 1476.
212
+
213
+ Parmi les premiers conseillers du dauphin de 1418 à 1425 figurent notamment Robert Le Maçon, Jean Louvet, Tanneguy III du Chastel, Arnault Guilhem de Barbazan et Pierre Frotier. Ils adhèrent au parti d'Armagnac et protègent le jeune dauphin de France lors de l'invasion de Paris par les Bourguignons en 1418. Repliés à Bourges avec l'héritier du trône, ils l'assistent fidèlement lors de ses négociations avec les Bourguignons. Ils constituent sa garde rapprochée dans ses combats contre les Anglais et les Bourguignons. Ils sont partie prenante à l'entrevue de Montereau en 1419, accusés du meurtre de Jean sans Peur. Ils sont poursuivis par la vindicte du duc Philippe le Bon de Bourgogne qui entend venger la mort de son père. Ils sont jugés par contumace dans la cour de Justice de Paris en 1420 et passibles de la peine de mort pour crime de lèse-majesté. Le procès traîne en longueur et n'aboutira jamais.
214
+
215
+ Ils sont évincés du pouvoir en 1425 par le comte Arthur de Richemont, nouveau connétable de France, à l'instigation de son beau-frère Philippe le Bon. Ils sont menacés dans leur vie et dans leurs biens lors de la signature du traité d'Arras en 1435 mettant fin à la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons[n 18]. En dépit des clauses du traité imposées par les Bourguignons, le roi Charles VII reste fidèle à ceux qui l'ont si bien servi à ses débuts et il les maintient ou les rétablit dans de nouvelles fonctions dès l'année 1444.
216
+
217
+ Parmi les capitaines et chefs de guerre qui appuient Charles VII dans sa guerre contre les Anglais et les Bourguignons, se distinguent nombre de personnalités (voir section suivante).
218
+
219
+ La famille :
220
+
221
+ La maison d'Orléans :
222
+
223
+ La maison d'Anjou :
224
+
225
+ La maison de Bretagne :
226
+
227
+ Les conseillers :
228
+
229
+ Les hommes de guerre :
230
+
231
+ Les financiers :
232
+
233
+ Les hommes des arts et des lettres :
234
+
235
+ Les adversaires bourguignons :
236
+
237
+ Les adversaires anglais :
238
+
239
+ Il fut inhumé en l'église abbatiale de Saint-Denis, où il reposa avec son épouse jusqu'à la Révolution, dans la chapelle caroline de Saint-Jean-Baptiste. Les travaux de construction du tombeau débutèrent avant même le décès de la reine Marie et furent achevés entre 1464 et 1465. Le socle de marbre noir n'était pas entouré de pleurants ni de statuettes princières, à la différence des tombeaux de Charles V et de Charles VI. Deux colonnes de marbre blanc sculpté bordaient les gisants sur la dalle. On retrouvait dais, coussins et chiens traditionnels. Une inscription funéraire était gravée au dos du dais de Marie d'Anjou. La réalisation des gisants est attribuée à Michel Colombe (1430–1513). Le grand sculpteur, célèbre pour la réalisation du tombeau de François II de Bretagne, n'a guère séjourné en Île-de-France mais il a suivi les rois dans leur déplacement de Bourges à Tours.
240
+
241
+ Le document de la collection Gaignières (aujourd'hui à Oxford, à la Bodleian Library) montre qu'au XVIIe siècle le tombeau n'était plus intact. Les bras des souverains avaient été cassés et les couronnes amputées. On ne sait à quelle période eurent lieu ces dégradations marginales.
242
+
243
+ Cependant le monument était relativement bien préservé, comme le prouve l'état du décor gothique entourant les deux gisants, tout au moins jusqu'à la fin du XVIIe siècle car si le dessin de Gaignières reproduit les deux colonnettes horizontales gothiques sur les côtés de la dalle, le plan de dom Félibien de 1706 ne les montre plus. Ce plan, très détaillé, les maintient pour les tombeaux de Charles V et Charles VI, ce qui peut laisser penser qu'il y eut des travaux inachevés au début du XVIIIe siècle qui motivèrent un retrait temporaire de cette décoration.
244
+
245
+ Le tombeau fut détruit du 5 au 8 août 1793. À la différence des gisants de Charles V, de Charles VI et d'Isabeau de Bavière, ceux de Charles VII et de Marie d'Anjou furent brisés à coup de masse. Alexandre Lenoir put sauver les bustes des gisants qu'il fit détacher des parties supérieures amputées et s'émiettant. Aussi fit-il découper horizontalement à la scie ce qui restait de récupérable pour le transporter dans les réserves du musée des monuments français.
246
+
247
+ Au XIXe siècle, les deux vestiges ne retournèrent pas à Saint-Denis mais subirent une restauration (nouveaux nez, nouvelles couronnes), peut-être à l'initiative de Viollet-le-Duc. Ils furent ensuite envoyés aux Archives nationales puis au Louvre et enfin retournèrent à la fin des années 1990 dans la basilique Saint-Denis, juste à côté du tombeau de Charles VI et d'Isabeau de Bavière, sur des colonnes se faisant face.
248
+
249
+
250
+
251
+ Ce paragraphe indique la fratrie de Charles VII et la destinée de chacun de ses frères et sœurs[31], souvent liés avec l'Angleterre des Lancastre et la famille de Bourgogne, ces deux Maisons cernant en quelque sorte la succession au trône de France.
252
+
253
+
254
+
255
+ Il n'a pas vingt ans lorsqu'il épouse le 22 avril 1422 à Bourges, dans la cathédrale Saint-Étienne, Marie d'Anjou. Ils eurent quatorze enfants :
256
+
257
+ Charles VII eut de sa liaison avec Agnès Sorel :
258
+
259
+ À partir de 1461, sauf les Valois-Orléans de 1498 à 1589, tous les rois de France ou de Navarre descendent de Charles VII.
260
+
261
+ Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang (dir.), « Charles VII (roi de France) » dans Dictionnaire universel d’histoire et de géographie, 1878 (lire sur Wikisource).
262
+
263
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/992.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,263 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ Charles VII, dit « le Victorieux » ou « le Bien Servi », né à l'hôtel Saint-Pol à Paris le 22 février 1403 et mort au château de Mehun-sur-Yèvre, résidence royale située à Mehun-sur-Yèvre, entre Bourges et Vierzon, le 22 juillet 1461, est roi de France de 1422 à 1461. Il est le cinquième roi de la branche dite de Valois de la dynastie capétienne.
4
+
5
+ Charles VII est le fils de Charles VI et d'Isabeau de Bavière. Roi indissociable de l'épopée de Jeanne d'Arc, il réussit, au cours d'un long règne de près de quarante ans, presque aussi long que celui de son père et prédécesseur sur le trône (1380-1422), à renverser une situation compromise.
6
+
7
+ En 1418, le dauphin Charles échappe à la capture lors de la prise du pouvoir par les Bourguignons à Paris. Il se réfugie à Bourges où il se proclame lui-même régent du royaume de France, eu égard à l'indisponibilité de son père atteint de folie, resté à Paris et tombé au pouvoir de Jean sans Peur, duc de Bourgogne[1].
8
+
9
+ Le traité de Troyes (1420) déshérite le dauphin du royaume de France au profit de la dynastie anglaise des Lancastre, rameau cadet des Plantagenêts. Le dauphin Charles de Ponthieu, seul héritier légitime du trône, réfute ce traité et se proclame roi de France sous le nom de Charles VII le 30 octobre 1422, en la Cathédrale de Bourges, après la mort de son père, le roi Charles VI, survenue le 21 octobre 1422.
10
+
11
+ Contesté par les Bourguignons et par les Anglais, Charles VII devient le souverain d'un royaume en proie à la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons, compliquée d'une intervention militaire anglaise victorieuse depuis la bataille d'Azincourt (1415). Allié au parti des Armagnacs, replié au sud de la Loire dans son duché de Berry, surnommé par dérision « roi de Bourges », par ses ennemis, le dauphin Charles de Ponthieu, proclamé roi Charles VII de France, voit sa légitimité et sa situation militaire s'arranger nettement grâce à l'intervention de Jeanne d'Arc. Celle-ci participe à la levée du siège d'Orléans et conduit Charles VII à la cérémonie du sacre à Reims.
12
+
13
+ Le souverain se fait sacrer à Reims le 17 juillet 1429, ce qui renforce sa légitimité. Il poursuit le combat contre les Bourguignons, alliés des Anglais, tout en ratifiant des trêves successives avec le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, avant de conclure avec lui le traité d'Arras de 1435, qui met fin à la guerre civile engagée depuis l'année 1407 entre Armagnacs et Bourguignons. L'armée royale est réorganisée par la création des compagnies d'ordonnance le 26 mai 1445. Charles VII peut ainsi se consacrer à la guerre contre les Anglais, achevant à terme de les chasser du royaume par la victoire finale de Castillon, en 1453, qui clôt la guerre de Cent Ans.
14
+
15
+ Charles VII s'emploie à restaurer l'autorité royale en s'affirmant comme le gardien des droits de l'Église de France par la Pragmatique Sanction de Bourges en 1438, et en brisant la révolte des grands féodaux lors de la Praguerie de 1440. Il tente également de rétablir l'économie grâce à l'aide de son Grand Argentier Jacques Cœur.
16
+
17
+ Souvent critiqué par la postérité pour avoir censément ralenti la reconquête du royaume, relancée notamment par Jeanne d'Arc, et pour avoir abandonné celle-ci à son sort, le roi cautionne néanmoins en 1456 le procès en nullité de la condamnation de la Pucelle, qui la lave solennellement de toute accusation d'hérésie.
18
+
19
+ Charles est né le 22 février 1403 en la résidence royale de l'Hôtel Saint-Pol à Paris. Il est le onzième et avant-dernier enfant de Charles VI et d'Isabeau de Bavière. Il est le troisième à porter le prénom de Charles (les deux Charles précédents étant morts, l'un au berceau, l'autre à l'âge de neuf ans).
20
+
21
+ Il reçoit le titre de comte de Ponthieu dans sa première année et, en tant que cadet de famille, précédé de deux frères aînés , les princes Louis de Guyenne, né en 1397 et Jean de Touraine, né en 1398, il ne peut prétendre à la succession royale française : son seul avenir plausible serait de recevoir un apanage pour lequel il rendrait hommage au roi de France.
22
+
23
+ Il est né dans un pays en pleine tourmente: à la Guerre de Cent ans (1337-1453) fomentée par la dynastie anglaise de Plantagenêt, qui revendique l'accession au trône de France, vient s'ajouter en 1407, la Guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons (1407-1435) [2].
24
+
25
+ Le jeune Charles de Ponthieu, âgé de 10 ans, interfère très tôt, bien malgré lui, avec les querelles entre les maisons d’Anjou et de Bourgogne.
26
+
27
+ Le 20 novembre 1413, le duc Louis II d'Anjou, cousin du roi Charles VI et roi titulaire de Naples, qui avait conclu une future alliance avec la maison de Bourgogne, annule le projet de mariage entre son fils Louis, futur Louis III d'Anjou et Catherine de Bourgogne, fille du duc Jean sans Peur. Cette rupture intervient en raison de sa fidélité à la dynastie de Valois, du fait de son désaccord avec la politique de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, qui intrigue pour prendre le pouvoir au royaume de France, après avoir fait assassiner le 23 novembre 1407 Louis Ier d'Orléans, frère du roi Charles VI[3].
28
+
29
+ Un mois plus tard, le 18 décembre 1413, le duc d'Anjou renforce son alliance avec la dynastie de Valois, en donnant en fiançailles, sa fille Marie d'Anjou à Charles de Ponthieu, au Louvre : les enfants n'ont respectivement que neuf et dix ans[4]..
30
+
31
+ La mère de Marie, Yolande d'Aragon, duchesse d'Anjou, ne souhaite pas, depuis la sanglante révolte des Cabochiens survenue au printemps 1413 à Paris, laisser les jeunes fiancés dans la capitale, les hôtes royaux de l'hôtel Saint-Pol étant notamment menacés par les Bourguignons. Elle réussit à emmener sa fille et son futur gendre en Anjou le 5 février 1414, puis Charles rallie Tours d'octobre à décembre 1414[5]. Vers la mi-janvier 1415, sa future belle-famille emmène Charles en Provence[6], au château de Tarascon. Il revient en Anjou à la fin de l'année. Ainsi le prince peut-il passer, avec sa fiancée, quelques heureuses et paisibles années jusqu'en 1416.
32
+
33
+ Pendant son séjour en Anjou et en Provence, le jeune prince a reçu les leçons des meilleurs éducateurs : il sera aussi cultivé que son ancêtre, le roi Charles V.
34
+
35
+ Son frère aîné, le dauphin Louis, duc de Guyenne (1397-1415), gendre de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, commence à gérer le royaume à l'âge de 16 ans, au début de l'année 1413, sous l'influence de sa mère Isabeau de Bavière et de son beau-père Jean sans Peur. Ce dernier demande la réunion des états généraux, qui se tiennent le 30 janvier 1413 à l'Hôtel Saint-Pol de Paris, sous la présidence du roi Charles VI, où des remontrances sont prononcées sur l'inefficacité et la corruption du gouvernement de la régence[7] : il en ressort que le remède aux problèmes du royaume pourrait être apporté par le duc de Guyenne et son beau-père, le duc de Bourgogne, acharné à s'emparer du pouvoir.
36
+
37
+ Mais la lutte du boucher Simon Caboche contre les Armagnacs, fomentée par Jean sans Peur, à partir du 30 janvier 1413, se poursuit par la Révolte des Cabochiens du mois d'août 1413 ; Jean sans Peur tente de contrôler cette insurrection, cependant que le duc de Guyenne, opposé à son beau-père, participe, de son côté, à la réduction des émeutiers à l'aide des Armagnacs. Jean sans peur, accompagné de Caboche, s'enfuit de la capitale le 22 août 1413. L'année suivante, les Armagnacs mènent une campagne contre le duc de Bourgogne, qui se termine par le siège d'Arras (1414), victorieusement remporté par les armées du roi Charles VI contre les Bourguignons. La paix d'Arras est ratifiée le 4 septembre 1414 entre Charles VI et Jean sans Peur, qui se pardonnent mutuellement.
38
+
39
+ Le 26 avril 1415, le dauphin Louis de Guyenne est nommé par son père, le roi Charles VI, lieutenant et capitaine général sur toutes les frontières du royaume. Après la bataille d'Azincourt, où les Français subirent une lourde défaite, face aux Anglais, le jeune Charles de Ponthieu, âgé de 12 ans, est nommé garde et capitaine du château du bois de Vincennes le 1er novembre 1415 par le roi et par le duc de Guyenne.
40
+
41
+ La bataille d'Azincourt provoque un changement de rapport de force ; un rapprochement devient possible avec le duc de Bourgogne, au Conseil du 5 décembre 1415 où siègent le duc Louis II d'Anjou , président du conseil de régence et le dauphin Louis de Guyenne.
42
+
43
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
44
+
45
+ À l'initiative de Yolande d'Aragon, Charles de Ponthieu était rentré à Paris au début de l'année 1416, pour assister au Conseil de Régence présidé par son futur beau-père le duc Louis II d'Anjou[n 1]. À l'hôtel Saint-Pol, il est placé sous la tutelle de son père Charles VI, dont l'état de démence s'est aggravé.
46
+
47
+ Le dauphin Louis, duc de Guyenne était mort prématurément le 18 décembre 1415 d'un mal mystérieux, à l'âge de 18 ans. Il a été remplacé par son frère Jean, duc de Touraine, qui a pris les titres de duc de Berry et de comte de Poitiers à la mort de son oncle, le duc Jean de Berry, décédé sans postérité le 17 juin 1416.
48
+
49
+ Or le nouveau dauphin, Jean de Touraine , qui succède à feu son frère, le duc de Guyenne, vit à la cour de Hainaut chez son beau-père le comte Guillaume IV de Hainaut[7]. Il fait l'objet des assiduités du duc de Bourgogne, Jean sans Peur, qui tente par tous les moyens de se rapprocher du Conseil de régence à Paris.
50
+
51
+ Le dauphin Jean de Touraine se dirige vers Paris, accompagné par le comte Guillaume de Hainaut. Il séjourne seul à Compiègne, en attendant que son beau-père négocie les modalités de son arrivée à Paris. Ce dernier entre donc à Paris et demande que la ville accueille son gendre , accompagné par le duc de Bourgogne, Jean sans Peur. Faute de quoi, le duc Guillaume de Hainaut déclare qu'il a l'intention de retourner en Hainaut avec son protégé.
52
+
53
+ En revenant à Compiègne, le comte Guillaume de Hainaut retrouve le dauphin Jean de Touraine gravement malade. Ce dernier succombe prématurément le 5 avril 1417 d'un mal mystérieux, à l'âge de 19 ans[9]. Cette disparition fait de Charles de Ponthieu le nouveau dauphin, et le dernier espoir de la dynastie de Valois. Il hérite le titre de duc de Berry de son frère défunt.
54
+
55
+ Charles, comte de Ponthieu, dernier héritier vivant de la couronne de France, devient dauphin de France, sous la dénomination traditionnelle de dauphin de Viennois, à l'âge de 14 ans, à partir du 5 avril 1417[n 2]. Dès le décès de son futur beau-père, le duc d'Anjou, survenu le 29 avril 1417, Charles de Ponthieu le remplace à la présidence du conseil de régence. Or, sa mère, Isabeau de Bavière, prétend assumer seule la direction de la régence, sous l'influence du duc de Bourgogne, Jean sans Peur. Pour s'en débarrasser, son fils Charles l'envoie sous bonne garde à Tours, en résidence surveillée par les Armagnacs : elle ne pardonnera jamais au dauphin cette mésaventure.
56
+
57
+ Le dauphin prend part à la régence du royaume avec ses conseillers Armagnacs. Il est fait duc de Touraine, duc de Berry et comte de Poitiers (sous le nom de Charles II de Poitiers). En mai 1417, il est nommé lieutenant-général du royaume, chargé de suppléer son père en cas d'empêchement. Il bénéficie de la garde rapprochée de quelques officiers de la couronne affiliés au parti d'Armagnac.
58
+
59
+ Cependant, le duc de Bourgogne, Jean sans Peur, dévoré d'ambition, vient de libérer la reine Isabeau de sa prison tourangelle. Il l'installe à Troyes le 23 décembre 1417, après l'avoir ralliée à sa cause contre le dauphin[n 3]. Il publie un manifeste pour réclamer les pleins pouvoirs, eu égard à la maladie du roi et à la jeunesse du dauphin.
60
+
61
+ Jean sans Peur décide de prendre le contrôle de la situation à Paris en enlevant le dauphin Charles et en éliminant les Armagnacs, afin d'assumer seul la régence du royaume.
62
+
63
+ En pleine guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons, Paris est envahi le 29 mai 1418 pendant la nuit par les gens du duc de Bourgogne menés par le bourreau Capeluche. Ils se dirigent vers l'hôtel Saint-Pol où réside le dauphin. L'héritier du trône de France, sous la protection d'officiers de la couronne, doit quitter précipitamment Paris. Il échappe ainsi à l'influence de Jean sans Peur, cependant que les envahisseurs bourguignons procèdent au massacre du chancelier de France, Henri de Marle, du connétable de France, le comte d'Armagnac et de leurs partisans Armagnacs[11].
64
+
65
+ Le dauphin, âgé de quinze ans, se réfugie à Bourges, capitale de son duché de Berry, pour y organiser la résistance contre les Bourguignons et les Anglais[n 4], entouré des fidèles officiers de la couronne affiliés au parti d'Armagnac, qui deviendront ses premiers conseillers, ce qui lui vaut, de la part des chroniqueurs bourguignons, le sobriquet péjoratif de « roi de Bourges », tandis que ses conseillers sont traités d'« aventuriers sans scrupules », « avides de pouvoir » et accusés de « cupidité ». Les mêmes chroniqueurs répandent le bruit que le jeune dauphin est totalement livré à l'influence de ses conseillers et qu'il manque singulièrement de caractère : le parcours de Charles VII prouvera au contraire sa conduite avisée[n 5].
66
+
67
+ Il apparaît comme l'héritier légitime du royaume de France dont il porte toujours le titre de lieutenant-général du royaume, conféré par son père, Charles VI. Il est allié des Armagnacs et hostile à la politique du duc de Bourgogne, Jean sans Peur, secrètement allié des Anglais. C'est dans cette ville de Bourges qu'il se proclame régent du royaume de France, au grand dam de Jean sans Peur. Ce dernier fait promulguer à Paris un édit par le roi Charles VI — toujours en état de démence — pour révoquer les pouvoirs du lieutenant-général et pour stigmatiser les « méfaits » de ses conseillers.
68
+
69
+ Le dauphin Charles établit le Parlement à Poitiers et la Cour des comptes à Bourges. Il prend les armes pour reconquérir son royaume. Entouré de grands féodaux et de chefs de guerre, il soumet plusieurs villes telles que Tours, Melun, Meaux, Compiègne et Montereau.
70
+
71
+ Les Bourguignons occupant les environs de Paris sont cernés par les Armagnacs. Jean sans Peur, soucieux de prendre le contrôle sur le dauphin réfugié à Bourges, va tenter une première action diplomatique en ratifiant avec la reine Isabeau de Bavière et le duc Jean V de Bretagne le 16 septembre 1418 le traité de Saint-Maur[n 6].
72
+
73
+ Par ce traité, concocté en dehors du roi Charles VI et du dauphin de France, Jean sans Peur et Isabeau de Bavière proposent d'accorder leur pardon aux Armagnacs pour tous les maux dont ils seraient coupables. Ils sont accusés, notamment, d'avoir empoisonné les deux premiers dauphins de France, Louis de Guyenne (mort en 1415) et Jean de Touraine (mort en 1417), et de détenir en otage à Bourges le dernier dauphin survivant, en la personne du dauphin Charles, dans l'intention de le livrer ultérieurement aux Anglais. En contrepartie, le dauphin et ses conseillers Armagnacs sont priés de se soumettre aux volontés de Jean sans Peur et d'Isabeau de Bavière en signant le traité de Saint-Maur et en renonçant à toute résistance.
74
+
75
+ Le duc Jean V de Bretagne, envoyé le 22 septembre 1418 en ambassade par Jean sans Peur, rencontre le dauphin à Saumur pour tenter de lui faire entériner ce traité[14]. Mais le dauphin n'est pas dupe des intentions de son cousin bourguignon et il n'entend pas désavouer ses conseillers Armagnacs. Assisté de Jean Louvet, président de Provence, et de ses conseillers, il n'accepte aucune capitulation : il refuse de le ratifier et le traité va rester caduc.
76
+
77
+ Cependant, Jean sans Peur est toujours soucieux de faire rapatrier le dauphin à Paris sous la tutelle de son père, pour mieux le contrôler, comme il l'avait déjà fait avec les deux dauphins précédents. En vain, car Charles est déjà en campagne pour recouvrer son royaume.
78
+
79
+ L'alliance entre les Bourguignons et les Anglais se délite devant les ambitions du roi Henri V d'Angleterre. Jean sans Peur décide alors de négocier directement avec le dauphin et avec ses conseillers un traité d'alliance contre les Anglais.
80
+
81
+ Une première rencontre a lieu le 8 juillet 1419 à Pouilly-le-Fort. Elle se solde par un traité provisoire signé le 11 juillet 1419, connu sous le nom de paix du Ponceau, qui devra être confirmé ultérieurement. Jean sans Peur, conscient de l'hostilité des Armagnacs à son encontre, a pris la précaution de faire co-signer et sceller le traité par les conseillers du dauphin, en leur faisant prêter serment sur les Saintes Écritures et sur de saintes reliques, en la présence de prélats bourguignons, sous peine d'être taxés de crime de lèse-majesté en cas de parjure.
82
+
83
+ Jean sans Peur prend l'engagement de rompre toutes ses relations avec les Anglais et de dégager les places qu'il occupe autour de Paris. Il est convenu qu'une deuxième rencontre doit être programmée afin de consolider cette alliance contre les Anglais. Étant précisé que Jean sans Peur a toujours en vue de faire revenir le dauphin à Paris, sous la tutelle royale, lorsque cet engagement sera respecté.
84
+
85
+ La seconde rencontre entre le dauphin de France et le duc de Bourgogne Jean sans Peur a lieu le 10 septembre 1419, à Montereau, résidence royale où s'est transporté le dauphin, entouré de sa garde[n 7]. On dresse un enclos au milieu du pont sur l'Yonne qui relie le château à la ville de Montereau : le dauphin et Jean sans Peur s'y retrouvent avec chacun 10 hommes armés, le gros de chaque troupe attendant sur l'une et l'autre rive. La discussion est orageuse : le dauphin reprocherait à son cousin de maintenir secrètement son alliance avec les Anglais et de ne pas avoir retiré ses garnisons, en dépit du traité provisoire de Pouilly. Ce dernier répliquerait qu'il avait fait ce qu'il avait à faire ! Les entourages sont nerveux et, alors que le ton monte, les hommes d'armes brandissent leur épée. Tanguy du Châtel, qui avait sauvé le jeune prince lors de l'entrée des Bourguignons à Paris en 1418, écarte le dauphin de la mêlée. Jean sans Peur est tué.
86
+
87
+ Les Bourguignons vont accuser le dauphin d'assassinat prémédité. Celui-ci s'en défendra[n 8] et devra affronter longtemps la vengeance du duc Philippe le Bon, fils de feu Jean sans Peur.
88
+
89
+ Dès la mort de son père, Philippe le Bon, prévenu par son ancien précepteur, Monseigneur de Thoisy, s'est allié avec les Anglais pour combattre le dauphin. Il cherche à se venger en s'associant avec le roi Henri V d'Angleterre et la reine Isabeau de Bavière pour éliminer le dauphin Charles de la succession du royaume de France[n 9].
90
+
91
+ Le 21 mai 1420, en pleine crise de folie, le roi de France Charles VI est représenté par Isabeau de Bavière. Elle confirme la destitution de son propre fils au profit du roi d'Angleterre et de ses héritiers légitimes, en signant avec le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, et Henri V d'Angleterre, le traité de Troyes.
92
+
93
+ Ce traité tripartite stipule que la couronne de France sera cédée à Henri V d'Angleterre, à la mort du roi Charles VI, à condition qu'il épouse une de ses filles. Le dimanche de la Trinité, en l'église Saint-Jean-du-Marché de Troyes, son mariage est donc célébré avec Catherine de Valois (la propre sœur du dauphin Charles), dont il aura un fils : le futur Henri VI sera couronné — encore enfant — roi de France et d'Angleterre après la mort de son père le roi Henri V d'Angleterre, et celle de son grand-père le roi de France Charles VI, en vertu du traité de Troyes[n 10].
94
+
95
+ Le dauphin Charles, en évoquant l'incapacité mentale de son père, refuse les termes du traité de Troyes qui devait, selon les protagonistes, abréger la guerre.
96
+
97
+ Soulignant les déprédations des gens de guerre, Alain Chartier, poète et historiographe du futur Charles VII, écrit dans Le Quadrilogue invectif : « Nous allons comme la nef sans gouvernail et comme le cheval sans frein »[16].
98
+
99
+ Bien que le traité de Troyes organise la future succession du roi Charles VI au profit du roi d'Angleterre, Henri V[n 11], ce scénario n'a pas lieu car Henri V meurt le 31 août 1422 au château de Vincennes, avant que Charles VI ne trépasse à l'hôtel Saint-Pol de Paris moins de deux mois plus tard, le 21 octobre 1422.
100
+
101
+ Il s'ensuit que le jeune Henri VI d'Angleterre, bébé de neuf mois, succède à son père comme roi d'Angleterre le 1er septembre 1422 et qu'il double la mise le 22 octobre 1422 en devenant également roi de France, sous la régence de son oncle paternel le duc de Bedford qui va gouverner à Paris[n 12].
102
+
103
+ Le dauphin se proclame roi de France sous le nom de Charles VII le 30 octobre 1422, mais il est alors dans l'impossibilité de respecter la tradition en se faisant sacrer en la Cathédrale de Reims, en présence des chevaliers de la Sainte Ampoule, car le pays est infesté par les troupes ennemies. Il siège pour la première fois en majesté, en compagnie de son épouse, Marie d'Anjou en la cathédrale Saint-Étienne de Bourges.
104
+
105
+ Le 17 avril 1423, une triple alliance est programmée , dans le cadre du Traité d'Amiens, contre le roi Charles VII, entre Jean de Lancastre, duc de Bedford, régent des royaumes d'Angleterre et de France, représentant son neveu Henri VI d'Angleterre (âgé d'un an),Philippe le Bon, duc de Bourgogne et Jean V, duc de Bretagne. Ce dernier parviendra toutefois à un compromis en 1425, en acceptant de rompre cette alliance au profit du roi Charles VII, par l'entremise de Yolande d'Aragon,duchesse d'Anjou.
106
+
107
+ Le roi Charles VII doit affronter les Anglais et les Bourguignons dans de durs combats pour recouvrer l'intégralité du royaume de France dont il est le légitime héritier.
108
+
109
+ De 1422 à 1425, Charles VII consolide ses positions. Il contrôle le Berry, la Touraine, le Poitou, l'Aunis, et la Saintonge, l'Auvergne et le Limousin, Lyon, le Dauphiné, le Languedoc, l'Agenais, le Rouergue et le Quercy. L'Anjou, le Maine, le Bourbonnais, l'Orléanais et le Vendômois sont également placés sous son contrôle.
110
+
111
+ Très affaibli sur le plan militaire consécutivement à la défaite des troupes royales à Verneuil le 17 août 1424, Charles VII recherche de nouveaux appuis politiques. Il se tourne donc vers sa belle-mère, Yolande d'Aragon, dirigeante de la maison d'Anjou et reine de Sicile, qui l'incite depuis 1423 à une alliance avec le duc Jean V de Bretagne. Soucieuse des bons rapports entre les duchés voisins d'Anjou et de Bretagne, la reine de Sicile pousse son beau-fils à privilégier et à entériner ses propres intérêts diplomatiques[19],[20],[21].
112
+
113
+ La politique prônée par les maisons alliées d'Anjou et de Bretagne revendique le retour à une concorde idéale entre les princes, l'entrée des grands feudataires au Conseil royal ainsi que la poursuite de la guerre contre les Anglais. En mars 1425, Charles VII accepte de remettre l'épée de connétable de France à Arthur de Richemont, frère cadet du duc Jean V de Bretagne[22]. En plaçant ainsi le prince breton à la tête de son armée, le roi consent au rapprochement de la couronne avec les duchés de Bourgogne et de Bretagne. En effet, Arthur de Richemont est non seulement le frère du duc de Bretagne, mais également l'époux de Marguerite, sœur du duc Philippe de Bourgogne. Partant, les liens familiaux de Richemont sont censés faciliter les démarches diplomatiques du roi de France auprès des ducs Philippe de Bourgogne et Jean de Bretagne, ses ennemis déclarés après le meurtre de Montereau en 1419 pour l'un et le complot des Penthièvre en 1420, pour l'autre.
114
+
115
+ Devant l'exigence des ducs de Bourgogne et de Bretagne, en gage de bonne volonté, Charles VII se résigne à écarter de son Conseil ses fidèles conseillers de la première heure, accusés d'implication dans la mort de Jean sans peur et du soutien de la Maison de Penthièvre. Parmi les conseillers forcés de quitter la cour royale, on compte Tanguy du Chastel, Béraud d'Auvergne, Hardouin de Maillé, Robert Le Maçon, ainsi que Jean Louvet, seigneur de Mérindol , ancien président de la chambre des comptes d'Aix-en-Provence[23] et Pierre Frotier, commandant de la garde royale et grand maître de l'écurie du roi.
116
+
117
+ Le médiéviste Olivier Bouzy note que la politique du connétable de Richemont se heurte à des relations difficiles avec le roi de France : « Il va sans dire que cette vision idyllique d'une grande aristocratie luttant réconciliée et sans arrière-pensée pour le salut du royaume était d'une grande naïveté : c'était le rêve du retour au bon temps du roi Saint Louis, que les Bourguignons vantaient depuis le temps de l'ordonnance cabochienne. Le duc de Bourgogne, qui avait d'autres objectifs politiques, fit capoter les rêves de Richemont (...)[23]. »: l'alliance avec le duché de Bretagne renforce les armes de France, nonobstant quelques atermoiements relevés de part et d'autre au fil des années. De 1425 à 1429, les troupes royales confrontées aux Anglais et aux Bourguignons, subissent des revers entrecoupés de quelques victoires… Le sort du royaume de France semble indécis.
118
+
119
+ En 1428, les troupes royales conquièrent Chinon afin de soustraire ce fief royal au contrôle du connétable Arthur de Richemont, alors brouillé avec Charles VII. L'année suivante, le château de Chinon héberge essentiellement les capitaines du souverain, tandis que la reine Marie d'Anjou et le dauphin Louis d'Anjou s'abritent au château de Loches[24]. L'image d'une cour royale s'adonnant aux festivités, au temps du siège d'Orléans, relève d'une idée reçue, façonnée ultérieurement d'après des chroniques dénonçant les voluptés d'un Charles VII bien plus mûr[25],[26].
120
+
121
+ Les Anglais reviennent en force et le 4 septembre 1428 envahissent le Gâtinais. Ils investissent Beaugency, Notre-Dame de Cléry et d'autres places : leur objectif est de prendre Orléans et ses ponts, ville-clef de la défense française, vrai verrou sur la Loire.
122
+
123
+ Le 1er octobre 1428, pour faire face au péril, Charles VII réunit les états généraux à Chinon, afin d'obtenir les ressources nécessaires pour résister à l'ennemi. Il obtient à la fois des subsides et des renforts qui serviront utilement à la défense de la ville d'Orléans.
124
+
125
+ Le duc de Bedford, régent des royaumes de France et d'Angleterre, met le siège devant Orléans, et veut poursuivre jusqu'à Bourges pour s'emparer du roi Charles VII. Mais celui-ci s'était d'ores et déjà réfugié à Chinon. C'est dans le château de Chinon que le 25 février 1429, une jeune fille vient le trouver et lui demande audience. Elle lui dit : « Gentil dauphin, je te dis de la part de Messire Dieu que tu es vrai héritier du trône de France. »
126
+
127
+ Cette jeune fille de seize ans lui affirme qu'elle a eu des visions qui lui ont intimé l'ordre de sauver Orléans et de le faire sacrer roi de France. Charles VII la fait examiner par des ecclésiastiques, qui se montrent convaincus de sa sincérité et de sa catholicité. Cette jeune fille, qui dit venir de Lorraine (en fait du Barrois) et s'appeler Jeanne d'Arc, pousse Charles à se faire sacrer roi et à lever son armée pour « bouter les Anglais hors de France. »
128
+
129
+ Commencé en juillet 1428, le siège d'Orléans se poursuit pendant près de dix mois, entrecoupé de revers et de succès. Les Français, aux ordres de Jean de Dunois et leurs alliés écossais, conduits par John Stuart de Darnley, se font tailler en pièces lors de la journée des Harengs, du 12 février 1429. Mais les forces fidèles à Charles VII réagissent et le siège d'Orléans s'achève le 8 mai 1429 par une éclatante victoire française. Les historiens considèrent que cette victoire est due à Jeanne d'Arc et à son compagnon d'armes Dunois.
130
+
131
+ Après une chevauchée en territoire contrôlé en partie par l'ennemi, Charles VII est sacré roi de France par monseigneur Regnault de Chartres, chancelier de France, dans la cathédrale Notre-Dame de Reims le 17 juillet 1429, en présence notamment de Jeanne d'Arc et — selon la tradition — des chevaliers de la Sainte Ampoule.
132
+
133
+ De son côté, Henri VI d'Angleterre est sacré, à son tour, roi de France à l'âge de neuf ans en la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 16 décembre 1431, par le cardinal de Winchester, entouré du duc de Bedford et de nombreux lords anglais[n 13].
134
+
135
+ Depuis la levée du siège d'Orléans, Jeanne d'Arc participe sans interruption à des combats victorieux contre les Anglais au cours du mois de juin 1429 :
136
+
137
+ Puis elle s'engage dans la marche triomphale de Charles VII jusqu'à Reims où il est sacré le 17 juillet 1429. Enfin, après une période de négociations et de trêves entre les Armagnacs et les Bourguignons, ces derniers rouvrent les hostilités. Le 10 mai 1430, Jean de Luxembourg entame le siège de Compiègne. Alertée par ses habitants, Jeanne d'Arc vient à leur secours à la tête de 400 lances. Mais, tombée dans une embuscade, elle devient prisonnière des Bourguignons. Elle est vendue aux Anglais, jugée à Rouen par le tribunal ecclésiastique présidé par l'évêque de Beauvais, Pierre Cauchon. Elle est condamnée à mort comme hérétique et relapse, et meurt brûlée vive à Rouen le 30 mai 1431, à l'âge de 19 ans.
138
+
139
+ Le roi Charles VII, après avoir libéré Rouen en 1449, fera ouvrir une enquête sur les circonstances de son procès et de son supplice. Il obtient pour celle qui l'avait si fidèlement servi une solennelle réhabilitation le 17 juillet 1456. Sa fête, devenue fête nationale française en 1920, est alors fixée au dimanche suivant le 8 mai, jour anniversaire de la délivrance d'Orléans.
140
+
141
+ Depuis le XVe siècle, les historiens ont cherché à définir le rôle exact de celle qui fut nommée sainte patronne de la France. Sur le plan militaire, elle n'est pas considérée comme chef de guerre, mais plutôt comme l'auxiliaire de la victoire, par ses encouragements et ses incitations à se battre résolument contre les Anglais et leurs alliés bourguignons. Sur le plan politique, elle sert admirablement les desseins du roi Charles VII, au moment où il était atteint de découragement devant les progrès de l'ennemi et la faiblesse de son camp : cette jeune fille religieusement inspirée, énergique et enthousiaste, entraîne le roi vers un total changement de cap. Elle est surtout à l'origine de sa légitimation définitive en le faisant sacrer à Reims. Enfin, elle incarne le symbole de la résistance du peuple de France contre l'occupant étranger.
142
+
143
+ Longtemps indécis, Charles VII va exploiter l'extraordinaire élan suscité par Jeanne d'Arc pour asseoir son autorité et lancer la reconquête des territoires perdus sur les Anglais. Néanmoins, il sait qu'il ne peut rien tant que la guerre civile avec la Bourgogne ne sera pas terminée. Il entame donc des négociations avec le duc de Bourgogne, Philippe le Bon. N'attendant plus rien des Anglais et désirant se consacrer au développement de ses provinces, Philippe le Bon accepte de traiter avec Charles VII[27]. Le 1er juillet 1435, sous la présidence des légats du pape et en présence de nombreux princes français et étrangers, le congrès de la paix entre Bourguignons et Armagnacs s'ouvre dans la ville d'Arras. Le roi Charles VII est représenté par le duc de Bourbon, le comte de Vendôme et le connétable de Richemont. De son côté, Philippe le Bon est accompagné de son fils, le futur duc de Bourgogne Charles le Téméraire et il est assisté du chancelier Rolin.
144
+
145
+ Le 21 septembre 1435, dans la liesse populaire, la paix d'Arras est proclamée en l'église Saint-Waast, mettant fin à la guerre civile déclenchée en 1407 entre les Armagnacs et les Bourguignons, à la suite de l'assassinat du duc Louis d'Orléans par les sbires du duc de Bourgogne, Jean sans Peur[n 14]. Charles VII reconnaît officiellement Philippe le Bon comme souverain de la Bourgogne et le dispense personnellement de lui rendre hommage. Il lui cède également les comtés de Mâcon et d'Auxerre et lui vend plusieurs villes de la Somme, dont Amiens, Abbeville, Saint-Quentin. Le tribut à payer est lourd, mais pour Charles VII, le principal est ailleurs : il a désormais les mains libres et pourra affronter sereinement les Anglais[27].
146
+
147
+ En 1438, le roi Charles VII, soucieux d'affirmer son autorité sur l'Église de France, décide de convoquer une assemblée composée d'évêques, de religieux et de théologiens, ainsi que des représentants du pape Eugène IV[n 15], en la Sainte-Chapelle de Bourges, afin de bien définir et de renforcer les pouvoirs du roi de France face aux prérogatives du souverain pontife. La Pragmatique Sanction de Bourges, promulguée le 7 juillet 1438, lui permet ainsi de s'imposer comme le chef naturel de l'Église de France. Il détient désormais le pouvoir de désigner les principaux représentants du clergé français dans les abbayes et les différents sièges épiscopaux français, avec l'approbation des conciles et celle du souverain pontife. En outre, il a un droit de regard et d'intervention sur les modalités de la redistribution des redevances religieuses vers le Saint-Siège. C'est le premier pas vers une institution bien française connue sous le nom de gallicanisme.
148
+
149
+ En 1439, les états généraux de langue d'oïl, réunis sous la présidence du roi Charles VII à Orléans, émettent le vœu qu'une réforme intervienne pour mettre fin aux désordres provoqués par les routiers et les écorcheurs. Ces supplétifs des troupes combattantes de l'armée royale, le plus souvent aux ordres des grands féodaux, se signalaient en effet par leurs nombreuses exactions. Entre deux combats, leurs groupes armés pillaient et rançonnaient la population, en échappant à tout contrôle des autorités constituées.
150
+
151
+ Par l'ordonnance d'Orléans, donnée le 2 novembre 1439 par le roi Charles VII, deux réformes sont décidées :
152
+
153
+ L'armée royale est tenue de respecter un règlement disciplinaire rigoureux.
154
+
155
+ L'ordonnance d'Orléans provoque la réaction des féodaux du royaume qui refusent toute atteinte de leurs prérogatives médiévales au profit du pouvoir royal centralisateur.
156
+
157
+ En 1440, les grands vassaux s'engagent dans une révolte armée contre le roi Charles VII. Cette conspiration est connue sous le nom de Praguerie, par allusion à la révolte des hussites à Prague au début du XVe siècle. Parmi les comploteurs se retrouvent Jean II, Jean IV d'Armagnac, Charles Ier de Bourbon et jusqu'au dauphin Louis, futur Louis XI, pressé de prendre le pouvoir en éliminant son père.
158
+
159
+ Les conjurés prennent les armes, mais ils essuient le refus des seigneurs restés fidèles au roi Charles VII. Après de nombreux combats, les troupes royales, dirigées en personne par le roi Charles VII, finissent par venir à bout des révoltés le 19 juillet 1440. Ces derniers demandent grâce et l'obtiennent de la part du roi. Son fils Louis est éloigné jusqu'en Dauphiné, dont il va assumer le gouvernement en tant que Dauphin du Viennois.
160
+
161
+ Profitant d'une accalmie dans la guerre de Cent Ans, le roi Charles VII crée, par l'ordonnance de 1445, les premières unités militaires permanentes à disposition du roi de France, appelées compagnies d'ordonnance.
162
+
163
+ Elles visent à la fois une plus grande efficacité au combat de l'armée royale, et une diminution des dégâts causés par l'armée en déplacement. Elles joueront un grand rôle dans la victoire de la France à la fin de la guerre de Cent Ans en 1453[28].
164
+
165
+ Le 31 juillet 1449, le conseil du roi approuve la décision de Charles VII d'ouvrir les hostilités afin de libérer définitivement cette province.
166
+
167
+ Trois corps d'armée dirigés par le comte de Saint-Pol, par Jean de Dunois et Pierre de Brézé et par le duc François Ier de Bretagne, investissent les places-fortes du Cotentin, de Basse et Haute-Normandie. Les troupes anglaises rendent les armes sous la pression des forces de l'intérieur et de l'armée royale.
168
+
169
+ Le 1er novembre 1449, la ville de Rouen est libérée. Le roi Charles VII préside en majesté le grand défilé de la Libération, dont il confie le commandement à Pierre Frotier, baron de Preuilly[n 16].
170
+
171
+ Après de nombreux combats auxquels le roi prend part directement, les troupes royales libèrent Caen le 6 juillet 1450 ; puis Cherbourg capitule le 12 août 1450 après un siège meurtrier.
172
+
173
+ La Normandie est ainsi conquise et libérée définitivement de la domination anglaise après un an de combat.
174
+
175
+ La libération de la Guyenne devait se révéler plus longue et plus difficile que celle de Normandie. En effet, les Bordelais considéraient les Anglais comme des amis et surtout des clients privilégiés dans le commerce du vin.
176
+
177
+ Le roi envoie en septembre 1450 un détachement sous les ordres de Jean de Blois-Bretagne, comte de Périgord. Les Français investissent Bergerac, Jonzac et plusieurs places fortes aux environs de Bordeaux.
178
+
179
+ En mai 1451, une armée forte de 20 000 hommes, aux ordres de Jean de Dunois, procède au siège de Bordeaux. La capitale de la Guyenne est prise le 24 juin 1451 et occupée par les royaux qui administrent la cité. Mais les Bordelais se révoltent et, le 22 octobre 1452, ouvrent les portes aux forces anglaises commandées par John Talbot. Les Français sont faits prisonniers et la ville est à nouveau occupée et défendue par les Anglais.
180
+
181
+ Ce n'est que le 2 juin 1453 que le roi parvient à envoyer des renforts, après avoir défendu les côtes normandes d'une nouvelle et menaçante invasion anglaise. Les armées françaises battent les troupes de Talbot le 17 juillet 1453 lors de la bataille de Castillon (où John Talbot trouve la mort) et reprennent le siège de Bordeaux, avec l'appui de l'artillerie des frères Bureau. Les assiégés résistent vaillamment, tous Bordelais et Anglais confondus, mais ils finissent par capituler le 5 octobre 1453 auprès de l'amiral de Bueil, comte de Sancerre.
182
+
183
+ Le roi Charles VII fait grâce aux rebelles bordelais pendant que les Anglais rembarquent définitivement le 19 octobre 1453. Cette année 1453 marque la fin de la guerre de Cent Ans et le triomphe de Charles VII, le Victorieux. Le roi Henri VI d'Angleterre sombre quant à lui dans la démence comme son grand-père maternel, le roi de France Charles VI.
184
+
185
+ Ainsi s'achève la reconquête de la France, à l'exception de Calais qui ne sera prise qu'en 1558. La prédiction de Jeanne d'Arc est réalisée : les Anglais sont définitivement « boutés hors de France ».
186
+
187
+ Les dernières années de Charles VII sont troublées par l'ambition de son fils, le futur Louis XI, qui s'était déjà manifesté dans le passé en participant activement à la Praguerie en 1440.
188
+
189
+ En 1451, Jacques Cœur, grand argentier du roi, est arrêté, sans doute à cause de ses créanciers et débiteurs jaloux de sa réussite personnelle. Il est banni en 1453.
190
+
191
+ Le 19 octobre 1453, les Anglais capitulent à Bordeaux : c'est la fin de la guerre de Cent Ans (même si le traité définitif date seulement de 1475). Charles VII recouvre la souveraineté de la Guyenne et de l'ensemble du royaume de France, à la seule exception de la ville de Calais qui restera aux mains des Anglais jusqu'en 1558.
192
+
193
+ Après un long règne de près de 40 ans, le roi Charles VII s'éteint dans son Château de Mehun-sur-Yèvre le 22 juillet 1461, à l'âge de 58 ans. Son fils aîné, le Dauphin Louis, lui succède immédiatement et devient le roi Louis XI, à 38 ans. Le 7 août 1461, le défunt roi est inhumé en la Basilique de Saint-Denis, au nord de Paris, aux côtés de tous ses prédécesseurs, et près de son père.
194
+
195
+ C'est en 1443, à l'âge de quarante ans, que Charles VII fait connaissance d'Agnès Sorel, demoiselle d'honneur d'Isabelle Ire de Lorraine, épouse du duc René d'Anjou. Elle fut admise à la cour royale et devint la favorite du roi. Elle lui donna trois filles, les princesses Marie de Valois, Charlotte de Valois et Jehanne de Valois, qui furent officiellement légitimées et mariées à de grands seigneurs de la cour.
196
+
197
+ Selon les historiographes de l'époque, Agnès Sorel rayonnait par sa grâce et sa beauté. Le peintre Jean Fouquet en a fait un célèbre portrait éloquent. Elle avait reçu en présent du roi le château de Beauté et elle fut surnommée la « dame de Beauté. »
198
+
199
+ Agnès Sorel est morte prématurément avant d'avoir atteint l'âge de trente ans, le 9 février 1450, peu de temps après avoir mis au monde une quatrième fille qui n'a pas survécu, au grand désespoir du roi. Le tombeau d'Agnès Sorel est érigé dans l'église abbatiale jouxtant le château de Loches. Un deuxième tombeau contenant une partie de ses cendres est érigé à l'abbaye de Jumièges.
200
+
201
+ Né vers 1395 à Bourges, Jacques Cœur est le fils de Pierre Cœur, riche marchand pelletier, fournisseur de la cour du duc Jean Ier de Berry. Jacques Cœur prend la suite de son père et devient en 1427 fournisseur attitré de la cour du roi Charles VII, qui a fait de Bourges sa capitale. Il s'engage dans le commerce international et dirige une flotte de 12 navires marchands. En 1435, il obtient la charge de maître de la monnaie de Bourges, puis de celle de Paris. Le 2 février 1439, il est nommé grand argentier de France, chargé de recevoir les redevances des trésoriers généraux au nom du roi. Il crée des impôts nouveaux ou les remet en vigueur : la taille, le fouage, les aides et la gabelle.
202
+
203
+ Toujours chargé de son commerce international, Jacques Cœur est anobli en 1441. Il est nommé conseiller du roi en 1442. Il devient son confident et reçoit de nombreuses missions diplomatiques. Il intervient aussi pour assainir les finances du royaume. Devenu richissime, Jacques Cœur est sollicité pour financer la bataille de Normandie contre les Anglais en 1447.
204
+
205
+ Il avait fait construire en 1443 un somptueux palais à Bourges, aujourd'hui connu sous le nom de palais Jacques-Cœur, qui dépassait en magnificence le palais royal de Bourges et celui des archevêques. Il suscita de nombreuses jalousies et fut la victime, notamment de ceux qui lui avaient emprunté de l'argent. Ils témoignèrent contre lui lorsqu'un procès pour concussion lui fut intenté en 1451. Condamné à la confiscation de ses biens et au bannissement en 1453, il s'évade du château de Poitiers et se réfugie à Rome. Le pape Calixte III lui confie en 1456 le commandement de l'expédition sur l'île génoise de Chios contre les Ottomans. Il meurt au cours de l'expédition le 25 novembre 1456.
206
+
207
+ Né en 1384, le comte Georges Ier de La Trémoille, après avoir servi les ducs de Bourgogne, rejoint les rangs du roi Charles VII à Bourges en 1422, tout en conservant des intelligences dans le camp des Bourguignons.
208
+
209
+ Il entre au conseil du roi et devient son confident. Il s'oppose au connétable de Richemont et trempe dans de nombreuses intrigues pour finalement subir une tentative d'attentat le 3 juin 1433 dont il ressort blessé et captif du connétable. En 1440, il complote avec les grands féodaux dans la conspiration de la Praguerie, mais défait, il se retire dans son château de Sully-sur-Loire où il meurt le 6 mai 1446.
210
+
211
+ Né en 1405, le chevalier Jean II de Chambes rentre comme écuyer au service du roi Charles VII en 1426, puis devient panetier du roi en 1438, premier maître d'hôtel en 1444 pour devenir ensuite conseiller privé du roi. Il préside les États de Languedoc avec Jacques Cœur en 1443 et négocie la reddition de Bordeaux en 1453. En 1452, il met ses talents diplomatiques au service du roi pour résoudre le conflit qui oppose Charles VII au dauphin futur roi Louis XI à la suite du mariage de ce dernier sans autorisation. Avec Thibaud de Lucé, évêque de Maillezais, il négocie un traité d'alliance avec Frédéric II de Saxe le 11 avril 1453. Il est nommé ambassadeur à Rome en 1454, à Venise en 1458 afin de préparer une croisade par convocation du pape Pie II. Il est aussi nommé ambassadeur pour l'Empire ottoman. Il obtient une somme considérable d'argent lors du procès de Jacques Cœur. En 1450 il acquiert de son beau-frère Louis Chabot la forteresse de Montsoreau, et entreprend des travaux considérables afin de faire construire dans le lit de la Loire l'actuel château de Montsoreau. Il fait aveu au roi René en 1466 et reçoit Louis XI au château de Montsoreau le 28 juillet 1471. Jean II de Chambes meurt entre 1474 et 1476.
212
+
213
+ Parmi les premiers conseillers du dauphin de 1418 à 1425 figurent notamment Robert Le Maçon, Jean Louvet, Tanneguy III du Chastel, Arnault Guilhem de Barbazan et Pierre Frotier. Ils adhèrent au parti d'Armagnac et protègent le jeune dauphin de France lors de l'invasion de Paris par les Bourguignons en 1418. Repliés à Bourges avec l'héritier du trône, ils l'assistent fidèlement lors de ses négociations avec les Bourguignons. Ils constituent sa garde rapprochée dans ses combats contre les Anglais et les Bourguignons. Ils sont partie prenante à l'entrevue de Montereau en 1419, accusés du meurtre de Jean sans Peur. Ils sont poursuivis par la vindicte du duc Philippe le Bon de Bourgogne qui entend venger la mort de son père. Ils sont jugés par contumace dans la cour de Justice de Paris en 1420 et passibles de la peine de mort pour crime de lèse-majesté. Le procès traîne en longueur et n'aboutira jamais.
214
+
215
+ Ils sont évincés du pouvoir en 1425 par le comte Arthur de Richemont, nouveau connétable de France, à l'instigation de son beau-frère Philippe le Bon. Ils sont menacés dans leur vie et dans leurs biens lors de la signature du traité d'Arras en 1435 mettant fin à la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons[n 18]. En dépit des clauses du traité imposées par les Bourguignons, le roi Charles VII reste fidèle à ceux qui l'ont si bien servi à ses débuts et il les maintient ou les rétablit dans de nouvelles fonctions dès l'année 1444.
216
+
217
+ Parmi les capitaines et chefs de guerre qui appuient Charles VII dans sa guerre contre les Anglais et les Bourguignons, se distinguent nombre de personnalités (voir section suivante).
218
+
219
+ La famille :
220
+
221
+ La maison d'Orléans :
222
+
223
+ La maison d'Anjou :
224
+
225
+ La maison de Bretagne :
226
+
227
+ Les conseillers :
228
+
229
+ Les hommes de guerre :
230
+
231
+ Les financiers :
232
+
233
+ Les hommes des arts et des lettres :
234
+
235
+ Les adversaires bourguignons :
236
+
237
+ Les adversaires anglais :
238
+
239
+ Il fut inhumé en l'église abbatiale de Saint-Denis, où il reposa avec son épouse jusqu'à la Révolution, dans la chapelle caroline de Saint-Jean-Baptiste. Les travaux de construction du tombeau débutèrent avant même le décès de la reine Marie et furent achevés entre 1464 et 1465. Le socle de marbre noir n'était pas entouré de pleurants ni de statuettes princières, à la différence des tombeaux de Charles V et de Charles VI. Deux colonnes de marbre blanc sculpté bordaient les gisants sur la dalle. On retrouvait dais, coussins et chiens traditionnels. Une inscription funéraire était gravée au dos du dais de Marie d'Anjou. La réalisation des gisants est attribuée à Michel Colombe (1430–1513). Le grand sculpteur, célèbre pour la réalisation du tombeau de François II de Bretagne, n'a guère séjourné en Île-de-France mais il a suivi les rois dans leur déplacement de Bourges à Tours.
240
+
241
+ Le document de la collection Gaignières (aujourd'hui à Oxford, à la Bodleian Library) montre qu'au XVIIe siècle le tombeau n'était plus intact. Les bras des souverains avaient été cassés et les couronnes amputées. On ne sait à quelle période eurent lieu ces dégradations marginales.
242
+
243
+ Cependant le monument était relativement bien préservé, comme le prouve l'état du décor gothique entourant les deux gisants, tout au moins jusqu'à la fin du XVIIe siècle car si le dessin de Gaignières reproduit les deux colonnettes horizontales gothiques sur les côtés de la dalle, le plan de dom Félibien de 1706 ne les montre plus. Ce plan, très détaillé, les maintient pour les tombeaux de Charles V et Charles VI, ce qui peut laisser penser qu'il y eut des travaux inachevés au début du XVIIIe siècle qui motivèrent un retrait temporaire de cette décoration.
244
+
245
+ Le tombeau fut détruit du 5 au 8 août 1793. À la différence des gisants de Charles V, de Charles VI et d'Isabeau de Bavière, ceux de Charles VII et de Marie d'Anjou furent brisés à coup de masse. Alexandre Lenoir put sauver les bustes des gisants qu'il fit détacher des parties supérieures amputées et s'émiettant. Aussi fit-il découper horizontalement à la scie ce qui restait de récupérable pour le transporter dans les réserves du musée des monuments français.
246
+
247
+ Au XIXe siècle, les deux vestiges ne retournèrent pas à Saint-Denis mais subirent une restauration (nouveaux nez, nouvelles couronnes), peut-être à l'initiative de Viollet-le-Duc. Ils furent ensuite envoyés aux Archives nationales puis au Louvre et enfin retournèrent à la fin des années 1990 dans la basilique Saint-Denis, juste à côté du tombeau de Charles VI et d'Isabeau de Bavière, sur des colonnes se faisant face.
248
+
249
+
250
+
251
+ Ce paragraphe indique la fratrie de Charles VII et la destinée de chacun de ses frères et sœurs[31], souvent liés avec l'Angleterre des Lancastre et la famille de Bourgogne, ces deux Maisons cernant en quelque sorte la succession au trône de France.
252
+
253
+
254
+
255
+ Il n'a pas vingt ans lorsqu'il épouse le 22 avril 1422 à Bourges, dans la cathédrale Saint-Étienne, Marie d'Anjou. Ils eurent quatorze enfants :
256
+
257
+ Charles VII eut de sa liaison avec Agnès Sorel :
258
+
259
+ À partir de 1461, sauf les Valois-Orléans de 1498 à 1589, tous les rois de France ou de Navarre descendent de Charles VII.
260
+
261
+ Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang (dir.), « Charles VII (roi de France) » dans Dictionnaire universel d’histoire et de géographie, 1878 (lire sur Wikisource).
262
+
263
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/993.html.txt ADDED
The diff for this file is too large to render. See raw diff
 
fr/994.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,183 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+
4
+
5
+ Charles-Philippe de France, comte d'Artois, plus connu sous le nom de Charles X, né le 9 octobre 1757 au château de Versailles à Versailles en France et mort le 6 novembre 1836 à Goritz en Autriche, est roi de France et de Navarre de 1824 à 1830.
6
+
7
+ Il gouverne durant la période dite de la Restauration. Septième enfant et cinquième fils du dauphin Louis et de la dauphine née Marie-Josèphe de Saxe, il est le dernier petit-fils de Louis XV et de Marie Leszczynska, succédant à ses deux frères, Louis XVI et Louis XVIII. Il est le roi de France le plus âgé, à son avènement (66 ans) comme à son décès (79 ans). Très attaché aux conceptions et aux valeurs de l'Ancien Régime, chef de file des ultraroyalistes sous le règne de Louis XVIII, il tenta d'incarner la continuité de l'État et de la monarchie après la période révolutionnaire, sans pour autant céder à la réaction. À son avènement, sa priorité est de conserver la Charte constitutionnelle de 1814 octroyée par son frère dix ans plus tôt[2]. Très pieux et attaché aux concepts sociaux du christianisme, Charles X et son gouvernement se heurtent du reste à plusieurs blocages parlementaires après la démission du président du Conseil Villèle, en 1827. Souffrant vite de sa réputation[3], puis tentant de se passer de l'accord parlementaire en le neutralisant par ordonnances, sa politique provoque les premières émeutes des Trois Glorieuses. Populaire chez certains paysans et opposants à la Première République (de nombreuses insurrections royalistes ayant éclaté chez ceux dont la vie changeait drastiquement à cette époque), Charles X était au contraire moqué et critiqué par certains Parisiens. Son règne est marqué par la loi d'indemnisation des émigrés, et par les expéditions françaises en Grèce (1827) et en Algérie (1830).
8
+
9
+ Renouant avec la tradition du sacre en 1825, il est renversé en 1830 par une nouvelle révolution parisienne. Un groupe d'une centaine de députés présents à Paris, invite un cousin de la famille royale, le duc d'Orléans (fils de Philippe Égalité) à exercer les fonctions de chef de l'État avec le titre de lieutenant général du Royaume. Voyant la situation lui échapper, Charles X abdique en faveur de son petit-fils Henri d'Artois, duc de Bordeaux. Ayant signé son abdication (geste inconcevable selon les lois traditionnelles de la Monarchie) et ayant demandé à son fils de la contresigner (le dauphin Louis-Antoine de France étant censé renoncer à ses droits en faveur de son neveu), le roi déchu demande au duc d'Orléans de « régler les formes du gouvernement pendant la minorité du nouveau Roi ». Louis-Philippe, qui doit son pouvoir aux députés, n'accède pas à la demande de Charles X. Au lieu de cela, il accepte le titre de roi des Français que lui confèrent les députés et les pairs une semaine plus tard. Charles X, son fils, ses belles-filles et ses petits-enfants partent pour l'exil.
10
+
11
+ Charles X est le dernier Bourbon (de la branche aînée) à avoir régné, le 68e et dernier roi de France (puisque son successeur Louis-Philippe Ier est, lui, « roi des Français »).
12
+
13
+ Né à 7 heures du matin, petit-fils de Louis XV, roi de France et de Navarre, Charles-Philippe est le cinquième fils du dauphin Louis et de son épouse, la dauphine Marie-Josèphe de Saxe. Charles est ondoyé le 9 octobre 1757, jour de sa naissance, par l'abbé de Bouillé, doyen des comtes de Lyon[4].
14
+
15
+ À sa naissance, il est au cinquième rang dans la succession au trône de France après son père, le dauphin et ses frères, les duc de Bourgogne, duc de Berry (futur Louis XVI) et comte de Provence (futur Louis XVIII). Deux filles le suivront : Marie-Adélaïde-Clotilde, future reine de Sardaigne, et Élisabeth, victime de la terreur révolutionnaire. Son frère Louis-Xavier, comte d'Aquitaine, étant mort au berceau en 1754.
16
+
17
+ Le petit prince est d'abord titré comte d'Artois, en mémoire de Robert de France, comte d'Artois, frère de Saint Louis, mais le choix de ce titre serait également lié aux conséquences de la tentative d'assassinat menée par Damiens contre Louis XV[Note 1]. Damiens était né près d’Arras, dans l’Artois. Il fut donc décidé de lui donner le titre de comte d’Artois pour faire savoir aux habitants qu’on ne leur tiendrait pas rigueur de l’incident[5]. Le comte d'Artois se vit attribuer pour armes de France à la bordure crénelée de gueules[6],[Note 2].
18
+
19
+ Le petit prince grandit dans une cour en deuil. En effet, l'année 1759 inaugure une décennie de décès pour la maison royale de France. La duchesse de Parme, fille aînée du roi, meurt à Versailles. En mars 1761, le duc de Bourgogne, âgé de 9 ans, meurt après une chute, l'archiduchesse Marie-Isabelle meurt en 1763 après avoir donné le jour à une fille qui ne survit pas, en 1765, le duc de Parme et le dauphin rendent leur âme à Dieu suivis en 1766 par leur grand-père le roi Stanislas, en 1767 par la dauphine et en 1768 par la reine.
20
+
21
+ L'enfant est baptisé le 19 octobre 1761, le lendemain du baptême du futur Louis XVI et du futur Louis XVIII, avec les prénoms Charles Philippe par l'archevêque Charles Antoine de La Roche-Aymon dans la chapelle royale du château de Versailles, en présence de Jean-François Allart, curé de l'église Notre-Dame de Versailles. Sa marraine est sa tante Madame Sophie, et son parrain le roi Charles III d'Espagne (ce qui explique le choix de ses prénoms), représenté par Louis Auguste de France, duc de Berry[7].
22
+
23
+ L’éducation de Charles-Philippe est assurée par cinq précepteurs, mais reste quelque peu délaissée du fait de ses maigres chances de régner. On ne lui enseigne pas moins l’histoire, la géographie, l’anglais et l’allemand, langue maternelle de sa mère. Il est confié à la comtesse de Marsan puis au duc de La Vauguyon à l’âge de trois ans. Le duc étant chargé de l'éducation des quatre fils du Dauphin, il les appelle « mes quatre F » : le duc de Bourgogne est « le fin », le duc de Berry « le faible », le comte de Provence « le faux », et le comte d'Artois « le franc »[8].
24
+
25
+ Il est nommé par le roi colonel-général de la Compagnie des Suisses de Monsieur le comte d’Artois.
26
+
27
+ Bien que devant se marier dans un premier temps à Louise-Adélaïde de Bourbon-Condé, il doit consolider l'alliance savoyarde et épouse le 16 novembre 1773 Marie-Thérèse de Savoie dont il a quatre enfants :
28
+
29
+ Sa préférence va à son plus jeune fils, Charles-Ferdinand, qui lui ressemble beaucoup, au physique comme au moral. L'aîné, Louis-Antoine, au contraire, est timide et souffre de myopie et de tics. Le comte d'Artois aime néanmoins beaucoup ses enfants et se montre très attristé du décès de sa fille aînée.
30
+
31
+ Son épouse, de nature très timide, resta très effacée et ne devint jamais reine ; en effet, Artois et elle se réfugièrent à Turin lors de l'émigration ; ils furent par la suite souvent séparés. La princesse, dont la santé était très fragile, était tombée malade en quittant Turin. Alors que sa correspondance avec son époux s'était intensifiée depuis la mort de la comtesse de Polastron, elle mourut à son tour à Gratz le 2 juin 1805 à 49 ans.
32
+
33
+ En 1785 (ou 1786)[10], il s'attache durablement à la vicomtesse de Polastron, liaison qui ne lui donnera aucune descendance.
34
+
35
+ Le mari de la vicomtesse, Denis Gabriel Adhémar de Polastron, est le demi-frère de la future duchesse de Polignac, gouvernante des enfants de France, amie et confidente de la reine Marie-Antoinette. Également proche de la souveraine, le comte d'Artois se rend comme elle impopulaire par ses dépenses inconsidérées, et le public leur attribue une liaison, à tort sans doute.
36
+
37
+ Denis de Polastron, le mari de Louise, embrasse la carrière militaire, et combat lors de la guerre d'indépendance américaine, durant laquelle il est nommé colonel dans le régiment de La Fayette ; il meurt à l'âge de 63 ans en 1821. Le couple émigre dès 1789 et Louise d'Esparbès de Lussan meurt précocement de la tuberculose en 1804 à l'âge de 39 ans.
38
+
39
+ Quand elle mourut, le prince se tourna intensément vers la religion, un trait de caractère qui ne le quitta plus jusqu'à sa propre mort. Elle lui fit promettre en outre de lui rester fidèle ; à la mort de son fils le duc de Berry en 1820, on lui proposa de se remarier afin d'avoir d'autres héritiers à la Couronne éventuels ; le comte d'Artois déclina cette offre avec comme raison que sa maîtresse lui avait demandé de ne plus être qu'à Dieu[11].
40
+
41
+ De nombreux décès assombrissent rapidement le bonheur des occupants du château de Versailles : en 1761 meurt le duc de Bourgogne, son frère aîné, puis en 1763, le roi de Pologne son grand-père, également électeur de Saxe, décède, tandis que le traité de Paris consomme le recul de la France sur le plan international. En 1765, c'est la mort de son oncle le duc de Parme, et de son père le Dauphin, en 1766, celle du roi déchu de Pologne, son arrière-grand-père, duc en viager de Lorraine. En 1767, c'est le tour de la dauphine et en 1768 celui de sa grand-mère, la reine Marie Leszczynska. Enfin le 10 mai 1774, meurt le roi Louis XV, après un règne de presque 59 ans. Son frère le plus âgé vivant, Louis-Auguste, devient roi sous le nom de Louis XVI.
42
+
43
+ En 1772, âgé de 15 ans, il est colonel général des Cent-Suisses et Grisons. Il assiste au sacre de son frère Louis XVI en 1775, où il « tient lieu de duc de Normandie », pair du Royaume et est apanagé par lui du comté de Poitou et des duchés d'Angoulême et de Mercœur. Il est déjà à cette époque considéré comme le trublion de la famille royale et son attitude lors du sacre est très vivement critiquée ; il perd même sa couronne après la cérémonie et avant le banquet[12]. Du reste, cette réputation sulfureuse fit de lui un coureur de jupons pour les courtisans : il eut ainsi des liaisons avec Rosalie Duthé, avec Marie-Madeleine Guimard ainsi que Louise Contat de la Comédie-Française. On lui attribue aussi plusieurs enfants issus de courtisanes : un avec Madame de Sainte-Amaranthe, un second avec Mme Contat et un dernier, Jules de Polignac, avec la comtesse Yolande de Polastron, favorite de Marie-Antoinette. Si ce sont toutes des rumeurs, celle concernant une filiation adultérine avec Jules de Polignac, qui lui ressemblait beaucoup physiquement et qui fut son dernier président du Conseil, persista longtemps, même sous les Trois Glorieuses[13].
44
+
45
+ Son enfance puis son adolescence sont une succession d’aventures éphémères, de parties de chasse, de dettes contractées aux jeux d’argent, de courses de chevaux organisées avec son cousin le duc de Chartres, de pièces de théâtre partagées avec Marie-Antoinette dont il est très proche, surtout à la fin dans les années 1770 et 1780. On notera un duel qui l'opposa au duc de Bourbon, lavant l'affront que le comte d'Artois avait fait à sa femme en lui écrasant son masque sur la figure. Cette dernière avait arraché le masque du prince, vexée qu'il se présentât à l'opéra de Paris en compagnie d'une femme que la duchesse de Bourbon haïssait, Madame de Canillac. Le duel s'était terminé en une sympathique embrassade. Bon vivant et léger, il entraîne dans un tourbillon de fêtes mondaines sa belle-sœur, la reine Marie-Antoinette. Il est considéré comme un prince frivole, futile, surnommé « Galaor » par la cour, en référence au personnage d'Amadis de Gaule, archétype du chevalier à la prestance remarquable. Il acquiert le château de Maisons où il s'en va chasser en galante compagnie, dont la jeune vicomtesse de Beauharnais.
46
+
47
+ En 1777, à la suite d'un pari avec sa jeune belle-sœur Marie-Antoinette, il fait construire en deux mois la célèbre folie de Bagatelle dans le bois de Boulogne qu'il décore et meuble avec faste avec la somme de 100 000 livres qu'elle lui paye[14]. Il effectue en outre une visite royale en Normandie et en Bretagne où il est particulièrement bien reçu[15].
48
+
49
+ Au mois d’avril 1779, le roi Louis XVI signe le traité d'Aranjuez, engageant la France au côté de l’Espagne de Charles III dans son combat contre l’Angleterre pour Gibraltar. Le comte d’Artois, en sa qualité de frère du roi, est envoyé à Saint-Roch mais n’y reste que peu de temps, se sentant inutile. En fait, son voyage est surtout marqué par les fêtes organisées en son honneur sur la route. À son retour, le roi lui remet la croix de l'ordre de Saint Louis.[source insuffisante]
50
+
51
+ Le comte d'Artois, enfant.
52
+
53
+ Mariage du comte d'Artois et de Marie-Thérèse de Savoie à Versailles en 1773.
54
+
55
+ Le Comte d'Artois, jeune homme.
56
+
57
+ Charles-Philippe de France, par Frédou.
58
+
59
+ Il commence à s'intéresser à la politique à l'âge de 29 ans avec la première grande crise de la monarchie, en 1786, après laquelle il prend la tête de la faction réactionnaire à la cour de Louis XVI. Le comte d'Artois devient le chef de file des réformateurs de ce que Jean-Christian Petitfils appelle la « révolution royale », c'est-à-dire le projet radical de Calonne. Le comte d'Artois coûte un certain prix à l'État : ses menus plaisirs (2 400 000 de francs), ses achats de domaines et de propriétés (7 231 372 livres), ses écuries (1 million de livres), ses vêtements et ses dettes représentent un important coût dans le trésor de l’État.
60
+
61
+ En 1788, Charles est initié en Franc-maçonnerie dans la loge de la cour "Les Trois Frères"[16].
62
+
63
+ Calonne se heurte aux notables réunis en assemblée : Charles accepte la suppression des privilèges financiers de l'aristocratie, mais non la réduction des privilèges sociaux dont jouissent l'Église et la noblesse. Il pense qu'on peut réformer les finances de la France sans renverser la monarchie. Selon ses propres mots, « le temps est venu de réparer mais non de démolir ». Il suscite la colère du tiers état en s'opposant à toute initiative d'accroître son droit de vote en 1789.
64
+
65
+ En liaison avec le baron de Breteuil, il noue des alliances politiques pour chasser Necker. Ce plan échoue quand Charles essaie de le faire renvoyer le 11 juillet, sans que Breteuil soit au courant, beaucoup plus tôt que prévu à l'origine. C'est le début d'une brouille qui se change en haine réciproque. Artois rencontre Talleyrand à la demande de ce dernier, qui propose de dissoudre l’assemblée et de convoquer de nouvelles élections avec un autre mode de scrutin. Si l’évêque d’Autun n’est pas suivi sur cette mesure, il semble avoir fait effet puisque Louis XVI rassemble des troupes dans et autour de Paris. Pour le comte d’Artois, il s’agit avant tout d’une démonstration de force plus que d’une nécessité.[source insuffisante]
66
+
67
+ Le comte d'Artois est l'un des premiers à émigrer, le 16 juillet 1789. Il parcourt les diverses cours de l'Europe pour chercher des défenseurs à la cause royale. Il se trouve à Turin — chez son beau-père et son beau-frère — de septembre 1789 à juillet 1791, où il porte alors le titre de « marquis de Maisons » (et où il crée le Comité de Turin qui a pour vocation essentielle d’organiser la contre-révolution depuis l’étranger), ainsi qu'à Bruxelles, Coblence, résidence de son oncle maternel l'archevêque-électeur de Trêves et Liège.
68
+
69
+ Il se rend enfin en Grande-Bretagne et assiste aux conférences de Pillnitz, en 1791.
70
+
71
+ Pour l’invasion de la France afin d'opérer une contre-révolution, on découpe l’armée en trois groupes. Celle de Provence et d’Artois prend le nom d’« armée des Princes ». La progression à l’intérieur du pays — qui s’accompagne de ravages et de massacres — est stoppée à Valmy et doit ensuite reculer inexorablement. À cela s’ajoute une autre mésaventure : l’empereur François arrête de financer l’armée, et ils ne sont sauvés que par les donations de Metternich, de Catherine II de Russie et Frédéric-Guillaume II de Prusse. Ce dernier accepte d’héberger le comte d’Artois à Hamm en Westphalie, où le jeune prince français apprend la décapitation de son frère Louis XVI. En mars et avril 1793, il reste six semaines à Saint-Pétersbourg, en Russie, où il est reçu avec tous les honneurs par Catherine II. L’impératrice propose une alliance avec l’Angleterre à la condition qu’elle forme un corps de 12 000 hommes pour se jeter sur la Vendée et reprendre le pays en main. Mais Charles-Philippe n’est pas reçu par le roi George III et n’a pu mettre les pieds à terre faute de ses dettes contractées à Coblence.[source insuffisante] Il est donc contraint de rentrer à Hamm. Il quitte Hamm en août 1794 comme « comte de Ponthieu ».
72
+
73
+ À la mort de son neveu Louis XVII le 8 juin 1795, il est appelé Monsieur. Il veut opérer, avec le secours des Anglais, un débarquement à l'île d'Yeu sur les côtes de Vendée (1795) afin d'aider les insurgés vendéens, mais il n'y peut réussir. L’Angleterre se dit prête à envoyer 20 000 hommes en Vendée, demandant en contrepartie les cinq comptoirs des Indes et Saint-Domingue. Artois met les voiles sur les côtes françaises avec une flotte de 60 navires. L’expédition espère mettre le pied à Noirmoutier, mais la folle canonnade de la petite garnison républicaine du général Cambray les pousse à descendre plus bas, pour débarquer à l’île d’Yeu. Et là, l’armada reste bloquée. Elle perd ses communications avec Charette — l’ambassadeur, le marquis de Rivière avait été, disait-on de façon erronée, fusillé —, elle doit aussi affronter les marées et les tempêtes, et dans le même temps les troupes meurent de faim. Le gouvernement anglais finit par demander le retour de la flotte, au grand dam de Provence qui nourrissait l’espoir de pouvoir régner sur son nouveau royaume depuis la mort de Louis XVII.[source insuffisante]
74
+
75
+ Il se rend en Grande-Bretagne où il passe le reste de la Révolution et du Premier Empire. Il réside à Londres à partir de 1799, d'abord au 46 Baker Street[17],[18],[19], puis de 1805 à 1814 au 72 South Audley Street[20],[21]. Il œuvre au retour du Comte de Provence (futur Louis XVIII). Il fut accusé par Napoléon dans son testament d'avoir entretenu les hommes qui cherchèrent à l'assassiner, tentative qui fut l'origine de la mise à mort du duc d'Enghien.
76
+
77
+ En 1814, il est nommé lieutenant-général du Royaume, il pénètre en Franche-Comté, à la suite des alliés, et fait son entrée à Nancy le 19 mars[22] et à Paris le 12 avril. Au premier moment, il sait se concilier les esprits par l'aménité de ses manières ; mais il se perd bientôt dans l'opinion en signant, avec un empressement excessif la convention d'armistice du 23 avril 1814 que condamne Louis XVIII même, un traité qui enlève à la France toutes les places conquises depuis 1792[23]. Il devient colonel général des Gardes nationales (15 mai 1814).
78
+
79
+ Louis XVIII rentre à Paris, de peur que Monsieur ne s’habitue trop à sa nouvelle charge. Dans cette Restauration de la monarchie, Artois donne clairement le ton : reconnu par les « ultras », c’est-à-dire les royalistes les plus ardents, il approuve le rétablissement des anciennes mœurs et du précédent système (notamment les gardes suisses), et s’oppose à la politique de pardon et d’oubli prônée par Louis XVIII, ce qui devient source de conflit entre les deux frères. Dans ses Mémoires, la duchesse de Maillé considère que l’emprise d’Artois sur son frère qui se sent le devoir de le ménager a causé beaucoup de mal, thèse qui sera reprise ensuite par Talleyrand. Pour cultiver le sentiment monarchiste, le comte d’Artois et ses fils se livrent à une tournée dans la France des provinces, parcourant les grandes villes où ils peuvent mesurer la diversité régnante des courants et la division profonde des pro- et anti-royalistes.
80
+
81
+ Lorsque Napoléon Bonaparte débarque dans le Sud de la France, prêt à remonter jusqu’à Paris pour recouvrer son pouvoir, le roi envoie des membres de sa famille pour mener les troupes et bloquer l’avancée. À la demande du baron de Vitrolles, le comte d’Artois se rend à Lyon, seconde ville du Royaume, pour y préparer la résistance, mais il n’y trouve aucune munition alors que l’ex-Empereur a pu se procurer des armes à Grenoble. À l’approche de l’Aigle, Artois envoie des troupes à sa rencontre mais elles sympathisent avec l’ennemi, contraignant Artois à fuir comme le duc d’Orléans peu de temps auparavant. Cette trahison de l’armée est considérée par les ultras comme un coup du ministre de la Guerre, le maréchal Soult, ancien officier de Napoléon. Ce dernier préfère donner sa démission. Avant l’entrée de Napoléon à Paris, les Bourbon n’ont plus d’autres choix que de fuir les Tuileries.
82
+
83
+ Après le second retour de Louis XVIII (1815), il affecte de se tenir éloigné des affaires et d'employer tout son temps soit à la chasse — qui est pour lui une passion —, soit à la religion. Il oublie la guerre. Mais, au-delà des apparences, sa résidence du pavillon de Marsan devient le centre de l’opposition ultraroyaliste à la politique conciliante de son frère[24]. L'assassinat de son fils préféré, le duc de Berry (13 février 1820), le marqua profondément et contribua à la chute du ministère Decazes.
84
+
85
+ À la mort de son frère Louis XVIII, en 1824, il monte sur le trône, à l'âge de 67 ans et décide de renouer avec la tradition du sacre ; Louis XVIII avait annoncé publiquement son intention de se faire sacrer mais on peut présumer qu'il y renonça pour des raisons physiques, sa mauvaise santé ne lui permettant pas d'en supporter les rites[Note 3],[25]. Le sacre se tient le 29 mai 1825 en la cathédrale de Reims[26], et marque le retour d'une cérémonie caractéristique de la logique d'Ancien Régime, ce qui a pu être perçu comme une volonté d'ignorer les changements de la société française depuis la Révolution française et l'Empire napoléonien. Ce sacre reprend les phases principales du cérémonial traditionnel comme les sept onctions ou les serments sur les Évangiles. Malgré tout, on observe certains changements, comme le fait que le roi prête un serment de fidélité à la Charte de 1814 ou encore le fait que les grands princes participent au cérémonial en assistant l'archevêque de Reims.
86
+
87
+ De fait, le choix du sacre fut applaudi par les royalistes partisans d'une monarchie constitutionnelle et parlementaire et pas seulement par les nostalgiques de l'Ancien Régime ; l'article 74 de la Charte mentionnait d'ailleurs le sacre. Une commission fut chargée de simplifier et moderniser la cérémonie et de la rendre compatible avec les principes de la monarchie selon la Charte (suppression des promesses de lutte contre hérétiques et infidèles, des douze pairs, des références à la royauté hébraïque etc.) et celle-ci dura trois heures et demie[27]. Le fait que la cérémonie fût modernisée et adaptée au nouveau contexte politique et social incita Chateaubriand, royaliste non absolutiste et partisan enthousiaste de la Charte de 1814, à inviter le roi à se faire sacrer ; dans la brochure Le roi est mort ! Vive le roi !, celui-ci explique que le sacre sera le « maillon de la chaîne ayant uni le serment de la monarchie nouvelle au serment de l'ancienne monarchie » ; c'est la continuité avec l'Ancien Régime plus que son retour que les royalistes exaltent, Charles X ayant hérité des qualités de ses ancêtres : « pieux comme Saint Louis, affable, compatissant et justicier comme Louis XII, courtois comme François Ier, franc comme Henri IV[28] ».
88
+
89
+ Le sacre montre que la continuité dynastique va de pair avec la continuité politique ; pour Chateaubriand : « La constitution actuelle n'est que le texte rajeuni du code de nos vieilles franchises ». Ce fut Luigi Cherubini qui composa la musique de la messe[27].
90
+
91
+ Ce sacre a pris plusieurs jours : le 28 mai, cérémonie des vêpres ; le 29 mai, cérémonie du sacre lui-même ; le 30 mai, remise de récompense pour les chevaliers de l'ordre du Saint-Esprit et pour finir ce fut le 31 mai le toucher des écrouelles. Le sacre de Charles X apparaît donc comme un compromis entre la tradition d'Ancien Régime et les changements politiques intervenus depuis la Révolution. Le sacre a eu néanmoins une influence limitée sur la population, les mentalités n'étant plus celles d'autrefois. Dès lors, le sacre provoqua une incompréhension dans certains secteurs de l'opinion[29]. Pour l'occasion, le compositeur Gioachino Rossini composa l'opéra-bouffe Le voyage à Reims.
92
+
93
+ Le règne de Charles X débute par quelques mesures libérales comme l'abolition de la censure des journaux, mais le roi ne tarde pas à se jeter dans les bras des ultraroyalistes, dont Jean-Baptiste de Villèle est le chef, et il s'aliène l'opinion par la loi sur le sacrilège, la concession d'indemnités aux émigrés (loi dite du « milliard des émigrés »), le licenciement de la garde nationale, le rétablissement de la censure (1825-1827). Son règne est marqué par la domination des « ultras », la frange revancharde des royalistes opposée à la Charte de 1814.
94
+
95
+ Des lois ou des projets de lois, votés ou discutés sous son règne, accentuent dans l'opinion l'impression d'une volonté de retour à l'Ancien Régime : loi du sacrilège, « milliard des émigrés », projet de rétablissement du droit d'aînesse.
96
+
97
+ Son catholicisme dévot indispose une partie du peuple de Paris, volontiers anticlérical sinon anticatholique. Comme à l'enterrement de Louis XVIII, il est habillé de violet, couleur de deuil des rois de France, le bruit court qu'il est évêque ; des caricatures le montrent en train de célébrer la messe devant les membres de sa famille[30]. L'anticléricalisme se nourrit particulièrement de la haine des jésuites ; dans la seule année 1826, on compte 71 brochures hostiles à leur influence supposée, cela alors qu'ils étaient moins de 500 en France et que leurs collèges recevaient 2 200 élèves, six fois moins que les collèges royaux, très loin des 100 000 élèves que recevaient les 89 collèges jésuites au XVIIIe siècle[31] ; le « mythe jésuite » donna lieu au développement d'un conspirationnisme virulent dont le roi, accusé d'être à leur service, fut une victime, l'un des cris séditieux les plus significatifs sous la Restauration étant « à bas les jésuites ! »
98
+
99
+ Pour calmer les mécontents, il forme en janvier 1828 un ministère modéré, présidé par le vicomte de Martignac. Ce ministère réparateur a déjà réussi à ramener les esprits, lorsqu'il est brusquement congédié et remplacé, le 8 août 1829, par le ministère de Jules de Polignac, qui fait renaître toutes les défiances.
100
+
101
+ En effet, peu de mois après, et malgré le respectueux avertissement donné par l'adresse des 221 députés, Charles X tente de rétablir son autorité face au développement de l'opposition libérale. Il promulgue pour cela les « ordonnances de Saint-Cloud » qui dissolvent les chambres, convoquent les collèges électoraux en changeant de mode d'élection, et suspendent la liberté de la presse (25 juillet 1830). D'où résulte les jours suivants (27 au 29 juillet) le soulèvement qui met un terme à son règne.
102
+
103
+ Charles X fut un roi mécène ; une aide importante, aux alentours de 30 % du budget, fut absorbée par l'achèvement des constructions publiques engagées sous le Premier Empire. La part consacrée aux commandes de tableaux et d’œuvres d'art, aux pensions et subventions aux artistes, savants, écrivains est de l'ordre de 1 à 1,5 million[32]. La maison du Roi encourage les arts, de même que le Ministère de l'Intérieur ; cette politique de mécénat n'implique pas le contrôle des œuvres littéraires. Il n'y a pas de système de commande publique, à la différence des beaux-arts, aux seules exceptions du baptême du duc de Bordeaux, pour lequel fut commandé à Victor Hugo[33] une ode, puis du sacre de Charles X où furent conviés Hugo, Nodier et Lamartine. Le sacre de Charles X permit d'employer plusieurs graveurs et sculpteurs, qui reçurent des commandes d’État. L'art religieux fut soutenu, par exemple, par Chabrol, préfet de la Seine, qui encouragea le renouveau de l'art du vitrail et des fresques pour les églises. Le roi s'investit personnellement pour enrichir le Jardin des plantes de nombreuses espèces nouvelles, fit pensionner de nombreux artistes[34]. Les artistes œuvrèrent aux Tuileries ou dans les autres palais royaux et vécurent un long moment en harmonie avec la Restauration, comme Hugo qui s'inscrivit à la Société royale des Bonnes-Lettres ; les travaux des sociétés savantes et d'archéologie prirent leur essor et s'intéressèrent à un patrimoine jusque-là délaissé ; la période de la Restauration fut une période riche de musique et d'opéra ; la vie intellectuelle, littéraire et artistique fut animée de nombreux débats beaucoup plus libres que sous les régimes précédents.
104
+
105
+ Charles X accentua l'importance qu'il entendait donner aux beaux-arts en instaurant un système d'encouragements, de récompenses et d'acquisition[35]. Des médailles furent accordées à des peintres d'Angleterre (Constable, Bonington, Copley, Fielding), des Pays-Bas (Navez), du Portugal (le chevalier Sequeira) etc. Les artistes étaient publiquement reconnus et la visite du roi garantissait leur prestige social : le roi, accompagné de l'administration des Musées, venait dans les salles d'exposition consacrées aux peintures et se faisait expliquer par le directeur les œuvres les plus remarquables et complimentait leurs auteurs. En 1827, Sosthènes de La Rochefoucauld décida que le salon des Beaux-Arts, événement majeur où les œuvres étaient présentées au roi après une sélection sévère d'un jury, eût lieu tous les ans[36]. La maison du Roi, sur proposition du directeur des Musées, favorisait deux catégories d'artistes : ceux dont la réputation était établie depuis l'Empire, et ceux qui débutaient avec succès.
106
+
107
+ Charles X est intéressé par les Antiquités et veut créer un musée royal. En 1826, le roi décida de créer une division égyptienne au Louvre confiée à Champollion, qui parvint à l'installer au rez-de-chaussée de la cour carrée. Le roi acheta la collection du chevalier Edme-Antoine Durand (1768-1835) en 1825[37]. Elle comportait, à côté d'antiquités romaines et d'œuvres médiévales, 2 500 objets égyptiens qui lui permettent de créer un musée à son nom. Charles X désigna l'ancien appartement de la reine, au premier étage de l'aile sud, côté cour carrée, pour les recevoir : les neuf nouvelles salles projetées reçurent le nom de musée Charles X. Le roi envoya, en 1824, Jean-François Champollion au musée égyptologique de Turin où il découvrit l'art égyptien. Champollion persuada Charles X d'acquérir la deuxième collection assemblée par Henry Salt, en 1826, pour 10 000 livres (250 000 francs) et qui comprend plus de 4 000 pièces[Note 4]. Champollion fut soutenu par le roi malgré ses opinions républicaines et fut nommé conservateur de la division des monuments égyptiens et orientaux du musée Charles-X le 15 mai 1826. Le roi décida également que des expositions des produits industriels devaient avoir lieu au Louvre chaque année.
108
+
109
+ Charles X décida de regrouper les collections de marine d'un musée naval installé au Louvre en 1827[38]. Celui-ci prend le nom de « musée Dauphin » en l'honneur du Duc d'Angoulême, grand amiral de France. À la suite de la victoire navale de Navarin, il fut installé dans les quatre salles du premier étage de l'aile nord du Louvre. Son premier conservateur, Pierre-Amédée Zédé, rassembla les collections navales se trouvant à Paris, au Grand Trianon et dans les salles de sculpture et de modèles des arsenaux[39]. Pierre Zédée fit aussi aménager un atelier de construction et de restauration de modèles au sein du musée[40].
110
+
111
+ Deux événements importants marquent la politique étrangère de Charles X :
112
+
113
+ La politique étrangère de Charles X visait à la restauration du prestige international et de la puissance de la France. Mais avant le règne de Charles X, la France révolutionnaire de 1794 est attaquée par les puissances européennes coalisées, et éprouve des difficultés à nourrir sa population et ses soldats, elle est vaincue et appauvrie sous Napoléon et panse ses plaies sous Louis XVIII. Le dey d’Alger Hussein avait offert à la Convention toutes facilités pour faire ses achats de blé et consenti aussi par la suite sous le Directoire un prêt d’argent sans intérêts.
114
+
115
+ Cette dette, non honorée au fil des régimes successifs, sera à l'origine d'un refroidissement des relations entre le Dey Hussein et le consul de France (affaire du "coup d'éventail"); refroidissement qui, loin de ralentir la volonté de redorer la politique étrangère du roi, servira de prétexte pour intervenir militairement, partir à la conquête de l'Algérie et organiser sa colonisation.
116
+
117
+ Sous le ministère Polignac, d'autres projets allant en ce sens furent élaborés ; ainsi, quand en 1829, l'armée russe marcha sur Andrinople, il fut envisagé d'étendre la France dans le cadre d'une réorganisation européenne consécutive à l'effondrement de l'Empire ottoman. La direction des affaires politiques du ministère des Affaires étrangères dirigée par Charles-Edmond, baron de Boislecomte, rédigea un mémoire approuvé par le Conseil des ministres le 3 septembre 1829 : la France aurait aidé la Russie à s'emparer de territoires ottomans en Asie et Europe, et en échange, aurait récupéré les territoires perdus en Allemagne en 1814 comme Sarrelouis, Sarrebruck et Landau, ainsi que la Belgique et le Luxembourg. La maison d'Orange aurait régné en Constantinople, la Prusse aurait annexé la Hollande et la Saxe, le roi de Saxe aurait régné sur la rive gauche du Rhin[41],[42]. Le recul russe rendit impossible toute mise en œuvre de ce projet.
118
+
119
+ Elle aurait joué après la campagne victorieuse en Espagne de 1823 un rôle décisif dans l'indépendance de la Grèce. La politique étrangère du roi suscita l'admiration de Metternich et son incompréhension face aux événements de 1830 : « C'est au milieu d'une prospérité inouïe, d'une conquête qui a excité l'envie de l'Angleterre et l'admiration reconnaissante des nations européennes, que le peuple s'est laissé pousser à la rébellion contre son roi. Je comprends les calculs égoïstes des séducteurs, mais non l'insigne niaiserie des innombrables dupes. »
120
+
121
+ En échange de la reconnaissance de l'indépendance de Haïti, il exige de celle-ci le paiement d'une indemnité de 90 millions de francs or destinés à « dédommager les anciens colons qui réclameront une indemnité ». Haïti se ruine à payer cette indemnité, compromettant sensiblement son développement[43].
122
+
123
+ Les ordonnances de Saint-Cloud, signées le 25 sont remises, le soir même, par le garde des sceaux, Chantelauze, au rédacteur en chef du Moniteur afin qu’elles soient publiées au matin du lundi 26. Jugées inconstitutionnelles par leurs opposants, elles excitent immédiatement leur réprobation. Ils soulèvent Paris les 27, 28 et 29 juillet : ce sont les Trois Glorieuses de 1830, ou « révolution de Juillet », qui renversent finalement Charles X. Le 30, Louis-Philippe, duc d'Orléans, est nommé lieutenant général du Royaume par les députés insurgés, poste qu'il accepte le 31. Il s'enveloppe alors d'un drapeau tricolore avec La Fayette et paraît ainsi à son balcon.
124
+
125
+ Le 2 août, Charles X, retiré à Rambouillet, abdique et convainc son fils aîné le dauphin Louis-Antoine de contresigner l'abdication.
126
+
127
+ Il confie à son cousin le duc d'Orléans la tâche d'annoncer que son abdication se fait au profit de son petit-fils Henri, duc de Bordeaux, âgé de neuf ans, faisant du duc d'Orléans le régent.
128
+
129
+ Leur résolution est annoncée dans une lettre[44] du roi déchu au duc d'Orléans :
130
+
131
+ « Rambouillet, ce 2 août 1830.
132
+
133
+ Mon cousin, je suis trop profondément peiné des maux qui affligent ou qui pourraient menacer mes peuples pour n’avoir pas cherché un moyen de les prévenir. J’ai donc pris la résolution d’abdiquer la couronne en faveur de mon petit-fils le Duc de Bordeaux. Le Dauphin, qui partage mes sentimens, renonce aussi à ses droits en faveur de son neveu.
134
+
135
+ Vous aurez donc, en votre qualité de lieutenant général du Royaume, à faire proclamer l’avénement de Henri V à la couronne. Vous prendrez d’ailleurs toutes les mesures qui vous concernent pour régler les formes du gouvernement pendant la minorité du nouveau Roi. Ici je me borne à faire connaître ces dispositions ; c’est un moyen d’éviter encore bien des maux.
136
+
137
+ Vous communiquerez mes intentions au corps diplomatique, et vous me ferez connaître le plus tôt possible la proclamation par laquelle mon petit-fils sera reconnu Roi sous le nom d'Henri V.
138
+
139
+ Je charge le lieutenant général vicomte de Foissac-Latour de vous remettre cette lettre. Il a ordre de s’entendre avec vous pour les arrangemens à prendre en faveur des personnes qui m’ont accompagné, ainsi que pour les arrangemens convenables pour ce qui me concerne et le reste de ma famille.
140
+
141
+ Nous réglerons ensuite les autres mesures qui seront la conséquence du changement de règne.
142
+
143
+ Je vous renouvelle, mon cousin, l’assurance des sentimens avec lesquels je suis votre affectionné cousin,
144
+
145
+ Charles
146
+
147
+ Louis Antoine »
148
+
149
+ Il existe une controverse sur l'abdication : Charles X ne peut forcer son fils à renoncer à ses droits, car la dynastie de France est successive et non héréditaire[réf. nécessaire]. Ce dernier s'il avait refusé de contresigner l'abdication de son père, aurait pu conserver la Couronne pour lui-même, se faire reconnaître roi par les députés sous le nom de « Louis XIX » ou « Louis-Antoine Ier », et reprendre en main l'armée et le pays. Mais finalement, il renonce par obéissance ou par faiblesse.
150
+
151
+ Malgré les termes de l'abdication, le duc d'Orléans prend le pouvoir sous le nom de « Louis-Philippe Ier ». Le 3 août, en effet, devant les Chambres réunies, il annonce[45] bien l'abdication de Charles X, contresignée par le dauphin… mais ne mentionne pas qu'elle est effectuée en faveur du duc de Bordeaux. Le texte intégral de l'abdication est néanmoins transcrit le 3 août sur le registre de l'état civil de la maison royale, aux archives de la Chambre des pairs, et inséré au Bulletin des lois du 5 août 1830.
152
+
153
+ Par ailleurs, Charles X — déjà en exil — interdit à la duchesse de Berry, la mère du duc de Bordeaux, d'emmener son fils à Paris ; il embarque pour l’exil au port militaire de Cherbourg sur le Great Britain, commandé par le capitaine Dumont d'Urville, sans laisser de consignes à ses fidèles ; c'est alors le début de la monarchie de Juillet.
154
+
155
+ Les archives de la maison du Roi sous le règne de Charles X sont conservées aux Archives nationales dans la sous-série O/3[46].
156
+
157
+ En exil, Charles X porte le titre de courtoisie de « comte de Ponthieu », nom d'un ancien comté qui sera donné à une rue de Paris. Le roi déchu se retire d'abord au palais de Holyrood, en Écosse. Grâce à ses bonnes relations avec les Habsbourg-Lorraine, il s'installe au château de Prague, où il reçoit des visites de Chateaubriand. Il part ensuite à Budweis (actuelle České Budějovice) puis doit fuir la grande épidémie de choléra qui sévit en Bohême et en Autriche[47] et arrive enfin à Görz (alors en Autriche), actuelle Gorizia en Italie et Nova Gorica en Slovénie (ville divisée en 1947 par la ligne militaire Morgan).
158
+
159
+ Il meurt dans cette ville du choléra le 6 novembre 1836[48], au Palais Coronini Cronberg, et est inhumé dans l'église de l'Annonciation du couvent de Kostanjevica (Nova Gorica, Slovénie) aux côtés de son fils Louis et de sa bru Marie-Thérèse, fille aînée de Louis XVI et de Marie-Antoinette[49], après s'être confessé et avoir pardonné « de grand cœur » à ses ennemis[50].
160
+
161
+ « […] Mme Adélaïde [sœur de Louis-Philippe] mande à M. de Talleyrand que la Cour ne prendra pas le deuil à l'occasion de la mort de Charles X, faute de notification […] (la mort) divise, à Paris, sur tous les points. Chacun y porte le deuil à sa façon, depuis la couleur jusqu'à la laine noire, avec des gradations infinies, et des aigreurs nouvelles à chaque aune de crêpe en moins. Puis, les uns disent le comte de Marnes et Henri V, les autres Louis XIX. Enfin, c'est la tour de Babel ; on n'est même pas d'accord sur la maladie dont Charles X est mort ! […] Il y a eu division sur la question du deuil jusque dans la famille royale actuelle : la Reine, qui l'avait pris spontanément le premier jour, a été très peinée que le Ministère le lui ait fait quitter. Le Cabinet a craint la controverse des journaux […]. »
162
+
163
+ — duchesse de Dino, de Rochecotte, les 21 et 28 novembre 1836 dans Chronique de 1831 à 1862, Plon, 1909, p. 107 et 108.
164
+
165
+ À la mort de Charles X, une partie des légitimistes reconnaît pour « roi » son fils le « comte de Marnes », sous le nom de « Louis XIX », mais les henriquinquistes, en contradiction avec les lois fondamentales, continuent de soutenir le « comte de Chambord », sous le nom d'« Henri V », se basant sur l'abdication du 2 août 1830, que Charles X avait signée en faveur de son petit-fils Henri d'Artois.
166
+
167
+ Pourtant, le fils aîné de Charles X, le dauphin Louis-Antoine, signe une proclamation[réf. souhaitée] dans laquelle, tout en confirmant sa renonciation de 1830, il déclare que « dans les circonstances actuelles », l'intérêt de son neveu exige qu'il soit « chef de la maison de France » et investi de l'autorité royale, sous le nom de « Louis XIX » et avec le titre de courtoisie de « comte de Marnes », jusqu'au jour où « la monarchie légitime sera rétablie » : il transmettrait alors la Couronne à son neveu.
168
+
169
+ Cette subtilité s'explique par le fait que la mort de Charles X investissant ipso facto le dauphin de la royauté, il suffit de notifier le décès aux cours européennes pour notifier également « l'élévation » au trône du dauphin sous le nom de Louis XIX ; en revanche, la reconnaissance de l'accession au trône d'Henri V implique la notification de la double abdication de 1830, dont on peut redouter que les cours refusent de la recevoir dès lors qu'elles ont toutes (excepté le Duché de Modène) reconnu la monarchie de Juillet.
170
+
171
+ Marquant le début de l'âge d'or de la caricature du XIXe siècle, Charles X est, selon les termes d'Annie Duprat, l'objet d'une satire riche et diversifiée dans les premières semaines qui suivent sa chute en 1830. À travers la presse et l'estampe, l'imagerie, d'une grande variété de thèmes et de formes, joue fréquemment sur sa physionomie dégingandée à travers de multiples représentations animales (âne, girafe, dindon, cheval, tigre, chat, canard, paon, lapin, etc.). La bigoterie du roi est rappelée par des éléments du costume. Ses opinions réactionnaires lui valent d'être souvent caricaturé en écrevisse, crustacé qui se déplace en reculant. Sa fuite est également plaisantée, comparée à celle du bey lors de la prise d'Alger par les troupes du maréchal de Bourmont en juillet 1830[51].
172
+
173
+ Le nom de Charles X est resté associé à un style dans les arts décoratifs. Ce style reste proche de celui du Premier Empire. Mais ce qui caractérise la courte période de son règne est un regain d'intérêt artistique pour le Moyen Âge et l'essor du style troubadour.
174
+
175
+ Même si elles sont parues avant, certaines œuvres de Chateaubriand comme le Génie du christianisme sont caractéristiques de l'esprit du règne.
176
+
177
+ Il apparaît dans la série d'Annie Jay Les Roses de Trianon.
178
+
179
+ Le Mariage de Figaro, interdit par Louis XVI, fut joué lors d'une représentation privée au château de Gennevilliers avec pour actrice principale, Marie-Antoinette, dans le rôle de la comtesse, et en présence du comte d'Artois.[réf. nécessaire]
180
+
181
+ Plus tard, il fut aussi joué lors d'une représentation au château de Versailles avec pour acteur principal le comte d'Artois dans le rôle de Figaro.[réf. nécessaire]
182
+
183
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/995.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,224 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ (en) « Site Officiel »
4
+
5
+ modifier
6
+
7
+
8
+
9
+ Charles Spencer Chaplin, dit Charlie Chaplin [ˈt͡ʃɑːli ˈt͡ʃæplɪn][n 1], né le 16 avril 1889 probablement à Londres (Royaume-Uni) et mort le 25 décembre 1977 à Corsier-sur-Vevey (Suisse), est un acteur, réalisateur, scénariste, producteur et compositeur britannique.
10
+
11
+ Devenu une idole du cinéma muet à partir du milieu des années 1910, et plus particulièrement du burlesque, grâce à son personnage de Charlot (ou simplement « The Tramp » en anglais), il acquiert ensuite une notoriété et une reconnaissance plus large pour ses performances d'acteur comme pour ses réalisations. Durant une carrière longue de 65 ans, il joue dans plus de 80 films. Sa vie publique et privée, ainsi que ses prises de position, font par ailleurs l'objet d'adulations comme de controverses.
12
+
13
+ Chaplin grandit dans la misère entre un père absent et une mère en grandes difficultés financières, tous deux artistes de music-hall, qui se séparent deux ans après sa naissance. Plus tard, sa mère est internée à l'hôpital psychiatrique alors que son fils a quatorze ans. À l'âge de cinq ans, il fait sa première apparition sur scène. Il commence très tôt à se produire dans des music-halls et devient rapidement acteur. À 19 ans, il est remarqué par l'imprésario Fred Karno et réalise une tournée aux États-Unis. Il joue au cinéma pour la première fois en 1914 dans le film Pour gagner sa vie et travaille avec les sociétés de production Essanay, Mutual et First National. En 1918, il est l'une des personnalités les plus connues au monde.
14
+
15
+ En 1919, Chaplin cofonde la société United Artists et obtient ainsi le contrôle total sur ses œuvres. Parmi ses premiers longs-métrages figurent Charlot soldat (1918), Le Kid (1921), L'Opinion publique (1923), La Ruée vers l'or (1925) et Le Cirque (1928). Il refuse de passer au cinéma sonore et continue de produire des films muets dans les années 1930, comme Les Lumières de la ville (1931) et Les Temps modernes (1936). Ses œuvres deviennent ensuite plus politiques, avec notamment Le Dictateur (1940), dans lequel il se moque d'Hitler et de Mussolini. Sa popularité décline dans les années 1940 en raison de controverses au sujet de ses liaisons avec des femmes bien plus jeunes que lui et d'un procès en reconnaissance de paternité. Chaplin est également accusé de sympathies communistes et les enquêtes du FBI et du Congrès lui font perdre son visa américain. Il choisit de s'établir en Suisse en 1952. Il abandonne son personnage de Charlot dans ses derniers films, dont Monsieur Verdoux (1947), Les Feux de la rampe (1952), Un roi à New York (1957) et La Comtesse de Hong-Kong (1967).
16
+
17
+ Chaplin écrit, réalise et produit la plupart de ses films, en plus d'y jouer et d'en composer la musique. Il est perfectionniste et son indépendance financière lui permet de consacrer plusieurs années au développement de chacune de ses œuvres. Bien qu'étant des comédies de type slapstick, ses films intègrent des éléments de pathos et sont marqués par des thèmes sociaux et politiques ainsi que par des éléments autobiographiques. En 1972, l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences lui a remis un Oscar d'honneur pour sa contribution inestimable à l'industrie cinématographique et plusieurs de ses œuvres sont aujourd'hui considérées comme faisant partie des plus grands films de tous les temps.
18
+
19
+ Charles Spencer Chaplin[1],[2] naît le 16 avril 1889 ; il est le deuxième enfant d'Hannah Chaplin née Hill (1865 – 1928) et de Charles Chaplin, Sr. (1863 – 1901). Son acte de naissance n'a pas été retrouvé dans les registres de l'état civil, mais Chaplin considérait qu'il était né dans une maison d'East Street dans le quartier de Walworth, au sud de Londres[3],[n 2]. Quatre ans plus tôt, ses parents se marient et Charles Sr. reconnaît Sydney John, un fils issu d'une précédente relation d'Hannah avec un homme inconnu[7]. Au moment de sa naissance, les parents de Chaplin sont tous deux des artistes de music-hall. Sa mère, fille d'un cordonnier[8], mène une carrière sans grand succès sous le nom de scène de Lily Harley[9], tandis que son père, fils d'un boucher[10], est un chanteur populaire[11]. Ils se séparent vers 1891[12] et l'année suivante, Hannah donne naissance à son troisième fils, Wheeler Dryden, issu d'une relation avec le chanteur de music-hall Leo Dryden ; l'enfant est emmené par son père à l'âge de six mois et reste éloigné de Chaplin pendant trente ans[13].
20
+
21
+ L'enfance de Chaplin est marquée par la misère et les privations, ce qui conduit son biographe officiel David Robinson à décrire son parcours comme « le plus spectaculaire de tous les récits jamais racontés sur l'ascension des haillons aux richesses »[14]. Il passe ses premières années avec sa mère et son frère Sydney dans le borough londonien de Kennington ; hormis quelques travaux de couture ou de nourrice, Hannah n'a aucun revenu et Charles Sr. n'apporte aucun soutien à ses enfants[15]. Alors que la situation financière du foyer se détériore, Chaplin est envoyé dans une workhouse à l'âge de sept ans[n 3]. Il indique par la suite qu'il y connaît une « triste existence »[17] et est brièvement rendu à sa mère 18 mois plus tard ; Hannah est rapidement contrainte de se séparer à nouveau de ses enfants, qui sont envoyés dans une autre institution pour enfants indigents[18].
22
+
23
+ En septembre 1898, la mère de Chaplin est admise à l'asile psychiatrique de Cane Hill après avoir développé une psychose apparemment provoquée par la malnutrition et la syphilis[19]. Durant les deux mois de son hospitalisation, Chaplin et son frère sont envoyés vivre avec leur père qu'ils connaissent à peine[20]. Charles Sr. a alors sombré dans l'alcoolisme et sa conduite entraîne la visite d'une organisation de protection de l'enfance[21]. Il meurt d'une cirrhose deux ans plus tard, à l'âge de 38 ans[22].
24
+
25
+ L'état de santé d'Hannah s'améliore[21], mais elle fait une rechute en mai 1903. Chaplin, alors âgé de 14 ans, l’emmène au dispensaire, d'où elle est renvoyée à Cane Hill[23]. Il vit seul pendant plusieurs jours et dort dans la rue en attendant le retour de son frère qui s'est engagé dans la Marine deux ans plus tôt[24],[25],[26]. Hannah quitte l'asile au bout de huit mois[27], mais elle rechute de manière permanente en mars 1905. Chaplin écrit plus tard : « Nous ne pouvions rien faire d'autre que d'accepter le sort de notre pauvre mère ». En 1921, Charlie et son frère Sydney obtiennent la permission de la prendre avec eux à Hollywood. Charlie lui achète une maison en bord de mer, et Hannah y vit ses sept dernières années, soignée à domicile. C'est là qu'elle peut revoir son troisième fils, Wheeler Dryden, dont elle est séparée depuis trente ans. Elle meurt le 28 août 1928[28].
26
+
27
+ Chaplin commence très tôt à se produire sur scène. Il y fait sa première apparition à cinq ans en remplaçant Hannah lors d'un spectacle à Aldershot[n 4]. C'est une exception, mais sa mère l'encourage dans cette voie, et « elle [l]'imprègne du sentiment [qu'il] a une sorte de talent »[31]. Grâce aux relations de son père[32], il devient membre de la troupe de danseurs Eight Lancashire Lads et se produit dans des music-halls britanniques en 1899 et 1900[n 5]. Chaplin travaille dur et la troupe est populaire, mais il ne se satisfait pas de la danse et veut se tourner vers la comédie[34].
28
+
29
+ Lorsque Chaplin est en tournée avec les Eight Lancashire Lads, sa mère s'assure qu'il continue à aller à l'école[35], mais il abandonne vers treize ans[36]. Passé une période de petits boulots[37], à quatorze ans et peu après la rechute de sa mère, il s'inscrit dans une agence artistique du West End de Londres. Le responsable de cette agence discerne un potentiel chez Chaplin et lui offre rapidement son premier rôle en tant que vendeur de journaux dans la pièce Jim, a Romance of Cockayne de Harry A. Saintsbury[38]. La première a lieu en juillet 1903, mais le spectacle ne rencontre pas de succès et les représentations s'arrêtent au bout de deux semaines ; la performance comique de Chaplin est néanmoins remarquée par les critiques[39],[40],[41]. Saintsbury lui obtient ensuite le rôle du groom Billy dans la pièce Sherlock Holmes de Charles Frohman[42]. Son jeu est si bien reçu qu'il est appelé à Londres pour se produire aux côtés de William Gillette, qui a coécrit la pièce avec Arthur Conan Doyle[43]. Il fait sa dernière tournée de Sherlock Holmes au début de l'année 1906 après y avoir joué pendant plus de deux ans et demi[44].
30
+
31
+ Chaplin rejoint rapidement une autre compagnie et joue dans une comédie à sketchs, Repairs, avec son frère Sydney qui s'est également lancé dans une carrière artistique[45]. En mai 1906, il participe au spectacle pour enfants Casey's Circus[46] et développe son jeu burlesque qui lui permet de devenir rapidement la star de la pièce. À la fin de la tournée en juillet 1907, le jeune homme de 18 ans est devenu un comédien accompli[47],[48]. Il a néanmoins des difficultés à trouver du travail et une brève incursion dans le stand-up ne rencontre pas le succès escompté[49],[50].
32
+
33
+ Dans le même temps, Sydney Chaplin a rejoint en 1906 la prestigieuse troupe comique de Fred Karno, dont il est devenu l'un des acteurs principaux en 1908[51],[52],[53]. En février, il parvient à obtenir une période d'essai de deux semaines pour son frère cadet. Karno n'est initialement pas convaincu et considère Chaplin comme un « enfant à l'air renfrogné pâle et chétif » qui « semble bien trop timide pour faire quoi que ce soit de bien au théâtre »[54]. Il est cependant impressionné par sa première prestation au London Theatre et l'engage immédiatement[55]. Après des rôles secondaires, Chaplin accède aux rôles principaux en 1909[56] et il est l'acteur principal de la nouvelle comédie Jimmy the Fearless en avril 1910. C'est un grand succès qui attire l'attention de la presse sur le jeune artiste[57],[58].
34
+
35
+ Karno le choisit pour participer avec une partie de sa troupe à une tournée en Amérique du Nord[59]. Chaplin mène les spectacles de music-hall et impressionne les critiques qui le décrivent comme « l'un des meilleurs artistes de pantomime jamais vu »[60]. La tournée dure 21 mois et la troupe retourne en Grande-Bretagne en juin 1912[61]. Chaplin a alors le sentiment troublant de « revenir aux platitudes déprimantes », et il est ravi quand une nouvelle tournée commence en octobre[62],[63].
36
+
37
+ Alors qu'il en est au sixième mois de sa tournée américaine, Chaplin est invité à rejoindre la New York Motion Picture Company ; un des responsables de la société a assisté à un de ses spectacles et pense qu'il peut remplacer Fred Mace, la star du studio Keystone, qui veut prendre sa retraite[64]. Chaplin considère les comédies de Keystone comme un « mélange grossier » mais apprécie la perspective d'une nouvelle carrière[65] ; il signe en septembre 1913 un contrat d'un an avec un salaire hebdomadaire de 150 dollars (environ 3 880 dollars de 2020[66])[67],[68].
38
+
39
+ Chaplin arrive dans les studios de Los Angeles au début du mois de décembre 1913[69] et rencontre son responsable Mack Sennett, qui pense que le jeune homme de 24 ans paraît trop jeune[70]. Il ne joue pas avant la fin du mois de février 1914 et profite de cette période pour se familiariser avec la réalisation cinématographique[71]. Il fait ses débuts dans le court-métrage Pour gagner sa vie, sorti le 2 février 1914, mais déteste le film[72]. Dans celui-ci, il se présente comme une sorte de dandy en redingote étriquée, chapeau haut-de-forme et grandes moustaches tombantes[73]. Pour son second rôle, Chaplin choisit le costume de Charlot (en anglais, The Tramp ou vagabond) avec lequel il se fait connaître ; dans son autobiographie, il décrit le processus :
40
+
41
+ « Je voulais que tout soit une contradiction : le pantalon ample, la veste étriquée, le chapeau étroit et les chaussures larges… J'ai ajouté une petite moustache qui, selon moi, me vieillirait sans affecter mon expression. Je n'avais aucune idée du personnage mais dès que j'étais habillé, les vêtements et le maquillage me faisaient sentir qui il était. J'ai commencé à le connaître et quand je suis entré sur le plateau, il était entièrement né[74],[n 6]. »
42
+
43
+ Ce film est L'Étrange Aventure de Mabel mais le personnage de « Charlot » apparaît pour la première fois dans Charlot est content de lui tourné peu après mais qui sort deux jours plus tôt le 7 février 1914[76]. Chaplin adopte rapidement ce personnage et fait des suggestions pour les films dans lesquels il apparaît, mais elles sont rejetées par les réalisateurs[77]. Durant le tournage de son 11e film, Mabel au volant, il affronte la réalisatrice Mabel Normand et l'incident entraîne presque la résiliation de son contrat. Sennett le conserve néanmoins après avoir reçu des commandes pour de nouveaux films avec Chaplin. Il l'autorise également à réaliser son prochain film après que Chaplin a promis de payer 1 500 dollars (environ 38 287 dollars de 2020[66]) s'il ne rencontre pas de succès[78].
44
+
45
+ Un béguin de Charlot, sorti le 4 mai 1914, marque les débuts de réalisateur de Chaplin et connaît un grand succès[79]. Par la suite, il réalise quasiment tous les courts-métrages de Keystone dans lesquels il joue[80] ; Chaplin rapporte par la suite que cette période, où il réalise environ un film par semaine[81], est la plus excitante de sa carrière[82]. Il introduit une forme de comédie plus lente que les farces typiques de Keystone[76] et rassemble rapidement un grand nombre d'admirateurs[83],[84]. En novembre 1914, il joue avec Marie Dressler dans le long-métrage Le Roman comique de Charlot et Lolotte réalisé par Sennett ; le film est un succès et accroît sa popularité[85]. Lorsque le contrat de Chaplin expire à la fin de l'année, il demande un salaire hebdomadaire de 1 000 dollars (environ 25 525 dollars de 2020[66]), une somme que Sennett refuse car jugée trop élevée[86].
46
+
47
+ L'Essanay Film Manufacturing Company propose à Chaplin un salaire hebdomadaire de 1 250 dollars (environ 31 591 dollars de 2020[66]) avec une prime d'embauche de 10 000 dollars. Il intègre le studio à la fin du mois de décembre 1914[87] et rejoint d'autres acteurs comme Leo White, Bud Jamison, Paddy McGuire et Billy Armstrong. Alors qu'il est à la recherche d'un second rôle féminin pour son deuxième film, Charlot fait la noce, il repère une secrétaire appelée Edna Purviance dans un café à San Francisco. Il l'engage et elle tourne avec lui dans 35 films[88] ; ils ont également une aventure sentimentale jusqu'en 1917[89].
48
+
49
+ Chaplin exerce un contrôle important sur ses films et il commence à consacrer beaucoup de temps et d'énergie dans chacune de ses réalisations[90],[91],[92]. Un mois sépare sa seconde production, Charlot fait la noce, et sa troisième, Charlot boxeur[93], et il adopte ce rythme pour ses réalisations ultérieures avec Essenay[94]. Il modifie également son personnage, critiqué par Keystone en raison de son caractère « malveillant, rustre et grossier », pour lui donner une personnalité plus douce et romantique[95]. Cette évolution est illustrée par Le Vagabond en avril 1915[96],[97] et Charlot garçon de banque en août, qui comportent un final plus triste. C'est une innovation pour les films comiques et les critiques sérieux commencent à apprécier davantage son travail[98]. Avec Essanay, Chaplin trouve les thèmes qui définissent le monde de Charlot[99].
50
+
51
+ Immédiatement après ses débuts cinématographiques, Chaplin devient un phénomène culturel. Les magasins vendent des produits associés à son personnage de Charlot, qui apparaît dans des bandes dessinées et dans des chansons[100],[81],[101]. En juillet 1915, selon un journaliste du magazine Motion Picture Magazine, la « chaplinite » se propage en Amérique[102]. Sa popularité s'étend également à l'étranger et il devient la première star internationale du cinéma[103],[104]. Alors que son contrat avec Essenay expire en décembre 1915[105], Chaplin, pleinement conscient de sa célébrité, demande une prime d'embauche de 150 000 dollars (environ 3 790 954 dollars de 2020[66]) à son nouveau studio. Il reçoit plusieurs propositions venant entre autres d'Universal, Fox et Vitagraph[106].
52
+
53
+ Il est finalement engagé par le studio Mutual, qui lui accorde un salaire annuel de 670 000 dollars (environ 1 693 293 dollars de 2020[66]), faisant de Chaplin, alors âgé de 26 ans, l'une des personnes les mieux payées au monde[107]. Cette somme élevée choque le public et est largement reprise dans la presse[108]. Le président du studio, John R. Freuler, explique qu'ils peuvent se permettre de payer ce salaire à Chaplin car « le public veut Chaplin et paiera pour le voir »[109].
54
+
55
+ Mutual accorde à Chaplin son propre studio à Los Angeles, qui est inauguré en mars 1916[110]. Il recrute deux nouveaux acteurs pour l'accompagner, Albert Austin et Eric Campbell[111], et réalise une série de films plus élaborés et mélodramatiques : Charlot chef de rayon, Charlot pompier, Charlot musicien, Charlot rentre tard, Charlot et le Comte[112]. Pour Charlot usurier, il embauche l'acteur Henry Bergman, qui travaille avec lui pendant 30 ans[113]. Charlot fait du ciné et Charlot patine sont ses dernières réalisations pour l'année 1916. Le contrat avec Mutual stipule qu'il doit réaliser un court-métrage toutes les quatre semaines, engagement qu'il tient[114]. Il commence néanmoins à demander plus de temps pour créer ses films et il n'en réalise que quatre autres pour Mutual dans les dix premiers mois de l'année 1917 : Charlot policeman, Charlot fait une cure, L'Émigrant et Charlot s'évade[115]. Du fait de leur réalisation méticuleuse et de leur construction soignée, ces films sont considérés comme parmi les meilleures œuvres de Chaplin par les spécialistes du cinéaste[116],[117],[115],[118]. Pour Chaplin, ses années à Mutual sont les plus heureuses de sa carrière[119].
56
+
57
+ Chaplin est critiqué par la presse britannique pour son absence de participation à la Première Guerre mondiale[120]. Il répond qu'il est volontaire pour se battre pour le Royaume-Uni s'il est appelé et qu'il a déjà répondu à la conscription américaine ; aucun des deux pays ne lui demande de s'enrôler et l'ambassade britannique aux États-Unis publie une déclaration indiquant que Chaplin « est bien plus utile à la Grande-Bretagne en gagnant de l'argent et en achetant des obligations de guerre que dans les tranchées »[121]. Malgré ces critiques, Chaplin est l'un des acteurs préférés des soldats[122], et sa popularité continue de grandir dans le monde entier. Le magazine américain Harper's Weekly rapporte que le nom de Charlie Chaplin fait « partie de la langue véhiculaire de presque tous les pays » et que l'image de Charlot est « universellement familière »[123]. En 1917, les imitateurs professionnels de Charlot sont si répandus qu'il lance des actions en justice[124] et il est rapporté que neuf hommes sur dix participant à des soirées costumées reprenaient son accoutrement[125]. L'actrice Minnie M. Fiske écrit qu'un « nombre en constante augmentation de personnes cultivées commencent à considérer le jeune bouffon anglais, Charlie Chaplin comme un artiste extraordinaire et un génie comique »[123].
58
+
59
+ Mutual ne se formalise pas de la production réduite de Chaplin et le contrat se termine à l'amiable. Pour son nouveau studio, son principal objectif est d'avoir une plus large indépendance ; son frère Sydney, devenu son agent artistique, déclare à la presse que « Chaplin doit être autorisé à avoir tout le temps et l'argent nécessaire pour produire les films à sa manière… C'est la qualité, non la quantité, que nous voulons »[126]. En juin 1917, Chaplin signe un contrat d'un million de dollars (environ 19 955 844 dollars de 2020[66]) pour huit films avec l'association de propriétaires de salles de cinéma First National Pictures[127]. Il décide de construire son propre studio sur un terrain de 5 acres (20 200 m2) près de Sunset Boulevard avec les meilleures installations et équipements disponibles[128],[129]. Le studio est inauguré en janvier 1918[130] et Chaplin reçoit une grande liberté pour la réalisation de ses films[131].
60
+
61
+ Une vie de chien, distribué en avril 1918, est son premier film sous ce nouveau contrat. Il y démontre une attention grandissante pour l'intrigue et son traitement de Charlot comme une sorte de Pierrot[132]. Le film est décrit par le critique français Louis Delluc comme « la première œuvre d'art totale du cinéma »[133]. Chaplin participe ensuite à l'effort de guerre en réalisant une tournée d'un mois aux États-Unis afin de lever des fonds pour les Alliés[134]. Il produit également un court-métrage de propagande pour le gouvernement appelé The Bond[135]. Son film suivant, Charlot soldat, met en scène Charlot dans les tranchées ; ses associés le mettent en garde contre une comédie sur la guerre, mais il pense autrement : « dangereuse ou non, l'idée m'excitait »[136]. Le tournage dure quatre mois et le film de 45 minutes rencontre un grand succès à sa sortie, en octobre 1918[137].
62
+
63
+ Après la sortie de Charlot soldat, Chaplin demande plus de fonds à la First National, qui refuse. Frustré par le manque de considération du studio pour la qualité et inquiet des rumeurs d'une fusion avec Famous Players-Lasky[138],[139], il se rapproche de ses collègues Douglas Fairbanks, Mary Pickford et D. W. Griffith pour fonder une nouvelle société de distribution. La création d'United Artists en janvier 1919[140] est une révolution pour l'industrie cinématographique, car les quatre fondateurs peuvent dès lors personnellement financer leurs œuvres et avoir un contrôle total sur elles[141]. Chaplin est alors impatient de pouvoir commencer avec sa nouvelle entreprise et offre de racheter son contrat avec la First National. Le studio refuse et insiste pour qu'il livre les six derniers films promis[142].
64
+
65
+ Avant la création d'United Artists, Chaplin se marie pour la première fois. L'actrice de 17 ans Mildred Harris est enceinte et ils se marient discrètement à Los Angeles en septembre 1918 pour éviter la controverse[143] ; la grossesse se révèle fausse[144]. Chaplin n'est pas heureux de cette union, qui selon lui affecte sa créativité, et la réalisation d'Une idylle aux champs est difficile[145],[146]. Harris tombe ensuite réellement enceinte et elle accouche d'un garçon le 7 juillet 1919. Le nouveau-né, Norman Spencer Chaplin, est cependant mal-formé et meurt trois jours plus tard[147]. Les époux divorcent en avril 1920 et Chaplin explique dans son autobiographie qu'ils n'étaient « absolument pas faits l'un pour l'autre »[148],[149].
66
+
67
+ Cette tragédie personnelle influence l'œuvre de Chaplin, car il envisage de faire de Charlot le tuteur d'un jeune garçon[150],[151]. Le tournage du Kid commence en août 1919 avec le jeune Jackie Coogan, alors âgé de quatre ans[152]. Chaplin réalise que le projet est plus important que prévu et, pour apaiser la First National, arrête sa production et tourne rapidement Une journée de plaisir[153]. La réalisation du Kid dure neuf mois, jusqu'en mai 1920, et sa durée de 68 minutes en fait le plus long du cinéaste jusque là[154]. Marqué par les thèmes de la pauvreté et de la séparation, on considère que Le Kid est influencé par la propre enfance de Chaplin[131] et il est l'un des premiers films à associer la comédie et le drame[155]. Le succès est immédiat à sa sortie, en janvier 1921, et il est distribué dans plus de 50 pays dans les trois années qui suivent[156].
68
+
69
+ Chaplin consacre cinq mois à son film suivant de 31 minutes, Charlot et le Masque de fer[141]. Après sa sortie en septembre 1921, il décide de retourner en Grande-Bretagne pour la première fois en près d'une décennie[157]. Il remplit ensuite son contrat avec la First National en réalisant Jour de paye en février 1922 et Le Pèlerin un an plus tard[158].
70
+
71
+ Ayant rempli ses obligations avec la First National, Chaplin est à présent libre de réaliser ses films en tant que producteur indépendant. En novembre 1922, il commence le tournage de L'Opinion publique[159]. Il veut que ce drame romantique lance la carrière d'Edna Purviance[160] et ne réalise qu'un bref caméo non crédité dans cette production[161]. Souhaitant que le film soit réaliste, il demande à ses acteurs de jouer de manière retenue, expliquant que dans la vie réelle « les hommes et les femmes essayent de dissimuler leurs émotions plutôt que de vouloir les montrer[162] ». La première de L'Opinion publique en septembre 1923 est acclamée par la critique pour son approche subtile, qui est alors une innovation[163]. Le public semble cependant peu intéressé par un film de Chaplin sans Charlot et il fait un échec[164]. Fier de son film, le cinéaste est affecté par ce revers car il a voulu réaliser un film dramatique ; il retire L'Opinion publique des salles aussi vite que possible[165].
72
+
73
+ Chaplin revient à la comédie pour son prochain projet et il pense alors : « Ce prochain film doit être une épopée ! la plus grande[166] ! » Inspiré par une photographie de la ruée vers l'or du Klondike de 1898 et par le récit de l'expédition Donner de 1846-1847, il réalise ce que le journaliste Geoffrey Macnab qualifie de « comédie épique sur un sujet grave[167],[168] ». Dans La Ruée vers l'or, Charlot est représenté comme un prospecteur solitaire affrontant l'adversité et à la recherche de l'amour. Avec Georgia Hale comme partenaire, Chaplin commence le tournage dans les montagnes de l'ouest du Nevada en février 1924[169]. La production est complexe, avec plus de 600 figurants, des décors extravagants et des effets spéciaux[170] ; la dernière scène n'est réalisée qu'en mai 1925, après 15 mois de tournage[171].
74
+
75
+ Avec un coût de près d'un million de dollars[172], Chaplin considère que La Ruée vers l'or est le meilleur film qu'il a réalisé jusque-là[173]. Après sa sortie en août 1925, il devient l'un des plus gros succès du cinéma muet, avec cinq millions de dollars (environ 72 893 738 dollars de 2020[66]) de recettes[172],[174]. La comédie comporte certaines des scènes les plus célèbres de Chaplin, comme celle de Charlot mangeant sa chaussure ou celle dite de la « danse des petits pains »[175],[176],[177],[178], et il déclare par la suite qu'il aimerait que les gens se souviennent de lui grâce à ce film[167].
76
+
77
+ Alors qu'il réalise La Ruée vers l'Or, Chaplin se marie pour la deuxième fois. Comme pour sa première union, Lita Grey est une jeune actrice qui doit apparaître dans le film et dont la grossesse imprévue oblige Chaplin à l'épouser. Elle a alors 16 ans et lui 35, et selon la loi californienne cette relation peut être qualifiée de viol sur mineure[179]. D'après les documents du divorce, Chaplin a voulu la faire avorter, mais celle-ci a refusé. La mère de Lita Grey a par ailleurs menacé Chaplin de le dénoncer à la police s'il n'épouse pas sa fille[180]. Il organise donc une cérémonie discrète au Mexique, le 24 novembre 1924[181]. Lita accouche d'un premier fils, Charles Chaplin Jr., le 5 mai 1925, et d'un second, Sydney Earle Chaplin, le 30 mars 1926[182].
78
+
79
+ Cette union est malheureuse et Chaplin passe beaucoup de temps en studio pour éviter de voir son épouse[183]. En novembre 1926, Lita Grey quitte leur foyer avec leurs enfants[184]. Lors de la difficile procédure de divorce, les documents de Lita Grey accusant Chaplin d'infidélité, de violence et d'entretenir des « désirs sexuels pervers » sont publiés par la presse[185],[186],[n 7]. Il est rapporté que Chaplin est au bord d'une crise de nerfs, alors que l'histoire fait la une des journaux et que des groupes sont créés pour demander l'interdiction de ses films[186],[188]. Impatients de mettre un terme à l'affaire, les avocats de Chaplin acceptent en août 1927 de payer 600 000 dollars (environ 8 831 034 dollars de 2020[66]), la plus grosse somme accordée lors d'un procès aux États-Unis jusqu'alors[189]. La popularité de Chaplin lui permet de surmonter l'incident, qui est rapidement oublié, mais il en reste profondément affecté[190],[191].
80
+
81
+ Avant le début de la procédure de divorce, Chaplin commence à travailler sur un nouveau film, Le Cirque[192]. Le tournage est suspendu dix mois durant le scandale de son divorce[193] et la production est marquée par les difficultés[194]. Finalement terminé en octobre, Le Cirque sort en janvier 1928 et reçoit un accueil positif[195]. Lors de la 1re cérémonie des Oscars, Chaplin reçoit un Oscar d'honneur « pour sa polyvalence et son génie à jouer, écrire, mettre en scène et produire Le Cirque[196] ». Malgré le succès du film, Chaplin l'associe avec le stress de sa production ; il ne le mentionne pas dans son autobiographie et a du mal à travailler dessus quand il le resonorisa en 1967[197],[198].
82
+
83
+ Le cinéma sonore apparaît à l'époque où sortait Le Cirque. Chaplin est sceptique quant à cette nouvelle technique et estime que les « parlants » ne valent pas les films muets, du point de vue artistique[200],[201]. Il est également réticent à l'idée de changer la formule qui a fait son succès[202],[199],[203] et craint que donner une voix à Charlot ne limite son attrait à l'international[200],[203]. Il rejette donc cette mode hollywoodienne et commence à travailler sur un nouveau film muet ; cette décision le rend néanmoins anxieux et il le reste tout au long de la production de ce nouveau projet[200],[203].
84
+
85
+ Lorsque le tournage commence à la fin de l'année 1928, Chaplin travaille sur l'histoire depuis près d'un an[204],[205]. Les Lumières de la ville met en scène l'amour de Charlot pour une fleuriste aveugle, jouée par Virginia Cherrill, et ses efforts pour lever des fonds pour une opération destinée à lui rendre la vue. Chaplin a travaillé « jusqu'au bord de la folie pour obtenir la perfection[206] » et le tournage dure 21 mois, jusqu'en septembre 1930[207].
86
+
87
+ Chaplin finalise Les Lumières de la ville en décembre 1930 à un moment où les films muets sont devenus anachroniques[208]. Une pré-projection ne rencontre pas de succès[209], mais la presse est séduite. Un journaliste écrit : « Personne d'autre que Charlie Chaplin n'aurait pu le faire. Il est le seul à avoir ce quelque chose d'étrange appelé « attrait de l'audience » en quantité suffisante pour défier le penchant populaire pour les films qui parlent[210] ». Lors de sa sortie officielle en janvier 1931, Les Lumières de la ville est un succès populaire et financier qui rapporte plus de trois millions de dollars[211],[212],[213]. Le British Film Institute le cite comme la plus grande réussite de Chaplin et le critique James Agee évoque son final comme « le meilleur jeu d'acteur et le plus grand moment de l'histoire du cinéma[214],[215] ».
88
+
89
+ Les Lumières de la ville est un succès mais Chaplin n'est pas certain de pouvoir réaliser un nouveau film sans dialogues. Il reste convaincu que le son ne marcherait pas dans ses films, mais est également « obsédé par la peur déprimante d'être démodé »[216]. En raison de ces incertitudes, le comédien choisit au début de l'année 1931 de prendre des vacances et il arrête de tourner pendant 16 mois[217],[218]. Il visite l'Europe de l'Ouest, dont la France et la Suisse, et décide spontanément de se rendre dans l'Empire du Japon[219]. Là-bas, il est témoin de l'incident du 15 mai 1932, durant lequel des officiers nationalistes tentent un coup d'État, assassinant le Premier ministre du Japon Tsuyoshi Inukai. Le plan initial inclut notamment de tuer Charlie Chaplin afin de déclencher une guerre avec les États-Unis[220]. Quand le Premier ministre est tué, son fils Takeru Inukai assiste à une compétition de sumo avec Charlie Chaplin, ce qui leur a probablement sauvé la vie[221].
90
+
91
+ Dans son autobiographie, il note qu'à son retour à Los Angeles en juin 1932, « [il] est perdu et sans but, fatigué et conscient d'une extrême solitude ». Il envisage brièvement la possibilité de prendre sa retraite et de s'installer en Chine[222].
92
+
93
+ La solitude de Chaplin est apaisée quand il rencontre en juillet l'actrice de 21 ans Paulette Goddard, avec qui il forme un couple heureux[223],[224]. Hésitant encore sur l'opportunité d'un film, il écrit un roman-feuilleton sur ses voyages, qui est publié dans le magazine Woman's Home Companion[225]. Son séjour à l'étranger, durant lequel il rencontre plusieurs personnages influents, a un effet très stimulant pour Chaplin, et il s'intéresse de plus en plus aux questions internationales[226]. L'état du monde du travail américain durant la Grande Dépression le trouble et il craint que le capitalisme et les machines ne provoquent un fort taux de chômage. Ce sont ces inquiétudes qui le motivent à développer son nouveau film[227],[228].
94
+
95
+ Les Temps modernes est présenté par Chaplin comme « une satire de certaines situations de notre vie industrielle[229] ». Il envisage d'en faire un film parlant, mais change d'avis lors des répétitions. Comme ses prédécesseurs, Les Temps modernes utilise des effets sonores synchronisés, mais presque aucune parole[230]. Dans le film, l'interprétation en « charabia » d'une chanson par Chaplin donne néanmoins pour la première fois une voix à Charlot[231]. Après l'enregistrement de la musique, le résultat est présenté en février 1936[232]. Il s'agit de son premier film depuis Le Kid à intégrer des références politiques et sociales[233] et cet aspect entraîne une forte couverture médiatique, même si Chaplin tente de minimiser le sujet[234]. Le film connaît un succès moindre que ses précédents films et les critiques sont plus mitigées, certaines désapprouvant sa signification politique[235],[236]. Les Temps modernes est néanmoins devenu un classique du répertoire de Chaplin[214],[237].
96
+
97
+ À la suite de cette sortie, Chaplin se rend en Extrême-Orient avec Goddard[238]. Le couple refuse tout commentaire sur la nature de leur relation et on ne sait alors pas vraiment s'ils sont mariés ou non[239]. Quelque temps plus tard, Chaplin révèle qu'ils se sont mariés à Canton, en Chine, durant ce voyage[240]. Les deux s'éloignent cependant rapidement l'un de l'autre pour se consacrer à leur travail ; Goddard divorce finalement en 1942, en avançant qu'ils sont séparés depuis plus d'un an[241].
98
+
99
+ Chaplin est profondément perturbé par les tensions politiques et la montée des nationalismes en Europe dans les années 1930[242],[243] et estime qu'il ne peut en faire abstraction dans ses films[244]. Les observateurs font des rapprochements avec Adolf Hitler : ils sont nés à quatre jours d'écart, ont tous deux accédé à la notoriété mondiale malgré leur origine modeste, et le dictateur allemand porte la même moustache que Charlot. Cette ressemblance physique devient la base du film suivant de Chaplin, Le Dictateur, qui se moque directement d'Hitler et du fascisme[245],[246],[247],[248],[249],[250].
100
+
101
+ Chaplin consacre deux années à la rédaction du scénario[251] et commence le tournage en septembre 1939 alors que la Seconde Guerre mondiale vient d'éclater[252]. Chaplin décide de renoncer au film muet, qu'il estime démodé et parce qu'il est plus facile de délivrer un message politique avec la parole[253]. Réaliser une comédie sur Hitler est très délicat, mais l'indépendance financière de Chaplin lui permet de prendre le risque[254] : « J'étais déterminé à le faire car on doit se moquer d'Hitler[255],[n 8] ». Dans le film, Chaplin s'éloigne de son personnage de Charlot, tout en conservant son accoutrement, en jouant un « barbier juif » vivant dans une dictature européenne ressemblant considérablement à la dictature hitlérienne ; Chaplin répond ainsi aux nazis qui prétendent qu'il est juif[n 9],[n 10]. Charlie Chaplin jouera également le dictateur « Adenoïd Hynkel », parodiant Hitler[258].
102
+
103
+ Le Dictateur passe une année en postproduction et est présenté au public en octobre 1940[259]. Le film est l'objet d'une importante campagne publicitaire et un critique du New York Times le qualifie de film le plus attendu de l'année[260]. Il connaît un succès populaire considérable, même si le dénouement est controversé[261],[262]. Dans ce final où son personnage de barbier juif prend la place du dictateur, Chaplin prononce un discours de six minutes face à la caméra, dans lequel il expose ses opinions politiques personnelles[263],[264]. Selon l'historien du cinéma Charles J. Maland, à une époque où le cinéma évite les thèmes politiques controversés, cette prise de liberté a marqué le début du déclin de la popularité de Chaplin : « Dorénavant, aucun admirateur ne pourra séparer la dimension politique de sa star de cinéma »[265]. Le Dictateur est nommé dans cinq catégories lors de la 13e cérémonie des Oscars, dont celles du meilleur film, du meilleur acteur et du meilleur scénario, même s'il ne remporte aucune statuette[266].
104
+
105
+ Dans le milieu des années 1940, Chaplin est impliqué dans une série de procès qui accaparent une grande partie de son temps et affectent son image publique[267]. Ces derniers sont liés à sa relation intermittente avec l'aspirante actrice Joan Barry, entre juin 1941 et l'été 1942[268]. Ils se séparent après que cette dernière montre des troubles mentaux, et elle est arrêtée à deux reprises pour harcèlement après cette rupture[n 11]. Elle réapparaît l'année suivante en annonçant être enceinte du réalisateur ; ce dernier nie et Barry entame une procédure en reconnaissance de paternité[269].
106
+
107
+ J. Edgar Hoover, le directeur du Federal Bureau of Investigation (FBI), qui se méfie des tendances politiques de Chaplin, exploite l'opportunité de nuire à sa réputation. Dans le cadre d'une campagne de diffamation[270], le FBI l'inculpe dans quatre affaires reliées à ce scandale. Chaplin est en particulier accusé d'avoir violé le Mann Act qui interdit le transport entre États de femmes à des fins sexuelles[n 12]. L'historien Otto Friedrich a soutenu qu'il s'agissait de « poursuites absurdes » en application d'un « ancien texte[273] », mais Chaplin risquait jusqu'à 23 ans de prison[274]. Les preuves pour trois motifs d'accusation se révèlent insuffisantes pour aller jusqu'au procès, mais l'étude de la violation du Mann Act commence en mars 1944. Chaplin est acquitté deux semaines plus tard[271]. L'affaire fait fréquemment la une des journaux et le journal Newsweek la qualifie de « plus grand scandale de relations publiques depuis le procès pour meurtre de Roscoe Arbuckle en 1921[275] ».
108
+
109
+ Barry accouche en octobre 1944 d'une fille, Carole Ann, et le procès en paternité débute en février 1945. Après deux procès difficiles au cours desquels Chaplin est accusé de « turpitude morale » par le procureur[276], il est déclaré être le père. Le juge refuse d'accepter les preuves médicales, et en particulier la différence de groupe sanguin qui infirme cette conclusion, et Chaplin est condamné à payer une pension à sa fille jusqu'à ses 21 ans[277]. La couverture médiatique du procès est influencée par le FBI, qui transmet des informations à l'influente journaliste à scandales Hedda Hopper[278],[279],[280],[281].
110
+
111
+ La controverse entourant Chaplin accroît encore quand le 16 juin 1943, deux semaines après le début de la procédure de reconnaissance de paternité, un nouveau mariage est annoncé avec sa nouvelle jeune protégée de 18 ans, Oona O'Neill, la fille du dramaturge américain Eugene O'Neill[282]. Chaplin, alors âgé de 54 ans, lui est présenté par un agent artistique sept mois plus tôt[283],[284], et dans son autobiographie, il décrit leur rencontre comme « l'événement le plus heureux de [sa] vie » et indique qu'il avait découvert le « parfait amour »[285]. Ils restent mariés jusqu'à sa mort en 1977 et ont huit enfants : Geraldine Leigh (1944), Michael John (1946), Josephine Hannah (1949), Victoria (1951), Eugene Anthony (1953), Jane Cecil (1957), Annette Emily (1959) et Christopher James (1962)[286].
112
+
113
+ Chaplin avance que ces procès ont démoli sa créativité[287] et en avril 1946, il commence le tournage d'un film sur lequel il travaille depuis 1942[288]. Monsieur Verdoux est une comédie noire sur un employé de banque français, M. Verdoux joué par Chaplin, réduit au chômage et qui commence à épouser et à assassiner de riches veuves pour subvenir aux besoins de sa famille. L'idée lui est fournie par Orson Welles, qui voulait qu'il joue dans un film sur le tueur en série français Henri Désiré Landru. Chaplin estime que ce concept « ferait une superbe comédie[289] » et achète le scénario à Welles pour 5 000 dollars (environ 65 555 dollars de 2020[66])[290].
114
+
115
+ Chaplin exprime à nouveau ses idées politiques dans Monsieur Verdoux en critiquant le capitalisme[291],[292] et le film est très controversé à sa sortie, en avril 1947[293],[294],[295]. Il est hué lors de la première et certains demandent son interdiction[293],[296]. Il s'agit du premier film où son personnage n'a aucun rapport avec Charlot et il est également le premier à être un échec critique et commercial aux États-Unis[297]. Il est mieux accueilli à l'étranger et est cité pour le meilleur scénario lors de la 20e cérémonie des Oscars[298]. Chaplin est néanmoins fier de son œuvre et écrit dans son autobiographie : « Monsieur Verdoux est le plus intelligent et plus brillant des films que j'ai réalisés[299] ».
116
+
117
+ L'accueil négatif de Monsieur Verdoux est largement le résultat de l'évolution de l'image publique de Chaplin[300]. En plus du scandale de l'affaire Joan Barry, il est publiquement accusé d'être communiste[301],[302]. Ses actions politiques se sont intensifiées durant la Seconde Guerre mondiale et il a fait campagne pour l'ouverture d'un second front pour soulager les Soviétiques[303]. Il se rapproche de sympathisants communistes connus comme Hanns Eisler et Bertolt Brecht et il participe à des réceptions organisées par des diplomates soviétiques à Los Angeles[304]. Dans le contexte politique de « Peur rouge » qui prévaut à l'époque aux États-Unis, de telles activités font que Chaplin est, selon Larcher, considéré comme « dangereusement progressiste et amoral[305],[306],[276] ». Le FBI est déterminé à lui faire quitter le pays[307] et il lance une enquête officielle à son encontre en 1947[308],[n 13].
118
+
119
+ Chaplin nie être un communiste et se présente comme un pacifiste[310],[311],[312],[313] qui estime que les actions du gouvernement américain pour réprimer une idéologie sont une violation inacceptable des libertés publiques[314]. Refusant de se taire sur cette question, il proteste ouvertement contre les procès des membres du parti communiste américain devant le House Un-American Activities Committee (HUAC) et est convoqué par ce dernier[315],[316]. Alors que ses actions sont largement relayées dans la presse et que la guerre froide gagne en intensité, sa non-acquisition de la citoyenneté américaine est critiquée et certains demandent son expulsion[317],[318],[276],[319]. Le représentant du Mississippi John E. Rankin (en) déclare devant le Congrès en juin 1947 : « Sa vie à Hollywood est nuisible au tissu moral des États-Unis. [S'il est expulsé], ses films répugnants pourront être gardés à l'écart des yeux de la jeunesse américaine. Nous devons l'expulser et nous en débarrasser une bonne fois pour toutes[319]. »
120
+
121
+ Même si Chaplin reste politiquement actif dans les années qui suivent l'échec de Monsieur Verdoux[n 14], son film suivant sur un comédien de vaudeville oublié et une jeune ballerine dans le Londres de l'époque édouardienne est dépourvu de toute signification politique. Les Feux de la rampe est largement autobiographique et fait référence à l'enfance de Chaplin, à la vie de ses parents et à sa perte de popularité aux États-Unis[321],[322],[323]. Parmi les acteurs figurent plusieurs membres de sa famille, dont ses enfants les plus âgés et son demi-frère, Wheeler Dryden[324].
122
+
123
+ Après trois ans de préparation, le tournage commence en novembre 1951[325]. Il adopte un ton bien plus sérieux que dans ses précédents films et parle régulièrement de « mélancolie » en expliquant le scénario à sa partenaire Claire Bloom[326]. Le film est également notable pour la présence de Buster Keaton — dont c'est l'unique collaboration avec Chaplin[327].
124
+
125
+ Chaplin décide d'organiser la première mondiale des Feux de la rampe à Londres, vu que le film s'y déroule[328]. Quittant Los Angeles, il indique qu'il s'attend à ne jamais pouvoir revenir, chassé par l'Amérique maccarthyste[329]. À New York, il embarque avec sa famille à bord du paquebot transatlantique HMS Queen Elizabeth le 18 septembre 1952[330]. Le lendemain, le procureur général des États-Unis, James McGranery, révoque le visa de Chaplin et déclare qu'il doit se soumettre à un entretien sur ses opinions politiques et sa moralité pour pouvoir revenir aux ��tats-Unis[330]. Même si McGranery indique à la presse qu'il a « un dossier assez solide contre Chaplin », Maland conclut, en s'appuyant sur les documents du FBI rendus publics dans les années 1980, que le gouvernement américain n'a pas réellement de preuves suffisantes pour empêcher le retour de Chaplin ; il est même probable qu'il aurait obtenu un visa s'il en avait fait la demande[331],[332]. Cependant, quand il reçoit un câblogramme l'informant de cette décision, Chaplin décide de rompre tous ses liens avec les États-Unis :
126
+
127
+ « Que je revienne ou non dans ce triste pays avait peu d'importance pour moi. J'aurais voulu leur dire que plus tôt je serais débarrassé de cette atmosphère haineuse, mieux je serais, que j'étais fatigué des insultes et de l'arrogance morale de l'Amérique[333]. »
128
+
129
+ Comme tous ses biens sont aux États-Unis, Chaplin ne fait aucun commentaire négatif dans la presse[334], mais l'affaire fait sensation[335]. Si Chaplin et son film sont bien accueillis en Europe[330], Les Feux de la rampe sont largement boycottés aux États-Unis malgré des critiques positives[336]. Maland écrit que la chute de Chaplin d'un niveau de popularité inégalé « est peut-être la plus spectaculaire de toute l'histoire de la célébrité aux États-Unis[337] ».
130
+
131
+ Chaplin ne tente pas de revenir aux États-Unis après la révocation de son visa d'entrée et envoie sa femme à Los Angeles pour régler ses affaires[339]. Le couple se décide pour la Suisse et la famille s'installe en janvier 1953 au manoir de Ban, une propriété de 15 hectares surplombant le lac Léman dans la commune de Corsier-sur-Vevey[340]. Chaplin met en vente sa résidence et son studio de Beverly Hills en mars et rend son visa en avril. L'année suivante, sa femme renonce à sa nationalité américaine pour devenir Britannique[341]. Il abandonne ses derniers liens professionnels avec les États-Unis en 1955 quand il vend ses parts dans la United Artists, qui est en difficultés financières depuis le début des années 1940[342],[343],[344].
132
+
133
+ Chaplin reste une figure controversée tout au long des années 1950, en particulier après avoir reçu le prix international de la paix décerné par le Conseil mondial de la paix, d'obédience communiste, et ses rencontres avec le Chinois Zhou Enlai et le Soviétique Nikita Khrouchtchev[345],[343]. Il commence à développer son premier film européen, Un roi à New York, en 1954[346]. Jouant le rôle d'un roi exilé cherchant asile aux États-Unis, Chaplin exploite ses problèmes récents pour écrire le scénario. Son fils, Michael, est présenté comme un garçon dont les parents sont visés par le FBI, tandis que le personnage de Chaplin est accusé d'être un communiste[347]. Cette satire politique parodie les actions de l'HUAC ainsi que le consumérisme de la société américaine des années 1950[348],[349],[350],[351]. Dans sa critique, le dramaturge John Osborne le qualifie comme film le « plus acide… et de plus ouvertement personnel » de Chaplin[352].
134
+
135
+ Chaplin fonde une nouvelle société de production appelée Attica et tourne dans les studios de Shepperton, dans la banlieue de Londres[346]. Ce tournage est difficile car il est habitué à son studio et à ses équipes hollywoodiennes, et ne dispose plus d'une durée de production illimitée. Cela a un impact sur la qualité du film[353],[354], qui reçoit des critiques mitigées à sa sortie en septembre 1957[355],[356],[357]. Chaplin empêche les journalistes américains d'assister à la première à Paris et décide de ne pas diffuser le film aux États-Unis. Cela nuit fortement à son succès commercial, même si le film obtient un succès d'estime en Europe[358]. Un roi à New York n'est présenté aux États-Unis qu'en 1973[359].
136
+
137
+ À partir du milieu des années 1950, Chaplin se concentre sur la resonorisation et la réédition de ses anciens films, ainsi que sur la protection de ses droits d'auteur[360]. La première de ces rééditions est La Revue de Charlot (1959), comprenant de nouvelles versions d'Une vie de chien, de Charlot soldat et du Pèlerin[361].
138
+
139
+ Aux États-Unis, l'atmosphère politique commence à évoluer et l'attention du public se tourne à nouveau vers les films de Chaplin et non plus vers ses opinions[360]. En juillet 1962, le New York Times publie un éditorial indiquant que « nous ne pensons pas que la République serait en danger si l'inoublié petit Charlot d'hier était autorisé à se promener sur la passerelle d'un navire ou d'un avion dans un port américain[362] ». Le même mois, Chaplin reçoit un doctorat honorifique en Lettres des universités d'Oxford et de Durham[363]. En novembre 1963, le Plaza Theater de New York commence une rétrospective des films de Chaplin, dont Monsieur Verdoux et Les Feux de la rampe pour lesquels les critiques sont bien plus positives que dix ans plus tôt[364],[365]. Septembre 1964 voit la publication de ses mémoires, Histoire de ma vie, sur lesquels il travaille depuis 1957[366]. Le livre de 500 pages mettant l'accent sur ses premières années et sa vie privée connaît un succès mondial, même si les critiques pointent le manque d'informations sur sa carrière cinématographique[367],[368].
140
+
141
+ Peu après la publication de ses mémoires, Chaplin commence à travailler sur La Comtesse de Hong-Kong (1967), une comédie romantique basée sur un scénario qu'il a écrit dans les années 1930 pour Paulette Goddard[369]. Située sur un paquebot, l'action met en scène Marlon Brando jouant un ambassadeur américain et Sophia Loren dans le rôle d'une passagère clandestine[369]. Le film diffère des précédentes productions de Chaplin sur plusieurs points : il est le premier à employer le technicolor et la résolution écran large, tandis que Chaplin se concentre sur la réalisation et n’apparaît à l'écran que dans le rôle mineur d'un steward malade[370]. Il signe également un contrat avec le studio Universal Pictures pour le distribuer[371]. La Comtesse de Hong-Kong reçoit des critiques négatives à sa sortie en janvier 1967 et est un échec commercial[372],[373],[374]. Chaplin est profondément affecté par ce revers et ce film est son dernier[372].
142
+
143
+ Chaplin est victime de plusieurs AVC mineurs à la fin des années 1950 et cela marque le début d'un lent déclin de sa santé[375]. Malgré ces difficultés, il se met rapidement à écrire le scénario de son nouveau projet de film, The Freak, sur une jeune fille ailée découverte en Amérique du Sud, projet destiné à lancer la carrière de sa fille, Victoria Chaplin[375]. Sa santé fragile l'empêche néanmoins de mener à bien ce projet[376], et au début des années 1970 Chaplin se concentre plutôt sur la réédition de ses anciens films, dont Le Kid et Le Cirque[377]. En 1971, il est fait commandeur de l'Ordre national de la Légion d'honneur lors du festival de Cannes[378] et l'année suivante il reçoit un Lion d'or pour sa carrière durant la mostra de Venise[379].
144
+
145
+ En 1972, l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences lui décerne un Oscar d'honneur, ce que Robinson considère comme le premier signe que les États-Unis « voulaient se faire pardonner ». Chaplin hésite à l'accepter, puis décide de se rendre à Los Angeles pour la première fois en vingt ans[378]. La visite est l'objet d'une large couverture médiatique, et lors de la remise de la récompense il reçoit une ovation de douze minutes, la plus longue de toute l'histoire des Oscars[380],[381]. Visiblement ému, Chaplin accepte la statuette rendant hommage « à l'effet incalculable qu'il a eu en faisant des films de cinéma la forme d'art de ce siècle[382] ».
146
+
147
+ Même si Chaplin a encore des projets de film, sa santé devient très fragile dans le milieu des années 1970[383]. Plusieurs AVC affectent son élocution et il doit utiliser un fauteuil roulant[384],[385]. Parmi ses dernières réalisations figurent la création d'une autobiographie en images, My Life in Pictures (1974) et la resonorisation de L'Opinion publique en 1976[386]. Il apparaît également dans un documentaire sur sa vie, The Gentleman Tramp (1975), réalisé par Richard Patterson[387]. En 1975, la reine Élisabeth II le fait chevalier[386],[n 15].
148
+
149
+ En octobre 1977, la santé de Chaplin s'est détériorée au point qu'il demande une attention de tous les instants[389]. Il meurt d'un AVC dans son sommeil le matin du 25 décembre 1977, à l'âge de 88 ans[385]. Selon ses dernières volontés, une petite cérémonie funéraire anglicane est organisée le 27 décembre et il est inhumé dans le cimetière de Corsier-sur-Vevey[389]. Parmi les hommages du monde du cinéma, le réalisateur René Clair écrit « il était un monument du cinéma[390] » et l'acteur Bob Hope déclara : « nous avons eu de la chance de vivre à son époque[391] ».
150
+
151
+ Le 1er mars 1978, le cercueil de Chaplin est exhumé et volé par deux mécaniciens automobiles[392], un Polonais, Roman Wardas, et un Bulgare, Gantcho Ganev. Leur but est d'extorquer une rançon de cent mille francs suisses à Oona Chaplin afin de pouvoir ouvrir plus tard un garage automobile. Ils sont arrêtés lors d'une vaste opération de police le 17 mai 1978 et le cercueil est retrouvé enterré dans un champ de maïs près du village voisin de Noville. Il est réenterré dans le cimetière de Corsier-sur-Vevey et un caveau en béton armé est ajouté pour empêcher tout nouvel incident[393],[394].
152
+
153
+ Chaplin considérait que sa première inspiration était sa mère qui l'amusait, alors qu'il était enfant, en s'asseyant à la fenêtre et en imitant les passants : « C'est grâce à elle que j'ai appris non seulement à exprimer des émotions avec mes mains et mon visage mais également à observer et à étudier les gens[395] ». Les premières années de Chaplin dans le music-hall lui permettent d'observer le travail des comédiens ; il assiste également aux spectacles de mime de Noël au théâtre de Drury Lane, où il étudie l'art de la frivolité avec des artistes comme Dan Leno[396],[397],[398]. Ses années dans la compagnie de Fred Karno ont un effet formateur sur sa carrière d'acteur et de réalisateur. Il y apprend à associer le tragique avec la comédie et à utiliser des éléments absurdes qui devinrent récurrents dans ses œuvres[399]. Dans l'industrie cinématographique, Chaplin s'appuie sur les œuvres du comédien français Max Linder, qu'il admire[400],[401],[402]. En développant le costume et le jeu de Charlot, il s'inspire probablement de la scène de vaudeville américaine où les personnages de vagabond étaient courants[403].
154
+
155
+ Tout au long de sa carrière, Chaplin parle assez peu de ses techniques de réalisation et compare cela à dévoiler ses secrets pour un magicien[404]. On sait donc peu de chose sur ses manières de travailler[405], mais elles ont été étudiées par Kevin Brownlow et David Gill et savamment exposées dans la série documentaire Unknown Chaplin (1983)[406],[407].
156
+
157
+ Avant de réaliser des films parlants avec Le Dictateur, Chaplin ne commence jamais un tournage avec un scénario achevé[408]. Pour ses premiers films, il n'a qu'une vague idée de départ comme « Charlot se rend dans une station thermale » ou « Charlot travaille comme prêteur sur gage[409] ». Il fait ensuite réaliser les décors et travaille avec les autres acteurs pour improviser des effets comiques tout en affinant le scénario tout au long de la production[406],[407]. Alors que les idées sont acceptées ou rejetées, une structure narrative émerge et Chaplin est souvent obligé de retourner des scènes qui vont à l'encontre de l'histoire[410],[411],[412]. À partir de L'Opinion publique, Chaplin commence à réaliser le tournage à partir d'un scénario préétabli[413], mais tous ses films, jusqu'aux Temps modernes, continuent à subir des modifications jusqu'à atteindre leur forme finale[414].
158
+
159
+ En réalisant des films de cette manière, Chaplin a besoin de plus de temps que tout autre réalisateur de l'époque[415]. S'il est à court d'idées, il s'éloigne alors du studio pendant plusieurs jours, tout en maintenant ses équipes prêtes dès que l'inspiration revient[416],[417]. Le processus de réalisation est également ralenti par son perfectionnisme[418],[419]. Selon son ami et réalisateur britannique Ivor Montagu, « rien d'autre que la perfection n'était suffisant » pour lui[420]. Comme il finance personnellement ses films, Chaplin a toute liberté pour atteindre cet objectif et réaliser autant de prises que nécessaire[421],[420]. Leur nombre est ainsi souvent excessif ; chaque prise terminée pour Le Kid en avait nécessité 53[422],[423] tandis que pour réaliser les 20 minutes de L'Émigrant, il utilisa plus de 12 000 m de pellicule, une longueur suffisante pour faire un long-métrage[424],[425].
160
+
161
+ Décrivant ses méthodes de production comme de la « pure détermination jusqu'au bord de la folie[426] », Chaplin est généralement complètement épuisé par les tournages[427],[428]. Même dans ses dernières années, son travail « avait la priorité sur tout et tout le monde[429] ». Le mélange d'improvisation et de perfectionnisme qui se traduit par des jours d'efforts et des milliers de mètres de pellicule gâchés, se révèle éprouvant pour Chaplin, ce qui peut le mener à se déchaîner contre ses acteurs et ses équipes[430],[431],[127].
162
+
163
+ Chaplin a exercé un contrôle complet sur ses œuvres[404], au point de mimer les autres rôles pour que ses acteurs l'imitent exactement[432],[433],[434]. Il a effectué personnellement le montage de tous ses films en fouillant dans les grandes quantités de pellicules pour créer le film voulu[435]. Chaplin a néanmoins reçu l'aide d'autres artistes, dont son ami et directeur de la photographie Roland Totheroh, son frère Sydney Chaplin et divers assistants réalisateurs, comme Harry Crocker, Dan James et Charles Reisner[436].
164
+
165
+ Si le style comique de Chaplin est généralement qualifié de slapstick[437], il est considéré comme retenu et intelligent[438], et l'historien de cinéma Philip Kemp décrit son travail comme un mélange de « comédie physique gracieuse et de comique de situation bien réfléchi[174] ». Chaplin s'est éloigné du slapstick traditionnel en ralentissant le rythme de l'action et en se concentrant sur la relation du spectateur avec les personnages[76],[439]. Les effets comiques dans les films de Chaplin sont centrés sur la réaction de Charlot aux choses qui lui arrivent : l'humour ne vient pas du fait que Charlot rentre dans un arbre, mais qu'il soulève son chapeau pour s'excuser[76]. Son biographe Dan Kamin écrit que les « manières excentriques » de Chaplin et son « comportement sérieux au cœur du slapstick » sont d'autres aspects centraux de son style comique[440].
166
+
167
+ Les films muets de Chaplin suivent généralement les efforts de Charlot pour survivre dans un monde hostile[441]. Même s'il vit dans la pauvreté et est fréquemment maltraité, il reste gentil et optimiste[174],[442],[443] ; défiant sa position sociale, il s'efforce d'être vu comme un gentleman[444]. Charlot s'oppose aux figures de l'autorité[445] et « donne autant qu'il reçoit[446] », ce qui poussa Robinson et Louvish à voir en lui un représentant des défavorisés : « Un Monsieur Tout-le-monde devenant un sauveur héroïque[447],[448] ». Hansmeyer note que plusieurs des films de Chaplin se terminent avec « Charlot démuni et seul [marchant] avec optimisme… vers le soleil couchant… pour poursuivre son voyage[443] ».
168
+
169
+ L'emploi du pathos est un aspect bien connu de l'œuvre de Chaplin[449],[450] et Larcher note sa capacité à « [provoquer] les rires et les larmes[305] ». Chaplin s'appuie parfois sur des événements tragiques pour ses films comme dans La Ruée vers l'or, qui est inspirée par le destin malheureux de l'expédition Donner[451]. Différents thèmes sont représentés dans ses premières comédies comme l'avarice (La Ruée vers l'or), l'abandon (Le Kid)[452] et des sujets plus controversés comme l'immigration (L'Émigrant) ou la drogue (Charlot policeman)[439].
170
+
171
+ Les commentaires sociaux sont également importants dans ses premiers films, car il représente les démunis sous un jour positif et souligne leurs difficultés[453]. Par la suite, il développe un grand intérêt pour l'économie et se sent obligé de faire partager ses opinions dans ses films[454],[243]. Les Temps modernes illustre les conditions de travail difficiles des ouvriers de l'industrie, Le Dictateur parodie Hitler et Mussolini et se termine par un discours contre le nationalisme, Monsieur Verdoux critique la guerre et le nationalisme tandis qu'Un roi à New York attaque le maccarthysme[455].
172
+
173
+ Chaplin intègre plusieurs éléments autobiographiques dans ses films et le psychologue Sigmund Freud considère qu'il « se représent[e] toujours comme il était dans sa triste enfance[456] ». Il est généralement admis que Le Kid reflète le traumatisme qu'il a subi dans un orphelinat[456], tandis que le personnage principal des Feux de la rampe fait référence à la vie de ses parents[457] et que Un roi à New York renvoie à son expulsion des États-Unis[350]. Sa relation difficile avec sa mère souffrant de troubles mentaux est souvent reflétée dans les personnages féminins de ses films et par le désir de Charlot de les sauver[456].
174
+
175
+ En ce qui concerne la structure de ses films, l'historien du cinéma Gerald Mast les voit comme une série de sketchs reliés par une même trame plutôt que comme une suite ordonnée par un scénario précis[458]. Visuellement, ils sont simples et économiques[459],[460], avec des scènes jouées comme au théâtre[461],[439],[462]. Dans son autobiographie, Chaplin écrit que « la simplicité est préférable… les effets pompeux ralentissent l'action, sont ennuyeux et désagréables… La caméra ne doit pas faire irruption[463] ». Cette approche n'a pas fait l'unanimité et elle est qualifiée de démodée depuis les années 1940[464],[459],[465], tandis que l'historien du cinéma Donald McCaffrey y voit une indication que Chaplin n'a jamais complètement compris le média cinématographique[466]. Kamin avance néanmoins que le talent comique de Chaplin n'aurait jamais été suffisant pour qu'il reste drôle à l'écran s'il n'avait pas eu « la capacité de concevoir et de diriger des scènes spécifiquement pour le cinéma[467] ».
176
+
177
+ Chaplin développe dès l'enfance une passion pour la musique et apprend seul à jouer du piano, du violon et du violoncelle[468],[469]. Il considère que l'accompagnement musical fait partie intégrante du film[195] et à partir de L'Opinion publique il consacre beaucoup de temps à ce domaine[468]. Il compose lui-même la bande-son des Lumières de la ville et fait de même pour tous ses films suivants ; à partir de la fin des années 1950 et jusqu'à sa mort, il resonorise tous ses anciens courts-métrages silencieux[470].
178
+
179
+ Comme il n'a reçu aucune éducation musicale, Chaplin n'a jamais su lire ou écrire des partitions. Il fait donc appel à des compositeurs professionnels comme David Raksin, Raymond Rasch et Eric James pour mettre en forme ses idées. Certains critiques ont ainsi avancé que la musique de ses films devait être attribuée aux compositeurs ayant travaillé avec lui ; Raksin, qui participe à la mise en musique des Temps Modernes, a néanmoins souligné le rôle créatif et moteur de Chaplin dans le processus de composition[471]. Au début de ce travail, qui peut durer des mois, Chaplin décrit exactement ce qu'il veut aux compositeurs et joue les éléments qu'il a improvisés au piano[471]. Ces mélodies sont ensuite développées en étroite collaboration[471]. Pour l'historien du cinéma Jeffrey Vance, « même s'il s'appuyait sur ses associés pour mettre en forme des instrumentations complexes, les consignes musicales étaient les siennes, et pas une note n'était placée sans son accord[470] ».
180
+
181
+ Les compositions de Chaplin donnent lieu à trois chansons populaires. Smile, composée pour Les Temps modernes, est par la suite mise en paroles par John Turner et Geoffrey Parsons, puis interprétée par Nat King Cole en 1954[470]. Pour Les Feux de la rampe, Chaplin compose Terry's Theme, qui est popularisée par Jimmy Young sous le titre Eternally en 1952[472]. Enfin, la chanson This Is My Song, chantée par Petula Clark pour La Comtesse de Hong-Kong, connaît un grand succès commercial et atteint la première place du palmarès britannique en 1967[473]. En dehors de ses deux récompenses d'honneur, le seul Oscar que Chaplin remporte est celui de la meilleure musique de film à l'occasion de la réédition des Feux de la rampe en 1973[470],[n 16].
182
+
183
+ À l'occasion de la publication de son autobiographie, Chaplin a établi sa filmographie, qui se compose alors de 80 films (La Comtesse de Hong-Kong, réalisé trois ans plus tard, s'y est par la suite ajouté). En 2010, une copie de La Course au voleur, réalisé en 1914 et jusqu'alors considéré comme perdu, est découverte chez un antiquaire du Michigan, portant ainsi sa filmographie à 82 films[475].
184
+
185
+ Les films de Chaplin, jusqu'au Cirque inclus, sont muets, même si certains ont été réédités avec des bandes-son. Les Lumières de la ville et Les Temps modernes sont muets, mais intègrent des bandes-son composées de musique, de bruitages et de séquences parlées pour le second. Les cinq derniers films de Chaplin sont parlants. Hormis La Comtesse de Hong-Kong, tous les films de Chaplin sont tournés en format 35 mm, noir et blanc.
186
+
187
+ En français, Jacques Dumesnil double Chaplin dans Monsieur Verdoux, Les Feux de la rampe et Un roi à New York. Chaplin est également doublé par Henri Virlogeux dans la version sonorisée de 1942 de La Ruée vers l'or, en 1968 par Roger Carel dans Le Dictateur et par Jean-Henri Chambois dans La Comtesse de Hong-Kong.
188
+
189
+ Longs métrages :
190
+
191
+ Chaplin a reçu de nombreuses récompenses et distinctions, particulièrement à la fin de sa vie. En 1962, les universités de Durham et d'Oxford lui décernent un diplôme honorifique de docteur ès Lettres[363]. En 1965, il partage le prix Érasme avec Ingmar Bergman[476], et en 1971, il est fait commandeur de l'Ordre national de la Légion d'honneur par le gouvernement français[477]. En 1975, il est anobli par la reine Élisabeth II et fait chevalier commandeur de l'Ordre de l'Empire britannique, devenant « sir Charles Chaplin »[478].
192
+
193
+ L'industrie cinématographique le récompense avec un Lion d'or spécial à la Mostra de Venise 1972[479], ainsi qu'une étoile sur le Walk of Fame d'Hollywood en 1970 (cette inscription lui est auparavant refusée en raison de ses opinions politiques[480]).
194
+
195
+ Chaplin reçoit au total trois Oscars : un premier Oscar d'honneur en 1929 « pour sa polyvalence et son génie à jouer, écrire, mettre en scène et produire Le Cirque[196] », un second en 1972 « pour l'effet incalculable qu'il a eu en faisant des films de cinéma la forme d'art de ce siècle[382] » et un troisième en 1973 pour la meilleure musique originale (conjointement avec Ray Rasch et Larry Russell), pour Les Feux de la Rampe[470]. Il est également nommé dans les catégories du meilleur acteur, du meilleur film et du meilleur scénario pour Le Dictateur, ainsi que dans celle du meilleur scénario pour Monsieur Verdoux[481].
196
+
197
+ Six des films de Chaplin ont été sélectionnés pour être préservés dans le National Film Registry de la Bibliothèque du Congrès américaine : L'Émigrant (1917), Le Kid (1921), La Ruée vers l'or (1925), Les Lumières de la ville (1931), Les Temps modernes (1936) et Le Dictateur (1940)[482].
198
+
199
+ En 1998, le critique Andrew Sarris écrivit que Chaplin est « sans doute le plus grand artiste que le cinéma ait créé, certainement son interprète le plus extraordinaire et probablement encore son icône la plus universelle »[483]. Il est décrit par le British Film Institute comme « une figure tutélaire de la culture mondiale[484] », et le magazine Time le lista parmi les 100 personnes les plus importantes du XXe siècle pour « les rires [qu'il a apportés] à des millions de personnes » et parce qu'il a « plus ou moins inventé la célébrité mondiale et aidé à transformer une industrie en un art »[485].
200
+
201
+ L'historien du cinéma Christian Hansmeyer a noté que l'image de Charlot fait partie de l'histoire culturelle[486] ; selon Simon Louvish, ce personnage est connu même dans les endroits où ses films n'ont jamais été projetés[487]. Le critique Richard Schickel suggère que les films de Chaplin avec Charlot présentent « les expressions comiques de l'esprit humain les plus éloquentes et les plus riches » de l'histoire du cinéma[488]. Les objets associés au personnage continuent de fasciner le public et en 2006, un chapeau melon et une canne en bambou ayant appartenu à Chaplin sont achetés 140 000 dollars lors d'une vente aux enchères à Los Angeles[489].
202
+
203
+ En tant que réalisateur, Chaplin est considéré comme un pionnier et l'une des figures les plus influentes du début du XXe siècle[490],[491],[486],[483]. L'historien du cinéma Mark Cousins a écrit que Chaplin « a changé non seulement l'imagerie du cinéma mais également sa sociologie et sa grammaire » et avance qu'il joua un rôle important dans l'établissement de la comédie en tant que genre, parallèlement à ce qu'avait fait D. W. Griffith pour le drame[492]. Il est le premier à populariser les longs-métrages comiques et à ralentir le rythme de l'action pour y ajouter de la finesse et du pathos[493],[494]. Pour Robinson, les innovations de Chaplin sont « rapidement assimilées et deviennent les pratiques de base de la réalisation cinématographique »[495]. Federico Fellini (qui définit Chaplin comme « une sorte d'Adam duquel nous sommes tous issus »[391]), Jacques Tati (« sans lui, je n'aurais jamais fait un film »[391]), René Clair (« il a inspiré pratiquement tous les réalisateurs »[390]), Michael Powell[496], Billy Wilder[497] et Richard Attenborough[498] figurent parmi les réalisateurs ayant affirmé avoir été influencés par Chaplin.
204
+
205
+ Chaplin inspire également les poètes avant-gardistes du XXe siècle[499], mais aussi de futurs comédiens, comme Marcel Marceau, qui a indiqué s'être décidé à devenir mime après l'avoir vu[494], ou Raj Kapoor, qui base son jeu sur celui de Charlot[497]. Mark Cousins a également identifié le style comique de Chaplin chez les personnages français de Monsieur Hulot et italien de Totò[497], sans oublier qu'il a également influencé des personnages de dessin animé comme Félix le Chat[500] ou Mickey Mouse[501]. En tant que membre fondateur de la United Artists, Chaplin a un rôle important dans le développement de l'industrie cinématographique. Gerald Mast a noté que même si cette société n'a rivalisé jamais avec la MGM ou la Paramount, l'idée que des réalisateurs puissent produire leurs propres films était « très en avance sur son temps »[502].
206
+
207
+ À l'occasion de l'exposition universelle de Bruxelles, en 1958, un jury international de 117 critiques a établi un classement des meilleurs films de tous les temps : La Ruée vers l'or (1925) est classé deuxième derrière Le Cuirassé Potemkine de Sergueï Eisenstein (1925) et devant Le Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica (1948). Plusieurs des films de Chaplin restent encore aujourd'hui considérés comme parmi les plus grands jamais réalisés. Le palmarès 2012 de la revue britannique Sight and Sound, mené auprès de critiques de cinéma sur les meilleurs films de l'histoire, liste respectivement Les Lumières de la ville, Les Temps modernes, Le Dictateur et La Ruée vers l'or aux 50e, 63e, 144e et 154e places[503] ; la même étude réalisée auprès de réalisateurs situe Les Temps modernes à la 22e place, Les Lumières de la ville à la 30e et La Ruée vers l'or à la 91e[504]. En 2007, l'American Film Institute nomme Les Lumières de la ville le 11e plus grand film américain de tous les temps, tandis que La Ruée vers l'or et Les Temps modernes figurent dans le top 100[505].
208
+
209
+ En avril 2016, le manoir de Ban à Corsier-sur-Vevey en Suisse, où il a passé les vingt-cinq dernières années de son existence, est devenu un musée consacré à sa vie et son œuvre. Le musée, appelé « Chaplin's World »[506], est le fruit d'un partenariat entre la Compagnie des Alpes (CDA), Genii Capital et Chaplin Museum Development (CMD)[507]. La commune de Corsier-sur-Vevey a donné son nom à un parc et une stèle y rappelle la mémoire de l'illustre résident.
210
+
211
+ La ville voisine de Vevey a nommé en son honneur un square[508] sur le quai Perdonnet, au bord du lac Léman, et y a édifié en 1982 une statue de Chaplin, œuvre du sculpteur britannique John Doubleday[509]. Au nord de la ville, à quelques centaines de mètres du Manoir de Ban, deux immeubles de 14 étages ont été décorés de fresques évoquant la carrière de l'artiste[510].
212
+
213
+ La ville irlandaise de Waterville, où Chaplin passa plusieurs étés en famille dans les années 1960, accueille chaque année depuis 2011 le Charlie Chaplin Comedy Film Festival destiné à honorer l'héritage du comédien et à découvrir de nouveaux talents[511]. Parmi les autres hommages, une planète mineure, (3623) Chaplin, a été nommée en son honneur en 1981 par l'astronome soviétique Lioudmila Karatchkina[512] et de très nombreux pays ont émis des timbres portant son effigie[513].
214
+
215
+ L'héritage de Chaplin est géré par l'Association Chaplin, fondée par plusieurs de ses enfants, et qui possède les droits d'auteur sur son image, son nom et sur la plupart des films réalisés après 1918[514]. La Cinémathèque de Bologne, en Italie, abrite les principales archives de l'Association, dont des images, des manuscrits et des lettres[515]. Plus de 10 000 photographies sur sa vie et sa carrière sont également entreposées au Musée de l'Élysée à Lausanne, en Suisse[516]. Au Royaume-Uni, le Cinema Museum au sud de Londres est considéré comme « la chose la plus proche d'un musée Chaplin que la Grande-Bretagne possède » par la famille de Charlie Chaplin[517]. La British Film Institute a fondé la Charles Chaplin Research Foundation, qui a organisé la première conférence internationale sur le cinéaste à Londres, en juillet 2005[518].
216
+
217
+ Chaplin a fait l'objet d'un film biographique réalisé par Richard Attenborough, Chaplin, en 1992 ; il y est personnifié par Robert Downey Jr., qui est nommé à l'Oscar du meilleur acteur et remporta le BAFTA du meilleur acteur[519]. Il est également joué par Eddie Izzard dans le film Un parfum de meurtre (2001)[520]. Une série télévisée sur l'enfance de Chaplin, Young Charlie Chaplin, est diffusée par PBS en 1989 et est nommée pour l'Emmy Award de meilleur programme pour enfants[521].
218
+
219
+ Le film La Rançon de la gloire de Xavier Beauvois, sorti en 2014 avec Benoît Poelvoorde et Roschdy Zem, s'inspire très librement du vol de la dépouille de Charlie Chaplin en 1978[522].
220
+
221
+ Bernard Swysen raconte sa vie en bande dessinée intitulée Charlie Chaplin, les étoiles de l’histoire, dessinée par Bruno Bazile et parue en octobre 2019[523].
222
+
223
+ Sur les autres projets Wikimedia :
224
+
fr/996.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,224 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ (en) « Site Officiel »
4
+
5
+ modifier
6
+
7
+
8
+
9
+ Charles Spencer Chaplin, dit Charlie Chaplin [ˈt͡ʃɑːli ˈt͡ʃæplɪn][n 1], né le 16 avril 1889 probablement à Londres (Royaume-Uni) et mort le 25 décembre 1977 à Corsier-sur-Vevey (Suisse), est un acteur, réalisateur, scénariste, producteur et compositeur britannique.
10
+
11
+ Devenu une idole du cinéma muet à partir du milieu des années 1910, et plus particulièrement du burlesque, grâce à son personnage de Charlot (ou simplement « The Tramp » en anglais), il acquiert ensuite une notoriété et une reconnaissance plus large pour ses performances d'acteur comme pour ses réalisations. Durant une carrière longue de 65 ans, il joue dans plus de 80 films. Sa vie publique et privée, ainsi que ses prises de position, font par ailleurs l'objet d'adulations comme de controverses.
12
+
13
+ Chaplin grandit dans la misère entre un père absent et une mère en grandes difficultés financières, tous deux artistes de music-hall, qui se séparent deux ans après sa naissance. Plus tard, sa mère est internée à l'hôpital psychiatrique alors que son fils a quatorze ans. À l'âge de cinq ans, il fait sa première apparition sur scène. Il commence très tôt à se produire dans des music-halls et devient rapidement acteur. À 19 ans, il est remarqué par l'imprésario Fred Karno et réalise une tournée aux États-Unis. Il joue au cinéma pour la première fois en 1914 dans le film Pour gagner sa vie et travaille avec les sociétés de production Essanay, Mutual et First National. En 1918, il est l'une des personnalités les plus connues au monde.
14
+
15
+ En 1919, Chaplin cofonde la société United Artists et obtient ainsi le contrôle total sur ses œuvres. Parmi ses premiers longs-métrages figurent Charlot soldat (1918), Le Kid (1921), L'Opinion publique (1923), La Ruée vers l'or (1925) et Le Cirque (1928). Il refuse de passer au cinéma sonore et continue de produire des films muets dans les années 1930, comme Les Lumières de la ville (1931) et Les Temps modernes (1936). Ses œuvres deviennent ensuite plus politiques, avec notamment Le Dictateur (1940), dans lequel il se moque d'Hitler et de Mussolini. Sa popularité décline dans les années 1940 en raison de controverses au sujet de ses liaisons avec des femmes bien plus jeunes que lui et d'un procès en reconnaissance de paternité. Chaplin est également accusé de sympathies communistes et les enquêtes du FBI et du Congrès lui font perdre son visa américain. Il choisit de s'établir en Suisse en 1952. Il abandonne son personnage de Charlot dans ses derniers films, dont Monsieur Verdoux (1947), Les Feux de la rampe (1952), Un roi à New York (1957) et La Comtesse de Hong-Kong (1967).
16
+
17
+ Chaplin écrit, réalise et produit la plupart de ses films, en plus d'y jouer et d'en composer la musique. Il est perfectionniste et son indépendance financière lui permet de consacrer plusieurs années au développement de chacune de ses œuvres. Bien qu'étant des comédies de type slapstick, ses films intègrent des éléments de pathos et sont marqués par des thèmes sociaux et politiques ainsi que par des éléments autobiographiques. En 1972, l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences lui a remis un Oscar d'honneur pour sa contribution inestimable à l'industrie cinématographique et plusieurs de ses œuvres sont aujourd'hui considérées comme faisant partie des plus grands films de tous les temps.
18
+
19
+ Charles Spencer Chaplin[1],[2] naît le 16 avril 1889 ; il est le deuxième enfant d'Hannah Chaplin née Hill (1865 – 1928) et de Charles Chaplin, Sr. (1863 – 1901). Son acte de naissance n'a pas été retrouvé dans les registres de l'état civil, mais Chaplin considérait qu'il était né dans une maison d'East Street dans le quartier de Walworth, au sud de Londres[3],[n 2]. Quatre ans plus tôt, ses parents se marient et Charles Sr. reconnaît Sydney John, un fils issu d'une précédente relation d'Hannah avec un homme inconnu[7]. Au moment de sa naissance, les parents de Chaplin sont tous deux des artistes de music-hall. Sa mère, fille d'un cordonnier[8], mène une carrière sans grand succès sous le nom de scène de Lily Harley[9], tandis que son père, fils d'un boucher[10], est un chanteur populaire[11]. Ils se séparent vers 1891[12] et l'année suivante, Hannah donne naissance à son troisième fils, Wheeler Dryden, issu d'une relation avec le chanteur de music-hall Leo Dryden ; l'enfant est emmené par son père à l'âge de six mois et reste éloigné de Chaplin pendant trente ans[13].
20
+
21
+ L'enfance de Chaplin est marquée par la misère et les privations, ce qui conduit son biographe officiel David Robinson à décrire son parcours comme « le plus spectaculaire de tous les récits jamais racontés sur l'ascension des haillons aux richesses »[14]. Il passe ses premières années avec sa mère et son frère Sydney dans le borough londonien de Kennington ; hormis quelques travaux de couture ou de nourrice, Hannah n'a aucun revenu et Charles Sr. n'apporte aucun soutien à ses enfants[15]. Alors que la situation financière du foyer se détériore, Chaplin est envoyé dans une workhouse à l'âge de sept ans[n 3]. Il indique par la suite qu'il y connaît une « triste existence »[17] et est brièvement rendu à sa mère 18 mois plus tard ; Hannah est rapidement contrainte de se séparer à nouveau de ses enfants, qui sont envoyés dans une autre institution pour enfants indigents[18].
22
+
23
+ En septembre 1898, la mère de Chaplin est admise à l'asile psychiatrique de Cane Hill après avoir développé une psychose apparemment provoquée par la malnutrition et la syphilis[19]. Durant les deux mois de son hospitalisation, Chaplin et son frère sont envoyés vivre avec leur père qu'ils connaissent à peine[20]. Charles Sr. a alors sombré dans l'alcoolisme et sa conduite entraîne la visite d'une organisation de protection de l'enfance[21]. Il meurt d'une cirrhose deux ans plus tard, à l'âge de 38 ans[22].
24
+
25
+ L'état de santé d'Hannah s'améliore[21], mais elle fait une rechute en mai 1903. Chaplin, alors âgé de 14 ans, l’emmène au dispensaire, d'où elle est renvoyée à Cane Hill[23]. Il vit seul pendant plusieurs jours et dort dans la rue en attendant le retour de son frère qui s'est engagé dans la Marine deux ans plus tôt[24],[25],[26]. Hannah quitte l'asile au bout de huit mois[27], mais elle rechute de manière permanente en mars 1905. Chaplin écrit plus tard : « Nous ne pouvions rien faire d'autre que d'accepter le sort de notre pauvre mère ». En 1921, Charlie et son frère Sydney obtiennent la permission de la prendre avec eux à Hollywood. Charlie lui achète une maison en bord de mer, et Hannah y vit ses sept dernières années, soignée à domicile. C'est là qu'elle peut revoir son troisième fils, Wheeler Dryden, dont elle est séparée depuis trente ans. Elle meurt le 28 août 1928[28].
26
+
27
+ Chaplin commence très tôt à se produire sur scène. Il y fait sa première apparition à cinq ans en remplaçant Hannah lors d'un spectacle à Aldershot[n 4]. C'est une exception, mais sa mère l'encourage dans cette voie, et « elle [l]'imprègne du sentiment [qu'il] a une sorte de talent »[31]. Grâce aux relations de son père[32], il devient membre de la troupe de danseurs Eight Lancashire Lads et se produit dans des music-halls britanniques en 1899 et 1900[n 5]. Chaplin travaille dur et la troupe est populaire, mais il ne se satisfait pas de la danse et veut se tourner vers la comédie[34].
28
+
29
+ Lorsque Chaplin est en tournée avec les Eight Lancashire Lads, sa mère s'assure qu'il continue à aller à l'école[35], mais il abandonne vers treize ans[36]. Passé une période de petits boulots[37], à quatorze ans et peu après la rechute de sa mère, il s'inscrit dans une agence artistique du West End de Londres. Le responsable de cette agence discerne un potentiel chez Chaplin et lui offre rapidement son premier rôle en tant que vendeur de journaux dans la pièce Jim, a Romance of Cockayne de Harry A. Saintsbury[38]. La première a lieu en juillet 1903, mais le spectacle ne rencontre pas de succès et les représentations s'arrêtent au bout de deux semaines ; la performance comique de Chaplin est néanmoins remarquée par les critiques[39],[40],[41]. Saintsbury lui obtient ensuite le rôle du groom Billy dans la pièce Sherlock Holmes de Charles Frohman[42]. Son jeu est si bien reçu qu'il est appelé à Londres pour se produire aux côtés de William Gillette, qui a coécrit la pièce avec Arthur Conan Doyle[43]. Il fait sa dernière tournée de Sherlock Holmes au début de l'année 1906 après y avoir joué pendant plus de deux ans et demi[44].
30
+
31
+ Chaplin rejoint rapidement une autre compagnie et joue dans une comédie à sketchs, Repairs, avec son frère Sydney qui s'est également lancé dans une carrière artistique[45]. En mai 1906, il participe au spectacle pour enfants Casey's Circus[46] et développe son jeu burlesque qui lui permet de devenir rapidement la star de la pièce. À la fin de la tournée en juillet 1907, le jeune homme de 18 ans est devenu un comédien accompli[47],[48]. Il a néanmoins des difficultés à trouver du travail et une brève incursion dans le stand-up ne rencontre pas le succès escompté[49],[50].
32
+
33
+ Dans le même temps, Sydney Chaplin a rejoint en 1906 la prestigieuse troupe comique de Fred Karno, dont il est devenu l'un des acteurs principaux en 1908[51],[52],[53]. En février, il parvient à obtenir une période d'essai de deux semaines pour son frère cadet. Karno n'est initialement pas convaincu et considère Chaplin comme un « enfant à l'air renfrogné pâle et chétif » qui « semble bien trop timide pour faire quoi que ce soit de bien au théâtre »[54]. Il est cependant impressionné par sa première prestation au London Theatre et l'engage immédiatement[55]. Après des rôles secondaires, Chaplin accède aux rôles principaux en 1909[56] et il est l'acteur principal de la nouvelle comédie Jimmy the Fearless en avril 1910. C'est un grand succès qui attire l'attention de la presse sur le jeune artiste[57],[58].
34
+
35
+ Karno le choisit pour participer avec une partie de sa troupe à une tournée en Amérique du Nord[59]. Chaplin mène les spectacles de music-hall et impressionne les critiques qui le décrivent comme « l'un des meilleurs artistes de pantomime jamais vu »[60]. La tournée dure 21 mois et la troupe retourne en Grande-Bretagne en juin 1912[61]. Chaplin a alors le sentiment troublant de « revenir aux platitudes déprimantes », et il est ravi quand une nouvelle tournée commence en octobre[62],[63].
36
+
37
+ Alors qu'il en est au sixième mois de sa tournée américaine, Chaplin est invité à rejoindre la New York Motion Picture Company ; un des responsables de la société a assisté à un de ses spectacles et pense qu'il peut remplacer Fred Mace, la star du studio Keystone, qui veut prendre sa retraite[64]. Chaplin considère les comédies de Keystone comme un « mélange grossier » mais apprécie la perspective d'une nouvelle carrière[65] ; il signe en septembre 1913 un contrat d'un an avec un salaire hebdomadaire de 150 dollars (environ 3 880 dollars de 2020[66])[67],[68].
38
+
39
+ Chaplin arrive dans les studios de Los Angeles au début du mois de décembre 1913[69] et rencontre son responsable Mack Sennett, qui pense que le jeune homme de 24 ans paraît trop jeune[70]. Il ne joue pas avant la fin du mois de février 1914 et profite de cette période pour se familiariser avec la réalisation cinématographique[71]. Il fait ses débuts dans le court-métrage Pour gagner sa vie, sorti le 2 février 1914, mais déteste le film[72]. Dans celui-ci, il se présente comme une sorte de dandy en redingote étriquée, chapeau haut-de-forme et grandes moustaches tombantes[73]. Pour son second rôle, Chaplin choisit le costume de Charlot (en anglais, The Tramp ou vagabond) avec lequel il se fait connaître ; dans son autobiographie, il décrit le processus :
40
+
41
+ « Je voulais que tout soit une contradiction : le pantalon ample, la veste étriquée, le chapeau étroit et les chaussures larges… J'ai ajouté une petite moustache qui, selon moi, me vieillirait sans affecter mon expression. Je n'avais aucune idée du personnage mais dès que j'étais habillé, les vêtements et le maquillage me faisaient sentir qui il était. J'ai commencé à le connaître et quand je suis entré sur le plateau, il était entièrement né[74],[n 6]. »
42
+
43
+ Ce film est L'Étrange Aventure de Mabel mais le personnage de « Charlot » apparaît pour la première fois dans Charlot est content de lui tourné peu après mais qui sort deux jours plus tôt le 7 février 1914[76]. Chaplin adopte rapidement ce personnage et fait des suggestions pour les films dans lesquels il apparaît, mais elles sont rejetées par les réalisateurs[77]. Durant le tournage de son 11e film, Mabel au volant, il affronte la réalisatrice Mabel Normand et l'incident entraîne presque la résiliation de son contrat. Sennett le conserve néanmoins après avoir reçu des commandes pour de nouveaux films avec Chaplin. Il l'autorise également à réaliser son prochain film après que Chaplin a promis de payer 1 500 dollars (environ 38 287 dollars de 2020[66]) s'il ne rencontre pas de succès[78].
44
+
45
+ Un béguin de Charlot, sorti le 4 mai 1914, marque les débuts de réalisateur de Chaplin et connaît un grand succès[79]. Par la suite, il réalise quasiment tous les courts-métrages de Keystone dans lesquels il joue[80] ; Chaplin rapporte par la suite que cette période, où il réalise environ un film par semaine[81], est la plus excitante de sa carrière[82]. Il introduit une forme de comédie plus lente que les farces typiques de Keystone[76] et rassemble rapidement un grand nombre d'admirateurs[83],[84]. En novembre 1914, il joue avec Marie Dressler dans le long-métrage Le Roman comique de Charlot et Lolotte réalisé par Sennett ; le film est un succès et accroît sa popularité[85]. Lorsque le contrat de Chaplin expire à la fin de l'année, il demande un salaire hebdomadaire de 1 000 dollars (environ 25 525 dollars de 2020[66]), une somme que Sennett refuse car jugée trop élevée[86].
46
+
47
+ L'Essanay Film Manufacturing Company propose à Chaplin un salaire hebdomadaire de 1 250 dollars (environ 31 591 dollars de 2020[66]) avec une prime d'embauche de 10 000 dollars. Il intègre le studio à la fin du mois de décembre 1914[87] et rejoint d'autres acteurs comme Leo White, Bud Jamison, Paddy McGuire et Billy Armstrong. Alors qu'il est à la recherche d'un second rôle féminin pour son deuxième film, Charlot fait la noce, il repère une secrétaire appelée Edna Purviance dans un café à San Francisco. Il l'engage et elle tourne avec lui dans 35 films[88] ; ils ont également une aventure sentimentale jusqu'en 1917[89].
48
+
49
+ Chaplin exerce un contrôle important sur ses films et il commence à consacrer beaucoup de temps et d'énergie dans chacune de ses réalisations[90],[91],[92]. Un mois sépare sa seconde production, Charlot fait la noce, et sa troisième, Charlot boxeur[93], et il adopte ce rythme pour ses réalisations ultérieures avec Essenay[94]. Il modifie également son personnage, critiqué par Keystone en raison de son caractère « malveillant, rustre et grossier », pour lui donner une personnalité plus douce et romantique[95]. Cette évolution est illustrée par Le Vagabond en avril 1915[96],[97] et Charlot garçon de banque en août, qui comportent un final plus triste. C'est une innovation pour les films comiques et les critiques sérieux commencent à apprécier davantage son travail[98]. Avec Essanay, Chaplin trouve les thèmes qui définissent le monde de Charlot[99].
50
+
51
+ Immédiatement après ses débuts cinématographiques, Chaplin devient un phénomène culturel. Les magasins vendent des produits associés à son personnage de Charlot, qui apparaît dans des bandes dessinées et dans des chansons[100],[81],[101]. En juillet 1915, selon un journaliste du magazine Motion Picture Magazine, la « chaplinite » se propage en Amérique[102]. Sa popularité s'étend également à l'étranger et il devient la première star internationale du cinéma[103],[104]. Alors que son contrat avec Essenay expire en décembre 1915[105], Chaplin, pleinement conscient de sa célébrité, demande une prime d'embauche de 150 000 dollars (environ 3 790 954 dollars de 2020[66]) à son nouveau studio. Il reçoit plusieurs propositions venant entre autres d'Universal, Fox et Vitagraph[106].
52
+
53
+ Il est finalement engagé par le studio Mutual, qui lui accorde un salaire annuel de 670 000 dollars (environ 1 693 293 dollars de 2020[66]), faisant de Chaplin, alors âgé de 26 ans, l'une des personnes les mieux payées au monde[107]. Cette somme élevée choque le public et est largement reprise dans la presse[108]. Le président du studio, John R. Freuler, explique qu'ils peuvent se permettre de payer ce salaire à Chaplin car « le public veut Chaplin et paiera pour le voir »[109].
54
+
55
+ Mutual accorde à Chaplin son propre studio à Los Angeles, qui est inauguré en mars 1916[110]. Il recrute deux nouveaux acteurs pour l'accompagner, Albert Austin et Eric Campbell[111], et réalise une série de films plus élaborés et mélodramatiques : Charlot chef de rayon, Charlot pompier, Charlot musicien, Charlot rentre tard, Charlot et le Comte[112]. Pour Charlot usurier, il embauche l'acteur Henry Bergman, qui travaille avec lui pendant 30 ans[113]. Charlot fait du ciné et Charlot patine sont ses dernières réalisations pour l'année 1916. Le contrat avec Mutual stipule qu'il doit réaliser un court-métrage toutes les quatre semaines, engagement qu'il tient[114]. Il commence néanmoins à demander plus de temps pour créer ses films et il n'en réalise que quatre autres pour Mutual dans les dix premiers mois de l'année 1917 : Charlot policeman, Charlot fait une cure, L'Émigrant et Charlot s'évade[115]. Du fait de leur réalisation méticuleuse et de leur construction soignée, ces films sont considérés comme parmi les meilleures œuvres de Chaplin par les spécialistes du cinéaste[116],[117],[115],[118]. Pour Chaplin, ses années à Mutual sont les plus heureuses de sa carrière[119].
56
+
57
+ Chaplin est critiqué par la presse britannique pour son absence de participation à la Première Guerre mondiale[120]. Il répond qu'il est volontaire pour se battre pour le Royaume-Uni s'il est appelé et qu'il a déjà répondu à la conscription américaine ; aucun des deux pays ne lui demande de s'enrôler et l'ambassade britannique aux États-Unis publie une déclaration indiquant que Chaplin « est bien plus utile à la Grande-Bretagne en gagnant de l'argent et en achetant des obligations de guerre que dans les tranchées »[121]. Malgré ces critiques, Chaplin est l'un des acteurs préférés des soldats[122], et sa popularité continue de grandir dans le monde entier. Le magazine américain Harper's Weekly rapporte que le nom de Charlie Chaplin fait « partie de la langue véhiculaire de presque tous les pays » et que l'image de Charlot est « universellement familière »[123]. En 1917, les imitateurs professionnels de Charlot sont si répandus qu'il lance des actions en justice[124] et il est rapporté que neuf hommes sur dix participant à des soirées costumées reprenaient son accoutrement[125]. L'actrice Minnie M. Fiske écrit qu'un « nombre en constante augmentation de personnes cultivées commencent à considérer le jeune bouffon anglais, Charlie Chaplin comme un artiste extraordinaire et un génie comique »[123].
58
+
59
+ Mutual ne se formalise pas de la production réduite de Chaplin et le contrat se termine à l'amiable. Pour son nouveau studio, son principal objectif est d'avoir une plus large indépendance ; son frère Sydney, devenu son agent artistique, déclare à la presse que « Chaplin doit être autorisé à avoir tout le temps et l'argent nécessaire pour produire les films à sa manière… C'est la qualité, non la quantité, que nous voulons »[126]. En juin 1917, Chaplin signe un contrat d'un million de dollars (environ 19 955 844 dollars de 2020[66]) pour huit films avec l'association de propriétaires de salles de cinéma First National Pictures[127]. Il décide de construire son propre studio sur un terrain de 5 acres (20 200 m2) près de Sunset Boulevard avec les meilleures installations et équipements disponibles[128],[129]. Le studio est inauguré en janvier 1918[130] et Chaplin reçoit une grande liberté pour la réalisation de ses films[131].
60
+
61
+ Une vie de chien, distribué en avril 1918, est son premier film sous ce nouveau contrat. Il y démontre une attention grandissante pour l'intrigue et son traitement de Charlot comme une sorte de Pierrot[132]. Le film est décrit par le critique français Louis Delluc comme « la première œuvre d'art totale du cinéma »[133]. Chaplin participe ensuite à l'effort de guerre en réalisant une tournée d'un mois aux États-Unis afin de lever des fonds pour les Alliés[134]. Il produit également un court-métrage de propagande pour le gouvernement appelé The Bond[135]. Son film suivant, Charlot soldat, met en scène Charlot dans les tranchées ; ses associés le mettent en garde contre une comédie sur la guerre, mais il pense autrement : « dangereuse ou non, l'idée m'excitait »[136]. Le tournage dure quatre mois et le film de 45 minutes rencontre un grand succès à sa sortie, en octobre 1918[137].
62
+
63
+ Après la sortie de Charlot soldat, Chaplin demande plus de fonds à la First National, qui refuse. Frustré par le manque de considération du studio pour la qualité et inquiet des rumeurs d'une fusion avec Famous Players-Lasky[138],[139], il se rapproche de ses collègues Douglas Fairbanks, Mary Pickford et D. W. Griffith pour fonder une nouvelle société de distribution. La création d'United Artists en janvier 1919[140] est une révolution pour l'industrie cinématographique, car les quatre fondateurs peuvent dès lors personnellement financer leurs œuvres et avoir un contrôle total sur elles[141]. Chaplin est alors impatient de pouvoir commencer avec sa nouvelle entreprise et offre de racheter son contrat avec la First National. Le studio refuse et insiste pour qu'il livre les six derniers films promis[142].
64
+
65
+ Avant la création d'United Artists, Chaplin se marie pour la première fois. L'actrice de 17 ans Mildred Harris est enceinte et ils se marient discrètement à Los Angeles en septembre 1918 pour éviter la controverse[143] ; la grossesse se révèle fausse[144]. Chaplin n'est pas heureux de cette union, qui selon lui affecte sa créativité, et la réalisation d'Une idylle aux champs est difficile[145],[146]. Harris tombe ensuite réellement enceinte et elle accouche d'un garçon le 7 juillet 1919. Le nouveau-né, Norman Spencer Chaplin, est cependant mal-formé et meurt trois jours plus tard[147]. Les époux divorcent en avril 1920 et Chaplin explique dans son autobiographie qu'ils n'étaient « absolument pas faits l'un pour l'autre »[148],[149].
66
+
67
+ Cette tragédie personnelle influence l'œuvre de Chaplin, car il envisage de faire de Charlot le tuteur d'un jeune garçon[150],[151]. Le tournage du Kid commence en août 1919 avec le jeune Jackie Coogan, alors âgé de quatre ans[152]. Chaplin réalise que le projet est plus important que prévu et, pour apaiser la First National, arrête sa production et tourne rapidement Une journée de plaisir[153]. La réalisation du Kid dure neuf mois, jusqu'en mai 1920, et sa durée de 68 minutes en fait le plus long du cinéaste jusque là[154]. Marqué par les thèmes de la pauvreté et de la séparation, on considère que Le Kid est influencé par la propre enfance de Chaplin[131] et il est l'un des premiers films à associer la comédie et le drame[155]. Le succès est immédiat à sa sortie, en janvier 1921, et il est distribué dans plus de 50 pays dans les trois années qui suivent[156].
68
+
69
+ Chaplin consacre cinq mois à son film suivant de 31 minutes, Charlot et le Masque de fer[141]. Après sa sortie en septembre 1921, il décide de retourner en Grande-Bretagne pour la première fois en près d'une décennie[157]. Il remplit ensuite son contrat avec la First National en réalisant Jour de paye en février 1922 et Le Pèlerin un an plus tard[158].
70
+
71
+ Ayant rempli ses obligations avec la First National, Chaplin est à présent libre de réaliser ses films en tant que producteur indépendant. En novembre 1922, il commence le tournage de L'Opinion publique[159]. Il veut que ce drame romantique lance la carrière d'Edna Purviance[160] et ne réalise qu'un bref caméo non crédité dans cette production[161]. Souhaitant que le film soit réaliste, il demande à ses acteurs de jouer de manière retenue, expliquant que dans la vie réelle « les hommes et les femmes essayent de dissimuler leurs émotions plutôt que de vouloir les montrer[162] ». La première de L'Opinion publique en septembre 1923 est acclamée par la critique pour son approche subtile, qui est alors une innovation[163]. Le public semble cependant peu intéressé par un film de Chaplin sans Charlot et il fait un échec[164]. Fier de son film, le cinéaste est affecté par ce revers car il a voulu réaliser un film dramatique ; il retire L'Opinion publique des salles aussi vite que possible[165].
72
+
73
+ Chaplin revient à la comédie pour son prochain projet et il pense alors : « Ce prochain film doit être une épopée ! la plus grande[166] ! » Inspiré par une photographie de la ruée vers l'or du Klondike de 1898 et par le récit de l'expédition Donner de 1846-1847, il réalise ce que le journaliste Geoffrey Macnab qualifie de « comédie épique sur un sujet grave[167],[168] ». Dans La Ruée vers l'or, Charlot est représenté comme un prospecteur solitaire affrontant l'adversité et à la recherche de l'amour. Avec Georgia Hale comme partenaire, Chaplin commence le tournage dans les montagnes de l'ouest du Nevada en février 1924[169]. La production est complexe, avec plus de 600 figurants, des décors extravagants et des effets spéciaux[170] ; la dernière scène n'est réalisée qu'en mai 1925, après 15 mois de tournage[171].
74
+
75
+ Avec un coût de près d'un million de dollars[172], Chaplin considère que La Ruée vers l'or est le meilleur film qu'il a réalisé jusque-là[173]. Après sa sortie en août 1925, il devient l'un des plus gros succès du cinéma muet, avec cinq millions de dollars (environ 72 893 738 dollars de 2020[66]) de recettes[172],[174]. La comédie comporte certaines des scènes les plus célèbres de Chaplin, comme celle de Charlot mangeant sa chaussure ou celle dite de la « danse des petits pains »[175],[176],[177],[178], et il déclare par la suite qu'il aimerait que les gens se souviennent de lui grâce à ce film[167].
76
+
77
+ Alors qu'il réalise La Ruée vers l'Or, Chaplin se marie pour la deuxième fois. Comme pour sa première union, Lita Grey est une jeune actrice qui doit apparaître dans le film et dont la grossesse imprévue oblige Chaplin à l'épouser. Elle a alors 16 ans et lui 35, et selon la loi californienne cette relation peut être qualifiée de viol sur mineure[179]. D'après les documents du divorce, Chaplin a voulu la faire avorter, mais celle-ci a refusé. La mère de Lita Grey a par ailleurs menacé Chaplin de le dénoncer à la police s'il n'épouse pas sa fille[180]. Il organise donc une cérémonie discrète au Mexique, le 24 novembre 1924[181]. Lita accouche d'un premier fils, Charles Chaplin Jr., le 5 mai 1925, et d'un second, Sydney Earle Chaplin, le 30 mars 1926[182].
78
+
79
+ Cette union est malheureuse et Chaplin passe beaucoup de temps en studio pour éviter de voir son épouse[183]. En novembre 1926, Lita Grey quitte leur foyer avec leurs enfants[184]. Lors de la difficile procédure de divorce, les documents de Lita Grey accusant Chaplin d'infidélité, de violence et d'entretenir des « désirs sexuels pervers » sont publiés par la presse[185],[186],[n 7]. Il est rapporté que Chaplin est au bord d'une crise de nerfs, alors que l'histoire fait la une des journaux et que des groupes sont créés pour demander l'interdiction de ses films[186],[188]. Impatients de mettre un terme à l'affaire, les avocats de Chaplin acceptent en août 1927 de payer 600 000 dollars (environ 8 831 034 dollars de 2020[66]), la plus grosse somme accordée lors d'un procès aux États-Unis jusqu'alors[189]. La popularité de Chaplin lui permet de surmonter l'incident, qui est rapidement oublié, mais il en reste profondément affecté[190],[191].
80
+
81
+ Avant le début de la procédure de divorce, Chaplin commence à travailler sur un nouveau film, Le Cirque[192]. Le tournage est suspendu dix mois durant le scandale de son divorce[193] et la production est marquée par les difficultés[194]. Finalement terminé en octobre, Le Cirque sort en janvier 1928 et reçoit un accueil positif[195]. Lors de la 1re cérémonie des Oscars, Chaplin reçoit un Oscar d'honneur « pour sa polyvalence et son génie à jouer, écrire, mettre en scène et produire Le Cirque[196] ». Malgré le succès du film, Chaplin l'associe avec le stress de sa production ; il ne le mentionne pas dans son autobiographie et a du mal à travailler dessus quand il le resonorisa en 1967[197],[198].
82
+
83
+ Le cinéma sonore apparaît à l'époque où sortait Le Cirque. Chaplin est sceptique quant à cette nouvelle technique et estime que les « parlants » ne valent pas les films muets, du point de vue artistique[200],[201]. Il est également réticent à l'idée de changer la formule qui a fait son succès[202],[199],[203] et craint que donner une voix à Charlot ne limite son attrait à l'international[200],[203]. Il rejette donc cette mode hollywoodienne et commence à travailler sur un nouveau film muet ; cette décision le rend néanmoins anxieux et il le reste tout au long de la production de ce nouveau projet[200],[203].
84
+
85
+ Lorsque le tournage commence à la fin de l'année 1928, Chaplin travaille sur l'histoire depuis près d'un an[204],[205]. Les Lumières de la ville met en scène l'amour de Charlot pour une fleuriste aveugle, jouée par Virginia Cherrill, et ses efforts pour lever des fonds pour une opération destinée à lui rendre la vue. Chaplin a travaillé « jusqu'au bord de la folie pour obtenir la perfection[206] » et le tournage dure 21 mois, jusqu'en septembre 1930[207].
86
+
87
+ Chaplin finalise Les Lumières de la ville en décembre 1930 à un moment où les films muets sont devenus anachroniques[208]. Une pré-projection ne rencontre pas de succès[209], mais la presse est séduite. Un journaliste écrit : « Personne d'autre que Charlie Chaplin n'aurait pu le faire. Il est le seul à avoir ce quelque chose d'étrange appelé « attrait de l'audience » en quantité suffisante pour défier le penchant populaire pour les films qui parlent[210] ». Lors de sa sortie officielle en janvier 1931, Les Lumières de la ville est un succès populaire et financier qui rapporte plus de trois millions de dollars[211],[212],[213]. Le British Film Institute le cite comme la plus grande réussite de Chaplin et le critique James Agee évoque son final comme « le meilleur jeu d'acteur et le plus grand moment de l'histoire du cinéma[214],[215] ».
88
+
89
+ Les Lumières de la ville est un succès mais Chaplin n'est pas certain de pouvoir réaliser un nouveau film sans dialogues. Il reste convaincu que le son ne marcherait pas dans ses films, mais est également « obsédé par la peur déprimante d'être démodé »[216]. En raison de ces incertitudes, le comédien choisit au début de l'année 1931 de prendre des vacances et il arrête de tourner pendant 16 mois[217],[218]. Il visite l'Europe de l'Ouest, dont la France et la Suisse, et décide spontanément de se rendre dans l'Empire du Japon[219]. Là-bas, il est témoin de l'incident du 15 mai 1932, durant lequel des officiers nationalistes tentent un coup d'État, assassinant le Premier ministre du Japon Tsuyoshi Inukai. Le plan initial inclut notamment de tuer Charlie Chaplin afin de déclencher une guerre avec les États-Unis[220]. Quand le Premier ministre est tué, son fils Takeru Inukai assiste à une compétition de sumo avec Charlie Chaplin, ce qui leur a probablement sauvé la vie[221].
90
+
91
+ Dans son autobiographie, il note qu'à son retour à Los Angeles en juin 1932, « [il] est perdu et sans but, fatigué et conscient d'une extrême solitude ». Il envisage brièvement la possibilité de prendre sa retraite et de s'installer en Chine[222].
92
+
93
+ La solitude de Chaplin est apaisée quand il rencontre en juillet l'actrice de 21 ans Paulette Goddard, avec qui il forme un couple heureux[223],[224]. Hésitant encore sur l'opportunité d'un film, il écrit un roman-feuilleton sur ses voyages, qui est publié dans le magazine Woman's Home Companion[225]. Son séjour à l'étranger, durant lequel il rencontre plusieurs personnages influents, a un effet très stimulant pour Chaplin, et il s'intéresse de plus en plus aux questions internationales[226]. L'état du monde du travail américain durant la Grande Dépression le trouble et il craint que le capitalisme et les machines ne provoquent un fort taux de chômage. Ce sont ces inquiétudes qui le motivent à développer son nouveau film[227],[228].
94
+
95
+ Les Temps modernes est présenté par Chaplin comme « une satire de certaines situations de notre vie industrielle[229] ». Il envisage d'en faire un film parlant, mais change d'avis lors des répétitions. Comme ses prédécesseurs, Les Temps modernes utilise des effets sonores synchronisés, mais presque aucune parole[230]. Dans le film, l'interprétation en « charabia » d'une chanson par Chaplin donne néanmoins pour la première fois une voix à Charlot[231]. Après l'enregistrement de la musique, le résultat est présenté en février 1936[232]. Il s'agit de son premier film depuis Le Kid à intégrer des références politiques et sociales[233] et cet aspect entraîne une forte couverture médiatique, même si Chaplin tente de minimiser le sujet[234]. Le film connaît un succès moindre que ses précédents films et les critiques sont plus mitigées, certaines désapprouvant sa signification politique[235],[236]. Les Temps modernes est néanmoins devenu un classique du répertoire de Chaplin[214],[237].
96
+
97
+ À la suite de cette sortie, Chaplin se rend en Extrême-Orient avec Goddard[238]. Le couple refuse tout commentaire sur la nature de leur relation et on ne sait alors pas vraiment s'ils sont mariés ou non[239]. Quelque temps plus tard, Chaplin révèle qu'ils se sont mariés à Canton, en Chine, durant ce voyage[240]. Les deux s'éloignent cependant rapidement l'un de l'autre pour se consacrer à leur travail ; Goddard divorce finalement en 1942, en avançant qu'ils sont séparés depuis plus d'un an[241].
98
+
99
+ Chaplin est profondément perturbé par les tensions politiques et la montée des nationalismes en Europe dans les années 1930[242],[243] et estime qu'il ne peut en faire abstraction dans ses films[244]. Les observateurs font des rapprochements avec Adolf Hitler : ils sont nés à quatre jours d'écart, ont tous deux accédé à la notoriété mondiale malgré leur origine modeste, et le dictateur allemand porte la même moustache que Charlot. Cette ressemblance physique devient la base du film suivant de Chaplin, Le Dictateur, qui se moque directement d'Hitler et du fascisme[245],[246],[247],[248],[249],[250].
100
+
101
+ Chaplin consacre deux années à la rédaction du scénario[251] et commence le tournage en septembre 1939 alors que la Seconde Guerre mondiale vient d'éclater[252]. Chaplin décide de renoncer au film muet, qu'il estime démodé et parce qu'il est plus facile de délivrer un message politique avec la parole[253]. Réaliser une comédie sur Hitler est très délicat, mais l'indépendance financière de Chaplin lui permet de prendre le risque[254] : « J'étais déterminé à le faire car on doit se moquer d'Hitler[255],[n 8] ». Dans le film, Chaplin s'éloigne de son personnage de Charlot, tout en conservant son accoutrement, en jouant un « barbier juif » vivant dans une dictature européenne ressemblant considérablement à la dictature hitlérienne ; Chaplin répond ainsi aux nazis qui prétendent qu'il est juif[n 9],[n 10]. Charlie Chaplin jouera également le dictateur « Adenoïd Hynkel », parodiant Hitler[258].
102
+
103
+ Le Dictateur passe une année en postproduction et est présenté au public en octobre 1940[259]. Le film est l'objet d'une importante campagne publicitaire et un critique du New York Times le qualifie de film le plus attendu de l'année[260]. Il connaît un succès populaire considérable, même si le dénouement est controversé[261],[262]. Dans ce final où son personnage de barbier juif prend la place du dictateur, Chaplin prononce un discours de six minutes face à la caméra, dans lequel il expose ses opinions politiques personnelles[263],[264]. Selon l'historien du cinéma Charles J. Maland, à une époque où le cinéma évite les thèmes politiques controversés, cette prise de liberté a marqué le début du déclin de la popularité de Chaplin : « Dorénavant, aucun admirateur ne pourra séparer la dimension politique de sa star de cinéma »[265]. Le Dictateur est nommé dans cinq catégories lors de la 13e cérémonie des Oscars, dont celles du meilleur film, du meilleur acteur et du meilleur scénario, même s'il ne remporte aucune statuette[266].
104
+
105
+ Dans le milieu des années 1940, Chaplin est impliqué dans une série de procès qui accaparent une grande partie de son temps et affectent son image publique[267]. Ces derniers sont liés à sa relation intermittente avec l'aspirante actrice Joan Barry, entre juin 1941 et l'été 1942[268]. Ils se séparent après que cette dernière montre des troubles mentaux, et elle est arrêtée à deux reprises pour harcèlement après cette rupture[n 11]. Elle réapparaît l'année suivante en annonçant être enceinte du réalisateur ; ce dernier nie et Barry entame une procédure en reconnaissance de paternité[269].
106
+
107
+ J. Edgar Hoover, le directeur du Federal Bureau of Investigation (FBI), qui se méfie des tendances politiques de Chaplin, exploite l'opportunité de nuire à sa réputation. Dans le cadre d'une campagne de diffamation[270], le FBI l'inculpe dans quatre affaires reliées à ce scandale. Chaplin est en particulier accusé d'avoir violé le Mann Act qui interdit le transport entre États de femmes à des fins sexuelles[n 12]. L'historien Otto Friedrich a soutenu qu'il s'agissait de « poursuites absurdes » en application d'un « ancien texte[273] », mais Chaplin risquait jusqu'à 23 ans de prison[274]. Les preuves pour trois motifs d'accusation se révèlent insuffisantes pour aller jusqu'au procès, mais l'étude de la violation du Mann Act commence en mars 1944. Chaplin est acquitté deux semaines plus tard[271]. L'affaire fait fréquemment la une des journaux et le journal Newsweek la qualifie de « plus grand scandale de relations publiques depuis le procès pour meurtre de Roscoe Arbuckle en 1921[275] ».
108
+
109
+ Barry accouche en octobre 1944 d'une fille, Carole Ann, et le procès en paternité débute en février 1945. Après deux procès difficiles au cours desquels Chaplin est accusé de « turpitude morale » par le procureur[276], il est déclaré être le père. Le juge refuse d'accepter les preuves médicales, et en particulier la différence de groupe sanguin qui infirme cette conclusion, et Chaplin est condamné à payer une pension à sa fille jusqu'à ses 21 ans[277]. La couverture médiatique du procès est influencée par le FBI, qui transmet des informations à l'influente journaliste à scandales Hedda Hopper[278],[279],[280],[281].
110
+
111
+ La controverse entourant Chaplin accroît encore quand le 16 juin 1943, deux semaines après le début de la procédure de reconnaissance de paternité, un nouveau mariage est annoncé avec sa nouvelle jeune protégée de 18 ans, Oona O'Neill, la fille du dramaturge américain Eugene O'Neill[282]. Chaplin, alors âgé de 54 ans, lui est présenté par un agent artistique sept mois plus tôt[283],[284], et dans son autobiographie, il décrit leur rencontre comme « l'événement le plus heureux de [sa] vie » et indique qu'il avait découvert le « parfait amour »[285]. Ils restent mariés jusqu'à sa mort en 1977 et ont huit enfants : Geraldine Leigh (1944), Michael John (1946), Josephine Hannah (1949), Victoria (1951), Eugene Anthony (1953), Jane Cecil (1957), Annette Emily (1959) et Christopher James (1962)[286].
112
+
113
+ Chaplin avance que ces procès ont démoli sa créativité[287] et en avril 1946, il commence le tournage d'un film sur lequel il travaille depuis 1942[288]. Monsieur Verdoux est une comédie noire sur un employé de banque français, M. Verdoux joué par Chaplin, réduit au chômage et qui commence à épouser et à assassiner de riches veuves pour subvenir aux besoins de sa famille. L'idée lui est fournie par Orson Welles, qui voulait qu'il joue dans un film sur le tueur en série français Henri Désiré Landru. Chaplin estime que ce concept « ferait une superbe comédie[289] » et achète le scénario à Welles pour 5 000 dollars (environ 65 555 dollars de 2020[66])[290].
114
+
115
+ Chaplin exprime à nouveau ses idées politiques dans Monsieur Verdoux en critiquant le capitalisme[291],[292] et le film est très controversé à sa sortie, en avril 1947[293],[294],[295]. Il est hué lors de la première et certains demandent son interdiction[293],[296]. Il s'agit du premier film où son personnage n'a aucun rapport avec Charlot et il est également le premier à être un échec critique et commercial aux États-Unis[297]. Il est mieux accueilli à l'étranger et est cité pour le meilleur scénario lors de la 20e cérémonie des Oscars[298]. Chaplin est néanmoins fier de son œuvre et écrit dans son autobiographie : « Monsieur Verdoux est le plus intelligent et plus brillant des films que j'ai réalisés[299] ».
116
+
117
+ L'accueil négatif de Monsieur Verdoux est largement le résultat de l'évolution de l'image publique de Chaplin[300]. En plus du scandale de l'affaire Joan Barry, il est publiquement accusé d'être communiste[301],[302]. Ses actions politiques se sont intensifiées durant la Seconde Guerre mondiale et il a fait campagne pour l'ouverture d'un second front pour soulager les Soviétiques[303]. Il se rapproche de sympathisants communistes connus comme Hanns Eisler et Bertolt Brecht et il participe à des réceptions organisées par des diplomates soviétiques à Los Angeles[304]. Dans le contexte politique de « Peur rouge » qui prévaut à l'époque aux États-Unis, de telles activités font que Chaplin est, selon Larcher, considéré comme « dangereusement progressiste et amoral[305],[306],[276] ». Le FBI est déterminé à lui faire quitter le pays[307] et il lance une enquête officielle à son encontre en 1947[308],[n 13].
118
+
119
+ Chaplin nie être un communiste et se présente comme un pacifiste[310],[311],[312],[313] qui estime que les actions du gouvernement américain pour réprimer une idéologie sont une violation inacceptable des libertés publiques[314]. Refusant de se taire sur cette question, il proteste ouvertement contre les procès des membres du parti communiste américain devant le House Un-American Activities Committee (HUAC) et est convoqué par ce dernier[315],[316]. Alors que ses actions sont largement relayées dans la presse et que la guerre froide gagne en intensité, sa non-acquisition de la citoyenneté américaine est critiquée et certains demandent son expulsion[317],[318],[276],[319]. Le représentant du Mississippi John E. Rankin (en) déclare devant le Congrès en juin 1947 : « Sa vie à Hollywood est nuisible au tissu moral des États-Unis. [S'il est expulsé], ses films répugnants pourront être gardés à l'écart des yeux de la jeunesse américaine. Nous devons l'expulser et nous en débarrasser une bonne fois pour toutes[319]. »
120
+
121
+ Même si Chaplin reste politiquement actif dans les années qui suivent l'échec de Monsieur Verdoux[n 14], son film suivant sur un comédien de vaudeville oublié et une jeune ballerine dans le Londres de l'époque édouardienne est dépourvu de toute signification politique. Les Feux de la rampe est largement autobiographique et fait référence à l'enfance de Chaplin, à la vie de ses parents et à sa perte de popularité aux États-Unis[321],[322],[323]. Parmi les acteurs figurent plusieurs membres de sa famille, dont ses enfants les plus âgés et son demi-frère, Wheeler Dryden[324].
122
+
123
+ Après trois ans de préparation, le tournage commence en novembre 1951[325]. Il adopte un ton bien plus sérieux que dans ses précédents films et parle régulièrement de « mélancolie » en expliquant le scénario à sa partenaire Claire Bloom[326]. Le film est également notable pour la présence de Buster Keaton — dont c'est l'unique collaboration avec Chaplin[327].
124
+
125
+ Chaplin décide d'organiser la première mondiale des Feux de la rampe à Londres, vu que le film s'y déroule[328]. Quittant Los Angeles, il indique qu'il s'attend à ne jamais pouvoir revenir, chassé par l'Amérique maccarthyste[329]. À New York, il embarque avec sa famille à bord du paquebot transatlantique HMS Queen Elizabeth le 18 septembre 1952[330]. Le lendemain, le procureur général des États-Unis, James McGranery, révoque le visa de Chaplin et déclare qu'il doit se soumettre à un entretien sur ses opinions politiques et sa moralité pour pouvoir revenir aux ��tats-Unis[330]. Même si McGranery indique à la presse qu'il a « un dossier assez solide contre Chaplin », Maland conclut, en s'appuyant sur les documents du FBI rendus publics dans les années 1980, que le gouvernement américain n'a pas réellement de preuves suffisantes pour empêcher le retour de Chaplin ; il est même probable qu'il aurait obtenu un visa s'il en avait fait la demande[331],[332]. Cependant, quand il reçoit un câblogramme l'informant de cette décision, Chaplin décide de rompre tous ses liens avec les États-Unis :
126
+
127
+ « Que je revienne ou non dans ce triste pays avait peu d'importance pour moi. J'aurais voulu leur dire que plus tôt je serais débarrassé de cette atmosphère haineuse, mieux je serais, que j'étais fatigué des insultes et de l'arrogance morale de l'Amérique[333]. »
128
+
129
+ Comme tous ses biens sont aux États-Unis, Chaplin ne fait aucun commentaire négatif dans la presse[334], mais l'affaire fait sensation[335]. Si Chaplin et son film sont bien accueillis en Europe[330], Les Feux de la rampe sont largement boycottés aux États-Unis malgré des critiques positives[336]. Maland écrit que la chute de Chaplin d'un niveau de popularité inégalé « est peut-être la plus spectaculaire de toute l'histoire de la célébrité aux États-Unis[337] ».
130
+
131
+ Chaplin ne tente pas de revenir aux États-Unis après la révocation de son visa d'entrée et envoie sa femme à Los Angeles pour régler ses affaires[339]. Le couple se décide pour la Suisse et la famille s'installe en janvier 1953 au manoir de Ban, une propriété de 15 hectares surplombant le lac Léman dans la commune de Corsier-sur-Vevey[340]. Chaplin met en vente sa résidence et son studio de Beverly Hills en mars et rend son visa en avril. L'année suivante, sa femme renonce à sa nationalité américaine pour devenir Britannique[341]. Il abandonne ses derniers liens professionnels avec les États-Unis en 1955 quand il vend ses parts dans la United Artists, qui est en difficultés financières depuis le début des années 1940[342],[343],[344].
132
+
133
+ Chaplin reste une figure controversée tout au long des années 1950, en particulier après avoir reçu le prix international de la paix décerné par le Conseil mondial de la paix, d'obédience communiste, et ses rencontres avec le Chinois Zhou Enlai et le Soviétique Nikita Khrouchtchev[345],[343]. Il commence à développer son premier film européen, Un roi à New York, en 1954[346]. Jouant le rôle d'un roi exilé cherchant asile aux États-Unis, Chaplin exploite ses problèmes récents pour écrire le scénario. Son fils, Michael, est présenté comme un garçon dont les parents sont visés par le FBI, tandis que le personnage de Chaplin est accusé d'être un communiste[347]. Cette satire politique parodie les actions de l'HUAC ainsi que le consumérisme de la société américaine des années 1950[348],[349],[350],[351]. Dans sa critique, le dramaturge John Osborne le qualifie comme film le « plus acide… et de plus ouvertement personnel » de Chaplin[352].
134
+
135
+ Chaplin fonde une nouvelle société de production appelée Attica et tourne dans les studios de Shepperton, dans la banlieue de Londres[346]. Ce tournage est difficile car il est habitué à son studio et à ses équipes hollywoodiennes, et ne dispose plus d'une durée de production illimitée. Cela a un impact sur la qualité du film[353],[354], qui reçoit des critiques mitigées à sa sortie en septembre 1957[355],[356],[357]. Chaplin empêche les journalistes américains d'assister à la première à Paris et décide de ne pas diffuser le film aux États-Unis. Cela nuit fortement à son succès commercial, même si le film obtient un succès d'estime en Europe[358]. Un roi à New York n'est présenté aux États-Unis qu'en 1973[359].
136
+
137
+ À partir du milieu des années 1950, Chaplin se concentre sur la resonorisation et la réédition de ses anciens films, ainsi que sur la protection de ses droits d'auteur[360]. La première de ces rééditions est La Revue de Charlot (1959), comprenant de nouvelles versions d'Une vie de chien, de Charlot soldat et du Pèlerin[361].
138
+
139
+ Aux États-Unis, l'atmosphère politique commence à évoluer et l'attention du public se tourne à nouveau vers les films de Chaplin et non plus vers ses opinions[360]. En juillet 1962, le New York Times publie un éditorial indiquant que « nous ne pensons pas que la République serait en danger si l'inoublié petit Charlot d'hier était autorisé à se promener sur la passerelle d'un navire ou d'un avion dans un port américain[362] ». Le même mois, Chaplin reçoit un doctorat honorifique en Lettres des universités d'Oxford et de Durham[363]. En novembre 1963, le Plaza Theater de New York commence une rétrospective des films de Chaplin, dont Monsieur Verdoux et Les Feux de la rampe pour lesquels les critiques sont bien plus positives que dix ans plus tôt[364],[365]. Septembre 1964 voit la publication de ses mémoires, Histoire de ma vie, sur lesquels il travaille depuis 1957[366]. Le livre de 500 pages mettant l'accent sur ses premières années et sa vie privée connaît un succès mondial, même si les critiques pointent le manque d'informations sur sa carrière cinématographique[367],[368].
140
+
141
+ Peu après la publication de ses mémoires, Chaplin commence à travailler sur La Comtesse de Hong-Kong (1967), une comédie romantique basée sur un scénario qu'il a écrit dans les années 1930 pour Paulette Goddard[369]. Située sur un paquebot, l'action met en scène Marlon Brando jouant un ambassadeur américain et Sophia Loren dans le rôle d'une passagère clandestine[369]. Le film diffère des précédentes productions de Chaplin sur plusieurs points : il est le premier à employer le technicolor et la résolution écran large, tandis que Chaplin se concentre sur la réalisation et n’apparaît à l'écran que dans le rôle mineur d'un steward malade[370]. Il signe également un contrat avec le studio Universal Pictures pour le distribuer[371]. La Comtesse de Hong-Kong reçoit des critiques négatives à sa sortie en janvier 1967 et est un échec commercial[372],[373],[374]. Chaplin est profondément affecté par ce revers et ce film est son dernier[372].
142
+
143
+ Chaplin est victime de plusieurs AVC mineurs à la fin des années 1950 et cela marque le début d'un lent déclin de sa santé[375]. Malgré ces difficultés, il se met rapidement à écrire le scénario de son nouveau projet de film, The Freak, sur une jeune fille ailée découverte en Amérique du Sud, projet destiné à lancer la carrière de sa fille, Victoria Chaplin[375]. Sa santé fragile l'empêche néanmoins de mener à bien ce projet[376], et au début des années 1970 Chaplin se concentre plutôt sur la réédition de ses anciens films, dont Le Kid et Le Cirque[377]. En 1971, il est fait commandeur de l'Ordre national de la Légion d'honneur lors du festival de Cannes[378] et l'année suivante il reçoit un Lion d'or pour sa carrière durant la mostra de Venise[379].
144
+
145
+ En 1972, l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences lui décerne un Oscar d'honneur, ce que Robinson considère comme le premier signe que les États-Unis « voulaient se faire pardonner ». Chaplin hésite à l'accepter, puis décide de se rendre à Los Angeles pour la première fois en vingt ans[378]. La visite est l'objet d'une large couverture médiatique, et lors de la remise de la récompense il reçoit une ovation de douze minutes, la plus longue de toute l'histoire des Oscars[380],[381]. Visiblement ému, Chaplin accepte la statuette rendant hommage « à l'effet incalculable qu'il a eu en faisant des films de cinéma la forme d'art de ce siècle[382] ».
146
+
147
+ Même si Chaplin a encore des projets de film, sa santé devient très fragile dans le milieu des années 1970[383]. Plusieurs AVC affectent son élocution et il doit utiliser un fauteuil roulant[384],[385]. Parmi ses dernières réalisations figurent la création d'une autobiographie en images, My Life in Pictures (1974) et la resonorisation de L'Opinion publique en 1976[386]. Il apparaît également dans un documentaire sur sa vie, The Gentleman Tramp (1975), réalisé par Richard Patterson[387]. En 1975, la reine Élisabeth II le fait chevalier[386],[n 15].
148
+
149
+ En octobre 1977, la santé de Chaplin s'est détériorée au point qu'il demande une attention de tous les instants[389]. Il meurt d'un AVC dans son sommeil le matin du 25 décembre 1977, à l'âge de 88 ans[385]. Selon ses dernières volontés, une petite cérémonie funéraire anglicane est organisée le 27 décembre et il est inhumé dans le cimetière de Corsier-sur-Vevey[389]. Parmi les hommages du monde du cinéma, le réalisateur René Clair écrit « il était un monument du cinéma[390] » et l'acteur Bob Hope déclara : « nous avons eu de la chance de vivre à son époque[391] ».
150
+
151
+ Le 1er mars 1978, le cercueil de Chaplin est exhumé et volé par deux mécaniciens automobiles[392], un Polonais, Roman Wardas, et un Bulgare, Gantcho Ganev. Leur but est d'extorquer une rançon de cent mille francs suisses à Oona Chaplin afin de pouvoir ouvrir plus tard un garage automobile. Ils sont arrêtés lors d'une vaste opération de police le 17 mai 1978 et le cercueil est retrouvé enterré dans un champ de maïs près du village voisin de Noville. Il est réenterré dans le cimetière de Corsier-sur-Vevey et un caveau en béton armé est ajouté pour empêcher tout nouvel incident[393],[394].
152
+
153
+ Chaplin considérait que sa première inspiration était sa mère qui l'amusait, alors qu'il était enfant, en s'asseyant à la fenêtre et en imitant les passants : « C'est grâce à elle que j'ai appris non seulement à exprimer des émotions avec mes mains et mon visage mais également à observer et à étudier les gens[395] ». Les premières années de Chaplin dans le music-hall lui permettent d'observer le travail des comédiens ; il assiste également aux spectacles de mime de Noël au théâtre de Drury Lane, où il étudie l'art de la frivolité avec des artistes comme Dan Leno[396],[397],[398]. Ses années dans la compagnie de Fred Karno ont un effet formateur sur sa carrière d'acteur et de réalisateur. Il y apprend à associer le tragique avec la comédie et à utiliser des éléments absurdes qui devinrent récurrents dans ses œuvres[399]. Dans l'industrie cinématographique, Chaplin s'appuie sur les œuvres du comédien français Max Linder, qu'il admire[400],[401],[402]. En développant le costume et le jeu de Charlot, il s'inspire probablement de la scène de vaudeville américaine où les personnages de vagabond étaient courants[403].
154
+
155
+ Tout au long de sa carrière, Chaplin parle assez peu de ses techniques de réalisation et compare cela à dévoiler ses secrets pour un magicien[404]. On sait donc peu de chose sur ses manières de travailler[405], mais elles ont été étudiées par Kevin Brownlow et David Gill et savamment exposées dans la série documentaire Unknown Chaplin (1983)[406],[407].
156
+
157
+ Avant de réaliser des films parlants avec Le Dictateur, Chaplin ne commence jamais un tournage avec un scénario achevé[408]. Pour ses premiers films, il n'a qu'une vague idée de départ comme « Charlot se rend dans une station thermale » ou « Charlot travaille comme prêteur sur gage[409] ». Il fait ensuite réaliser les décors et travaille avec les autres acteurs pour improviser des effets comiques tout en affinant le scénario tout au long de la production[406],[407]. Alors que les idées sont acceptées ou rejetées, une structure narrative émerge et Chaplin est souvent obligé de retourner des scènes qui vont à l'encontre de l'histoire[410],[411],[412]. À partir de L'Opinion publique, Chaplin commence à réaliser le tournage à partir d'un scénario préétabli[413], mais tous ses films, jusqu'aux Temps modernes, continuent à subir des modifications jusqu'à atteindre leur forme finale[414].
158
+
159
+ En réalisant des films de cette manière, Chaplin a besoin de plus de temps que tout autre réalisateur de l'époque[415]. S'il est à court d'idées, il s'éloigne alors du studio pendant plusieurs jours, tout en maintenant ses équipes prêtes dès que l'inspiration revient[416],[417]. Le processus de réalisation est également ralenti par son perfectionnisme[418],[419]. Selon son ami et réalisateur britannique Ivor Montagu, « rien d'autre que la perfection n'était suffisant » pour lui[420]. Comme il finance personnellement ses films, Chaplin a toute liberté pour atteindre cet objectif et réaliser autant de prises que nécessaire[421],[420]. Leur nombre est ainsi souvent excessif ; chaque prise terminée pour Le Kid en avait nécessité 53[422],[423] tandis que pour réaliser les 20 minutes de L'Émigrant, il utilisa plus de 12 000 m de pellicule, une longueur suffisante pour faire un long-métrage[424],[425].
160
+
161
+ Décrivant ses méthodes de production comme de la « pure détermination jusqu'au bord de la folie[426] », Chaplin est généralement complètement épuisé par les tournages[427],[428]. Même dans ses dernières années, son travail « avait la priorité sur tout et tout le monde[429] ». Le mélange d'improvisation et de perfectionnisme qui se traduit par des jours d'efforts et des milliers de mètres de pellicule gâchés, se révèle éprouvant pour Chaplin, ce qui peut le mener à se déchaîner contre ses acteurs et ses équipes[430],[431],[127].
162
+
163
+ Chaplin a exercé un contrôle complet sur ses œuvres[404], au point de mimer les autres rôles pour que ses acteurs l'imitent exactement[432],[433],[434]. Il a effectué personnellement le montage de tous ses films en fouillant dans les grandes quantités de pellicules pour créer le film voulu[435]. Chaplin a néanmoins reçu l'aide d'autres artistes, dont son ami et directeur de la photographie Roland Totheroh, son frère Sydney Chaplin et divers assistants réalisateurs, comme Harry Crocker, Dan James et Charles Reisner[436].
164
+
165
+ Si le style comique de Chaplin est généralement qualifié de slapstick[437], il est considéré comme retenu et intelligent[438], et l'historien de cinéma Philip Kemp décrit son travail comme un mélange de « comédie physique gracieuse et de comique de situation bien réfléchi[174] ». Chaplin s'est éloigné du slapstick traditionnel en ralentissant le rythme de l'action et en se concentrant sur la relation du spectateur avec les personnages[76],[439]. Les effets comiques dans les films de Chaplin sont centrés sur la réaction de Charlot aux choses qui lui arrivent : l'humour ne vient pas du fait que Charlot rentre dans un arbre, mais qu'il soulève son chapeau pour s'excuser[76]. Son biographe Dan Kamin écrit que les « manières excentriques » de Chaplin et son « comportement sérieux au cœur du slapstick » sont d'autres aspects centraux de son style comique[440].
166
+
167
+ Les films muets de Chaplin suivent généralement les efforts de Charlot pour survivre dans un monde hostile[441]. Même s'il vit dans la pauvreté et est fréquemment maltraité, il reste gentil et optimiste[174],[442],[443] ; défiant sa position sociale, il s'efforce d'être vu comme un gentleman[444]. Charlot s'oppose aux figures de l'autorité[445] et « donne autant qu'il reçoit[446] », ce qui poussa Robinson et Louvish à voir en lui un représentant des défavorisés : « Un Monsieur Tout-le-monde devenant un sauveur héroïque[447],[448] ». Hansmeyer note que plusieurs des films de Chaplin se terminent avec « Charlot démuni et seul [marchant] avec optimisme… vers le soleil couchant… pour poursuivre son voyage[443] ».
168
+
169
+ L'emploi du pathos est un aspect bien connu de l'œuvre de Chaplin[449],[450] et Larcher note sa capacité à « [provoquer] les rires et les larmes[305] ». Chaplin s'appuie parfois sur des événements tragiques pour ses films comme dans La Ruée vers l'or, qui est inspirée par le destin malheureux de l'expédition Donner[451]. Différents thèmes sont représentés dans ses premières comédies comme l'avarice (La Ruée vers l'or), l'abandon (Le Kid)[452] et des sujets plus controversés comme l'immigration (L'Émigrant) ou la drogue (Charlot policeman)[439].
170
+
171
+ Les commentaires sociaux sont également importants dans ses premiers films, car il représente les démunis sous un jour positif et souligne leurs difficultés[453]. Par la suite, il développe un grand intérêt pour l'économie et se sent obligé de faire partager ses opinions dans ses films[454],[243]. Les Temps modernes illustre les conditions de travail difficiles des ouvriers de l'industrie, Le Dictateur parodie Hitler et Mussolini et se termine par un discours contre le nationalisme, Monsieur Verdoux critique la guerre et le nationalisme tandis qu'Un roi à New York attaque le maccarthysme[455].
172
+
173
+ Chaplin intègre plusieurs éléments autobiographiques dans ses films et le psychologue Sigmund Freud considère qu'il « se représent[e] toujours comme il était dans sa triste enfance[456] ». Il est généralement admis que Le Kid reflète le traumatisme qu'il a subi dans un orphelinat[456], tandis que le personnage principal des Feux de la rampe fait référence à la vie de ses parents[457] et que Un roi à New York renvoie à son expulsion des États-Unis[350]. Sa relation difficile avec sa mère souffrant de troubles mentaux est souvent reflétée dans les personnages féminins de ses films et par le désir de Charlot de les sauver[456].
174
+
175
+ En ce qui concerne la structure de ses films, l'historien du cinéma Gerald Mast les voit comme une série de sketchs reliés par une même trame plutôt que comme une suite ordonnée par un scénario précis[458]. Visuellement, ils sont simples et économiques[459],[460], avec des scènes jouées comme au théâtre[461],[439],[462]. Dans son autobiographie, Chaplin écrit que « la simplicité est préférable… les effets pompeux ralentissent l'action, sont ennuyeux et désagréables… La caméra ne doit pas faire irruption[463] ». Cette approche n'a pas fait l'unanimité et elle est qualifiée de démodée depuis les années 1940[464],[459],[465], tandis que l'historien du cinéma Donald McCaffrey y voit une indication que Chaplin n'a jamais complètement compris le média cinématographique[466]. Kamin avance néanmoins que le talent comique de Chaplin n'aurait jamais été suffisant pour qu'il reste drôle à l'écran s'il n'avait pas eu « la capacité de concevoir et de diriger des scènes spécifiquement pour le cinéma[467] ».
176
+
177
+ Chaplin développe dès l'enfance une passion pour la musique et apprend seul à jouer du piano, du violon et du violoncelle[468],[469]. Il considère que l'accompagnement musical fait partie intégrante du film[195] et à partir de L'Opinion publique il consacre beaucoup de temps à ce domaine[468]. Il compose lui-même la bande-son des Lumières de la ville et fait de même pour tous ses films suivants ; à partir de la fin des années 1950 et jusqu'à sa mort, il resonorise tous ses anciens courts-métrages silencieux[470].
178
+
179
+ Comme il n'a reçu aucune éducation musicale, Chaplin n'a jamais su lire ou écrire des partitions. Il fait donc appel à des compositeurs professionnels comme David Raksin, Raymond Rasch et Eric James pour mettre en forme ses idées. Certains critiques ont ainsi avancé que la musique de ses films devait être attribuée aux compositeurs ayant travaillé avec lui ; Raksin, qui participe à la mise en musique des Temps Modernes, a néanmoins souligné le rôle créatif et moteur de Chaplin dans le processus de composition[471]. Au début de ce travail, qui peut durer des mois, Chaplin décrit exactement ce qu'il veut aux compositeurs et joue les éléments qu'il a improvisés au piano[471]. Ces mélodies sont ensuite développées en étroite collaboration[471]. Pour l'historien du cinéma Jeffrey Vance, « même s'il s'appuyait sur ses associés pour mettre en forme des instrumentations complexes, les consignes musicales étaient les siennes, et pas une note n'était placée sans son accord[470] ».
180
+
181
+ Les compositions de Chaplin donnent lieu à trois chansons populaires. Smile, composée pour Les Temps modernes, est par la suite mise en paroles par John Turner et Geoffrey Parsons, puis interprétée par Nat King Cole en 1954[470]. Pour Les Feux de la rampe, Chaplin compose Terry's Theme, qui est popularisée par Jimmy Young sous le titre Eternally en 1952[472]. Enfin, la chanson This Is My Song, chantée par Petula Clark pour La Comtesse de Hong-Kong, connaît un grand succès commercial et atteint la première place du palmarès britannique en 1967[473]. En dehors de ses deux récompenses d'honneur, le seul Oscar que Chaplin remporte est celui de la meilleure musique de film à l'occasion de la réédition des Feux de la rampe en 1973[470],[n 16].
182
+
183
+ À l'occasion de la publication de son autobiographie, Chaplin a établi sa filmographie, qui se compose alors de 80 films (La Comtesse de Hong-Kong, réalisé trois ans plus tard, s'y est par la suite ajouté). En 2010, une copie de La Course au voleur, réalisé en 1914 et jusqu'alors considéré comme perdu, est découverte chez un antiquaire du Michigan, portant ainsi sa filmographie à 82 films[475].
184
+
185
+ Les films de Chaplin, jusqu'au Cirque inclus, sont muets, même si certains ont été réédités avec des bandes-son. Les Lumières de la ville et Les Temps modernes sont muets, mais intègrent des bandes-son composées de musique, de bruitages et de séquences parlées pour le second. Les cinq derniers films de Chaplin sont parlants. Hormis La Comtesse de Hong-Kong, tous les films de Chaplin sont tournés en format 35 mm, noir et blanc.
186
+
187
+ En français, Jacques Dumesnil double Chaplin dans Monsieur Verdoux, Les Feux de la rampe et Un roi à New York. Chaplin est également doublé par Henri Virlogeux dans la version sonorisée de 1942 de La Ruée vers l'or, en 1968 par Roger Carel dans Le Dictateur et par Jean-Henri Chambois dans La Comtesse de Hong-Kong.
188
+
189
+ Longs métrages :
190
+
191
+ Chaplin a reçu de nombreuses récompenses et distinctions, particulièrement à la fin de sa vie. En 1962, les universités de Durham et d'Oxford lui décernent un diplôme honorifique de docteur ès Lettres[363]. En 1965, il partage le prix Érasme avec Ingmar Bergman[476], et en 1971, il est fait commandeur de l'Ordre national de la Légion d'honneur par le gouvernement français[477]. En 1975, il est anobli par la reine Élisabeth II et fait chevalier commandeur de l'Ordre de l'Empire britannique, devenant « sir Charles Chaplin »[478].
192
+
193
+ L'industrie cinématographique le récompense avec un Lion d'or spécial à la Mostra de Venise 1972[479], ainsi qu'une étoile sur le Walk of Fame d'Hollywood en 1970 (cette inscription lui est auparavant refusée en raison de ses opinions politiques[480]).
194
+
195
+ Chaplin reçoit au total trois Oscars : un premier Oscar d'honneur en 1929 « pour sa polyvalence et son génie à jouer, écrire, mettre en scène et produire Le Cirque[196] », un second en 1972 « pour l'effet incalculable qu'il a eu en faisant des films de cinéma la forme d'art de ce siècle[382] » et un troisième en 1973 pour la meilleure musique originale (conjointement avec Ray Rasch et Larry Russell), pour Les Feux de la Rampe[470]. Il est également nommé dans les catégories du meilleur acteur, du meilleur film et du meilleur scénario pour Le Dictateur, ainsi que dans celle du meilleur scénario pour Monsieur Verdoux[481].
196
+
197
+ Six des films de Chaplin ont été sélectionnés pour être préservés dans le National Film Registry de la Bibliothèque du Congrès américaine : L'Émigrant (1917), Le Kid (1921), La Ruée vers l'or (1925), Les Lumières de la ville (1931), Les Temps modernes (1936) et Le Dictateur (1940)[482].
198
+
199
+ En 1998, le critique Andrew Sarris écrivit que Chaplin est « sans doute le plus grand artiste que le cinéma ait créé, certainement son interprète le plus extraordinaire et probablement encore son icône la plus universelle »[483]. Il est décrit par le British Film Institute comme « une figure tutélaire de la culture mondiale[484] », et le magazine Time le lista parmi les 100 personnes les plus importantes du XXe siècle pour « les rires [qu'il a apportés] à des millions de personnes » et parce qu'il a « plus ou moins inventé la célébrité mondiale et aidé à transformer une industrie en un art »[485].
200
+
201
+ L'historien du cinéma Christian Hansmeyer a noté que l'image de Charlot fait partie de l'histoire culturelle[486] ; selon Simon Louvish, ce personnage est connu même dans les endroits où ses films n'ont jamais été projetés[487]. Le critique Richard Schickel suggère que les films de Chaplin avec Charlot présentent « les expressions comiques de l'esprit humain les plus éloquentes et les plus riches » de l'histoire du cinéma[488]. Les objets associés au personnage continuent de fasciner le public et en 2006, un chapeau melon et une canne en bambou ayant appartenu à Chaplin sont achetés 140 000 dollars lors d'une vente aux enchères à Los Angeles[489].
202
+
203
+ En tant que réalisateur, Chaplin est considéré comme un pionnier et l'une des figures les plus influentes du début du XXe siècle[490],[491],[486],[483]. L'historien du cinéma Mark Cousins a écrit que Chaplin « a changé non seulement l'imagerie du cinéma mais également sa sociologie et sa grammaire » et avance qu'il joua un rôle important dans l'établissement de la comédie en tant que genre, parallèlement à ce qu'avait fait D. W. Griffith pour le drame[492]. Il est le premier à populariser les longs-métrages comiques et à ralentir le rythme de l'action pour y ajouter de la finesse et du pathos[493],[494]. Pour Robinson, les innovations de Chaplin sont « rapidement assimilées et deviennent les pratiques de base de la réalisation cinématographique »[495]. Federico Fellini (qui définit Chaplin comme « une sorte d'Adam duquel nous sommes tous issus »[391]), Jacques Tati (« sans lui, je n'aurais jamais fait un film »[391]), René Clair (« il a inspiré pratiquement tous les réalisateurs »[390]), Michael Powell[496], Billy Wilder[497] et Richard Attenborough[498] figurent parmi les réalisateurs ayant affirmé avoir été influencés par Chaplin.
204
+
205
+ Chaplin inspire également les poètes avant-gardistes du XXe siècle[499], mais aussi de futurs comédiens, comme Marcel Marceau, qui a indiqué s'être décidé à devenir mime après l'avoir vu[494], ou Raj Kapoor, qui base son jeu sur celui de Charlot[497]. Mark Cousins a également identifié le style comique de Chaplin chez les personnages français de Monsieur Hulot et italien de Totò[497], sans oublier qu'il a également influencé des personnages de dessin animé comme Félix le Chat[500] ou Mickey Mouse[501]. En tant que membre fondateur de la United Artists, Chaplin a un rôle important dans le développement de l'industrie cinématographique. Gerald Mast a noté que même si cette société n'a rivalisé jamais avec la MGM ou la Paramount, l'idée que des réalisateurs puissent produire leurs propres films était « très en avance sur son temps »[502].
206
+
207
+ À l'occasion de l'exposition universelle de Bruxelles, en 1958, un jury international de 117 critiques a établi un classement des meilleurs films de tous les temps : La Ruée vers l'or (1925) est classé deuxième derrière Le Cuirassé Potemkine de Sergueï Eisenstein (1925) et devant Le Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica (1948). Plusieurs des films de Chaplin restent encore aujourd'hui considérés comme parmi les plus grands jamais réalisés. Le palmarès 2012 de la revue britannique Sight and Sound, mené auprès de critiques de cinéma sur les meilleurs films de l'histoire, liste respectivement Les Lumières de la ville, Les Temps modernes, Le Dictateur et La Ruée vers l'or aux 50e, 63e, 144e et 154e places[503] ; la même étude réalisée auprès de réalisateurs situe Les Temps modernes à la 22e place, Les Lumières de la ville à la 30e et La Ruée vers l'or à la 91e[504]. En 2007, l'American Film Institute nomme Les Lumières de la ville le 11e plus grand film américain de tous les temps, tandis que La Ruée vers l'or et Les Temps modernes figurent dans le top 100[505].
208
+
209
+ En avril 2016, le manoir de Ban à Corsier-sur-Vevey en Suisse, où il a passé les vingt-cinq dernières années de son existence, est devenu un musée consacré à sa vie et son œuvre. Le musée, appelé « Chaplin's World »[506], est le fruit d'un partenariat entre la Compagnie des Alpes (CDA), Genii Capital et Chaplin Museum Development (CMD)[507]. La commune de Corsier-sur-Vevey a donné son nom à un parc et une stèle y rappelle la mémoire de l'illustre résident.
210
+
211
+ La ville voisine de Vevey a nommé en son honneur un square[508] sur le quai Perdonnet, au bord du lac Léman, et y a édifié en 1982 une statue de Chaplin, œuvre du sculpteur britannique John Doubleday[509]. Au nord de la ville, à quelques centaines de mètres du Manoir de Ban, deux immeubles de 14 étages ont été décorés de fresques évoquant la carrière de l'artiste[510].
212
+
213
+ La ville irlandaise de Waterville, où Chaplin passa plusieurs étés en famille dans les années 1960, accueille chaque année depuis 2011 le Charlie Chaplin Comedy Film Festival destiné à honorer l'héritage du comédien et à découvrir de nouveaux talents[511]. Parmi les autres hommages, une planète mineure, (3623) Chaplin, a été nommée en son honneur en 1981 par l'astronome soviétique Lioudmila Karatchkina[512] et de très nombreux pays ont émis des timbres portant son effigie[513].
214
+
215
+ L'héritage de Chaplin est géré par l'Association Chaplin, fondée par plusieurs de ses enfants, et qui possède les droits d'auteur sur son image, son nom et sur la plupart des films réalisés après 1918[514]. La Cinémathèque de Bologne, en Italie, abrite les principales archives de l'Association, dont des images, des manuscrits et des lettres[515]. Plus de 10 000 photographies sur sa vie et sa carrière sont également entreposées au Musée de l'Élysée à Lausanne, en Suisse[516]. Au Royaume-Uni, le Cinema Museum au sud de Londres est considéré comme « la chose la plus proche d'un musée Chaplin que la Grande-Bretagne possède » par la famille de Charlie Chaplin[517]. La British Film Institute a fondé la Charles Chaplin Research Foundation, qui a organisé la première conférence internationale sur le cinéaste à Londres, en juillet 2005[518].
216
+
217
+ Chaplin a fait l'objet d'un film biographique réalisé par Richard Attenborough, Chaplin, en 1992 ; il y est personnifié par Robert Downey Jr., qui est nommé à l'Oscar du meilleur acteur et remporta le BAFTA du meilleur acteur[519]. Il est également joué par Eddie Izzard dans le film Un parfum de meurtre (2001)[520]. Une série télévisée sur l'enfance de Chaplin, Young Charlie Chaplin, est diffusée par PBS en 1989 et est nommée pour l'Emmy Award de meilleur programme pour enfants[521].
218
+
219
+ Le film La Rançon de la gloire de Xavier Beauvois, sorti en 2014 avec Benoît Poelvoorde et Roschdy Zem, s'inspire très librement du vol de la dépouille de Charlie Chaplin en 1978[522].
220
+
221
+ Bernard Swysen raconte sa vie en bande dessinée intitulée Charlie Chaplin, les étoiles de l’histoire, dessinée par Bruno Bazile et parue en octobre 2019[523].
222
+
223
+ Sur les autres projets Wikimedia :
224
+
fr/997.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,224 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ (en) « Site Officiel »
4
+
5
+ modifier
6
+
7
+
8
+
9
+ Charles Spencer Chaplin, dit Charlie Chaplin [ˈt͡ʃɑːli ˈt͡ʃæplɪn][n 1], né le 16 avril 1889 probablement à Londres (Royaume-Uni) et mort le 25 décembre 1977 à Corsier-sur-Vevey (Suisse), est un acteur, réalisateur, scénariste, producteur et compositeur britannique.
10
+
11
+ Devenu une idole du cinéma muet à partir du milieu des années 1910, et plus particulièrement du burlesque, grâce à son personnage de Charlot (ou simplement « The Tramp » en anglais), il acquiert ensuite une notoriété et une reconnaissance plus large pour ses performances d'acteur comme pour ses réalisations. Durant une carrière longue de 65 ans, il joue dans plus de 80 films. Sa vie publique et privée, ainsi que ses prises de position, font par ailleurs l'objet d'adulations comme de controverses.
12
+
13
+ Chaplin grandit dans la misère entre un père absent et une mère en grandes difficultés financières, tous deux artistes de music-hall, qui se séparent deux ans après sa naissance. Plus tard, sa mère est internée à l'hôpital psychiatrique alors que son fils a quatorze ans. À l'âge de cinq ans, il fait sa première apparition sur scène. Il commence très tôt à se produire dans des music-halls et devient rapidement acteur. À 19 ans, il est remarqué par l'imprésario Fred Karno et réalise une tournée aux États-Unis. Il joue au cinéma pour la première fois en 1914 dans le film Pour gagner sa vie et travaille avec les sociétés de production Essanay, Mutual et First National. En 1918, il est l'une des personnalités les plus connues au monde.
14
+
15
+ En 1919, Chaplin cofonde la société United Artists et obtient ainsi le contrôle total sur ses œuvres. Parmi ses premiers longs-métrages figurent Charlot soldat (1918), Le Kid (1921), L'Opinion publique (1923), La Ruée vers l'or (1925) et Le Cirque (1928). Il refuse de passer au cinéma sonore et continue de produire des films muets dans les années 1930, comme Les Lumières de la ville (1931) et Les Temps modernes (1936). Ses œuvres deviennent ensuite plus politiques, avec notamment Le Dictateur (1940), dans lequel il se moque d'Hitler et de Mussolini. Sa popularité décline dans les années 1940 en raison de controverses au sujet de ses liaisons avec des femmes bien plus jeunes que lui et d'un procès en reconnaissance de paternité. Chaplin est également accusé de sympathies communistes et les enquêtes du FBI et du Congrès lui font perdre son visa américain. Il choisit de s'établir en Suisse en 1952. Il abandonne son personnage de Charlot dans ses derniers films, dont Monsieur Verdoux (1947), Les Feux de la rampe (1952), Un roi à New York (1957) et La Comtesse de Hong-Kong (1967).
16
+
17
+ Chaplin écrit, réalise et produit la plupart de ses films, en plus d'y jouer et d'en composer la musique. Il est perfectionniste et son indépendance financière lui permet de consacrer plusieurs années au développement de chacune de ses œuvres. Bien qu'étant des comédies de type slapstick, ses films intègrent des éléments de pathos et sont marqués par des thèmes sociaux et politiques ainsi que par des éléments autobiographiques. En 1972, l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences lui a remis un Oscar d'honneur pour sa contribution inestimable à l'industrie cinématographique et plusieurs de ses œuvres sont aujourd'hui considérées comme faisant partie des plus grands films de tous les temps.
18
+
19
+ Charles Spencer Chaplin[1],[2] naît le 16 avril 1889 ; il est le deuxième enfant d'Hannah Chaplin née Hill (1865 – 1928) et de Charles Chaplin, Sr. (1863 – 1901). Son acte de naissance n'a pas été retrouvé dans les registres de l'état civil, mais Chaplin considérait qu'il était né dans une maison d'East Street dans le quartier de Walworth, au sud de Londres[3],[n 2]. Quatre ans plus tôt, ses parents se marient et Charles Sr. reconnaît Sydney John, un fils issu d'une précédente relation d'Hannah avec un homme inconnu[7]. Au moment de sa naissance, les parents de Chaplin sont tous deux des artistes de music-hall. Sa mère, fille d'un cordonnier[8], mène une carrière sans grand succès sous le nom de scène de Lily Harley[9], tandis que son père, fils d'un boucher[10], est un chanteur populaire[11]. Ils se séparent vers 1891[12] et l'année suivante, Hannah donne naissance à son troisième fils, Wheeler Dryden, issu d'une relation avec le chanteur de music-hall Leo Dryden ; l'enfant est emmené par son père à l'âge de six mois et reste éloigné de Chaplin pendant trente ans[13].
20
+
21
+ L'enfance de Chaplin est marquée par la misère et les privations, ce qui conduit son biographe officiel David Robinson à décrire son parcours comme « le plus spectaculaire de tous les récits jamais racontés sur l'ascension des haillons aux richesses »[14]. Il passe ses premières années avec sa mère et son frère Sydney dans le borough londonien de Kennington ; hormis quelques travaux de couture ou de nourrice, Hannah n'a aucun revenu et Charles Sr. n'apporte aucun soutien à ses enfants[15]. Alors que la situation financière du foyer se détériore, Chaplin est envoyé dans une workhouse à l'âge de sept ans[n 3]. Il indique par la suite qu'il y connaît une « triste existence »[17] et est brièvement rendu à sa mère 18 mois plus tard ; Hannah est rapidement contrainte de se séparer à nouveau de ses enfants, qui sont envoyés dans une autre institution pour enfants indigents[18].
22
+
23
+ En septembre 1898, la mère de Chaplin est admise à l'asile psychiatrique de Cane Hill après avoir développé une psychose apparemment provoquée par la malnutrition et la syphilis[19]. Durant les deux mois de son hospitalisation, Chaplin et son frère sont envoyés vivre avec leur père qu'ils connaissent à peine[20]. Charles Sr. a alors sombré dans l'alcoolisme et sa conduite entraîne la visite d'une organisation de protection de l'enfance[21]. Il meurt d'une cirrhose deux ans plus tard, à l'âge de 38 ans[22].
24
+
25
+ L'état de santé d'Hannah s'améliore[21], mais elle fait une rechute en mai 1903. Chaplin, alors âgé de 14 ans, l’emmène au dispensaire, d'où elle est renvoyée à Cane Hill[23]. Il vit seul pendant plusieurs jours et dort dans la rue en attendant le retour de son frère qui s'est engagé dans la Marine deux ans plus tôt[24],[25],[26]. Hannah quitte l'asile au bout de huit mois[27], mais elle rechute de manière permanente en mars 1905. Chaplin écrit plus tard : « Nous ne pouvions rien faire d'autre que d'accepter le sort de notre pauvre mère ». En 1921, Charlie et son frère Sydney obtiennent la permission de la prendre avec eux à Hollywood. Charlie lui achète une maison en bord de mer, et Hannah y vit ses sept dernières années, soignée à domicile. C'est là qu'elle peut revoir son troisième fils, Wheeler Dryden, dont elle est séparée depuis trente ans. Elle meurt le 28 août 1928[28].
26
+
27
+ Chaplin commence très tôt à se produire sur scène. Il y fait sa première apparition à cinq ans en remplaçant Hannah lors d'un spectacle à Aldershot[n 4]. C'est une exception, mais sa mère l'encourage dans cette voie, et « elle [l]'imprègne du sentiment [qu'il] a une sorte de talent »[31]. Grâce aux relations de son père[32], il devient membre de la troupe de danseurs Eight Lancashire Lads et se produit dans des music-halls britanniques en 1899 et 1900[n 5]. Chaplin travaille dur et la troupe est populaire, mais il ne se satisfait pas de la danse et veut se tourner vers la comédie[34].
28
+
29
+ Lorsque Chaplin est en tournée avec les Eight Lancashire Lads, sa mère s'assure qu'il continue à aller à l'école[35], mais il abandonne vers treize ans[36]. Passé une période de petits boulots[37], à quatorze ans et peu après la rechute de sa mère, il s'inscrit dans une agence artistique du West End de Londres. Le responsable de cette agence discerne un potentiel chez Chaplin et lui offre rapidement son premier rôle en tant que vendeur de journaux dans la pièce Jim, a Romance of Cockayne de Harry A. Saintsbury[38]. La première a lieu en juillet 1903, mais le spectacle ne rencontre pas de succès et les représentations s'arrêtent au bout de deux semaines ; la performance comique de Chaplin est néanmoins remarquée par les critiques[39],[40],[41]. Saintsbury lui obtient ensuite le rôle du groom Billy dans la pièce Sherlock Holmes de Charles Frohman[42]. Son jeu est si bien reçu qu'il est appelé à Londres pour se produire aux côtés de William Gillette, qui a coécrit la pièce avec Arthur Conan Doyle[43]. Il fait sa dernière tournée de Sherlock Holmes au début de l'année 1906 après y avoir joué pendant plus de deux ans et demi[44].
30
+
31
+ Chaplin rejoint rapidement une autre compagnie et joue dans une comédie à sketchs, Repairs, avec son frère Sydney qui s'est également lancé dans une carrière artistique[45]. En mai 1906, il participe au spectacle pour enfants Casey's Circus[46] et développe son jeu burlesque qui lui permet de devenir rapidement la star de la pièce. À la fin de la tournée en juillet 1907, le jeune homme de 18 ans est devenu un comédien accompli[47],[48]. Il a néanmoins des difficultés à trouver du travail et une brève incursion dans le stand-up ne rencontre pas le succès escompté[49],[50].
32
+
33
+ Dans le même temps, Sydney Chaplin a rejoint en 1906 la prestigieuse troupe comique de Fred Karno, dont il est devenu l'un des acteurs principaux en 1908[51],[52],[53]. En février, il parvient à obtenir une période d'essai de deux semaines pour son frère cadet. Karno n'est initialement pas convaincu et considère Chaplin comme un « enfant à l'air renfrogné pâle et chétif » qui « semble bien trop timide pour faire quoi que ce soit de bien au théâtre »[54]. Il est cependant impressionné par sa première prestation au London Theatre et l'engage immédiatement[55]. Après des rôles secondaires, Chaplin accède aux rôles principaux en 1909[56] et il est l'acteur principal de la nouvelle comédie Jimmy the Fearless en avril 1910. C'est un grand succès qui attire l'attention de la presse sur le jeune artiste[57],[58].
34
+
35
+ Karno le choisit pour participer avec une partie de sa troupe à une tournée en Amérique du Nord[59]. Chaplin mène les spectacles de music-hall et impressionne les critiques qui le décrivent comme « l'un des meilleurs artistes de pantomime jamais vu »[60]. La tournée dure 21 mois et la troupe retourne en Grande-Bretagne en juin 1912[61]. Chaplin a alors le sentiment troublant de « revenir aux platitudes déprimantes », et il est ravi quand une nouvelle tournée commence en octobre[62],[63].
36
+
37
+ Alors qu'il en est au sixième mois de sa tournée américaine, Chaplin est invité à rejoindre la New York Motion Picture Company ; un des responsables de la société a assisté à un de ses spectacles et pense qu'il peut remplacer Fred Mace, la star du studio Keystone, qui veut prendre sa retraite[64]. Chaplin considère les comédies de Keystone comme un « mélange grossier » mais apprécie la perspective d'une nouvelle carrière[65] ; il signe en septembre 1913 un contrat d'un an avec un salaire hebdomadaire de 150 dollars (environ 3 880 dollars de 2020[66])[67],[68].
38
+
39
+ Chaplin arrive dans les studios de Los Angeles au début du mois de décembre 1913[69] et rencontre son responsable Mack Sennett, qui pense que le jeune homme de 24 ans paraît trop jeune[70]. Il ne joue pas avant la fin du mois de février 1914 et profite de cette période pour se familiariser avec la réalisation cinématographique[71]. Il fait ses débuts dans le court-métrage Pour gagner sa vie, sorti le 2 février 1914, mais déteste le film[72]. Dans celui-ci, il se présente comme une sorte de dandy en redingote étriquée, chapeau haut-de-forme et grandes moustaches tombantes[73]. Pour son second rôle, Chaplin choisit le costume de Charlot (en anglais, The Tramp ou vagabond) avec lequel il se fait connaître ; dans son autobiographie, il décrit le processus :
40
+
41
+ « Je voulais que tout soit une contradiction : le pantalon ample, la veste étriquée, le chapeau étroit et les chaussures larges… J'ai ajouté une petite moustache qui, selon moi, me vieillirait sans affecter mon expression. Je n'avais aucune idée du personnage mais dès que j'étais habillé, les vêtements et le maquillage me faisaient sentir qui il était. J'ai commencé à le connaître et quand je suis entré sur le plateau, il était entièrement né[74],[n 6]. »
42
+
43
+ Ce film est L'Étrange Aventure de Mabel mais le personnage de « Charlot » apparaît pour la première fois dans Charlot est content de lui tourné peu après mais qui sort deux jours plus tôt le 7 février 1914[76]. Chaplin adopte rapidement ce personnage et fait des suggestions pour les films dans lesquels il apparaît, mais elles sont rejetées par les réalisateurs[77]. Durant le tournage de son 11e film, Mabel au volant, il affronte la réalisatrice Mabel Normand et l'incident entraîne presque la résiliation de son contrat. Sennett le conserve néanmoins après avoir reçu des commandes pour de nouveaux films avec Chaplin. Il l'autorise également à réaliser son prochain film après que Chaplin a promis de payer 1 500 dollars (environ 38 287 dollars de 2020[66]) s'il ne rencontre pas de succès[78].
44
+
45
+ Un béguin de Charlot, sorti le 4 mai 1914, marque les débuts de réalisateur de Chaplin et connaît un grand succès[79]. Par la suite, il réalise quasiment tous les courts-métrages de Keystone dans lesquels il joue[80] ; Chaplin rapporte par la suite que cette période, où il réalise environ un film par semaine[81], est la plus excitante de sa carrière[82]. Il introduit une forme de comédie plus lente que les farces typiques de Keystone[76] et rassemble rapidement un grand nombre d'admirateurs[83],[84]. En novembre 1914, il joue avec Marie Dressler dans le long-métrage Le Roman comique de Charlot et Lolotte réalisé par Sennett ; le film est un succès et accroît sa popularité[85]. Lorsque le contrat de Chaplin expire à la fin de l'année, il demande un salaire hebdomadaire de 1 000 dollars (environ 25 525 dollars de 2020[66]), une somme que Sennett refuse car jugée trop élevée[86].
46
+
47
+ L'Essanay Film Manufacturing Company propose à Chaplin un salaire hebdomadaire de 1 250 dollars (environ 31 591 dollars de 2020[66]) avec une prime d'embauche de 10 000 dollars. Il intègre le studio à la fin du mois de décembre 1914[87] et rejoint d'autres acteurs comme Leo White, Bud Jamison, Paddy McGuire et Billy Armstrong. Alors qu'il est à la recherche d'un second rôle féminin pour son deuxième film, Charlot fait la noce, il repère une secrétaire appelée Edna Purviance dans un café à San Francisco. Il l'engage et elle tourne avec lui dans 35 films[88] ; ils ont également une aventure sentimentale jusqu'en 1917[89].
48
+
49
+ Chaplin exerce un contrôle important sur ses films et il commence à consacrer beaucoup de temps et d'énergie dans chacune de ses réalisations[90],[91],[92]. Un mois sépare sa seconde production, Charlot fait la noce, et sa troisième, Charlot boxeur[93], et il adopte ce rythme pour ses réalisations ultérieures avec Essenay[94]. Il modifie également son personnage, critiqué par Keystone en raison de son caractère « malveillant, rustre et grossier », pour lui donner une personnalité plus douce et romantique[95]. Cette évolution est illustrée par Le Vagabond en avril 1915[96],[97] et Charlot garçon de banque en août, qui comportent un final plus triste. C'est une innovation pour les films comiques et les critiques sérieux commencent à apprécier davantage son travail[98]. Avec Essanay, Chaplin trouve les thèmes qui définissent le monde de Charlot[99].
50
+
51
+ Immédiatement après ses débuts cinématographiques, Chaplin devient un phénomène culturel. Les magasins vendent des produits associés à son personnage de Charlot, qui apparaît dans des bandes dessinées et dans des chansons[100],[81],[101]. En juillet 1915, selon un journaliste du magazine Motion Picture Magazine, la « chaplinite » se propage en Amérique[102]. Sa popularité s'étend également à l'étranger et il devient la première star internationale du cinéma[103],[104]. Alors que son contrat avec Essenay expire en décembre 1915[105], Chaplin, pleinement conscient de sa célébrité, demande une prime d'embauche de 150 000 dollars (environ 3 790 954 dollars de 2020[66]) à son nouveau studio. Il reçoit plusieurs propositions venant entre autres d'Universal, Fox et Vitagraph[106].
52
+
53
+ Il est finalement engagé par le studio Mutual, qui lui accorde un salaire annuel de 670 000 dollars (environ 1 693 293 dollars de 2020[66]), faisant de Chaplin, alors âgé de 26 ans, l'une des personnes les mieux payées au monde[107]. Cette somme élevée choque le public et est largement reprise dans la presse[108]. Le président du studio, John R. Freuler, explique qu'ils peuvent se permettre de payer ce salaire à Chaplin car « le public veut Chaplin et paiera pour le voir »[109].
54
+
55
+ Mutual accorde à Chaplin son propre studio à Los Angeles, qui est inauguré en mars 1916[110]. Il recrute deux nouveaux acteurs pour l'accompagner, Albert Austin et Eric Campbell[111], et réalise une série de films plus élaborés et mélodramatiques : Charlot chef de rayon, Charlot pompier, Charlot musicien, Charlot rentre tard, Charlot et le Comte[112]. Pour Charlot usurier, il embauche l'acteur Henry Bergman, qui travaille avec lui pendant 30 ans[113]. Charlot fait du ciné et Charlot patine sont ses dernières réalisations pour l'année 1916. Le contrat avec Mutual stipule qu'il doit réaliser un court-métrage toutes les quatre semaines, engagement qu'il tient[114]. Il commence néanmoins à demander plus de temps pour créer ses films et il n'en réalise que quatre autres pour Mutual dans les dix premiers mois de l'année 1917 : Charlot policeman, Charlot fait une cure, L'Émigrant et Charlot s'évade[115]. Du fait de leur réalisation méticuleuse et de leur construction soignée, ces films sont considérés comme parmi les meilleures œuvres de Chaplin par les spécialistes du cinéaste[116],[117],[115],[118]. Pour Chaplin, ses années à Mutual sont les plus heureuses de sa carrière[119].
56
+
57
+ Chaplin est critiqué par la presse britannique pour son absence de participation à la Première Guerre mondiale[120]. Il répond qu'il est volontaire pour se battre pour le Royaume-Uni s'il est appelé et qu'il a déjà répondu à la conscription américaine ; aucun des deux pays ne lui demande de s'enrôler et l'ambassade britannique aux États-Unis publie une déclaration indiquant que Chaplin « est bien plus utile à la Grande-Bretagne en gagnant de l'argent et en achetant des obligations de guerre que dans les tranchées »[121]. Malgré ces critiques, Chaplin est l'un des acteurs préférés des soldats[122], et sa popularité continue de grandir dans le monde entier. Le magazine américain Harper's Weekly rapporte que le nom de Charlie Chaplin fait « partie de la langue véhiculaire de presque tous les pays » et que l'image de Charlot est « universellement familière »[123]. En 1917, les imitateurs professionnels de Charlot sont si répandus qu'il lance des actions en justice[124] et il est rapporté que neuf hommes sur dix participant à des soirées costumées reprenaient son accoutrement[125]. L'actrice Minnie M. Fiske écrit qu'un « nombre en constante augmentation de personnes cultivées commencent à considérer le jeune bouffon anglais, Charlie Chaplin comme un artiste extraordinaire et un génie comique »[123].
58
+
59
+ Mutual ne se formalise pas de la production réduite de Chaplin et le contrat se termine à l'amiable. Pour son nouveau studio, son principal objectif est d'avoir une plus large indépendance ; son frère Sydney, devenu son agent artistique, déclare à la presse que « Chaplin doit être autorisé à avoir tout le temps et l'argent nécessaire pour produire les films à sa manière… C'est la qualité, non la quantité, que nous voulons »[126]. En juin 1917, Chaplin signe un contrat d'un million de dollars (environ 19 955 844 dollars de 2020[66]) pour huit films avec l'association de propriétaires de salles de cinéma First National Pictures[127]. Il décide de construire son propre studio sur un terrain de 5 acres (20 200 m2) près de Sunset Boulevard avec les meilleures installations et équipements disponibles[128],[129]. Le studio est inauguré en janvier 1918[130] et Chaplin reçoit une grande liberté pour la réalisation de ses films[131].
60
+
61
+ Une vie de chien, distribué en avril 1918, est son premier film sous ce nouveau contrat. Il y démontre une attention grandissante pour l'intrigue et son traitement de Charlot comme une sorte de Pierrot[132]. Le film est décrit par le critique français Louis Delluc comme « la première œuvre d'art totale du cinéma »[133]. Chaplin participe ensuite à l'effort de guerre en réalisant une tournée d'un mois aux États-Unis afin de lever des fonds pour les Alliés[134]. Il produit également un court-métrage de propagande pour le gouvernement appelé The Bond[135]. Son film suivant, Charlot soldat, met en scène Charlot dans les tranchées ; ses associés le mettent en garde contre une comédie sur la guerre, mais il pense autrement : « dangereuse ou non, l'idée m'excitait »[136]. Le tournage dure quatre mois et le film de 45 minutes rencontre un grand succès à sa sortie, en octobre 1918[137].
62
+
63
+ Après la sortie de Charlot soldat, Chaplin demande plus de fonds à la First National, qui refuse. Frustré par le manque de considération du studio pour la qualité et inquiet des rumeurs d'une fusion avec Famous Players-Lasky[138],[139], il se rapproche de ses collègues Douglas Fairbanks, Mary Pickford et D. W. Griffith pour fonder une nouvelle société de distribution. La création d'United Artists en janvier 1919[140] est une révolution pour l'industrie cinématographique, car les quatre fondateurs peuvent dès lors personnellement financer leurs œuvres et avoir un contrôle total sur elles[141]. Chaplin est alors impatient de pouvoir commencer avec sa nouvelle entreprise et offre de racheter son contrat avec la First National. Le studio refuse et insiste pour qu'il livre les six derniers films promis[142].
64
+
65
+ Avant la création d'United Artists, Chaplin se marie pour la première fois. L'actrice de 17 ans Mildred Harris est enceinte et ils se marient discrètement à Los Angeles en septembre 1918 pour éviter la controverse[143] ; la grossesse se révèle fausse[144]. Chaplin n'est pas heureux de cette union, qui selon lui affecte sa créativité, et la réalisation d'Une idylle aux champs est difficile[145],[146]. Harris tombe ensuite réellement enceinte et elle accouche d'un garçon le 7 juillet 1919. Le nouveau-né, Norman Spencer Chaplin, est cependant mal-formé et meurt trois jours plus tard[147]. Les époux divorcent en avril 1920 et Chaplin explique dans son autobiographie qu'ils n'étaient « absolument pas faits l'un pour l'autre »[148],[149].
66
+
67
+ Cette tragédie personnelle influence l'œuvre de Chaplin, car il envisage de faire de Charlot le tuteur d'un jeune garçon[150],[151]. Le tournage du Kid commence en août 1919 avec le jeune Jackie Coogan, alors âgé de quatre ans[152]. Chaplin réalise que le projet est plus important que prévu et, pour apaiser la First National, arrête sa production et tourne rapidement Une journée de plaisir[153]. La réalisation du Kid dure neuf mois, jusqu'en mai 1920, et sa durée de 68 minutes en fait le plus long du cinéaste jusque là[154]. Marqué par les thèmes de la pauvreté et de la séparation, on considère que Le Kid est influencé par la propre enfance de Chaplin[131] et il est l'un des premiers films à associer la comédie et le drame[155]. Le succès est immédiat à sa sortie, en janvier 1921, et il est distribué dans plus de 50 pays dans les trois années qui suivent[156].
68
+
69
+ Chaplin consacre cinq mois à son film suivant de 31 minutes, Charlot et le Masque de fer[141]. Après sa sortie en septembre 1921, il décide de retourner en Grande-Bretagne pour la première fois en près d'une décennie[157]. Il remplit ensuite son contrat avec la First National en réalisant Jour de paye en février 1922 et Le Pèlerin un an plus tard[158].
70
+
71
+ Ayant rempli ses obligations avec la First National, Chaplin est à présent libre de réaliser ses films en tant que producteur indépendant. En novembre 1922, il commence le tournage de L'Opinion publique[159]. Il veut que ce drame romantique lance la carrière d'Edna Purviance[160] et ne réalise qu'un bref caméo non crédité dans cette production[161]. Souhaitant que le film soit réaliste, il demande à ses acteurs de jouer de manière retenue, expliquant que dans la vie réelle « les hommes et les femmes essayent de dissimuler leurs émotions plutôt que de vouloir les montrer[162] ». La première de L'Opinion publique en septembre 1923 est acclamée par la critique pour son approche subtile, qui est alors une innovation[163]. Le public semble cependant peu intéressé par un film de Chaplin sans Charlot et il fait un échec[164]. Fier de son film, le cinéaste est affecté par ce revers car il a voulu réaliser un film dramatique ; il retire L'Opinion publique des salles aussi vite que possible[165].
72
+
73
+ Chaplin revient à la comédie pour son prochain projet et il pense alors : « Ce prochain film doit être une épopée ! la plus grande[166] ! » Inspiré par une photographie de la ruée vers l'or du Klondike de 1898 et par le récit de l'expédition Donner de 1846-1847, il réalise ce que le journaliste Geoffrey Macnab qualifie de « comédie épique sur un sujet grave[167],[168] ». Dans La Ruée vers l'or, Charlot est représenté comme un prospecteur solitaire affrontant l'adversité et à la recherche de l'amour. Avec Georgia Hale comme partenaire, Chaplin commence le tournage dans les montagnes de l'ouest du Nevada en février 1924[169]. La production est complexe, avec plus de 600 figurants, des décors extravagants et des effets spéciaux[170] ; la dernière scène n'est réalisée qu'en mai 1925, après 15 mois de tournage[171].
74
+
75
+ Avec un coût de près d'un million de dollars[172], Chaplin considère que La Ruée vers l'or est le meilleur film qu'il a réalisé jusque-là[173]. Après sa sortie en août 1925, il devient l'un des plus gros succès du cinéma muet, avec cinq millions de dollars (environ 72 893 738 dollars de 2020[66]) de recettes[172],[174]. La comédie comporte certaines des scènes les plus célèbres de Chaplin, comme celle de Charlot mangeant sa chaussure ou celle dite de la « danse des petits pains »[175],[176],[177],[178], et il déclare par la suite qu'il aimerait que les gens se souviennent de lui grâce à ce film[167].
76
+
77
+ Alors qu'il réalise La Ruée vers l'Or, Chaplin se marie pour la deuxième fois. Comme pour sa première union, Lita Grey est une jeune actrice qui doit apparaître dans le film et dont la grossesse imprévue oblige Chaplin à l'épouser. Elle a alors 16 ans et lui 35, et selon la loi californienne cette relation peut être qualifiée de viol sur mineure[179]. D'après les documents du divorce, Chaplin a voulu la faire avorter, mais celle-ci a refusé. La mère de Lita Grey a par ailleurs menacé Chaplin de le dénoncer à la police s'il n'épouse pas sa fille[180]. Il organise donc une cérémonie discrète au Mexique, le 24 novembre 1924[181]. Lita accouche d'un premier fils, Charles Chaplin Jr., le 5 mai 1925, et d'un second, Sydney Earle Chaplin, le 30 mars 1926[182].
78
+
79
+ Cette union est malheureuse et Chaplin passe beaucoup de temps en studio pour éviter de voir son épouse[183]. En novembre 1926, Lita Grey quitte leur foyer avec leurs enfants[184]. Lors de la difficile procédure de divorce, les documents de Lita Grey accusant Chaplin d'infidélité, de violence et d'entretenir des « désirs sexuels pervers » sont publiés par la presse[185],[186],[n 7]. Il est rapporté que Chaplin est au bord d'une crise de nerfs, alors que l'histoire fait la une des journaux et que des groupes sont créés pour demander l'interdiction de ses films[186],[188]. Impatients de mettre un terme à l'affaire, les avocats de Chaplin acceptent en août 1927 de payer 600 000 dollars (environ 8 831 034 dollars de 2020[66]), la plus grosse somme accordée lors d'un procès aux États-Unis jusqu'alors[189]. La popularité de Chaplin lui permet de surmonter l'incident, qui est rapidement oublié, mais il en reste profondément affecté[190],[191].
80
+
81
+ Avant le début de la procédure de divorce, Chaplin commence à travailler sur un nouveau film, Le Cirque[192]. Le tournage est suspendu dix mois durant le scandale de son divorce[193] et la production est marquée par les difficultés[194]. Finalement terminé en octobre, Le Cirque sort en janvier 1928 et reçoit un accueil positif[195]. Lors de la 1re cérémonie des Oscars, Chaplin reçoit un Oscar d'honneur « pour sa polyvalence et son génie à jouer, écrire, mettre en scène et produire Le Cirque[196] ». Malgré le succès du film, Chaplin l'associe avec le stress de sa production ; il ne le mentionne pas dans son autobiographie et a du mal à travailler dessus quand il le resonorisa en 1967[197],[198].
82
+
83
+ Le cinéma sonore apparaît à l'époque où sortait Le Cirque. Chaplin est sceptique quant à cette nouvelle technique et estime que les « parlants » ne valent pas les films muets, du point de vue artistique[200],[201]. Il est également réticent à l'idée de changer la formule qui a fait son succès[202],[199],[203] et craint que donner une voix à Charlot ne limite son attrait à l'international[200],[203]. Il rejette donc cette mode hollywoodienne et commence à travailler sur un nouveau film muet ; cette décision le rend néanmoins anxieux et il le reste tout au long de la production de ce nouveau projet[200],[203].
84
+
85
+ Lorsque le tournage commence à la fin de l'année 1928, Chaplin travaille sur l'histoire depuis près d'un an[204],[205]. Les Lumières de la ville met en scène l'amour de Charlot pour une fleuriste aveugle, jouée par Virginia Cherrill, et ses efforts pour lever des fonds pour une opération destinée à lui rendre la vue. Chaplin a travaillé « jusqu'au bord de la folie pour obtenir la perfection[206] » et le tournage dure 21 mois, jusqu'en septembre 1930[207].
86
+
87
+ Chaplin finalise Les Lumières de la ville en décembre 1930 à un moment où les films muets sont devenus anachroniques[208]. Une pré-projection ne rencontre pas de succès[209], mais la presse est séduite. Un journaliste écrit : « Personne d'autre que Charlie Chaplin n'aurait pu le faire. Il est le seul à avoir ce quelque chose d'étrange appelé « attrait de l'audience » en quantité suffisante pour défier le penchant populaire pour les films qui parlent[210] ». Lors de sa sortie officielle en janvier 1931, Les Lumières de la ville est un succès populaire et financier qui rapporte plus de trois millions de dollars[211],[212],[213]. Le British Film Institute le cite comme la plus grande réussite de Chaplin et le critique James Agee évoque son final comme « le meilleur jeu d'acteur et le plus grand moment de l'histoire du cinéma[214],[215] ».
88
+
89
+ Les Lumières de la ville est un succès mais Chaplin n'est pas certain de pouvoir réaliser un nouveau film sans dialogues. Il reste convaincu que le son ne marcherait pas dans ses films, mais est également « obsédé par la peur déprimante d'être démodé »[216]. En raison de ces incertitudes, le comédien choisit au début de l'année 1931 de prendre des vacances et il arrête de tourner pendant 16 mois[217],[218]. Il visite l'Europe de l'Ouest, dont la France et la Suisse, et décide spontanément de se rendre dans l'Empire du Japon[219]. Là-bas, il est témoin de l'incident du 15 mai 1932, durant lequel des officiers nationalistes tentent un coup d'État, assassinant le Premier ministre du Japon Tsuyoshi Inukai. Le plan initial inclut notamment de tuer Charlie Chaplin afin de déclencher une guerre avec les États-Unis[220]. Quand le Premier ministre est tué, son fils Takeru Inukai assiste à une compétition de sumo avec Charlie Chaplin, ce qui leur a probablement sauvé la vie[221].
90
+
91
+ Dans son autobiographie, il note qu'à son retour à Los Angeles en juin 1932, « [il] est perdu et sans but, fatigué et conscient d'une extrême solitude ». Il envisage brièvement la possibilité de prendre sa retraite et de s'installer en Chine[222].
92
+
93
+ La solitude de Chaplin est apaisée quand il rencontre en juillet l'actrice de 21 ans Paulette Goddard, avec qui il forme un couple heureux[223],[224]. Hésitant encore sur l'opportunité d'un film, il écrit un roman-feuilleton sur ses voyages, qui est publié dans le magazine Woman's Home Companion[225]. Son séjour à l'étranger, durant lequel il rencontre plusieurs personnages influents, a un effet très stimulant pour Chaplin, et il s'intéresse de plus en plus aux questions internationales[226]. L'état du monde du travail américain durant la Grande Dépression le trouble et il craint que le capitalisme et les machines ne provoquent un fort taux de chômage. Ce sont ces inquiétudes qui le motivent à développer son nouveau film[227],[228].
94
+
95
+ Les Temps modernes est présenté par Chaplin comme « une satire de certaines situations de notre vie industrielle[229] ». Il envisage d'en faire un film parlant, mais change d'avis lors des répétitions. Comme ses prédécesseurs, Les Temps modernes utilise des effets sonores synchronisés, mais presque aucune parole[230]. Dans le film, l'interprétation en « charabia » d'une chanson par Chaplin donne néanmoins pour la première fois une voix à Charlot[231]. Après l'enregistrement de la musique, le résultat est présenté en février 1936[232]. Il s'agit de son premier film depuis Le Kid à intégrer des références politiques et sociales[233] et cet aspect entraîne une forte couverture médiatique, même si Chaplin tente de minimiser le sujet[234]. Le film connaît un succès moindre que ses précédents films et les critiques sont plus mitigées, certaines désapprouvant sa signification politique[235],[236]. Les Temps modernes est néanmoins devenu un classique du répertoire de Chaplin[214],[237].
96
+
97
+ À la suite de cette sortie, Chaplin se rend en Extrême-Orient avec Goddard[238]. Le couple refuse tout commentaire sur la nature de leur relation et on ne sait alors pas vraiment s'ils sont mariés ou non[239]. Quelque temps plus tard, Chaplin révèle qu'ils se sont mariés à Canton, en Chine, durant ce voyage[240]. Les deux s'éloignent cependant rapidement l'un de l'autre pour se consacrer à leur travail ; Goddard divorce finalement en 1942, en avançant qu'ils sont séparés depuis plus d'un an[241].
98
+
99
+ Chaplin est profondément perturbé par les tensions politiques et la montée des nationalismes en Europe dans les années 1930[242],[243] et estime qu'il ne peut en faire abstraction dans ses films[244]. Les observateurs font des rapprochements avec Adolf Hitler : ils sont nés à quatre jours d'écart, ont tous deux accédé à la notoriété mondiale malgré leur origine modeste, et le dictateur allemand porte la même moustache que Charlot. Cette ressemblance physique devient la base du film suivant de Chaplin, Le Dictateur, qui se moque directement d'Hitler et du fascisme[245],[246],[247],[248],[249],[250].
100
+
101
+ Chaplin consacre deux années à la rédaction du scénario[251] et commence le tournage en septembre 1939 alors que la Seconde Guerre mondiale vient d'éclater[252]. Chaplin décide de renoncer au film muet, qu'il estime démodé et parce qu'il est plus facile de délivrer un message politique avec la parole[253]. Réaliser une comédie sur Hitler est très délicat, mais l'indépendance financière de Chaplin lui permet de prendre le risque[254] : « J'étais déterminé à le faire car on doit se moquer d'Hitler[255],[n 8] ». Dans le film, Chaplin s'éloigne de son personnage de Charlot, tout en conservant son accoutrement, en jouant un « barbier juif » vivant dans une dictature européenne ressemblant considérablement à la dictature hitlérienne ; Chaplin répond ainsi aux nazis qui prétendent qu'il est juif[n 9],[n 10]. Charlie Chaplin jouera également le dictateur « Adenoïd Hynkel », parodiant Hitler[258].
102
+
103
+ Le Dictateur passe une année en postproduction et est présenté au public en octobre 1940[259]. Le film est l'objet d'une importante campagne publicitaire et un critique du New York Times le qualifie de film le plus attendu de l'année[260]. Il connaît un succès populaire considérable, même si le dénouement est controversé[261],[262]. Dans ce final où son personnage de barbier juif prend la place du dictateur, Chaplin prononce un discours de six minutes face à la caméra, dans lequel il expose ses opinions politiques personnelles[263],[264]. Selon l'historien du cinéma Charles J. Maland, à une époque où le cinéma évite les thèmes politiques controversés, cette prise de liberté a marqué le début du déclin de la popularité de Chaplin : « Dorénavant, aucun admirateur ne pourra séparer la dimension politique de sa star de cinéma »[265]. Le Dictateur est nommé dans cinq catégories lors de la 13e cérémonie des Oscars, dont celles du meilleur film, du meilleur acteur et du meilleur scénario, même s'il ne remporte aucune statuette[266].
104
+
105
+ Dans le milieu des années 1940, Chaplin est impliqué dans une série de procès qui accaparent une grande partie de son temps et affectent son image publique[267]. Ces derniers sont liés à sa relation intermittente avec l'aspirante actrice Joan Barry, entre juin 1941 et l'été 1942[268]. Ils se séparent après que cette dernière montre des troubles mentaux, et elle est arrêtée à deux reprises pour harcèlement après cette rupture[n 11]. Elle réapparaît l'année suivante en annonçant être enceinte du réalisateur ; ce dernier nie et Barry entame une procédure en reconnaissance de paternité[269].
106
+
107
+ J. Edgar Hoover, le directeur du Federal Bureau of Investigation (FBI), qui se méfie des tendances politiques de Chaplin, exploite l'opportunité de nuire à sa réputation. Dans le cadre d'une campagne de diffamation[270], le FBI l'inculpe dans quatre affaires reliées à ce scandale. Chaplin est en particulier accusé d'avoir violé le Mann Act qui interdit le transport entre États de femmes à des fins sexuelles[n 12]. L'historien Otto Friedrich a soutenu qu'il s'agissait de « poursuites absurdes » en application d'un « ancien texte[273] », mais Chaplin risquait jusqu'à 23 ans de prison[274]. Les preuves pour trois motifs d'accusation se révèlent insuffisantes pour aller jusqu'au procès, mais l'étude de la violation du Mann Act commence en mars 1944. Chaplin est acquitté deux semaines plus tard[271]. L'affaire fait fréquemment la une des journaux et le journal Newsweek la qualifie de « plus grand scandale de relations publiques depuis le procès pour meurtre de Roscoe Arbuckle en 1921[275] ».
108
+
109
+ Barry accouche en octobre 1944 d'une fille, Carole Ann, et le procès en paternité débute en février 1945. Après deux procès difficiles au cours desquels Chaplin est accusé de « turpitude morale » par le procureur[276], il est déclaré être le père. Le juge refuse d'accepter les preuves médicales, et en particulier la différence de groupe sanguin qui infirme cette conclusion, et Chaplin est condamné à payer une pension à sa fille jusqu'à ses 21 ans[277]. La couverture médiatique du procès est influencée par le FBI, qui transmet des informations à l'influente journaliste à scandales Hedda Hopper[278],[279],[280],[281].
110
+
111
+ La controverse entourant Chaplin accroît encore quand le 16 juin 1943, deux semaines après le début de la procédure de reconnaissance de paternité, un nouveau mariage est annoncé avec sa nouvelle jeune protégée de 18 ans, Oona O'Neill, la fille du dramaturge américain Eugene O'Neill[282]. Chaplin, alors âgé de 54 ans, lui est présenté par un agent artistique sept mois plus tôt[283],[284], et dans son autobiographie, il décrit leur rencontre comme « l'événement le plus heureux de [sa] vie » et indique qu'il avait découvert le « parfait amour »[285]. Ils restent mariés jusqu'à sa mort en 1977 et ont huit enfants : Geraldine Leigh (1944), Michael John (1946), Josephine Hannah (1949), Victoria (1951), Eugene Anthony (1953), Jane Cecil (1957), Annette Emily (1959) et Christopher James (1962)[286].
112
+
113
+ Chaplin avance que ces procès ont démoli sa créativité[287] et en avril 1946, il commence le tournage d'un film sur lequel il travaille depuis 1942[288]. Monsieur Verdoux est une comédie noire sur un employé de banque français, M. Verdoux joué par Chaplin, réduit au chômage et qui commence à épouser et à assassiner de riches veuves pour subvenir aux besoins de sa famille. L'idée lui est fournie par Orson Welles, qui voulait qu'il joue dans un film sur le tueur en série français Henri Désiré Landru. Chaplin estime que ce concept « ferait une superbe comédie[289] » et achète le scénario à Welles pour 5 000 dollars (environ 65 555 dollars de 2020[66])[290].
114
+
115
+ Chaplin exprime à nouveau ses idées politiques dans Monsieur Verdoux en critiquant le capitalisme[291],[292] et le film est très controversé à sa sortie, en avril 1947[293],[294],[295]. Il est hué lors de la première et certains demandent son interdiction[293],[296]. Il s'agit du premier film où son personnage n'a aucun rapport avec Charlot et il est également le premier à être un échec critique et commercial aux États-Unis[297]. Il est mieux accueilli à l'étranger et est cité pour le meilleur scénario lors de la 20e cérémonie des Oscars[298]. Chaplin est néanmoins fier de son œuvre et écrit dans son autobiographie : « Monsieur Verdoux est le plus intelligent et plus brillant des films que j'ai réalisés[299] ».
116
+
117
+ L'accueil négatif de Monsieur Verdoux est largement le résultat de l'évolution de l'image publique de Chaplin[300]. En plus du scandale de l'affaire Joan Barry, il est publiquement accusé d'être communiste[301],[302]. Ses actions politiques se sont intensifiées durant la Seconde Guerre mondiale et il a fait campagne pour l'ouverture d'un second front pour soulager les Soviétiques[303]. Il se rapproche de sympathisants communistes connus comme Hanns Eisler et Bertolt Brecht et il participe à des réceptions organisées par des diplomates soviétiques à Los Angeles[304]. Dans le contexte politique de « Peur rouge » qui prévaut à l'époque aux États-Unis, de telles activités font que Chaplin est, selon Larcher, considéré comme « dangereusement progressiste et amoral[305],[306],[276] ». Le FBI est déterminé à lui faire quitter le pays[307] et il lance une enquête officielle à son encontre en 1947[308],[n 13].
118
+
119
+ Chaplin nie être un communiste et se présente comme un pacifiste[310],[311],[312],[313] qui estime que les actions du gouvernement américain pour réprimer une idéologie sont une violation inacceptable des libertés publiques[314]. Refusant de se taire sur cette question, il proteste ouvertement contre les procès des membres du parti communiste américain devant le House Un-American Activities Committee (HUAC) et est convoqué par ce dernier[315],[316]. Alors que ses actions sont largement relayées dans la presse et que la guerre froide gagne en intensité, sa non-acquisition de la citoyenneté américaine est critiquée et certains demandent son expulsion[317],[318],[276],[319]. Le représentant du Mississippi John E. Rankin (en) déclare devant le Congrès en juin 1947 : « Sa vie à Hollywood est nuisible au tissu moral des États-Unis. [S'il est expulsé], ses films répugnants pourront être gardés à l'écart des yeux de la jeunesse américaine. Nous devons l'expulser et nous en débarrasser une bonne fois pour toutes[319]. »
120
+
121
+ Même si Chaplin reste politiquement actif dans les années qui suivent l'échec de Monsieur Verdoux[n 14], son film suivant sur un comédien de vaudeville oublié et une jeune ballerine dans le Londres de l'époque édouardienne est dépourvu de toute signification politique. Les Feux de la rampe est largement autobiographique et fait référence à l'enfance de Chaplin, à la vie de ses parents et à sa perte de popularité aux États-Unis[321],[322],[323]. Parmi les acteurs figurent plusieurs membres de sa famille, dont ses enfants les plus âgés et son demi-frère, Wheeler Dryden[324].
122
+
123
+ Après trois ans de préparation, le tournage commence en novembre 1951[325]. Il adopte un ton bien plus sérieux que dans ses précédents films et parle régulièrement de « mélancolie » en expliquant le scénario à sa partenaire Claire Bloom[326]. Le film est également notable pour la présence de Buster Keaton — dont c'est l'unique collaboration avec Chaplin[327].
124
+
125
+ Chaplin décide d'organiser la première mondiale des Feux de la rampe à Londres, vu que le film s'y déroule[328]. Quittant Los Angeles, il indique qu'il s'attend à ne jamais pouvoir revenir, chassé par l'Amérique maccarthyste[329]. À New York, il embarque avec sa famille à bord du paquebot transatlantique HMS Queen Elizabeth le 18 septembre 1952[330]. Le lendemain, le procureur général des États-Unis, James McGranery, révoque le visa de Chaplin et déclare qu'il doit se soumettre à un entretien sur ses opinions politiques et sa moralité pour pouvoir revenir aux ��tats-Unis[330]. Même si McGranery indique à la presse qu'il a « un dossier assez solide contre Chaplin », Maland conclut, en s'appuyant sur les documents du FBI rendus publics dans les années 1980, que le gouvernement américain n'a pas réellement de preuves suffisantes pour empêcher le retour de Chaplin ; il est même probable qu'il aurait obtenu un visa s'il en avait fait la demande[331],[332]. Cependant, quand il reçoit un câblogramme l'informant de cette décision, Chaplin décide de rompre tous ses liens avec les États-Unis :
126
+
127
+ « Que je revienne ou non dans ce triste pays avait peu d'importance pour moi. J'aurais voulu leur dire que plus tôt je serais débarrassé de cette atmosphère haineuse, mieux je serais, que j'étais fatigué des insultes et de l'arrogance morale de l'Amérique[333]. »
128
+
129
+ Comme tous ses biens sont aux États-Unis, Chaplin ne fait aucun commentaire négatif dans la presse[334], mais l'affaire fait sensation[335]. Si Chaplin et son film sont bien accueillis en Europe[330], Les Feux de la rampe sont largement boycottés aux États-Unis malgré des critiques positives[336]. Maland écrit que la chute de Chaplin d'un niveau de popularité inégalé « est peut-être la plus spectaculaire de toute l'histoire de la célébrité aux États-Unis[337] ».
130
+
131
+ Chaplin ne tente pas de revenir aux États-Unis après la révocation de son visa d'entrée et envoie sa femme à Los Angeles pour régler ses affaires[339]. Le couple se décide pour la Suisse et la famille s'installe en janvier 1953 au manoir de Ban, une propriété de 15 hectares surplombant le lac Léman dans la commune de Corsier-sur-Vevey[340]. Chaplin met en vente sa résidence et son studio de Beverly Hills en mars et rend son visa en avril. L'année suivante, sa femme renonce à sa nationalité américaine pour devenir Britannique[341]. Il abandonne ses derniers liens professionnels avec les États-Unis en 1955 quand il vend ses parts dans la United Artists, qui est en difficultés financières depuis le début des années 1940[342],[343],[344].
132
+
133
+ Chaplin reste une figure controversée tout au long des années 1950, en particulier après avoir reçu le prix international de la paix décerné par le Conseil mondial de la paix, d'obédience communiste, et ses rencontres avec le Chinois Zhou Enlai et le Soviétique Nikita Khrouchtchev[345],[343]. Il commence à développer son premier film européen, Un roi à New York, en 1954[346]. Jouant le rôle d'un roi exilé cherchant asile aux États-Unis, Chaplin exploite ses problèmes récents pour écrire le scénario. Son fils, Michael, est présenté comme un garçon dont les parents sont visés par le FBI, tandis que le personnage de Chaplin est accusé d'être un communiste[347]. Cette satire politique parodie les actions de l'HUAC ainsi que le consumérisme de la société américaine des années 1950[348],[349],[350],[351]. Dans sa critique, le dramaturge John Osborne le qualifie comme film le « plus acide… et de plus ouvertement personnel » de Chaplin[352].
134
+
135
+ Chaplin fonde une nouvelle société de production appelée Attica et tourne dans les studios de Shepperton, dans la banlieue de Londres[346]. Ce tournage est difficile car il est habitué à son studio et à ses équipes hollywoodiennes, et ne dispose plus d'une durée de production illimitée. Cela a un impact sur la qualité du film[353],[354], qui reçoit des critiques mitigées à sa sortie en septembre 1957[355],[356],[357]. Chaplin empêche les journalistes américains d'assister à la première à Paris et décide de ne pas diffuser le film aux États-Unis. Cela nuit fortement à son succès commercial, même si le film obtient un succès d'estime en Europe[358]. Un roi à New York n'est présenté aux États-Unis qu'en 1973[359].
136
+
137
+ À partir du milieu des années 1950, Chaplin se concentre sur la resonorisation et la réédition de ses anciens films, ainsi que sur la protection de ses droits d'auteur[360]. La première de ces rééditions est La Revue de Charlot (1959), comprenant de nouvelles versions d'Une vie de chien, de Charlot soldat et du Pèlerin[361].
138
+
139
+ Aux États-Unis, l'atmosphère politique commence à évoluer et l'attention du public se tourne à nouveau vers les films de Chaplin et non plus vers ses opinions[360]. En juillet 1962, le New York Times publie un éditorial indiquant que « nous ne pensons pas que la République serait en danger si l'inoublié petit Charlot d'hier était autorisé à se promener sur la passerelle d'un navire ou d'un avion dans un port américain[362] ». Le même mois, Chaplin reçoit un doctorat honorifique en Lettres des universités d'Oxford et de Durham[363]. En novembre 1963, le Plaza Theater de New York commence une rétrospective des films de Chaplin, dont Monsieur Verdoux et Les Feux de la rampe pour lesquels les critiques sont bien plus positives que dix ans plus tôt[364],[365]. Septembre 1964 voit la publication de ses mémoires, Histoire de ma vie, sur lesquels il travaille depuis 1957[366]. Le livre de 500 pages mettant l'accent sur ses premières années et sa vie privée connaît un succès mondial, même si les critiques pointent le manque d'informations sur sa carrière cinématographique[367],[368].
140
+
141
+ Peu après la publication de ses mémoires, Chaplin commence à travailler sur La Comtesse de Hong-Kong (1967), une comédie romantique basée sur un scénario qu'il a écrit dans les années 1930 pour Paulette Goddard[369]. Située sur un paquebot, l'action met en scène Marlon Brando jouant un ambassadeur américain et Sophia Loren dans le rôle d'une passagère clandestine[369]. Le film diffère des précédentes productions de Chaplin sur plusieurs points : il est le premier à employer le technicolor et la résolution écran large, tandis que Chaplin se concentre sur la réalisation et n’apparaît à l'écran que dans le rôle mineur d'un steward malade[370]. Il signe également un contrat avec le studio Universal Pictures pour le distribuer[371]. La Comtesse de Hong-Kong reçoit des critiques négatives à sa sortie en janvier 1967 et est un échec commercial[372],[373],[374]. Chaplin est profondément affecté par ce revers et ce film est son dernier[372].
142
+
143
+ Chaplin est victime de plusieurs AVC mineurs à la fin des années 1950 et cela marque le début d'un lent déclin de sa santé[375]. Malgré ces difficultés, il se met rapidement à écrire le scénario de son nouveau projet de film, The Freak, sur une jeune fille ailée découverte en Amérique du Sud, projet destiné à lancer la carrière de sa fille, Victoria Chaplin[375]. Sa santé fragile l'empêche néanmoins de mener à bien ce projet[376], et au début des années 1970 Chaplin se concentre plutôt sur la réédition de ses anciens films, dont Le Kid et Le Cirque[377]. En 1971, il est fait commandeur de l'Ordre national de la Légion d'honneur lors du festival de Cannes[378] et l'année suivante il reçoit un Lion d'or pour sa carrière durant la mostra de Venise[379].
144
+
145
+ En 1972, l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences lui décerne un Oscar d'honneur, ce que Robinson considère comme le premier signe que les États-Unis « voulaient se faire pardonner ». Chaplin hésite à l'accepter, puis décide de se rendre à Los Angeles pour la première fois en vingt ans[378]. La visite est l'objet d'une large couverture médiatique, et lors de la remise de la récompense il reçoit une ovation de douze minutes, la plus longue de toute l'histoire des Oscars[380],[381]. Visiblement ému, Chaplin accepte la statuette rendant hommage « à l'effet incalculable qu'il a eu en faisant des films de cinéma la forme d'art de ce siècle[382] ».
146
+
147
+ Même si Chaplin a encore des projets de film, sa santé devient très fragile dans le milieu des années 1970[383]. Plusieurs AVC affectent son élocution et il doit utiliser un fauteuil roulant[384],[385]. Parmi ses dernières réalisations figurent la création d'une autobiographie en images, My Life in Pictures (1974) et la resonorisation de L'Opinion publique en 1976[386]. Il apparaît également dans un documentaire sur sa vie, The Gentleman Tramp (1975), réalisé par Richard Patterson[387]. En 1975, la reine Élisabeth II le fait chevalier[386],[n 15].
148
+
149
+ En octobre 1977, la santé de Chaplin s'est détériorée au point qu'il demande une attention de tous les instants[389]. Il meurt d'un AVC dans son sommeil le matin du 25 décembre 1977, à l'âge de 88 ans[385]. Selon ses dernières volontés, une petite cérémonie funéraire anglicane est organisée le 27 décembre et il est inhumé dans le cimetière de Corsier-sur-Vevey[389]. Parmi les hommages du monde du cinéma, le réalisateur René Clair écrit « il était un monument du cinéma[390] » et l'acteur Bob Hope déclara : « nous avons eu de la chance de vivre à son époque[391] ».
150
+
151
+ Le 1er mars 1978, le cercueil de Chaplin est exhumé et volé par deux mécaniciens automobiles[392], un Polonais, Roman Wardas, et un Bulgare, Gantcho Ganev. Leur but est d'extorquer une rançon de cent mille francs suisses à Oona Chaplin afin de pouvoir ouvrir plus tard un garage automobile. Ils sont arrêtés lors d'une vaste opération de police le 17 mai 1978 et le cercueil est retrouvé enterré dans un champ de maïs près du village voisin de Noville. Il est réenterré dans le cimetière de Corsier-sur-Vevey et un caveau en béton armé est ajouté pour empêcher tout nouvel incident[393],[394].
152
+
153
+ Chaplin considérait que sa première inspiration était sa mère qui l'amusait, alors qu'il était enfant, en s'asseyant à la fenêtre et en imitant les passants : « C'est grâce à elle que j'ai appris non seulement à exprimer des émotions avec mes mains et mon visage mais également à observer et à étudier les gens[395] ». Les premières années de Chaplin dans le music-hall lui permettent d'observer le travail des comédiens ; il assiste également aux spectacles de mime de Noël au théâtre de Drury Lane, où il étudie l'art de la frivolité avec des artistes comme Dan Leno[396],[397],[398]. Ses années dans la compagnie de Fred Karno ont un effet formateur sur sa carrière d'acteur et de réalisateur. Il y apprend à associer le tragique avec la comédie et à utiliser des éléments absurdes qui devinrent récurrents dans ses œuvres[399]. Dans l'industrie cinématographique, Chaplin s'appuie sur les œuvres du comédien français Max Linder, qu'il admire[400],[401],[402]. En développant le costume et le jeu de Charlot, il s'inspire probablement de la scène de vaudeville américaine où les personnages de vagabond étaient courants[403].
154
+
155
+ Tout au long de sa carrière, Chaplin parle assez peu de ses techniques de réalisation et compare cela à dévoiler ses secrets pour un magicien[404]. On sait donc peu de chose sur ses manières de travailler[405], mais elles ont été étudiées par Kevin Brownlow et David Gill et savamment exposées dans la série documentaire Unknown Chaplin (1983)[406],[407].
156
+
157
+ Avant de réaliser des films parlants avec Le Dictateur, Chaplin ne commence jamais un tournage avec un scénario achevé[408]. Pour ses premiers films, il n'a qu'une vague idée de départ comme « Charlot se rend dans une station thermale » ou « Charlot travaille comme prêteur sur gage[409] ». Il fait ensuite réaliser les décors et travaille avec les autres acteurs pour improviser des effets comiques tout en affinant le scénario tout au long de la production[406],[407]. Alors que les idées sont acceptées ou rejetées, une structure narrative émerge et Chaplin est souvent obligé de retourner des scènes qui vont à l'encontre de l'histoire[410],[411],[412]. À partir de L'Opinion publique, Chaplin commence à réaliser le tournage à partir d'un scénario préétabli[413], mais tous ses films, jusqu'aux Temps modernes, continuent à subir des modifications jusqu'à atteindre leur forme finale[414].
158
+
159
+ En réalisant des films de cette manière, Chaplin a besoin de plus de temps que tout autre réalisateur de l'époque[415]. S'il est à court d'idées, il s'éloigne alors du studio pendant plusieurs jours, tout en maintenant ses équipes prêtes dès que l'inspiration revient[416],[417]. Le processus de réalisation est également ralenti par son perfectionnisme[418],[419]. Selon son ami et réalisateur britannique Ivor Montagu, « rien d'autre que la perfection n'était suffisant » pour lui[420]. Comme il finance personnellement ses films, Chaplin a toute liberté pour atteindre cet objectif et réaliser autant de prises que nécessaire[421],[420]. Leur nombre est ainsi souvent excessif ; chaque prise terminée pour Le Kid en avait nécessité 53[422],[423] tandis que pour réaliser les 20 minutes de L'Émigrant, il utilisa plus de 12 000 m de pellicule, une longueur suffisante pour faire un long-métrage[424],[425].
160
+
161
+ Décrivant ses méthodes de production comme de la « pure détermination jusqu'au bord de la folie[426] », Chaplin est généralement complètement épuisé par les tournages[427],[428]. Même dans ses dernières années, son travail « avait la priorité sur tout et tout le monde[429] ». Le mélange d'improvisation et de perfectionnisme qui se traduit par des jours d'efforts et des milliers de mètres de pellicule gâchés, se révèle éprouvant pour Chaplin, ce qui peut le mener à se déchaîner contre ses acteurs et ses équipes[430],[431],[127].
162
+
163
+ Chaplin a exercé un contrôle complet sur ses œuvres[404], au point de mimer les autres rôles pour que ses acteurs l'imitent exactement[432],[433],[434]. Il a effectué personnellement le montage de tous ses films en fouillant dans les grandes quantités de pellicules pour créer le film voulu[435]. Chaplin a néanmoins reçu l'aide d'autres artistes, dont son ami et directeur de la photographie Roland Totheroh, son frère Sydney Chaplin et divers assistants réalisateurs, comme Harry Crocker, Dan James et Charles Reisner[436].
164
+
165
+ Si le style comique de Chaplin est généralement qualifié de slapstick[437], il est considéré comme retenu et intelligent[438], et l'historien de cinéma Philip Kemp décrit son travail comme un mélange de « comédie physique gracieuse et de comique de situation bien réfléchi[174] ». Chaplin s'est éloigné du slapstick traditionnel en ralentissant le rythme de l'action et en se concentrant sur la relation du spectateur avec les personnages[76],[439]. Les effets comiques dans les films de Chaplin sont centrés sur la réaction de Charlot aux choses qui lui arrivent : l'humour ne vient pas du fait que Charlot rentre dans un arbre, mais qu'il soulève son chapeau pour s'excuser[76]. Son biographe Dan Kamin écrit que les « manières excentriques » de Chaplin et son « comportement sérieux au cœur du slapstick » sont d'autres aspects centraux de son style comique[440].
166
+
167
+ Les films muets de Chaplin suivent généralement les efforts de Charlot pour survivre dans un monde hostile[441]. Même s'il vit dans la pauvreté et est fréquemment maltraité, il reste gentil et optimiste[174],[442],[443] ; défiant sa position sociale, il s'efforce d'être vu comme un gentleman[444]. Charlot s'oppose aux figures de l'autorité[445] et « donne autant qu'il reçoit[446] », ce qui poussa Robinson et Louvish à voir en lui un représentant des défavorisés : « Un Monsieur Tout-le-monde devenant un sauveur héroïque[447],[448] ». Hansmeyer note que plusieurs des films de Chaplin se terminent avec « Charlot démuni et seul [marchant] avec optimisme… vers le soleil couchant… pour poursuivre son voyage[443] ».
168
+
169
+ L'emploi du pathos est un aspect bien connu de l'œuvre de Chaplin[449],[450] et Larcher note sa capacité à « [provoquer] les rires et les larmes[305] ». Chaplin s'appuie parfois sur des événements tragiques pour ses films comme dans La Ruée vers l'or, qui est inspirée par le destin malheureux de l'expédition Donner[451]. Différents thèmes sont représentés dans ses premières comédies comme l'avarice (La Ruée vers l'or), l'abandon (Le Kid)[452] et des sujets plus controversés comme l'immigration (L'Émigrant) ou la drogue (Charlot policeman)[439].
170
+
171
+ Les commentaires sociaux sont également importants dans ses premiers films, car il représente les démunis sous un jour positif et souligne leurs difficultés[453]. Par la suite, il développe un grand intérêt pour l'économie et se sent obligé de faire partager ses opinions dans ses films[454],[243]. Les Temps modernes illustre les conditions de travail difficiles des ouvriers de l'industrie, Le Dictateur parodie Hitler et Mussolini et se termine par un discours contre le nationalisme, Monsieur Verdoux critique la guerre et le nationalisme tandis qu'Un roi à New York attaque le maccarthysme[455].
172
+
173
+ Chaplin intègre plusieurs éléments autobiographiques dans ses films et le psychologue Sigmund Freud considère qu'il « se représent[e] toujours comme il était dans sa triste enfance[456] ». Il est généralement admis que Le Kid reflète le traumatisme qu'il a subi dans un orphelinat[456], tandis que le personnage principal des Feux de la rampe fait référence à la vie de ses parents[457] et que Un roi à New York renvoie à son expulsion des États-Unis[350]. Sa relation difficile avec sa mère souffrant de troubles mentaux est souvent reflétée dans les personnages féminins de ses films et par le désir de Charlot de les sauver[456].
174
+
175
+ En ce qui concerne la structure de ses films, l'historien du cinéma Gerald Mast les voit comme une série de sketchs reliés par une même trame plutôt que comme une suite ordonnée par un scénario précis[458]. Visuellement, ils sont simples et économiques[459],[460], avec des scènes jouées comme au théâtre[461],[439],[462]. Dans son autobiographie, Chaplin écrit que « la simplicité est préférable… les effets pompeux ralentissent l'action, sont ennuyeux et désagréables… La caméra ne doit pas faire irruption[463] ». Cette approche n'a pas fait l'unanimité et elle est qualifiée de démodée depuis les années 1940[464],[459],[465], tandis que l'historien du cinéma Donald McCaffrey y voit une indication que Chaplin n'a jamais complètement compris le média cinématographique[466]. Kamin avance néanmoins que le talent comique de Chaplin n'aurait jamais été suffisant pour qu'il reste drôle à l'écran s'il n'avait pas eu « la capacité de concevoir et de diriger des scènes spécifiquement pour le cinéma[467] ».
176
+
177
+ Chaplin développe dès l'enfance une passion pour la musique et apprend seul à jouer du piano, du violon et du violoncelle[468],[469]. Il considère que l'accompagnement musical fait partie intégrante du film[195] et à partir de L'Opinion publique il consacre beaucoup de temps à ce domaine[468]. Il compose lui-même la bande-son des Lumières de la ville et fait de même pour tous ses films suivants ; à partir de la fin des années 1950 et jusqu'à sa mort, il resonorise tous ses anciens courts-métrages silencieux[470].
178
+
179
+ Comme il n'a reçu aucune éducation musicale, Chaplin n'a jamais su lire ou écrire des partitions. Il fait donc appel à des compositeurs professionnels comme David Raksin, Raymond Rasch et Eric James pour mettre en forme ses idées. Certains critiques ont ainsi avancé que la musique de ses films devait être attribuée aux compositeurs ayant travaillé avec lui ; Raksin, qui participe à la mise en musique des Temps Modernes, a néanmoins souligné le rôle créatif et moteur de Chaplin dans le processus de composition[471]. Au début de ce travail, qui peut durer des mois, Chaplin décrit exactement ce qu'il veut aux compositeurs et joue les éléments qu'il a improvisés au piano[471]. Ces mélodies sont ensuite développées en étroite collaboration[471]. Pour l'historien du cinéma Jeffrey Vance, « même s'il s'appuyait sur ses associés pour mettre en forme des instrumentations complexes, les consignes musicales étaient les siennes, et pas une note n'était placée sans son accord[470] ».
180
+
181
+ Les compositions de Chaplin donnent lieu à trois chansons populaires. Smile, composée pour Les Temps modernes, est par la suite mise en paroles par John Turner et Geoffrey Parsons, puis interprétée par Nat King Cole en 1954[470]. Pour Les Feux de la rampe, Chaplin compose Terry's Theme, qui est popularisée par Jimmy Young sous le titre Eternally en 1952[472]. Enfin, la chanson This Is My Song, chantée par Petula Clark pour La Comtesse de Hong-Kong, connaît un grand succès commercial et atteint la première place du palmarès britannique en 1967[473]. En dehors de ses deux récompenses d'honneur, le seul Oscar que Chaplin remporte est celui de la meilleure musique de film à l'occasion de la réédition des Feux de la rampe en 1973[470],[n 16].
182
+
183
+ À l'occasion de la publication de son autobiographie, Chaplin a établi sa filmographie, qui se compose alors de 80 films (La Comtesse de Hong-Kong, réalisé trois ans plus tard, s'y est par la suite ajouté). En 2010, une copie de La Course au voleur, réalisé en 1914 et jusqu'alors considéré comme perdu, est découverte chez un antiquaire du Michigan, portant ainsi sa filmographie à 82 films[475].
184
+
185
+ Les films de Chaplin, jusqu'au Cirque inclus, sont muets, même si certains ont été réédités avec des bandes-son. Les Lumières de la ville et Les Temps modernes sont muets, mais intègrent des bandes-son composées de musique, de bruitages et de séquences parlées pour le second. Les cinq derniers films de Chaplin sont parlants. Hormis La Comtesse de Hong-Kong, tous les films de Chaplin sont tournés en format 35 mm, noir et blanc.
186
+
187
+ En français, Jacques Dumesnil double Chaplin dans Monsieur Verdoux, Les Feux de la rampe et Un roi à New York. Chaplin est également doublé par Henri Virlogeux dans la version sonorisée de 1942 de La Ruée vers l'or, en 1968 par Roger Carel dans Le Dictateur et par Jean-Henri Chambois dans La Comtesse de Hong-Kong.
188
+
189
+ Longs métrages :
190
+
191
+ Chaplin a reçu de nombreuses récompenses et distinctions, particulièrement à la fin de sa vie. En 1962, les universités de Durham et d'Oxford lui décernent un diplôme honorifique de docteur ès Lettres[363]. En 1965, il partage le prix Érasme avec Ingmar Bergman[476], et en 1971, il est fait commandeur de l'Ordre national de la Légion d'honneur par le gouvernement français[477]. En 1975, il est anobli par la reine Élisabeth II et fait chevalier commandeur de l'Ordre de l'Empire britannique, devenant « sir Charles Chaplin »[478].
192
+
193
+ L'industrie cinématographique le récompense avec un Lion d'or spécial à la Mostra de Venise 1972[479], ainsi qu'une étoile sur le Walk of Fame d'Hollywood en 1970 (cette inscription lui est auparavant refusée en raison de ses opinions politiques[480]).
194
+
195
+ Chaplin reçoit au total trois Oscars : un premier Oscar d'honneur en 1929 « pour sa polyvalence et son génie à jouer, écrire, mettre en scène et produire Le Cirque[196] », un second en 1972 « pour l'effet incalculable qu'il a eu en faisant des films de cinéma la forme d'art de ce siècle[382] » et un troisième en 1973 pour la meilleure musique originale (conjointement avec Ray Rasch et Larry Russell), pour Les Feux de la Rampe[470]. Il est également nommé dans les catégories du meilleur acteur, du meilleur film et du meilleur scénario pour Le Dictateur, ainsi que dans celle du meilleur scénario pour Monsieur Verdoux[481].
196
+
197
+ Six des films de Chaplin ont été sélectionnés pour être préservés dans le National Film Registry de la Bibliothèque du Congrès américaine : L'Émigrant (1917), Le Kid (1921), La Ruée vers l'or (1925), Les Lumières de la ville (1931), Les Temps modernes (1936) et Le Dictateur (1940)[482].
198
+
199
+ En 1998, le critique Andrew Sarris écrivit que Chaplin est « sans doute le plus grand artiste que le cinéma ait créé, certainement son interprète le plus extraordinaire et probablement encore son icône la plus universelle »[483]. Il est décrit par le British Film Institute comme « une figure tutélaire de la culture mondiale[484] », et le magazine Time le lista parmi les 100 personnes les plus importantes du XXe siècle pour « les rires [qu'il a apportés] à des millions de personnes » et parce qu'il a « plus ou moins inventé la célébrité mondiale et aidé à transformer une industrie en un art »[485].
200
+
201
+ L'historien du cinéma Christian Hansmeyer a noté que l'image de Charlot fait partie de l'histoire culturelle[486] ; selon Simon Louvish, ce personnage est connu même dans les endroits où ses films n'ont jamais été projetés[487]. Le critique Richard Schickel suggère que les films de Chaplin avec Charlot présentent « les expressions comiques de l'esprit humain les plus éloquentes et les plus riches » de l'histoire du cinéma[488]. Les objets associés au personnage continuent de fasciner le public et en 2006, un chapeau melon et une canne en bambou ayant appartenu à Chaplin sont achetés 140 000 dollars lors d'une vente aux enchères à Los Angeles[489].
202
+
203
+ En tant que réalisateur, Chaplin est considéré comme un pionnier et l'une des figures les plus influentes du début du XXe siècle[490],[491],[486],[483]. L'historien du cinéma Mark Cousins a écrit que Chaplin « a changé non seulement l'imagerie du cinéma mais également sa sociologie et sa grammaire » et avance qu'il joua un rôle important dans l'établissement de la comédie en tant que genre, parallèlement à ce qu'avait fait D. W. Griffith pour le drame[492]. Il est le premier à populariser les longs-métrages comiques et à ralentir le rythme de l'action pour y ajouter de la finesse et du pathos[493],[494]. Pour Robinson, les innovations de Chaplin sont « rapidement assimilées et deviennent les pratiques de base de la réalisation cinématographique »[495]. Federico Fellini (qui définit Chaplin comme « une sorte d'Adam duquel nous sommes tous issus »[391]), Jacques Tati (« sans lui, je n'aurais jamais fait un film »[391]), René Clair (« il a inspiré pratiquement tous les réalisateurs »[390]), Michael Powell[496], Billy Wilder[497] et Richard Attenborough[498] figurent parmi les réalisateurs ayant affirmé avoir été influencés par Chaplin.
204
+
205
+ Chaplin inspire également les poètes avant-gardistes du XXe siècle[499], mais aussi de futurs comédiens, comme Marcel Marceau, qui a indiqué s'être décidé à devenir mime après l'avoir vu[494], ou Raj Kapoor, qui base son jeu sur celui de Charlot[497]. Mark Cousins a également identifié le style comique de Chaplin chez les personnages français de Monsieur Hulot et italien de Totò[497], sans oublier qu'il a également influencé des personnages de dessin animé comme Félix le Chat[500] ou Mickey Mouse[501]. En tant que membre fondateur de la United Artists, Chaplin a un rôle important dans le développement de l'industrie cinématographique. Gerald Mast a noté que même si cette société n'a rivalisé jamais avec la MGM ou la Paramount, l'idée que des réalisateurs puissent produire leurs propres films était « très en avance sur son temps »[502].
206
+
207
+ À l'occasion de l'exposition universelle de Bruxelles, en 1958, un jury international de 117 critiques a établi un classement des meilleurs films de tous les temps : La Ruée vers l'or (1925) est classé deuxième derrière Le Cuirassé Potemkine de Sergueï Eisenstein (1925) et devant Le Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica (1948). Plusieurs des films de Chaplin restent encore aujourd'hui considérés comme parmi les plus grands jamais réalisés. Le palmarès 2012 de la revue britannique Sight and Sound, mené auprès de critiques de cinéma sur les meilleurs films de l'histoire, liste respectivement Les Lumières de la ville, Les Temps modernes, Le Dictateur et La Ruée vers l'or aux 50e, 63e, 144e et 154e places[503] ; la même étude réalisée auprès de réalisateurs situe Les Temps modernes à la 22e place, Les Lumières de la ville à la 30e et La Ruée vers l'or à la 91e[504]. En 2007, l'American Film Institute nomme Les Lumières de la ville le 11e plus grand film américain de tous les temps, tandis que La Ruée vers l'or et Les Temps modernes figurent dans le top 100[505].
208
+
209
+ En avril 2016, le manoir de Ban à Corsier-sur-Vevey en Suisse, où il a passé les vingt-cinq dernières années de son existence, est devenu un musée consacré à sa vie et son œuvre. Le musée, appelé « Chaplin's World »[506], est le fruit d'un partenariat entre la Compagnie des Alpes (CDA), Genii Capital et Chaplin Museum Development (CMD)[507]. La commune de Corsier-sur-Vevey a donné son nom à un parc et une stèle y rappelle la mémoire de l'illustre résident.
210
+
211
+ La ville voisine de Vevey a nommé en son honneur un square[508] sur le quai Perdonnet, au bord du lac Léman, et y a édifié en 1982 une statue de Chaplin, œuvre du sculpteur britannique John Doubleday[509]. Au nord de la ville, à quelques centaines de mètres du Manoir de Ban, deux immeubles de 14 étages ont été décorés de fresques évoquant la carrière de l'artiste[510].
212
+
213
+ La ville irlandaise de Waterville, où Chaplin passa plusieurs étés en famille dans les années 1960, accueille chaque année depuis 2011 le Charlie Chaplin Comedy Film Festival destiné à honorer l'héritage du comédien et à découvrir de nouveaux talents[511]. Parmi les autres hommages, une planète mineure, (3623) Chaplin, a été nommée en son honneur en 1981 par l'astronome soviétique Lioudmila Karatchkina[512] et de très nombreux pays ont émis des timbres portant son effigie[513].
214
+
215
+ L'héritage de Chaplin est géré par l'Association Chaplin, fondée par plusieurs de ses enfants, et qui possède les droits d'auteur sur son image, son nom et sur la plupart des films réalisés après 1918[514]. La Cinémathèque de Bologne, en Italie, abrite les principales archives de l'Association, dont des images, des manuscrits et des lettres[515]. Plus de 10 000 photographies sur sa vie et sa carrière sont également entreposées au Musée de l'Élysée à Lausanne, en Suisse[516]. Au Royaume-Uni, le Cinema Museum au sud de Londres est considéré comme « la chose la plus proche d'un musée Chaplin que la Grande-Bretagne possède » par la famille de Charlie Chaplin[517]. La British Film Institute a fondé la Charles Chaplin Research Foundation, qui a organisé la première conférence internationale sur le cinéaste à Londres, en juillet 2005[518].
216
+
217
+ Chaplin a fait l'objet d'un film biographique réalisé par Richard Attenborough, Chaplin, en 1992 ; il y est personnifié par Robert Downey Jr., qui est nommé à l'Oscar du meilleur acteur et remporta le BAFTA du meilleur acteur[519]. Il est également joué par Eddie Izzard dans le film Un parfum de meurtre (2001)[520]. Une série télévisée sur l'enfance de Chaplin, Young Charlie Chaplin, est diffusée par PBS en 1989 et est nommée pour l'Emmy Award de meilleur programme pour enfants[521].
218
+
219
+ Le film La Rançon de la gloire de Xavier Beauvois, sorti en 2014 avec Benoît Poelvoorde et Roschdy Zem, s'inspire très librement du vol de la dépouille de Charlie Chaplin en 1978[522].
220
+
221
+ Bernard Swysen raconte sa vie en bande dessinée intitulée Charlie Chaplin, les étoiles de l’histoire, dessinée par Bruno Bazile et parue en octobre 2019[523].
222
+
223
+ Sur les autres projets Wikimedia :
224
+
fr/998.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,121 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+ Œuvres principales
2
+
3
+ modifier
4
+
5
+ Charlotte Brontë [ˈʃɑːlət ˈbɹɒnteɪ][1], née le 21 avril 1816 à Thornton (comté d'Adams) et morte le 31 mars 1855 à Haworth (comté de Bergen), est une romancière anglaise.
6
+
7
+ Troisième fille du révérend Patrick Brontë, au sein d'une famille de condition modeste qui compte six enfants, elle bénéficie, comme ses quatre sœurs et son frère, de la présence d'un père qui a poussé ses études classiques jusqu'à l'université de Cambridge, et n'hésite pas à leur transmettre sa culture et sa vision du monde.
8
+
9
+ Elle connaît cependant très tôt, alors qu'elle est encore tout enfant, le deuil de sa mère, puis de ses deux sœurs aînées, frappées par la tuberculose.
10
+
11
+ Malgré sa condition de femme et son absence de moyens financiers, elle réussit à publier ses poèmes et ceux de ses sœurs (sous des noms masculins), en 1846, et surtout, à publier son œuvre principale Jane Eyre, devenu un grand classique de la littérature anglaise et mondiale, ayant également laissé une empreinte importante dans l'histoire culturelle en étant adapté au cinéma à plusieurs reprises.
12
+
13
+ Elle naît à Thornton où son père, Patrick Brontë, est pasteur. Sa mère meurt d'un cancer de l'estomac le 15 septembre 1821[2].
14
+
15
+ En 1824, pour assurer leur éducation, les quatre filles aînées sont envoyées à l'école de Cowan Bridge[3], établissement recevant les enfants des membres du clergé peu fortuné, qui avait été recommandé à M. Brontë[4].
16
+
17
+ Dans cette école, pourtant de bonne réputation, les conditions de vie sont difficiles, sans chauffage, avec une maigre nourriture préparée sans aucune hygiène, et presque immangeable. L'année suivante, Maria et Elizabeth tombent gravement malades et en sont retirées, mais décèdent peu après à quelques semaines d'intervalle, le 6 mai et le 15 juin 1825[5] ; Charlotte et Emily, enlevées elles aussi à ce lieu malsain, retournent à Haworth.
18
+
19
+ La perte de leurs deux sœurs sera pour les quatre enfants un traumatisme qui transparaît notamment dans l'œuvre de Charlotte, par exemple dans Jane Eyre où Cowan Bridge devient Lowood, la figure pathétique de Maria est représentée sous les traits de la jeune Helen Burns, la cruauté d'une maîtresse, Miss Andrews, sous ceux de Miss Scatcherd et la tyrannie du directeur, le Révérend Carus Wilson, sous ceux de l'odieux et suffisant M. Brocklehurst.
20
+
21
+ Charlotte se retrouve alors l'aînée des quatre enfants survivants. Les autres sont Branwell, Emily et Anne. Désormais, les enfants seront élevés par leur tante maternelle Elizabeth Branwell, figure un peu mystérieuse qui n'aura pas une grande influence sur Charlotte et Emily. Mais surtout, une véritable symbiose littéraire et familiale va se créer entre les enfants.
22
+
23
+ En effet, stimulés par la lecture du Blackwood's Magazine que reçoit leur père, Charlotte et Branwell entament avec Emily et Anne une collaboration littéraire intense autour d'un pays imaginaire, la confédération de Glass Town, créant une quantité fabuleuse de récits, de pièces de théâtre, de journaux, de poèmes écrits en caractères minuscules. Ils peuplent ce monde d'une foule de personnages, tels que le comte de Northangerland (le cruel et perfide Alexander Rogue), ou le grand peintre Sir Edward de Lisle. C'est l'occasion pour les quatre enfants d'échanges d'idées et de connaissances intenses, et d'une stimulante rivalité intellectuelle.
24
+
25
+ Puis Charlotte est envoyée une nouvelle fois en pension, en 1831, mais cette fois dans un établissement de qualité, chez Miss Wooler, où elle nouera deux amitiés durables, avec Ellen Nussey et Mary Taylor.
26
+
27
+ L'entrée dans la vie professionnelle est difficile. Hantée par le besoin d'écrire, elle parvient à peine à remplir ses fonctions d'institutrice dans son ancien pensionnat, puis de gouvernante chez des particuliers.
28
+
29
+ Des tentatives de contact avec d'autres écrivains, notamment Robert Southey qui lui déconseille l'écriture parce qu'elle est une femme, ne portent guère de fruits.
30
+
31
+ Avec en tête l'idée de créer son propre pensionnat de jeunes filles, elle décide de partir à l'étranger pour parfaire ses connaissances linguistiques. En 1842, elle se rend à Bruxelles, en compagnie de sa sœur Emily, au Pensionnat Héger dans le quartier Royal, dirigé par Mme Héger. Elle commence à subir l'ascendant du mari de celle-ci, Constantin Héger, érudit et pédagogue remarquable, qui n'a que sept ans de plus qu'elle. La mort de leur tante contraint les deux sœurs à rentrer à Haworth, où Emily décide de se fixer définitivement. Charlotte retourne chez les Héger, qui lui ont proposé un poste d'enseignante d'anglais dans leur établissement. De plus en plus obsédée par M. Héger, elle connaît une crise psychologique grave, et décide de retourner au Royaume-Uni. De Haworth, elle écrira des lettres passionnées à son « maître », qui, après un ou deux échanges, décide de cesser la correspondance. Il faudra à Charlotte de longs mois pour s'en remettre.
32
+
33
+ Un jour, en 1845, Charlotte découvre par hasard des textes d'Emily. Éblouie par leur qualité, elle propose à ses sœurs de publier un volume collectif qui paraîtra sous le titre Poems by Currer, Ellis and Acton Bell (1846). Les trois sœurs se mettent alors à des romans. Ceux d'Anne et Emily, Agnes Grey et Les Hauts de Hurlevent (Wuthering Heights), sont acceptés par un éditeur, mais non le récit de Charlotte, The Professor. En revanche, son deuxième roman, Jane Eyre, publié en 1847 sous le pseudonyme de Currer Bell, fait sensation. Héritier de la tradition du roman gothique, ce récit à la première personne scandalise certains par l'affirmation de soi et la détermination de l'héroïne - on est en pleine époque victorienne - mais son style somptueux, à la fois passionné et parfaitement maîtrisé, en fera un immense best-seller. Elle entame alors un troisième roman, Shirley.
34
+
35
+ Entre-temps, son frère Branwell est devenu alcoolique et opiomane, addictions qu'une déception amoureuse ne fait qu'aggraver, et meurt de tuberculose en septembre 1848. Emily décède aussi quelques semaines plus tard, en décembre de la même année, après avoir pris froid et refusé de se soigner. Moins rétive aux soins, Anne ne tardera pourtant pas à mourir de la même maladie en mai 1849.
36
+
37
+ Commence alors une période de calvaire pour Charlotte. Elle termine tant bien que mal Shirley tout en luttant contre une dépression atroce. Ses horizons s'élargissent néanmoins à présent qu'elle n'est plus tenue de respecter l'anonymat qu'elle avait juré à Emily. Soutenue par son éditeur George Smith, elle fait la connaissance du Tout-Londres littéraire et noue de solides amitiés avec ses pairs, notamment sa future biographe Elizabeth Gaskell.
38
+
39
+ Shirley a souffert des conditions dans lesquelles il a été écrit. Les deux héroïnes se transforment en portraits idéalisés des sœurs de Charlotte, et le récit ne cesse de vaciller entre le réalisme social et un romantisme aussi échevelé mais beaucoup moins convaincant que celui de Jane Eyre. Charlotte retrouve une veine plus conforme à son talent avec Villette, publié en 1853, fondé sur ses expériences bruxelloises et considéré par certains comme son chef-d'œuvre.
40
+
41
+ C'est vers cette époque que le vicaire (son gouverneur) de son père, Arthur Bell Nicholls, se déclare et la demande en mariage. M. Brontë s'y oppose violemment. Nicholls persiste et obtient, au bout de longs mois d'épreuves, de vexations et d'exil, gain de cause ; Charlotte et lui se marient en 1854 et connaissent un grand bonheur conjugal. De cette époque, il reste des brouillons qui témoignent que Charlotte cherchait un autre sujet de roman.
42
+
43
+ Le 31 mars 1855, Charlotte tombe malade et meurt à 38 ans. De nombreuses hypothèses ont été avancées quant aux causes exactes de sa mort : tuberculose, typhoïde ou gastro-entérite, et n'ont jamais été déterminées. Il semble certain, par les vomissements incoercibles qui l'affectaient, qu'elle était enceinte.
44
+
45
+ Dès l'enfance, Charlotte, comme Emily et probablement plus fortement Branwell, est influencée par certaines sources d'inspiration : le Blackwood's Magazine, que leur lit régulièrement leur père, revêt une importance toute particulière, en alimentant non seulement leur connaissance des événements du monde, mais aussi leur imagination : ainsi, la carte de l'Afrique qui y est publiée en juillet 1831 ne les laisse pas indifférents, car elle matérialise, en quelque sorte, leur monde de Glass Town, qu'ils ont situé en Afrique de l'ouest[6].
46
+
47
+ Ce même Blackwood's Magazine leur fait goûter cet aliment précieux que sont les contes gothiques, devenus si populaires mais déjà sur le déclin. Toujours est-il que ces contes inspirent à Emily ses premiers poèmes de Gondal.
48
+
49
+ C'est toujours dans le Blackwood's Magazine que Charlotte, son frère et ses sœurs découvrent la personne de Byron, en août 1825, avec une revue des « Derniers Jours de Lord Byron » (Last Days of Lord Byron), mort l'année précédente. Dès ce moment, le nom de Byron « devint synonyme de toutes les interdictions et de toutes les audaces », comme s'il suscitait par essence la levée des inhibitions[7].
50
+
51
+ Dans le domaine artistique, le peintre John Martin exerce également une impression forte sur l'imagination des enfants Brontë. En effet, trois gravures d'œuvres de John Martin, datant toutes des années 1820, ornent les murs du presbytère de Haworth : une manière noire, Le Festin de Balthazar (Belshazzar's Feast), Le Déluge, et Josué commandant au soleil de s'arrêter[8].
52
+
53
+ Charlotte comme Branwell réalisent d'ailleurs des copies des œuvres de John Martin.
54
+
55
+ Enfin, Charlotte était une fervente admiratrice de Walter Scott, dont elle a dit en 1834 : « Pour ce qui est de la fiction, lisez Walter Scott et lui seul ; tous les romans après les siens sont sans valeur[9] ».
56
+
57
+ À l'automne de 1845, alors qu'elle est seule dans la salle à manger, le regard de Charlotte Brontë se porte sur un carnet resté ouvert dans le tiroir du pupitre portatif d'Emily et « of my sister Emily's handwriting » (« de l'écriture de ma sœur Emily »). Et elle lit, éblouie par la profondeur et la beauté de poèmes qu'elle ne connaît pas.
58
+
59
+ Ce dont Charlotte veut désormais convaincre Emily, c'est que ses poèmes méritent d'être rendus publics. Elle envisage une publication conjointe des trois sœurs. Anne se laisse facilement gagner au projet et c'est aussitôt l'émulation. On montre, on compare, on fait quelques modifications[10]. Une fois les manuscrits sélectionnés, vingt-et-un pour Anne et autant pour Emily, dix-neuf pour elle, Charlotte se met en quête d'un éditeur ; elle prend conseil auprès de William et Robert Chambers d'Édimbourg, responsables de l'une de leurs revues préférées, le « Chambers's Edinburgh Journal ».
60
+
61
+ On pense, mais nul document n'est conservé, qu'ils conseillent de s'adresser à Aylott & Jones. Cette petite maison d'édition du 8, Paternoster Row, Londres, fait savoir son acceptation mais à compte d'auteur, tant le risque commercial lui semble grand[11]. L'ouvrage paraît donc en 1846 sous des pseudonymes masculins, Currer (pour Charlotte), Ellis[12](pour Emily) et Acton (pour Anne) Bell. Ce sont des prénoms fort peu courants, mais les initiales de chacune des sœurs sont respectées et le patronyme a peut-être été inspiré par celui du vicaire de la paroisse, Arthur Bell Nicholls.
62
+
63
+ Charlotte a écrit quatre romans :
64
+
65
+ Il s'agit d'ébauches incomplètes et non révisées, qui, à l'exception d'Emma (voir-ci-dessous), ont été publiées très récemment.
66
+
67
+ (Poème choisi pour sa relation avec l'actualité de 1849, la mort d'Anne, après celles de Branwell et d'Emily)
68
+
69
+ On the Death of Anne Brontë[18].
70
+
71
+ There's little joy in life for me,
72
+ And little terror on the grave;
73
+ I've lived the parting hour to see
74
+ Of one I would have died to save.
75
+
76
+ Calmly to watch the failing breath,
77
+ Wishing each sigh might be the last;
78
+ Longing to see the shade of death
79
+ O'er those beloved features cast.
80
+
81
+ The cloud, the stillness that must part
82
+ The darling of my life from me;
83
+ And then to thank God from my heart,
84
+ To thank Him well and fervently;
85
+
86
+ Although I knew that we had lost
87
+ The hope and glory of our life;
88
+ And now, benighted, tempest-tossed,
89
+ Must bear alone the weary strife.
90
+
91
+ Sur la mort d'Anne Brontë
92
+
93
+ Peu de joie dans ma vie demeure
94
+ Et peu de terreur sur la tombe ;
95
+ J'ai vécu l'heure de l'adieu ultime
96
+ De celle pour qui ma vie j'aurais donnée.
97
+
98
+ À contempler calmement le souffle s'épuiser,
99
+ Prier que chaque soupir pût être le dernier ;
100
+ Languir de voir enfin l'ombre de la mort
101
+ Recouvrir les traits de ce visage aimé,
102
+
103
+ Le voile, la fixité me ravir de force
104
+ Celle que j'ai tant chérie ;
105
+ Puis de remercier Dieu de tout cœur,
106
+ Le remercier de toute ma ferveur ;
107
+
108
+ Bien que sachant que nous avions perdu
109
+ L'espoir et la lumière de notre vie ;
110
+ Maintenant que nous secoue la tempête
111
+ Seule et lasse, nous lutterons dans la nuit.
112
+
113
+
114
+
115
+ Jane Eyre a inspiré de nombreux cinéastes :
116
+
117
+ La télévision aussi a connu plusieurs adaptations, en particulier :
118
+
119
+ Jane Eyre a inspiré l'uchronie "l'affaire Jane Eyre" écrit par Jasper Fforde, histoire dans laquelle l'héroïne, Thursday Next, pénètre les romans et les protège des modifications induites par toute une série de bestioles (les grammasites) ou du vol de manuscrit.
120
+
121
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/999.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,70 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+ Si vous disposez d'ouvrages ou d'articles de référence ou si vous connaissez des sites web de qualité traitant du thème abordé ici, merci de compléter l'article en donnant les références utiles à sa vérifiabilité et en les liant à la section « Notes et références »
2
+
3
+ En pratique : Quelles sources sont attendues ? Comment ajouter mes sources ?
4
+
5
+ La charrue est un instrument aratoire utilisé en agriculture pour labourer les champs.
6
+
7
+ L'étude des noms que portent la charrue et l'araire dans les dialectes germaniques et slaves permet d'assurer que la charrue était suffisamment connue pour posséder son nom particulier en Europe Centrale entre le Ve et le Xe siècle[1].
8
+
9
+ Elle s'est plus largement répandue en Europe lors de la révolution agricole du Moyen Âge (Xe-XIIIe siècle), où son utilisation, conjointement à celle du fumier, a permis d'augmenter la productivité agricole[citation nécessaire]. La charrue se distingue de l'araire par le fait qu'elle est munie d'un versoir qui rejette la terre d'un seul côté (travail dissymétrique), et retourne ainsi la terre, au lieu de simplement la scarifier.
10
+
11
+ Le labour permet d'ameublir la terre et de la préparer à recevoir le semis. Il permet d'enfouir également les résidus des cultures précédentes, les mauvaises herbes, le fumier, et accélère la minéralisation de la matière organique en faisant augmenter la température du sol.
12
+
13
+ Les charrues modernes, mues par des tracteurs de plus en plus puissants, peuvent comporter de nombreux socs travaillant en parallèle.
14
+
15
+ Une charrue est un instrument aratoire dissymétrique, disposant d’un attelage, utilisé pour un travail du sol profond appelé labour[2]. Les principales pièces, utiles au travail, composantes de cet outil sont : le soc et le versoir, auquel peut s’ajouter un coutre et une rasette. L’action de la charrue est de découper une tranche de terre et de la retourner sur un côté de l’axe de l’action du fait de son versoir[3].
16
+
17
+ Étymologiquement, c'est l'avant-train d'attelage, une sorte de charriot, qui est à l'origine du mot « charrue ». Il est cependant absent sur les charrues portées.
18
+
19
+ En 1955, la charrue a été définie comme un outil aratoire à structure dissymétrique. Depuis, c'est cette caractéristique qui la distingue de l'araire qui est un outil aratoire à structure symétrique[4]. Ce point implique qu'historiquement la charrue n'est pas une évolution de l'araire mais différentiation pour un outil spécifique utilisé pour des labours dans un type de terres particulières[5].
20
+
21
+ Cependant l'anthropologue Pierre Reignez (CNRS) constate qu'étant donné la rareté des pièces archéologiques et des représentations iconographiques, il n'est pas possible de réaliser une typologie des instruments aratoires avant le XVIIIe siècle; tous les socs retrouvés sont de type symétrique et la conservation d'éventuels versoirs en bois parfois renforcés de minces tôles de fer est insuffisante pour permettre leur caractérisation; il envisage de plus que certaines araires aient pu être employées pour fournir un travail dissymétrique, par exemple en les forçant à travailler en biais[6] ou en les munissant d'une reille orientable[7].
22
+
23
+ Il est difficile de faire la différence entre araire et charrue dans l'œuvre d'Olivier de Serres qui a scrupuleusement observé les pratiques françaises. Il constate que chaque petite région avait son type d'instrument aratoire susceptible d'être modifié selon les besoins. Il en résultait une extrême diversité[6].
24
+
25
+ L'araire est typiquement utilisée dans les zones méditerranéennes ou semi-arides et travaille à 10 cm de profondeur[8]. On effectue plusieurs passages éventuellement croisés. La charrue est apparue pour exploiter les sols à climat océanique où l'humidité et la végétation indésirable pouvaient poser des problèmes insurmontables et pour enfouir le fumier. La profondeur de travail varie le plus souvent de 15 à 30 cm.
26
+
27
+ Les éléments essentiels d'une charrue sont à peu près les mêmes que ceux de l'araire : age, sep et mancherons. Mais l'ajout d'autres pièces entraîne d'importantes modifications : c'est d'abord l'avant-train, muni de roues de dimensions souvent inégales pour permettre à la charrue de garder sa stabilité lors du labour (une roue passe sur la terre non encore travaillée, l'autre au fond de la raie précédemment tracée). Autre élément nouveau par rapport à l'araire, le coutre, lame de fer destinée à découper la motte de terre, qui sera ensuite soulevée par le soc et renversée par le versoir. La charrue, beaucoup plus lourde que l'araire, nécessite la présence de deux mancherons pour assurer une meilleure conduite par le laboureur. L'age devient un axe très long sur lequel sont fixées toutes les pièces travaillantes. Soc et versoir sont dans le prolongement l'un de l'autre, formant parfois une seule pièce reliée à l'age par les étançons et située sur le côté de celui-ci (n'oublions pas que le principe du labour à la charrue repose sur la dissymétrie).
28
+
29
+ En sa forme primitive, la charrue simple est parfaitement adaptée au labour en billons et à sa variante la plus fréquente, le labour en planches. En effet, si la charrue n'est pas réversible, le laboureur est obligé d'alterner les passages de chaque côté du premier sillon; le trajet en fourrière s'allonge donc à chaque sillon dans le cas de travail en adossant. Le principe de ce labour est simple : une fois que la charrue a terminé sa première raie et qu'elle effectue le trajet en sens inverse, le versoir, qui se trouve orienté vers le sillon de terre soulevée par le premier passage, rejette à nouveau la terre sur celui-ci. Ce type de labour qui laisse une rigole à chaque reprise de billon est excellent dans les sols humides, dont il facilite le drainage. Par contre, il n'est guère nécessaire en pays méditerranéen où on lui préfère le « labour à plat » : pour cela on peut modifier l'orientation du soc et du versoir de façon à renverser la terre toujours dans la même direction (on dit qu'on adosse toujours du même côté). S'il était facile de modifier l'inclinaison d'un araire, muni de deux oreilles symétriques à l'axe, la chose se complique avec une charrue. Mais très vite sont nés des instruments de type tourne-oreille qui ont permis de simplifier la tâche du laboureur : l'oreille y est un versoir mobile, que l'on fixe alternativement d'un côté et de l'autre de l'age chaque fois que la charrue arrive à l'extrémité de la raie.
30
+
31
+ Ces modifications étaient fastidieuses, aussi dès qu'on a pu disposer d'équipages de trait suffisamment robustes, on a rajouté à la charrue un second ensemble soc-versoir-coutre orienté différemment; il suffit alors de basculer la charrue pour amorcer le sillon suivant[8]. La charrue en est notablement alourdie, ce qui améliore sa tenue dans le sol. La charrue reste dite monocorps (un seul corps travaille à un moment donné).
32
+
33
+ Il existe plusieurs dispositions : balance, quart-de-tour, Brabant, ...) suivant le type de pivotement[2]. On a fabriqué ensuite des charrues réversibles à plusieurs corps.
34
+
35
+ Le labour à plat s'est imposé dans toutes les régions du monde avec les grandes cultures industrielles ; il laisse en effet de grandes surfaces uniformes jugées idéales pour l'utilisation de matériel de forte puissance.
36
+
37
+ Charrue-balance multisocs (1921), elle était tirée par un treuil actionné par une locomobile placée en bout de sillon avec un poulie de renvoi à l'autre bout. La charrue basculait automatiquement en repartant en sens inverse.
38
+
39
+ Première Guerre mondiale. Des landgirls effectuent un labour traditionnel en planches, Royaume-uni, 1914. Remarquer la puissance des chevaux de labour.
40
+
41
+ Première Guerre mondiale. La motorisation.
42
+
43
+ Ancienne charrue Brabant, dans une cour de ferme en Suisse, 2019.
44
+
45
+ Charrue réversible à quatre corps type Brabant à coutres circulaires portée sur relevage trois points.
46
+
47
+ La particularité de cette charrue, exposée au Compa, conservatoire de l'Agriculture, à Chartres, est de présenter un réglage du labour en hauteur et en largeur, réglage qui se fait en conduisant et non en l'arrêtant. Cette charrue mise au point par Vincent Charlemagne Pluchet en 1829, sera utilisée dans les fermes du plateau de Trappes jusqu'à l'arrivée des tracteurs dans les années 1950 [9].
48
+
49
+ D'amélioration en amélioration, et toujours pour faciliter le labour à plat, on allait arriver à la charrue Brabant double. L'instrument est composé de deux corps de charrue superposés que le cultivateur, à l'aide d'une poignée, fait pivoter de 180° ou de 90° (cas du brabant dit 1/4 de tour) autour de l'axe quand il arrive à l'extrémité des raies. On se retrouve donc avec deux coutres, deux socs et deux versoirs, auxquels on a même ajouté deux rasettes placées en avant des coutres. Les rasettes qui comportent un petit soc et un petit versoir travaillent moins profondément en scalpant une partie de la couche supérieure du sol et en la rejetant au fond de la raie précédente avant passage du corps principal de charrue ; la surface du guéret est alors (en principe) exempte de débris végétaux sur toute sa largeur, ce qui facilite le hersage et le semis et minimise les levées d'adventices. L'avant-train automatique avec régulateur entraîne la suppression des mancherons, réduits le plus souvent à de simples poignées.
50
+
51
+ La charrue à versoir (parfois improprement dénommée « charrue à soc »[10]) actuelle est fabriquée en acier et composée d'un bâti qui comprend les pièces de liaison et le système d'attelage et d'un ou plusieurs corps de labour qui rassemblent les pièces travaillantes.
52
+
53
+ Soc et versoir sont fixés solidairement sur une pièce horizontale, le sep, elle-même fixée sur l'étançon. Le sep peut être doté d'un contre-sep, pièce d'usure frottant contre la muraille.
54
+ À l'extrémité du sep du dernier corps de labour, se trouve le talon dont le réglage permet de maintenir l'horizontalité du bâti de la charrue.
55
+
56
+ Les charrues modernes sont le plus souvent réversibles : lorsqu'on a creusé un sillon dans un sens et qu'on va parcourir le champ dans l'autre, il est nécessaire que la terre reste déportée dans la même direction que celle du sillon précédent, et donc cette fois-ci dans le sens inverse par rapport à la marche. De telles charrues réversibles sont visibles au Musée des Arts et Métiers de Paris.
57
+
58
+ Ces charrues souvent monosoc sont généralement constituées d'un corps surdimensionné permettant de travailler à 40 cm de profondeur. On les utilise éventuellement pour casser une semelle de labour ou pour ameublir en profondeur une terre destinée à recevoir des plantations telles que vigne ou verger[12]. Ces charrues ont d'abord existé sous la forme de charrues-balance tractées au treuil par des locomobiles.
59
+
60
+ Ces charrues mélangent la matière organique sur toute la hauteur du profil travaillé à la différence d'une charrue à versoir et rasette. Cela peut être considéré comme un avantage du point de vue agronomique mais peut compliquer le semis.
61
+
62
+ La charrue à disques est essentiellement constituée d'un ou plusieurs disques tournants. Le disque remplace l'ensemble soc, versoir, coutre; il ressemble à un disque de déchaumeuse en plus robuste. Ce système a l'avantage de la simplicité mais est plus difficile à régler. Elle fonctionne bien en condition difficile mais enfouit mal les déchets verts. Elle reste peu utilisée[2].
63
+
64
+ La charrue-bêche ou machine à bécher repose sur le principe, très différent du soc, d'un ensemble de pelles-bêches animées par la prise de force d'un tracteur. Elle a l'avantage sur la charrue ordinaire d'éviter la formation de semelles de labour. C'est cependant un outil complexe plus fragile et demandant plus d'entretien[13].
65
+
66
+ La charrue-chisel ou chisel est un cultivateur lourd équipé de puissants socs verticaux. Elle ne retourne pas la terre. Certains modèles peuvent briser une semelle de labour[8].
67
+
68
+ La charrue rotative est un appareil dérivé de la houe rotative ou rotoculteur (rotavator). Les socs tournants (lames coudées simples montées sur un axe horizontal) du rotavator sont remplacés par des socs dont la forme peut rappeler une bêche et la vitesse de rotation est généralement inférieure. Elle demande plus de puissance qu'une charrue bêche mais est plus simple. Elle est utilisée en maraîchage et jardinage (montée sur motoculteur) et pour la culture en rizières[8].
69
+
70
+ Sur les autres projets Wikimedia :
frsimple/1.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,11 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+ ABBA est un groupe de musique suédois des années 1970 et du début des années 1980, dont on réentend parfois les tubes. Il était composé de :
2
+
3
+ Le groupe est né en 1966 avec la rencontre des deux « B » qui, en 1969, ont été rejoints par les deux « A ».
4
+
5
+ En 1970, ils ont créé le groupe Festfolk (sur fond d'histoires d'amour liant chaque A à un B). En 1973, ils ont participé au concours de l'Eurovision et, en 1974, s'y sont représentés en le gagnant avec la chanson Waterloo et leur nouveau nom : ABBA...
6
+
7
+ De grands succès internationaux ont suivi (aussi bien en Europe qu'aux États-Unis), surtout à partir de 1976. Mais en 1982, le groupe s'est séparé, chacun envisageant des carrières en solo.
8
+
9
+ Depuis 1990, leurs anciens succès sont régulièrement relancés.
10
+
11
+ ABBA est à l'origine de très grands tubes, comme par exemple :
frsimple/10.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,36 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+ L'esclavage est la condition de personnes, en général de travailleurs, qui « appartiennent » à quelqu'un (le maître), et qui doivent lui obéir en tout. C'est donc un état de soumission.
2
+
3
+ Un esclave est considéré comme un bien qui peut être vendu ou acheté, comme un objet. Sa nature humaine est donc niée ; dans les sociétés dans lesquelles l'esclavage se pratique, les esclaves ont des droits très inférieurs aux autres. Un esclave qui s'était libéré en s'évadant était appelé marron tandis qu'un esclave qui a été libéré par son maitre était appelé affranchi. De plus, ils sont souvent capturés illégalement dans certaines régions, ou sont eux-mêmes nés de mères esclaves .
4
+
5
+ L'esclavage a été très répandu pendant l'Antiquité, en particulier, dans l'Egypte antique, dans la Grèce antique et dans la Rome antique. Pendant les guerres, beaucoup de soldats ennemis ou de simples habitants faits prisonniers devenaient esclaves.
6
+
7
+ Il existait encore dans certaines régions de l'Europe au début du Moyen Âge avant d'être peu à peu remplacé par le servage. Il était pratiqué dans les civilisations arabo-musulmanes avant qu'apparaisse l'Islam qui le réglementa . Et après les conquêtes musulmanes des VIIe et VIIIe siècles, s'est développée la Traite orientale, un trafic d'esclaves à travers l'Océan Indien. La Traite transsaharienne, un trafic d'esclaves à travers le désert du Sahara, existait déjà depuis des millénaires.
8
+
9
+ Il s'est ensuite développé à nouveau à grande échelle sur le continent américain où l'esclavage existait déjà chez les Aztèques et d'autres peuples ainsi qu'aux Caraïbes : il a été appliqué aux populations locales (les Amérindiens), puis surtout à des Africains ; dans le cadre du commerce triangulaire, ils étaient déportés en grand nombre, sur des bateaux spéciaux appelés "Négriers", pour travailler comme esclaves dans les plantations, après les avoir généralement achetés à des Maîtres d'esclaves Africains, du XVIe au début du XIXe siècle.
10
+
11
+ Dans les Antilles, les enfants à partir de 8 ans devaient quitter leurs parents. Les parents ne vivaient pas ensemble. Les bébés vivaient avec les mères.
12
+
13
+ L'esclavage a également existé dans plusieurs régions du monde de façon variée et plus ou moins dure pour les esclaves ou personnes dans une situation très proche de l'esclavage.
14
+
15
+ En Europe, l'esclavage a été aboli par plusieurs traités ou décrets à partir du XVIIIe siècle (le premier pays fut le Portugal en 1761). Ces traités trouvèrent leur origine dans une réflexion sur le droit naturel, menée par les premiers philosophes libéraux.
16
+
17
+ En France, l'égalité entre les hommes fut affirmée dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 :
18
+ Article Premier : Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
19
+
20
+ Mais l'esclavage n'a pas été aboli tout de suite, une grande révolte d'esclaves éclata en 1791 dans la colonie de Saint-Domingue, c'est le début de la révolution haïtienne. Cela persuade le gouverneur de la colonie d'abolir l'esclavage en 1793, et la Convention décide de proclamer son abolition en principe dans toutes les colonies françaises en 1794 mais Napoléon le rétablit en 1802 : pour ne pas perdre le soutien des planteurs contre les Anglais qui s'étaient ralliés à eux à la Martinique, il les aida à mater les révoltes d'esclaves. Mais il échoua en Haïti qui devint indépendante en 1804.
21
+
22
+ Les Anglais cessèrent la traite des Noirs en 1807 et libérèrent les esclaves de leurs colonies en 1833.
23
+
24
+ Finalement, en France, c'est seulement en 1848, à la demande de Victor Schoelcher, que fut décidée l'abolition de l'esclavage dans toutes les possessions coloniales françaises. On indemnisa les propriétaires d'esclaves.
25
+
26
+ L'esclavage a été aboli aux États-Unis entre 1863 et 1865, après la guerre de Sécession. Jusque-là, il était d'usage courant dans les États du Sud (avant chaque État des États-Unis avait le droit de l'autoriser ou de l'interdire, le premier a été la Pennsylvanie en 1780), le Texas, la Louisiane, par exemple, où les Afro-américains vivaient comme esclaves dans les plantations. Même libérés de l'esclavage, ils continuèrent longtemps à vivre sous la dépendance des propriétaires Blancs qui les faisaient travailler.
27
+
28
+ La reconnaissance de l'égalité des droits fut un long combat qui dura presque un siècle.
29
+
30
+ En Mauritanie, l'esclavage n'a été officiellement aboli qu'en 1980.
31
+
32
+ Bien qu'il ne soit plus autorisé par aucun pays, l'esclavage existe cependant encore aujourd'hui dans le monde, et on l'appelle alors l'esclavage moderne, souvent utilisé dans les travaux clandestins (domestiques, travail d'enfant...). C'est lorsque des personnes (dont des enfants) doivent travailler sous les ordres d'autres individus, sans qu'on leur permette de quitter ce travail.
33
+
34
+ Une des principales causes de l'esclavage moderne est la pauvreté qui conduit des personnes à s'engager ou à engager leurs enfants à travailler pour de longues durées, ou même sans savoir quand ils seront libres. Comme l'esclavage est illégal, un fonctionnement fréquent est que les maîtres s’appuient sur des règles ou des façons de compter abusives, par lesquelles ils prétendent que leurs ouvriers leur doivent toujours de l'argent, et doivent le leur rembourser par leur travail.
35
+
36
+ Des auteurs ont abordé le thème de l'esclavage dans leur œuvre :
frsimple/100.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,5 @@
 
 
 
 
 
 
1
+ L'AK-47 est un fusil d'assaut, soviétique (URSS), qui a été créé en 1947 par Mikhaïl Kalachnikov, d'où son surnom de « Kalachnikov ». Depuis, cette arme est constamment modernisée. Elle est notamment fabriquée dans les républiques de l'ex-URSS et d'autres pays alliés de l'ex-URSS.
2
+
3
+ En raison de son coût de fabrication bas et de sa solidité, la Kalachnikov est l'arme la plus utilisée et la plus vendue au monde. Elle est surtout utilisée par les groupes armés et les pays entretenant une armée avec un budget faible. Elle est aussi souvent utilisée par Al-Qaida et les groupes armés rebelles palestiniens.
4
+
5
+ L'arme existe en plusieurs variantes :
frsimple/1000.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,17 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+ La charrue est un instrument agricole qui sert à labourer la terre.
2
+
3
+ En Europe, elle apparaît au cours du Moyen Âge. La complexité de sa fabrication par le charron, un artisan qualifié, et la quantité importante du métal nécessaire en faisaient un outil cher. La charrue est munie de roues contrairement à son « ancêtre » l'araire.
4
+
5
+ Dans de multiples utilisations la charrue doit être tractée par un cheval, animal coûteux à entretenir. Elle est parfaitement adaptée au travail des terres lourdes et profondes.
6
+
7
+ À l'origine, la charrue est un assemblage de pièces de bois et de métal.
8
+
9
+ En bois :
10
+
11
+ En métal :
12
+
13
+ Associée au collier d'épaules pour les chevaux et au joug frontal pour les bœufs, la charrue a assuré la mise en valeur de nouvelles terres lors des grands défrichements du Moyen Âge.
14
+
15
+ La charrue normale, qui a été employée pendant des siècles, ne retourne la terre que d'un côté. Pour faire un nouveau sillon on doit revenir « à vide » au commencement du sillon précédent, ce qui est une perte de temps. La charrue brabant double, avec deux coutres et deux socs-versoirs, permet de creuser un nouveau sillon à chaque aller et retour dans la pièce de terre à labourer.
16
+
17
+ Aujourd'hui, la charrue est remplacée par des trains de plusieurs socs de labour, automatiquement retournés à chaque changement de direction. Ils creusent plusieurs sillons à la fois, mais ils doivent être tractés par des engins de très forte puissance.
frsimple/1001.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,11 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+ La chasse est l'action de poursuivre les animaux et de les tuer, généralement pour s'en nourrir. La chasse est aussi utilisée pour prendre aux animaux leur fourrure, os et aussi pour le plaisir. Une autre fonction de la chasse est de se débarrasser des bêtes dangereuses.
2
+
3
+ La chasse peut être un métier. Celui qui chasse s'appelle le chasseur.
4
+
5
+ Parfois, la chasse est illégale ; il s'agit alors de braconnage.
6
+
7
+ En France la chasse est légal durant une certaine période. Cependant on ne peut pas chasser n’importe quel animal.
8
+
9
+ L'homme a chassé au cours de la Préhistoire. Cette activité était, avec la cueillette, sa seule source de nourriture, puisque l'agriculture et l'élevage n'étaient pas encore inventés. Pour chasser efficacement, l'homme a dû collaborer avec d'autres hommes, former des parties de chasse, pour pouvoir attraper des bêtes dangereuses. Il a aussi domestiqué le loup, qui est alors devenu le chien, pour l'aider dans la chasse.
10
+
11
+ L'homme s'est fabriqué des armes pour chasser : javelot en bois à la pointe durcie au feu, puis contenant un silex taillé au bout, arc et flèches, boomerang, sarbacane, ... En se fabriquant des armes, la dextérité de l'homme a augmenté. Il est devenu capable de fabriquer de plus en plus d'objets de plus en plus difficiles à faire. Certains avaient un usage autre que pour la chasse. Certains même ne servaient qu'à décorer : colliers, statuettes...