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termith-1-archeologie
Le gisement de Regourdou (et non du Regourdou, Maureille et al. 2001) se situe sur la commune de Montignac en Dordogne (France). Il est localisé au sommet d'une colline, en rive gauche de la Vézère, où se trouve, un peu plus à l'Est, la grotte de Lascaux (fig. 1). Son altitude est de 205 m (la rivière, dans le village de Montignac, est à 60 m) et ses coordonnées ED50 sont 01°10'42,7” de longitude Est et 45°03'19,6” de latitude Nord. Le site, se traduisant actuellement par une vaste dépression de 23 m de long, 11 m de large et 4 m de profondeur au nord pour 6,7 m à l'aplomb du milieu de la paroi ouest (à proximité de la zone de la découverte de la sépulture; Harielle 1985), correspond à une ancienne cavité karstique dont le plafond et une partie des parois s'étaient presque totalement effondrés sur le remplissage sédimentaire. D'énormes blocs calcaires ont en effet été enlevés en 1960 lors de travaux réalisés sous la direction de l'un de nous (E. B.) pour accéder, sans danger, aux principaux faciès sédimentaires livrant du matériel archéologique et entreprendre la fouille d'une partie du gisement. Notons que cette dépression montre deux prolongements karstiques principaux vers le sud-sud-ouest sous la forme de galeries d'une vingtaine de mètres et deux autres plus discrets vers le nord-nord-ouest qui se dirigent vers le flanc de la colline regardant la vallée de la Vézère (Harielle 1985). Regourdou est un site mondialement connu qui se caractérise par plusieurs aspects. Il est un des rares gisements moustériens ayant livré les vestiges d'un squelette néandertalien assez bien conservé (mais sans calvarium) dans la couche 4, et plus précisément le “tumulus iv A” (Piveteau 1959, 1963; Bonifay et Vandermeersch 1962a, 1962b; Bonifay E. 1965a, 1965b; Bonifay E. 2002; Bonifay et al. 2007; Couture 2008) (fig.2). Une majorité de scientifiques s'accorde pour reconnaître la présence d'une sépulture moustérienne intentionnelle (par exemple Bonifay E. 1962; Leroi-Gourhan 1964; Otte 1993; Maureille et Vandermeersch 2007; Maureille et Tillier 2008). En fonction des vestiges fauniques mis au jour au sein du même faciès que celui livrant les restes humains (Bonifay E. 1965b; Bonifay M.F. 1989, 2008; Delpech 1996; Simard 1968) ce dernier se serait formé dans un environnement de type continental, peu humide et avec de forts écarts de température. Des tentatives de datations absolues sur dents animales ont échoué (Bonifay 2008). Regourdou se caractérise aussi par la présence de nombreux ours bruns appartenant à une population de petite taille (Bonifay M.F. 1989, 2008). L'origine de l'accumulation de ces vestiges d'ours bruns est en cours d'étude (Bonifay ibid ;Cavanhié 2007). (Photo Bernard Dupuy, collections MAAP, © Ville de Périgueux). (Picture Bernard Dupuy, MAAP collections, © Ville de Périgueux). En fonction de nos connaissances actuelles, la sépulture de Regourdou 1 pourrait être un des plus vieux, si ce n'est le plus vieux, dépôts funéraires moustériens d'Europe (Maureille et Vandermeersch ibid.; Turq et al. 2008). Toutefois, il convient d' être prudent, certaines sépultures néandertaliennes pouvant être rajeunies (Semal et al. 2009), y compris celle de Regourdou (Bonifay E. 2008). Selon A. Turq (comm. pers.), la couche 4 livre des vestiges lithiques attribuables à un Moustérien à débitage discoïde spécialisé dans la production de pointes pseudo-Levallois. La présence de racloirs à retouche scalariforme a pu faire penser à un Moustérien de type Quina (Bonifay E. 1965b) mais l'absence de débitage caractéristique de ce faciès (Bourguignon 1997; Turq 2000) interdit cette attribution (Bonifay E. 1965, 2002). L'absence, dans les collections que ce dernier a pu examiner, de micro-produits de débitage, est à souligner. Selon l'un de nous (E. B.), la cavité de Regourdou n'aurait jamais été un habitat en raison de la pauvreté des collections lithiques (Bonifay E. 2002) et des difficultés d'accès. Après avoir rappelé les circonstances particulières de la découverte des vestiges osseux de Regourdou 1 (Bonifay et al. 2007; Couture 2008), actuellement conservés dans les collections du Musée d'Art et d'Archéologie du Périgord (MAAP, Périgueux) et une partie de l'historiographie des fouilles programmées qui suivirent, nous présenterons les modalités des découvertes des nouveaux restes humains appartenant à ce même squelette. Puis, nous fournirons un inventaire de ces nouvelles pièces qui le complètent de façon significative, en particulier pour ce qui concerne les membres inférieurs. Notons que, lors de la rédaction de cette contribution, nous n'excluons pas la possibilité de trouver de nouveaux vestiges humains ou des fragments complétant certaines pièces que nous connaissons déjà. Enfin, rappelons qu'un talus d'un second individu adulte, Regourdou 2, a aussi été mis au jour dans ce gisement (Vandermeersch et Trinkaus 1995) dans une zone distincte de celle ayant livré la sépulture. C'est en mars 1954 que Roger Constant commença à dégager les sédiments colmatant entièrement un « puits », situé à proximité de la paroi nord-ouest de la dépression et à quelques mètres devant la porte d'entrée de sa maison. Selon l'un de nous (E. B.) ce puits aurait été, durant le Paléolithique moyen, le seul accès à une grotte (Bonifay et al. 2007). Après avoir dégagé cette cheminée karstique irrégulière, de 1,5 à 2,5 m de largeur, sur 5 à 6 mètres de profondeur, R. Constant creusa une galerie dans le remplissage et contre la paroi ouest de la grotte. Il suivait un niveau noirâtre, sableux et charbonneux, livrant des vestiges lithiques moustériens et des ossements de faune. C'est cette couche, la n° 4 selon la stratigraphie publiée du site (Bonifay E. 1965 a et b) qui livra, dans la nuit du 22 au 23 septembre 1957, les restes humains d'un jeune adulte néandertalien. Les circonstances exactes de cette découverte n'ont pas été établies avec certitude et semblent, pour partie, inaccessibles actuellement. Auraient été alors (au moins) présents lors de la découverte monsieur Vidal (du Moustier), monsieur et madame Antonietti, de Neuchâtel, messieurs Sautier (du Fonjal) et Salviat (du Moustier). Selon un document manuscrit de Fr. Bordes en date du 7 octobre 1957 (archives du Service régional de l'Archéologie d'Aquitaine), R. Constant aurait reçu, en 1956, l'autorisation de Fr. Bordes pour mener des fouilles dans le gisement (Roussot 2003). Mais selon l'un de nous (E. B.) la découverte aurait eu lieu en l'absence du propriétaire des lieux qui s'était retiré dans sa maison pour se reposer alors que les personnes travaillaient dans la cavité à la recherche de matériel archéologique (Bonifay et al. 2007). R. Constant constata la découverte de restes humains le matin du 23 septembre et en informa Fr. Bordes le jour même par lettre. Ce dernier était alors Directeur régional des Antiquités Préhistoriques de la circonscription de Bordeaux. Il se rendit sur le site en compagnie de l'un de nous (E. B.) le 25 septembre pour constater la découverte et prendre les dispositions qui s'imposaient (Bonifay et al. 2007). En fonction des circonstances très particulières de la découverte et des particularités du gisement, le tout ayant mis ou pouvant mettre en danger les restes humains encore en place, M. Prechet, Directeur général de l'Architecture décida d'interrompre les travaux menés par R. Constant et d'empêcher toute intrusion dans le gisement. Puis, sous la direction de Fr. Bordes, il fit pratiquer une fouille de sauvetage urgent (du 2 au 5 octobre inclus) qui fut confiée à E. Bonifay (avec l'aide partielle de G.Laplace le vendredi 4 octobre après-midi), en présence de M. Sarradet, alors Conservateur régional des Bâtiments de France à Périgueux et de certains représentants de R. Constant. L'objectif était de prélever les restes humains apparents et directement menacés en cas d'effondrement de la galerie (celle -ci étant en partie creusée dans des sédiments sableux recouverts par des blocs et blocailles calcaires). Cela nécessita l'intervention d'une entreprise spécialisée pour boiser cette galerie et l'édification d'un coffrage pour protéger la zone de la sépulture. L'effondrement se produisit néanmoins dès la fin de cette opération; après l'enlèvement des blocs et du sédiment effondré, un constat d'huissier fut dressé pour certifier que les ossements humains n'avaient pas souffert de cet accident (vendredi 4 octobre, à 10 heures 40 précisément). La fouille de sauvetage eut donc lieu du 2 octobre au 5 octobre 1957 en fin d'après-midi dans des circonstances très difficiles. Durant les quatre jours de la fouille, plusieurs tâches furent remplies : « nettoyer » la galerie par l'enlèvement des « déblais Constant » qui furent mis en dépôt afin d' être, par la suite, tamisés (en particulier pour la recherche de restes humains), prélever le matériel archéologique (ossements humains et animaux, industrie lithique) et le préparer pour le remettre pour étude aux spécialistes (ossements humains) ou à R. Constant. Nous tenons à souligner que des blocs rocheux numérotés - en particulier ceux provenant de la sépulture de la couche 4 - avaient été laissés en dépôt dans la maison de R. Constant. Ils sont actuellement introuvables. après cette fouille, certes limitée, reconstruire un solide coffrage pour protéger la zone dans l'attente de la reprise de la fouille. Puis, par décision administrative, un bâtiment sommaire fut construit sur l'entrée de la fouille avec apposition de scellés pour en interdire tout accès. Soulignons que pendant cette fouille de sauvetage, Fr. Bordes rédigea comme il se doit un « journal de fouille ». Il dressa aussi un plan sommaire portant l'emplacement du matériel numéroté. Une liste était associée à ce plan indiquant le numéro de l'objet et sa nature. Après le décès de Fr. Bordes, son épouse D. de Sonneville-Bordes remit à l'un de nous (E. B.) ce journal et ce plan qui sont toujours inédits. Malheureusement, la liste qui accompagnait ces documents n'a pas été retrouvée ou a disparu, ce qui nous prive de la possibilité de localiser une partie des pièces inventoriées (23 vestiges humains sur 63 objets numérotés). Au moment même de cette fouille “de sauvetage ”, les objets recueillis étaient marqués au crayon par Fr. Bordes (numéro correspondant à la liste) et enveloppés dans un papier. La fouille proprement dite eut lieu de 1960 à 1964. La campagne de 1960 a eu pour objectif l'enlèvement du toit rocheux de la grotte, complètement effondré sur le remplissage qui colmatait la cavité. Puis, annuellement, deux campagnes de fouilles de un à deux mois chacune furent réalisées sous la responsabilité de l'un de nous (E. B.) avec l'aide de deux d'entre nous (M.-F. B. et B. V.). M.-F. B. assurait le tri, le nettoyage et le marquage des objets extraits du gisement. Son attention s'est particulièrement portée sur les vestiges les plus complets pouvant lui servir dans le cadre de son analyse paléontologique. Réalisée dans des conditions très difficiles, dans une ambiance psychologique assez éprouvante (la campagne prévue en 1966 a du être reportée et n'a finalement jamais été réalisée, cf. Bonifay et al., 2007), la fouille de ce site n'a jamais été terminée mais elle a été menée avec les méthodes en usage à l'époque : décapage de grandes surfaces, relevés stratigraphiques, photographies, repérage des objets par coordonnées cartésiennes (un inventaire par carré, comme cela se faisait à cette époque, comportant : le numéro dans le carré, les coordonnées, la couche, la nature de l'objet, la nature du sédiment encaissant), relevé sur plan des blocs rocheux, tamisage des sédiments, journal de fouille. Notons que le système d'inventaire des objets par carré a aussi nécessité la création d'un autre listing, global à tout le gisement, avec, pour chaque objet, un nouveau numéro dit “d'inventaire général ”, le carré, le numéro dans le carré (dit « numéro de fouille »), la nature de l'objet, la couche, éventuellement la structure dans laquelle a été découvert l'objet, la nature du sédiment encaissant, le lieu de dépôt… Le numéro d'inventaire général n'a pas toujours été porté sur les objets, sauf pour les 63 premiers d'entre eux (donc ceux de la fouille de sauvetage 1957). Durant les quatre années de fouilles (1961-1964), une cinquantaine de mètres carrés ont été fouillés, sur une profondeur très variable, allant de 0,5 à 4 ou 5 mètres. Près de 4.600 objets ont été recueillis, coordonnés et inventoriés. De nombreux visiteurs, dont certains préhistoriens français et étrangers, ont visité le chantier. Rappelons que la stratigraphie a été décrite dans diverses publications (Bonifay E. 1962, 1965a et b, 2002, Bonifay et Vandermeersch, 1962, Bonifay et al., 2007). Nous avons déjà souligné que la sépulture humaine se trouvait dans la couche 4 qui fait partie de l'ensemble inférieur du remplissage sédimentaire que l'on rapporte à la première moitié de la dernière glaciation (Bonifay et al., 2007; Bonifay E. 2008). Selon l'un de nous (E. B.), il en serait de même pour le calcaneus Regourdou 2. Le matériel provenant de la fouille a eu principalement deux destinations : les ossements humains ont été remis à H.-V. Vallois (pour le corps et le manubrium du sternum) et à J. Piveteau pour le reste du squelette (Piveteau 1963, 1964, 1966; Vallois 1965; Vallois et de Félice 1976), le reste du matériel archéologique (faune, lithique) a été laissé chez R. Constant avant d' être transféré pour étude dans différents laboratoires. Ainsi, les ossements humains ont subi quelques déplacements puisqu'ils seraient allés de la Faculté des Sciences de Paris au Muséum National d'Histoire Naturelle puis au gisement de Regourdou (rappelons que J. Piveteau a ramené à R. Constant la mandibule humaine dès le 9 juillet 1962). Mais ce dernier les confia en mai 1978 (pour une raison que nous n'avons déterminée) au Musée de l'Homme (certaines pièces étaient aussi au Laboratoire d'Anthropologie de l'Université Bordeaux 1) avant d' être acquis par le MAAP en décembre 1984 (Fr. Soubeyran, discours du 15 septembre 2007). Au cours de ces nombreux déplacements et séjours, les ossements ont parfois été manipulés sans précaution. Ainsi, par exemple, l'axis a été détérioré lors d'une opération de moulage, son état actuel ne correspondant plus à celui décrit et photographié par J. Piveteau en 1966. Sur certaines pièces du squelette de Regourdou 1, présentées dans la salle d'exposition permanente du MAAP, un marquage à l'encre de chine est lisible. Nous avons inventorié 98 vestiges osseux (fig. 2) dont 74 sont marqués, soit 75 %. Au total, 55 pièces le sont avec une identification correspondant aux fouilles de 1957 mais seulement 22 ont un n° d'inventaire. Toutes les pièces mises au jour en 1957 n'ont donc pas été marquées, de plus les marquages sont parfois incomplets car sans numéro. Ainsi, par exemple, la mandibule de Regourdou 1 n'a aucun marquage : on sait cependant qu'elle correspond au n° 31 de l'inventaire. Mais le problème est un peu plus complexe puisque certaines pièces peuvent avoir le même numéro. Par exemple une côte, une vertèbre et un os de la main ont tous le n° 32. De plus, quelques objets ont aussi une double numérotation : par exemple, une phalange proximale de la main est inventoriée “Reg 1957 G Sep 35 Reg 18 “ce qui signifie peut-être n° 35 de la sépulture et n° 18 de la collection Regourdou, mais le n° 35 est également attribué à une vertèbre cervicale. Enfin il existe des marquages avec des mentions à des repères disparus depuis. Par exemple, sur le deuxième métacarpien gauche on peut lire “Reg Sep 1957 sur le bloc où était la p. (pour « partie » ?) droite de la Md “. Sur une côte droite nous lisons “Regourdou, sp. 1957, 58 par % axe, 32 du poteau “. Naturellement, nous n'oublions pas que certains marquages ont pu être effacés par exemple lors d'opérations de moulage ou de trop nombreuses manipulations. C'est peut-être le cas pour le sacrum qui mériterait d' être restauré. L'inventaire précis des pièces avec la mention du marquage encore accessible est fourni dans le tableau 1. Nous remarquons aussi que 19 éléments osseux ont un marquage et une numérotation liés aux fouilles 1961-1964 et que l'absence de n° d'inventaire sur les vestiges humains, toutes fouilles confondues, concerne 24 % de la collection. Les travaux de récolement des collections des musées de France, régis par l'article L. 451-2 du Code du Patrimoine, sont mis en œuvre selon un plan décennal programmé entre 2004 et 2014. Ainsi, le personnel scientifique et technique du Musée national de Préhistoire (MNP) est amené à passer en revue la totalité du matériel, inventorié ou non, présent dans ses collections. Certaines d'entre -elles, acquises récemment, n'ont pas encore fait l'objet d'un inventaire. Le récolement entrepris est donc l'occasion de mettre à jour ce travail, certes fastidieux, mais nécessaire. C'est dans ces circonstances que l'un d'entre nous (S.M.), chargé des collections fauniques au Musée national de Préhistoire, a débuté le récolement des ossements animaux du site de Regourdou en mai 2008. Ceux -ci proviennent en totalité de la collection acquise en 2002 et auparavant conservée à la Maison Méditerranéenne des Sciences de l'Homme d'Aix-en-Provence sous l'autorité scientifique de deux d'entre -nous (E. B. & M.-Fr. B.). La majorité de ces vestiges correspond à des restes d'ours étudiés par M.-Fr. Bonifay (Bonifay M.F 1989, 2008). Le complément est composé essentiellement de lagomorphes et de rongeurs plus quelques carnivores et herbivores beaucoup plus rares. Mais une partie du matériel fouillé est restée sur le site même, soit pour présentation en vitrines (principalement des échantillons d'ours et d'herbivores), soit stockée. Il s'y trouve entre autres tout ou partie des herbivores étudiés par Fr. Delpech (Delpech 1996). Soulignons qu'une thèse est actuellement en cours par l'un de nous (N.C.) sur l'ensemble des ossements de carnivores et d'herbivores du site. C'est donc en faisant le décompte et quelques tentatives de déterminations de pièces posant problème que S.M. a découvert en premier lieu le 21 mai 2008 une diaphyse fémorale droite dont la surface présente des atteintes pathologiques (hématomes calcifiés ?), taphonomiques (enlèvements et écrasements de matière, écaillures, rognages) et dont la restauration nuisait à sa reconnaissance taxinomique. Une fois exclues les éventuelles appartenances à l'Ours (brun, voire l'Ours des cavernes) et au Lion des cavernes (également présent sur le site), l'étude comparative assura à S.M. sa présomption : cette diaphyse fémorale est humaine, et, en fonction de ses caractères anatomiques, plutôt néandertalienne que moderne. Cette première détermination fut rapidement confirmée par B.M. d'autant qu'au fur et à mesure de l'avancée du récolement, et en redoublant de vigilance quant à la présence potentielle d'autres restes humains, une extrémité distale de tibia gauche fut isolée (dans la seconde quinzaine de mai), puis une patella droite le 30 mai en présence de B.M. L'étude comparative de cette pièce avec un moulage de la patella gauche, associée au squelette de Regourdou 1, mit en évidence leur symétrie. Quelques mois plus tard, le 15 octobre 2008 précisément, de nombreux ossements fragmentaires provenant d'un carton marqué « Faune sep.1957 » furent examinés de plus près et livrèrent à B.M. et S.M. une partie non négligeable de deux coxaux humains : six fragments appartenant au droit, trois au gauche, accompagnés d'une tubérosité ischiatique gauche non jointive. D'autres fragments présents dans ce carton pourront éventuellement encore recoller à ces coxaux (étant donné les cassures fraîches). A nouveau, on peut noter que ce fragment de tubérosité ischiatique est le symétrique de celui conservé dans les collections du MAAP avec le squelette de Regourdou 1. Le même jour, un autre portoir contenant des os qui n'avaient pas dû être triés et où se trouvaient regroupés plusieurs taxons mélangés (la plupart des vestiges étant indéterminables), livra à B.M. une tête de fémur humain droit, érodée et probablement rongée, ainsi qu'un fragment d'arc postérieur de vertèbre lombaire, alors que S.M. trouvait les deux tiers distaux d'une fibula gauche. Le 23 octobre, B.M. découvrit dans le carton marqué “Faune sep. 1957” un hamatum gauche humain, le symétrique de celui déjà connu, et des fragments de côtes probablement humaines (détermination en cours). Au début du mois de novembre, parmi des fragments de petites dimensions, S.M. isola une phalange moyenne de la main très proche de celle inventoriée “Reg 1957 Sep.D ”, une phalange moyenne du 5 ème rayon droit, et associée au squelette de Regourdou 1 dans les collections du MAAP. Ces découvertes revêtant une importance évidente, J.-J. Cleyet-Merle, directeur du Musée national de Préhistoire, décida la réunion d'une commission d'expertise mêlant anthropologues et paléontologues (tous les auteurs de cette contribution sauf N.C.) à laquelle assista aussi partiellement le Pr. M.-D. Garralda (Universidad Complutense de Madrid). Elle eut lieu le 1er décembre 2008 afin de discuter la diagnose anatomique et taxinomique de ces pièces et leur éventuelle appartenance à la sépulture de Regourdou 1. Cette commission confirma toutes les identifications réalisées par S.M. et B.M. Elle ne rejeta qu'un fragment de grande aile iliaque d'un coxal droit (provenant du carton “Faune sep. 1957 ”) qui avait été identifié comme celui d'un très grand ours brun mais qui méritait une attention très particulière tant la similitude avec la partie supérieure d'une aile iliaque humaine était forte. Cette analyse était d'autant plus légitime qu'un autre fragment d'aile iliaque de coxal (D3 15), mais peut-être gauche, devra être réexaminé tant il est difficile de proposer une hypothèse quant à son statut taxinomique même si l'organisation de son os spongieux, particulièrement dense avec des alvéoles très petites, ne semble pas plaider pour un fragment du bassin de Regourdou 1. Elle ne sera pas présentée dans les lignes qui suivent. Enfin, plus récemment, le 17 février 2009, deux d'entre nous (N.C. et S.M.) isolèrent, dans un portoir livrant essentiellement des vestiges indéterminés d'herbivores et de carnivores, un naviculaire droit humain consolidé et en très bon état de conservation. Photo et montage Philippe Jugie, collections et © MNP. Picture and realization Philippe Jugie, collections and © MNP. Il ressort de ce qui précède que les nouveaux ossements humains découverts pourraient provenir de plusieurs apports différents : des ossements récoltés par R. Constant avant septembre 1957. Le propriétaire du site les conservait chez lui, dans des cartons, en vrac, sans aucun inventaire. Cela représente des centaines d'objets. D'ailleurs, une partie de ceux -ci avait été déposée dans les vitrines du « musée de site » de Regourdou, parfois avec des faux (surtout pour le lithique), d'objets provenant d'autres gisements, ou des moulages de pièces originales de la collection de Regourdou. R. Constant écrivait parfois sur les vestiges provenant de son gisement « Regourdou » au crayon ou à l'encre, sans aucune autre mention; de la fouille de sauvetage de septembre 1957. Ces objets portaient la mention « Reg. » suivie d'un numéro compris entre 1 et 63 (ce même numéro a été conservé dans l'inventaire général et n'a pas été réutilisé). N'oublions pas que durant la nuit du 22 au 23 septembre 1957, voire peut-être auparavant, une partie de la sépulture avait été détruite, par exemple la zone où aurait pu se trouver le crâne. La mandibule, elle -même extraite de sa gangue sédimentaire, avait été cassée au niveau de l'intersection entre la base de la branche montante et le corps lors de sa découverte puis remise approximativement à sa place primitive (au moins la branche montante droite). Sur la figure 5 (Bonifay et al. 2007), il apparaît clairement que des cassures fraîches sont visibles sur un os long, probablement l'humérus droit et une vertèbre cervicale (la 3 e selon Piveteau 1966) cassée à l'extrémité de son processus épineux (cette pièce est marquée « Reg 1957 sep »); des campagnes de fouilles 1961-1964. Ces objets ont tous été marqués et portent donc les mentions du site « Reg. », du carré (une lettre et un numéro, D9 par exemple), et enfin, après un tiret, un numéro d'inventaire dans le carré de la mise au jour. M.-Fr. Bonifay, dans des conditions difficiles et sans aide, effectuait le nettoyage, le remontage et un premier tri de ce matériel tout en extrayant les ossements d'ours (Ursus arctos) les plus pertinents pour son étude (M.-F. Bonifay 1989, 2008); enfin, d'autres « récoltes » effectuées par R. Constant, puisque ce dernier aurait continué, après 1965, à fouiller illégalement dans le remplissage de la grotte et surtout au niveau de la bordure orientale de celle -ci. Ce matériel n'a jamais été observé par des spécialistes. Il est probable que ces objets n'ont jamais été inventoriés et nous ne savons pas s'ils ont été marqués. Nous n'allons pas détailler précisément ces pièces mais nous noterons certaines des caractéristiques qui nous assurent de leur appartenance soit au squelette de Regourdou 1 soit à la lignée néandertalienne. avec l'inscription sur un fragment d'aile iliaque “Regourdou sous le fémur “et inscription en partie effacée sur un fragment portant le bord supérieur de la grande échancrure ischiatique “Regourdou 1957 “. Sur le fragment de coxal droit, reconstitué (pour le moment) à partir de six fragments recollés, la cavité acétabulaire, la surface auriculaire et la grande incisure ischiatique sont assez bien conservées. On note de très nombreuses cassures fraîches et une excellente conservation de la structure trabéculaire de l'os spongieux. (pas d'inscription sur l'aile iliaque et “Reg. sous le fémur” sur la tubérosité ischiatique). Cet os est reconstitué à partir de trois fragments recollés. De même que sur l'os droit, la cavité acétabulaire est partiellement conservée. En revanche, la surface auriculaire est très bien préservée. La grande incisure ischiatique est également mieux conservée que sur le droit. A ce morceau de coxal gauche, on associe une tubérosité ischiatique gauche qui est similaire à celle connue, à droite, sur Regourdou 1. Notons enfin que ces deux os coxaux s'associent parfaitement au sacrum présent dans l'inventaire initial du squelette Regourdou 1. La diaphyse fémorale est assez bien conservée, elle est formée de deux fragments de longueur quasiment identique qui ont été collés et mal restaurés. Elle est de hauteur comparable aux autres diaphyses fémorales néandertaliennes et elle présente les courbures antéro-postérieure et médio-latérale caractéristiques des fémurs néandertaliens. Elle est de section arrondie et ne présente pas, sur sa face postérieure, le pilastre connu chez les Hommes de morphologie moderne. On souligne la présence de plusieurs hématomes calcifiés. La pièce montre aussi des traces de rognage par des carnivores et, collé à la diaphyse, du sédiment très noir avec des micro-charbons ce qui valide sa provenance de la couche 4. Sur l'épiphyse proximale du fémur droit (E2 - 69 sur la face antérieure et Reg 4B - 4050 sur la face inférieure du col) la tête est en partie présente mais très érodée sur son contour et dans sa masse, le col est bien préservé alors que la partie latérale est cassée en avant du grand trochanter, le petit trochanter étant absent. Le col est plutôt long, présentant une concentration de trous nourriciers sur sa face supérieure. La tête fémorale paraît assez volumineuse et très arrondie malgré son érosion. Comme cela a déjà été souligné chez les Néandertaliens, l'extrémité proximale paraît très massive relativement à la diaphyse sus-citée. Ce sont les fameuses extrémités en massue des Néandertaliens (Maureille 2007). Il s'agit d'une épiphyse distale assez complète avec, en particulier, une surface articulaire très bien conservée qui permet de vérifier la connexion avec le talus gauche et donc l'appartenance au squelette Regourdou 1. On note une facette d'accroupissement au niveau de la face antérieure et du bord avec la surface articulaire avec le talus. Un fragment de diaphyse a été recollé à la partie principale ce qui peut laisser augurer la découverte de fragments diaphysaires complémentaires d'autant que l'on souligne de nombreuses cassures fraîches. Malgré une très faible érosion sur son bord supérieur et son bord inférieur, cet os peut-être considéré comme complet. Sur sa face postérieure, les deux facettes articulaires sont semblables et il n'y a pas l'asymétrie relevée sur les patellas modernes (Trinkaus 2000). La fibula gauche est représentée par les deux tiers distaux de la diaphyse et l'épiphyse distale en très bon état de conservation. La diaphyse est constituée de 2 fragments qui ont été recollés. L'extrémité proximale de la diaphyse montre une cassure ancienne. Il est important de noter la très bonne conservation de la surface articulaire et la fosse de la malléole latérale qui permettra de reconstituer la chaîne articulaire tibia, fibula, talus (le talus gauche est en effet présent sur le squelette de Regourdou 1, fig. 2). Cet os est particulièrement bien conservé, avec des traces très discrètes d'érosion sur la face postérieure. Il se caractérise par ses dimensions importantes ainsi que la présence d'un tubercule médial très développé. Le talus droit étant présent sur Regourdou 1 (fig. 2), nous pourrons aussi tester la congruence articulaire entre la face articulaire postérieure du naviculaire et la face articulaire de la tête du talus. Rappelons toutefois que selon Villena y Mota (1997) cette articulation n'est pas la plus pertinente pour tester l'appartenance de deux os voisins par leurs dimensions à un même individu. L'hamatum gauche et une phalange moyenne complètent l'inventaire déjà connu, et un des plus complets, des os des mains droite et gauche. L'hamatum gauche (Reg N 51) est un peu érodé au niveau de ses crêtes osseuses (abrasion de tiroir ?) Il vient s'ajouter aux trois os gauches initialement présents : le scaphoïde, le triquetrum et le trapèze. Si les rangées carpienne et antibrachiale de la main restent incomplètes, la présence de l'hamatum permet de préciser les limites médiale et latérale du canal carpien. La phalange moyenne (F 287 Reg) est très bien conservée. Nous avons déjà souligné sa similitude avec celle placée actuellement au niveau du 5 e rayon de la main gauche de Regourdou 1. Nous pourrions donc être en présence de la phalange symétrique. Mais, il faut rester prudent avant de lui attribuer un côté et un rang même si, en fonction de l'état actuel des mains de Regourdou 1, nous sommes très probablement en présence d'un phalange moyenne de 4 e ou 5 e rayon. La pièce en l'état comprend les deux tiers de l'arc postérieur sauf le processus transverse gauche cassé. Le processus épineux est également cassé.. Il pourrait s'agir d'un arc de vertèbre de rang peu élevé, L2 ou L3. Notons la présence d'un collage au niveau du pédicule vertébral gauche, ce qui nous permet de supposer qu'une partie de cette vertèbre (probablement le corps ou une partie de ce dernier) reste à découvrir dans les collections de faune. Etant donné le marquage et la localisation précise par rapport à la sépulture déjà connue et aux secteurs de la fouille, il apparaît que certaines pièces proviennent des travaux effectués dans le gisement avant ou lors du 22 septembre 1957 (par exemple les fragments de coxaux et l'hamatum) alors que d'autres (les deux fragments de fémur, la patella, la fibula, l'extrémité de tibia, le fragment de vertèbre, le naviculaire et la phalange moyenne de la main) proviennent des fouilles de 1961 à 1964 (outre le marquage on peut souligner le traitement de consolidation, voire les collages). Enfin, ces derniers sont tous et toutes issus de la couche 4 qui a livré la sépulture humaine. Mais tous ne sont pas à rapporter au tumulus 4A auquel correspond cette sépulture (Bonifay et al. 2007). Si ces nouveaux restes humains ont pu échapper à l'étude et à la détermination pour des raisons diverses, la dévolution des collections de faune de Regourdou au MNP a permis leur découverte. Cela souligne une nouvelle fois (voir aussi par exemple Maureille 2002 ou Rougier et al. 2004) tout l'intérêt que les collections soient gérées et étudiées dans des conditions permettant leur réelle exploitation scientifique. L'inventaire du matériel découvert (tabl. 2 et fig. 3) fait donc état d'un hamatum gauche, une phalange moyenne de la main, un arc postérieur de vertèbre lombaire, des deux os coxaux fragmentaires, mais non déformés, ainsi qu'un fragment de tubérosité ischiatique gauche, une épiphyse proximale de fémur droit et une diaphyse fémorale droite sub-complète, une patella droite, une extrémité distale complète de tibia gauche, les deux tiers distaux d'une fibula gauche et un naviculaire droit. Une des caractéristiques du squelette de Regourdou 1 était la présence de deux chaînes articulaires très complètes au niveau des membres supérieurs, ce qui contrastait nettement avec l'absence des principaux os longs des membres inférieurs. La découverte de ces vestiges compense très significativement ce manque. Le bassin, maintenant formé des deux os coxaux, du sacrum, de fragments d'ischion et d'un fragment de pubis, devient d'ailleurs un des bassins de néandertaliens parmi les mieux conservés et non déformé, ce qui doit être noté. La présence des cassures fraîches au niveau des ailes iliaques est dramatique et probablement la conséquence de diverses circonstances. La découverte de l'hamatum enrichit aussi le corpus de données pour les mains, déjà très bien préservées chez Regourdou 1. Des travaux plus approfondis sur chacune des pièces nouvellement découvertes sont programmés dans le cadre d'un appel à projets - volet recherche de la Région Aquitaine. Ces analyses complèteront nos connaissances de la variabilité du squelette infra-crânien des Néandertaliens, Regourdou 1 devenant un des squelettes les plus complets des spécimens moustériens mis au jour dans le sud-ouest de la France. Ce projet permettrait aussi de reprendre des recherches interdisciplinaires dans ce gisement (historique, étude des vestiges lithiques, de faune, datations absolues, etc). Le travail de récolement des collections (S. M. en cours) et la recherche doctorale sur la totalité des restes de faune de Regourdou, orientée principalement sur une étude taphonomique, (N. C. en cours), n'étant pas terminés, nous n'excluons pas la découverte d'autres vestiges humains appartenant au squelette de Regourdou 1 (ou à au moins un autre sujet). Outre les stigmates d'ordre taphonomique et contemporains des temps préhistoriques présents sur ces ossements, notons que les vestiges nouvellement identifiés montrent de nombreuses cassures fraîches et que ce seront non seulement de nouveaux os ou fragments d'os qu'il faudra isoler mais aussi des petits fragments pouvant remonter, recoller, sur les vestiges maintenant reconnus. Ce travail très long et fastidieux nécessite une bonne expérience de l'anatomie humaine et de l'anatomie animale, principalement celle des ours qui sont très majoritaires. Si ces nouvelles découvertes ne modifient pas, pour le moment, pour certains d'entre nous (S. M., B. M.), les interprétations quant à la présence d'une sépulture néandertalienne (cf. Bonifay et al. 2007; Maureille et Vandermeersch 2007), l'étude plus fine, à venir, de la répartition spatiale des restes humains ouvre des perspectives nouvelles quant à la compréhension des dynamiques taphonomiques qui ont pu affecter cet assemblage osseux. Une des priorités futures sera donc de faire l'étude de la répartition spatiale des restes humains en s'appuyant à la fois sur les documents disponibles lors du sauvetage d'une partie de la sépulture en 1957, les éventuelles notes d'autres personnalités présentes lors de la fouille, et l'analyse des archives, des carnets de fouilles et des notes de terrain (fouilles 1961-1964). De plus, la recherche de marquage actuellement invisible mais éventuellement non disparu pourrait être menée en exposant certains des ossements humains à la lumière de Wood. Il nous semble aussi intéressant de terminer cette conclusion avec un aspect particulier de la représentation squelettique de Regourdou 1, à savoir l'absence du calvarium. Deux hypothèses sont généralement envisagées : un vol lors de la découverte (Roussot 2003; Bonifay in Bonifay et al. 2007) ou une absence pour des raisons taphonomiques (gestes funéraires des Néandertaliens (Maureille 2004) similaires à Kébara 2 (Arensburg et al. 1985) ou un déplacement en raison de la circulation des ours dans cette cavité (Cavanhié 2007). Pour certains d'entre nous, les nouvelles données plaident pour la seconde hypothèse. En effet, nous n'avons, pour le moment, trouvé aucun fragment d'une voûte crânienne humaine, aucune dent des maxillaires supérieurs (mais voir Vallois et de Felice, 1976) ni l'atlas (nous avons regardé toutes les vertèbres cervicales d'ours, de carnivores ou d'herbivores des collections en notre possession). Si on doit souligner que certains éléments du squelette, porteurs de cassures anciennes ou de traces de rognage, sont incomplets pour des raisons taphonomiques (la fibula gauche, la branche montante gauche de la mandibule, la tête fémorale, la diaphyse fémorale), le rachis cervical de ce sujet était dans un état de conservation exceptionnel. Or, nous savons que l'atlas présente avec le calvarium une articulation persistante (Duday 2005) qui se traduit par une mobilisation accompagnant souvent celle du calvarium lors d'évènements taphonomiques qui surviennent peu de temps après la décomposition des chairs et qui peuvent modifier, même a minima, le dépôt originel de l'extrémité céphalique… En conséquence, certains d'entre nous (B. M., S. M. et N. C.) n'excluent plus l'hypothèse que le calvarium de Regourdou 1 puisse se trouver encore au sein du remplissage sédimentaire non fouillé de ce site. Pour sa part, E.B. pense que cette hypothèse est peu probable, vu les conditions de l'inhumation du néandertalien Regourdou 1 .
Le présent article fait état de la découverte de nouveaux ossements néandertaliens issus des collections fauniques du site moustérien de Regourdou. Après une présentation du gisement situant rapidement le cadre chrono-culturel, l'accent est mis sur l'aspect historiographique, rappelant les travaux de Roger Constant, la découverte de la sépulture néandertalienne « Regourdou 1 » en 1957, les fouilles qui suivirent, et les mouvements des vestiges découverts. Ces précisions montrent que le contexte n'a pas joué en faveur de la préservation idéale du matériel exhumé. Pour preuve, des travaux de récolement et une étude en cours ont permis d'isoler plusieurs ossements humains parmi les vestiges fauniques acquis en 2002 par le Musée national de Préhistoire. Ils sont a priori tous attribuables à la sépulture qu'ils complètent de façon significative. Ces pièces sont issues de la couche 4 qui a livré la sépulture humaine, mais elles ne sont pas toutes à rapporter au "tumulus" IVA auquel correspond cette sépulture. Les caractéristiques anatomiques de ces nouvelles pièces mettent en évidence leur appartenance soit au squelette Regourdou 1 soit à la lignée néandertalienne. Le squelette original Regourdou 1, découvert en 1957, présentait un contraste très net entre la présence de deux chaînes articulaires assez complètes pour les membres supérieurs et la quasi-absence de restes pour les membres inférieurs, en dehors des pieds. Les nouvelles découvertes viennent, en partie, combler ce manque. Des travaux plus approfondis sur chacune des pièces nouvellement identifiées compléteront nos connaissances de la variabilité du squelette infra-crânien des Néandertaliens, Regourdou 1 devenant un des squelettes moustériens les plus complets mis au jour dans le sud-ouest de la France. Quant à l'absence totale du calvarium, compte-tenu du contexte général, il faut peut-être aussi envisager une nouvelle hypothèse selon laquelle il se trouverait encore au sein du remplissage sédimentaire non fouillé du site.
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La période de l' Âge du Fer (viii e / i er siècle av. J.-C.) a donné lieu à de nombreux échanges de matériaux ou d'objets entre les populations celtes installées en Europe. Un type de production tout à fait spécifique prend un essor considérable au cours de cette période et mérite qu'on y porte une attention particulière. Il s'agit d'objets de parure et de récipients fabriqués à partir de diverses roches sédimentaires appelées communément « lignite ». La distribution de ces objets observée à une large échelle européenne pose plusieurs questions sur la provenance de ces matériaux. La restitution des filiations entre les matériaux archéologiques employés et les sources géologiques potentielles demeure essentielle dans la restitution des échanges et plus largement dans le système socio-économique qui se développe à l' Âge du Fer. Les aspects de diffusion et de relations avec les centres de production constituent un système commercial spécifique à ces matériaux. Leur caractérisation constitue donc la base de toute étude de provenance. La terminologie donnée vis-à-vis de ces matériaux est multiple et complexe. Ces matériaux sont des roches sédimentaires (à structure feuilletée) de couleur noire à marron constituées d'une fraction minérale et d'une fraction organique (pollens, bois, spores…) en proportions variables. L'identification de ces matériaux fait donc parfois appel à la nomenclature des charbons (Hallsworth et Knox, 1999) mais aussi à celle des roches sédimentaires (Slansky, 1992). Le manque de caractérisation et la diversité de leur composition a engendré un manque de rigueur dans l'utilisation, parfois trop large et inappropriée du terme « lignite » en archéologie. Au xix e siècle, les érudits de l'époque ont utilisé ce terme pour dénommer ces matériaux sans connaître sa constitution. Certains pensaient qu'il s'agissait de bois d'if fossilisé ou de terre agglomérée (Faudel et Bleicher, 1888). Au fil du temps, les archéologues ont donc adopté le terme de « lignite » pour qualifier ces objets. Des travaux récents (Teichmüller, 1992; Brechbühl, 2005) ont montré que le lignite au sens géologique n'a pas été employé pour fabriquer ces objets car celui -ci présente un stade de maturation de matière organique assez avancé tel qu'il ne permet pas d' être travaillé par l'homme. Afin de fixer un terme transitoire plus général dont la définition géologique correspond réellement à la nature géologique des objets, nous proposons le terme de black shales. Le terme de shale est couramment utilisé par les géologues anglais et offre l'avantage de regrouper plusieurs types de roches : roches carbonatées, carbonées, argilites, schistes bitumineux… Cependant, le jais ne peut être inclus dans cette définition car sa composition est différente. Il est plus riche en carbone, très brillant, à cassure conchoïdale ce qui permet de l'identifier plus aisément. La traduction de ce terme en français par « schistes noirs » peut porter à confusion car il désigne les schistes au sens large du terme (schistes métamorphiques ou schistes ardoisiers…). Les travaux publiés en Grande-Bretagne (Allason-Jones et Jones, 1994, 2001; Hunter et al., 1993; Pollard et al., 1981; Watts et Pollard, 1998) sur la caractérisation du Kimmeridge shale et des objets manufacturés en jais par différentes techniques analytiques (FTIR, chromatographie, MEB, fluorescence X) ont permis de retracer la diffusion de ces matériaux (à l'échelle insulaire principalement). En Allemagne, différents travaux (Rochna, 1962; Rochna et Mädler, 1984; Grasselt et Volkmann, 1991; Teichmüller, 1992) au début des années 1960 ont permis de poser les premiers jalons de la recherche sur la caractérisation de ces matériaux, mais les études de provenance n'ont pas été établies clairement. Cartographie A. Baron, fond de carte : Géoatlas©. Les études menées récemment en République Tchèque (Valterova, 1998; Venclová, 2001) ont montré que les black shales ont pu être importés ou diffusés sur de longues distances (dans un rayon d'environ 400 km). La présence de nombreux ateliers de production et d'une source géologique conséquente située dans le bassin de Kladno près de Prague ont permis de restituer la filiation entre la source d'approvisionnement et les objets finis (cf. Fig. n° 1). Les analyses réalisées (pétrographie et palynologie) ont permis de retracer la diffusion de ce type d'objets pour la période de La Tène moyenne (iii e - ii e av. J.-C.). Les travaux antérieurs ont montré que certaines méthodes de caractérisation et notamment la palynologie ne sont pas nécessairement appropriées à l'étude des black shales (Thomas 2003; Baron 2005; Grasselt et Volkmann 1991). Pour la palynologie, par exemple, une bonne conservation du matériau est nécessaire afin de pouvoir identifier les différents constituants. Les phénomènes d'altération due à sa désagrégation font disparaître de nombreux indices palynologiques et les chances d'identification sont réduites pour les échantillons archéologiques. Le caractère destructif des méthodes (broyage de l'échantillon) ne permet pas toujours d'élargir l'échantillonnage archéologique. Certaines études archéologiques ont montré que la diversité des matériaux employés varie d'un site à un autre et peut parfois différer au sein d'une même production artisanale (Eggl, 2000; Venclová, 2001). Les sources géologiques ayant servi à confectionner ces objets peuvent donc être multiples et les matériaux employés avoir des origines diverses. Afin de résoudre les questions de provenance, notre objectif a été d'élaborer et de tester une méthodologie appropriée permettant une discrimination des sources de matériaux géologiques et archéologiques. Les méthodes utilisées jusqu' à présent telles que la palynologie, la pétrographie, ou l'émission de rayons X par exemple sont destructrices. L'analyse chimique élémentaire par le choix de la spectrométrie de masse couplée à un plasma inductif avec prélèvement par ablation laser (LA-ICP/MS) est pertinente dans la mesure où une large gamme d'éléments chimiques peut être mesurée. Cette technique étant peu destructrice, permet d'élargir l'échantillonnage et de multiplier le nombre d'analyses : les échantillons ne nécessitant aucun traitement préalable. La méthode employée se base sur le constat qu'un gisement qui a été exploité à des fins artisanales possède une signature chimique qui lui est propre. Cette signature est conservée dans les objets archéologiques. La question est de déterminer les éléments discriminants qui vont permettre de mettre en relation les objets archéologiques avec les sites d'extraction. La technique LA-ICP/MS a largement été développée et testée dans différentes études portant sur les matériaux du patrimoine culturel (Gratuze et al., 1993; Gratuze et al., 2001; Speakman et Neff, 2005; Janssens et Grieken, 2004). Le principe est donc rappelé brièvement ici : l'objet à analyser est placé dans une cellule de quartz. L'ablation se fait grâce à un faisceau laser où la matière prélevée est transportée par un flux d'argon, puis est transmise dans une torche à plasma afin d' être dissociée et ionisée. Les ions sont ensuite dirigés vers des lentilles électrostatiques puis sont focalisés vers le quadripôle qui permet de séparer les éléments selon le rapport m/z (masse atomique/charge – avec ici z = 1 pour plus de 90 % des éléments). L'utilisation d'étalons géochimiques permet de quantifier les éléments observés. La composition des objets en black shales est proche des roches sédimentaires argileuses. La fraction minérale étant assez importante, les éléments chimiques s'y rapportant ont été dosés. La silice y est l'un des éléments les plus abondants, on peut supposer que sa distribution est l'une des moins hétérogène, elle a donc été choisie comme étalon interne. L'utilisation d'étalons internationaux NIST610 (Pearce et al. 1997) et CORNING B (Brill, 1999; Popelka et al., 2005; Bronk et Freestone, 2001; Verità et al., 1994) permettent de calibrer l'appareil et de vérifier la justesse de la méthode. Faute de disposer d'un étalon certifié pour le carbone, celui -ci est dosé de façon relative en utilisant une mine de graphite pour laquelle nous avons fixé arbitrairement une teneur de 12 % en graphite. Le matériau étudié est poreux, il faut donc tenir compte dans l'interprétation des données de la possibilité de modification de la composition des objets durant leur enfouissement : soit par fixation d'éléments provenant du sol (carbonates, phosphates, sulfates, fer, manganèse…), soit par lixiviation ou dissolution par les acides humiques d'éléments ou de composés partiellement solubles. Les ablations sont réalisées de manière aléatoire sur la surface de l'objet ou sur sa tranche lorsque cela est possible. Une première série de 2 ablations permet la mesure des éléments majeurs. Celles -ci sont réalisées de manière ponctuelle en trois points de l'échantillon. Une deuxième série de 2 ablations également permet le dosage des éléments en traces y compris les Terres Rares (La, Ce, Pr, Tb et Lu). Ayant conscience de l'hétérogénéité du matériau, nous avons fait le choix d'analyser un plus grand nombre d'échantillons par gisement, de façon à raisonner sur une population plus importante. Les teneurs brutes étant difficilement spécifiques à chaque gisement (cas de l'obsidienne par exemple), nous porterons une attention particulière sur la présence ou l'absence de combinaisons d'éléments chimiques susceptibles de caractériser un gisement. Malgré l'aspect non-destructif de la méthode, certaines institutions ne souhaitent pas que l'objet soit étudié par des moyens analytiques, ce qui a restreint dans un premier temps le choix des sites et a limité notre échantillonnage. L'échantillonnage a été orienté vers les sites d'artisanat et certains sites d'habitats en essayant de couvrir au mieux l'aire géographique et les périodes de l' Âge du Fer (Hallstatt et La Tène) en Europe. D'autres types d'objets ont également été sélectionnés, il s'agit de récipients ou de vases. Nous constituons actuellement une « lithothèque » de black shales la plus représentative possible tout en connaissant les limites que cela impose (sources épuisées, non connues etc.). Cet échantillonnage en cours de réalisation constitue une première base sur ce type de matériaux. Le recensement des échantillons géologiques s'effectue soit par le biais d'institutions ou d'associations géologiques, soit par des prospections géologiques sur le secteur étudié. Celles -ci ont été effectuées dans le secteur de Buxières-les-Mines, ainsi que pour les shales à Posidonies par l'intermédiaire des géologues des Landesamt für Geologie d'Allemagne. Le prélèvement d'échantillons géologiques à différents niveaux stratigraphiques voire au sein d'un même niveau a pour objectif d'évaluer l'hétérogénéité des gisements et leur variabilité chimique. Pour les autres gisements échantillonnés, il n'est pas possible d'évaluer cette hétérogénéité à partir des quelques échantillons fournis. Vingt et un échantillons géologiques et sept échantillons archéologiques ont donc été analysés par LA-ICP/MS dans le cadre de cette étude préliminaire (cf. Tableau 1). Les éléments majeurs présentant une grande variabilité sont le carbone (entre 1 et 60 % environ), l'oxyde de calcium (entre 1 et 50 % environ), la silice (entre 1 et 60 % environ), l'alumine (entre 5 et 30 % environ) et l'oxyde de fer (entre 2 et 20 % environ) (cf. Fig. 2). Les oxydes de magnésium (MgO), de titane (TiO 2), de potassium (K 2 O) et de phosphore (P 2 O 5) présentent des teneurs homogènes. L'oxyde de manganèse (MnO) et l'oxyde de sodium (Na 2 O) varient peu et ont des teneurs inférieures à 1 %. Pour les éléments traces (cf. Fig. 2), le strontium et le baryum présentent une grande variabilité (Sr : entre 70 et 2 500 ppm environ; Ba : entre 100 et 2 600 ppm environ). Les autres éléments traces dosés présentent des variabilités différentes non négligeables. Seuls, le béryllium, le niobium, le terbium et le lutétium varient peu. Leurs teneurs sont relativement homogènes au sein de l'échantillonnage. Nous présentons ici, seulement certains éléments qui semblent jouer un rôle discriminant dans la caractérisation des sources potentielles; les autres éléments dosés demandant à être mieux étudiés par l'analyse d'autres échantillons. Le faible nombre d'échantillons géologiques analysés ne permet pas actuellement de connaître la variabilité de certaines teneurs au sein d'un gisement. Il est donc difficile de pouvoir déterminer leur pouvoir discriminant. D'une manière générale, les teneurs mesurées dans les échantillons géologiques sont plus ou moins cohérentes avec les teneurs des échantillons archéologiques. Cependant, ces derniers présentent une hétérogénéité marquée. Au niveau des éléments majeurs (cf. Tab.2), les échantillons géologiques des shales à Posidonies d'Allemagne s'individualisent nettement par des teneurs en alumine (Al 2 O 3) d'environ 8 %, entre 20 et 30 % en silice (SiO 2) et environ 40-50 % en oxyde de calcium (CaO). Leur composition est relativement homogène exceptée pour l'échantillon provenant d'Allemagne du Nord. Ce dernier (G-WIS 015) présente une teneur plus élevée en Al 2 O 3 (19,2 %), plus de 50 % en SiO 2 et moins de 15 % en CaO. Il n'est pas rattachable aux autres échantillons allemands. Les échantillons de Buxières-les-Mines présentent également des compositions assez homogènes (sauf G-BUX 008 et G-BUX 010). Les teneurs en Al 2 O 3 sont comprises entre 10 et 20 %. Les valeurs en SiO 2 sont élevées et se situent aux environs de 50-60 %. Par contre, les teneurs en CaO sont très variables et montre que les couches de ce gisement se sont enrichies de manière sporadique. La représentation graphique des teneurs en éléments majeurs (cf. Fig. 3) ne permet pas de distinguer des groupes dont la composition élémentaire se définie clairement. Les échantillons géologiques provenant d'Autun présentent des teneurs d'environ 30 % en Al 2 O 3, de fortes teneurs en SiO 2 (plus de 60 %), mais de très faibles teneurs en CaO (moins de 1 %), ce qui ne permet pas de les individualiser des échantillons de Buxières-les-Mines. Bien que l'échantillon de Foix (G-FOI 004) présente une composition élémentaire particulière, les autres échantillons géologiques de Barjac (G-BAJ 005), de Gardanne (G-GDN 003), de Suisse (G-MSG 014), de République Tchèque (G-MKZ 013) et d'Angleterre (G-KIM 033) ne peuvent supporter une interprétation fiable actuellement. En effet, un seul spécimen ne permet pas de caractériser un gisement. La distinction des matériaux par les teneurs en éléments majeurs reste difficile à appréhender. Les teneurs des éléments en traces permettent de mieux discriminer les sources (cf. Tab. 3). En effet, la variabilité de certains éléments (cf. Fig. 2) et leur représentation graphique permet d'individualiser plus précisément certains gisements (cf. Fig. 4). Les échantillons d'Autun, notamment, présentent une composition élémentaire caractérisée par de très fortes teneurs en césium et en rubidium (plus de 150 ppm), mais de très faibles teneurs en molybdène. Ils s'individualisent clairement par rapport aux autres gisements. Les échantillons de Buxières-les-Mines présentent des teneurs en césium et en molybdène plus disparates (Cs : entre 20 et 60 ppm environ; Mo : entre 10 et 30 ppm environ), mais des teneurs en rubidium élevées (Rb : entre 150-250 ppm environ). Deux sous-groupes au sein de ce gisement semblent se définir en ce qui concerne les teneurs en césium : un premier dont les teneurs sont d'environ 20-30 ppm et un deuxième présentant des teneurs supérieures à 50 ppm. Les shales à Posidonies sont plus difficiles à discerner; leurs faibles teneurs en césium (moins de 5 ppm), en rubidium (60-80 ppm), mais élevées en molybdène (40-60 ppm) ne permet pas de les individualiser des autres gisements. Cependant, l'échantillon d'Allemagne du Nord se distingue toujours par sa composition élémentaire particulière, semblant se rapprocher de celle des schistes bitumineux de Buxières-les-Mines. D'autres gisements analysés se particularisent également par leur composition : l'échantillon de jais de Foix (G-FOI 004) est caractérisé par de très faibles teneurs en rubidium, césium et molybdène, et l'échantillon G-KIM 012 s'identifie par une très forte teneur en molybdène, mais faible en césium (10 ppm). Les autres matériaux analysés, dont les échantillons archéologiques de Bourges, d'Illfurth et de Sennecé-lès-Mâcon, ne permettent pas de définir des groupes précis par manque d'analyses sur un même matériau. D'autres élément traces, notamment le lithium et le tungstène permettent de confirmer la séparation de certains groupes (cf. Fig. 5). Les shales à Posidonies d'Allemagne sont caractérisés par des teneurs en lithium assez faibles (entre 20 et 30 ppm), des teneurs assez fortes en molybdène (entre 50 et 60 ppm), mais des teneurs extrêmement faibles en tungstène. La composition chimique de l'échantillon d'Allemagne du Nord (G-WIS 015) diffère et est difficilement attribuable à un groupe. Le groupe d'échantillons de Buxières-les-Mines est homogène. Il est caractérisé par des teneurs en lithium entre 60 et 100 ppm environ, des teneurs assez faibles en molybdène comprises entre 10-30 ppm environ. Enfin, ces schistes bitumineux s'identifient par de fortes teneurs en tungstène (entre 10-20 ppm). Les schistes bitumineux d'Autun se différencient nettement par une très forte teneur en lithium et en tungstène (plus de 200 ppm) et de très faibles quantités en molybdène (moins de 3 ppm). L'échantillon de jais provenant de Foix (G-FOI 004) se distingue également par une teneur en tungstène de 20 ppm, mais de très faibles quantités en lithium et en molybdène. Les autres échantillons analysés présentent des teneurs encore trop disparates pour les différencier. Si pour les échantillons géologiques analysés, il est possible de distinguer certains groupes, cela est plus difficile pour les matériaux archéologiques. En effet, leurs teneurs très variées ne permettent pas toujours d'établir des corrélations avec les gisements potentiels. De plus, la composition de certains échantillons provenant d'un même site ne présente pas toujours des teneurs similaires (cf. teneurs élémentaires pour le site de Bourges Tableaux 2 et 3). Cependant, les échantillons provenant du site archéologique de Buxières-les-Mines présentent des teneurs plus ou moins proches de celles des échantillons géologiques provenant du même secteur (cf. Fig. 4 et 5). Le test de plusieurs échantillons à différents endroits de la couche a permis d'observer la variabilité de la signature chimique du gisement et de pouvoir les comparer avec les échantillons retrouvés sur le site archéologique. Les objets découverts à Buxières-les-Mines ont été fabriqués à partir des schistes bitumineux de l'Aumance situés à proximité. Les autres objets archéologiques provenant de Bourges, Illfurth ou Sennecé-lès-Mâcon sont difficilement rattachables à l'un des gisements analysés. Malgré le faible nombre d'analyses effectuées sur du mobilier archéologique (d'autres analyses sont actuellement en cours), les matériaux employés sont nettement différents de ceux des sources d'approvisionnement potentielles recensées à ce jour (exceptés pour le site de Buxières-les-Mines). Les éléments discriminants dans l'état actuel de l'avancement des travaux sont le lithium, le molybdène, le césium, le tungstène et le rubidium. D'une manière générale, il semble que les alcalins jouent un rôle important dans la composition chimique de ces roches. Par ailleurs, le lithium semble être un excellent traceur pour ces matériaux, ainsi que le tungstène dont la présence pourrait s'expliquer par l'héritage sédimentaire provenant de minéraux lourds. Le thorium, le strontium, le baryum et ou bien encore le zirconium sont des éléments dont le pouvoir discriminant semble prometteur. Les terres rares (particulièrement le niobium, le terbium et le lutétium), généralement bons traceurs géologiques, ne semblent pas pour ces matériaux être utilisables comme éléments discriminants. Les mesures de composition élémentaires par LA-ICP/MS permettent de différencier les origines de certains des objets de parure en black shales. D'autres analyses (en cours de réalisation) seront nécessaires pour établir les potentialités de cette approche. L'étude du pouvoir discriminant d'éléments comme le zirconium, le cuivre, le baryum, l'uranium, le cérium, ou le strontium par exemple, reste à développer. Cette approche a permis de mettre en évidence la variété des teneurs élémentaires présentes dans les matériaux employés et la complexité à déterminer leurs provenances. Cette diversité ne permet pas dans l'état actuel de la recherche de définir clairement un type de roche précis. Il peut s'agir de schiste bitumineux, d'argilites, voire de pélites ou toutes autres roches sédimentaires d'origine détritique dont les modes d'enfouissement peuvent différer et avoir subi des transformations différentes. La détermination des minéraux présents dans ces roches est nécessaire pour affiner cette caractérisation. La poursuite de cette recherche s'organisera donc en couplant d'autres méthodes analytiques, et notamment la diffraction X, avec les compositions élémentaires obtenues par LA-ICP/MS .
Certaines roches sédimentaires, notamment les black shales ont servi à fabriquer des objets de parure pendant l'époque celtique. Ces matériaux sont peu étudiés et les études de caractérisation spécifique peu nombreuses. La présence récurrente de ces objets observés à une large échelle géographique pose plusieurs questions sur la provenance de ces matériaux. Or, la caractérisation de ces derniers constitue la base de toute étude de provenance. La filiation entre les matériaux archéologiques et les sources géologiques demeure essentielle dans la restitution des échanges. L'apport de l'analyse élémentaire par spectrométrie de masse couplée à un plasma inductif avec prélèvement par ablation laser (LA-ICP/MS) permet d'établir des distinctions entre les divers matériaux. Cette approche permet de dresser un premier bilan. Certains éléments chimiques tels que le tungstène, le molybdène, le lithium, le césium et le rubidium sont discriminants au sein des différents matériaux. Des gisements de différentes régions présentent des caractéristiques chimiques distinctes. Des rapprochements sont faits entre des artefacts archéologiques et des gisements géologiques situés à proximité du site. Cependant, l'attribution des objets archéologiques à des gisements géologiques passe par un meilleur inventaire des sources potentielles.
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Le site de Fontbelle (Villars-les-Bois, Charente-Maritime – fig. 1) a été découvert sur le versant sud d'une colline à proximité immédiate du Souillac en 1975, au cours d'une des nombreuses prospections de surface menées par F. et J. Blanchet sur les communes de Villars-les-Bois et Brizambourg. Ces opérations ont révélé une vingtaine de sites mésolithiques dont certains ont livré des collections primordiales pour la compréhension, dans l'ouest de la France, du Premier Mésolithique – ou industries à triangles par opposition aux carquois à trapèzes du Second Mésolithique (Costa et Marchand, 2006; Marchand, 2008). Malgré le Programme Collectif de Recherche Fin Würm/début Holocène sur le littoral charentais (1993-1998), ces séries n'ont été que globalement observées et rarement mentionnées (Joussaume, 1981; Favre, 1993, 2000; Blanchet, 2004; Michel, 2006); elles n'ont jamais été intégrées à une étude technologique et économique. Suite à l'examen du matériel lithique de Fontbelle, une série de sondages a été réalisée sur ce site au premier semestre 2008, permettant ainsi d'étoffer le corpus du Premier Mésolithique (9 700-6 900 cal B.C.; Cupillard et Richard, 1998) en Charente-Maritime. Trois sondages de 2 à 4 m² chacun, ont été réalisés (fig. 1). La couche de calcaire gréseux, appréhendée en S2, est apparue tronquée dans la partie supérieure de la parcelle suite à des phénomènes érosifs : ainsi, S1 et S3 ne présentent plus, sur toute la hauteur explorée, que la couche argilo-sableuse sous-jacente (Cénomanien inférieur). Cette modification du terrain doit en partie être liée à la forte inclinaison des couches vers le sud-ouest, c'est-à-dire dans le sens de la pente actuelle. Le dénivelé entre les parties haute et basse de la parcelle est de 10 m, soit une pente de 8 %. Cet article ne traite que des résultats concernant S1, compte tenu : – de l'indigence des indices au sein de S3, qui se trouve alors exclu de l'emprise de l'occupation mésolithique; – de la position secondaire du matériel découvert en S2, au sein du labour et certainement associé à un léger colluvionnement; – du fait que le matériel lithique de S2 et S3 n'apporte aucun élément nouveau aux conclusions que l'on peut émettre à partir de S1. Sous les terres labourées et jusqu'au fond du sondage à près d'un mètre sous la surface actuelle, le niveau sableux ne présente pas de réelles subdivisions mais seulement des variations de couleur allant du marron-orangé au beige, certainement dues à des migrations d'oxydes ferreux; aucune unité stratigraphique n'a donc été distinguée. Le tamisage des sédiments a été systématique afin d'obtenir un ensemble complet et représentatif. Outre l'occupation mésolithique, la présence de quelques scories dans le niveau labouré évoque des activités de sidérurgie ancienne et plus précisément la réduction de fer en bas fourneaux. Les tessons de céramique à glaçure verte également découverts dans ce niveau – 81 fragments de très petites dimensions – rappellent ce qui est connu pour les xiii e - xv e siècles en Centre-Ouest, attribution chronologique qui pourrait éventuellement concorder avec les activités métallurgiques. Un cinquième des pièces archéologiques mises au jour provient des terres brassées par les travaux aratoires. Les niveaux sous-jacents, eux, sont perturbés par des percolations liées à la nature du sol occupé : en S1, le mobilier lithique a été découvert dans des sables cénomaniens sur 60 cm de haut, sans que l'on y ait détecté de structures en creux. On note tout de même une chute brusque du taux de pièces à mi-hauteur (5,8 % pour les trente centimètres inférieurs). Sur le site voisin des Prises (commune de Brizambourg), en milieu sédimentaire similaire, la série lithique se répartit sur 80 cm de haut (Blanchet et al., 2007). Ce type de phénomène taphonomique est courant sur les sites ouest-européens du Paléolithique final et du Mésolithique implantés en milieu sableux, qui ne présentent alors souvent plus de niveau(x) d'occupation mais des éléments dispersés sur 25 à 50 cm de haut suite à des bioturbations (Barton, 1987; Crombé, 1993; Vermeersch, 1976; 1995). Plusieurs hypothèses ont été formulées pour expliquer cette dispersion sur le plan vertical, avec l'activité biologique comme principal suspect. En plus des terriers de mammifères, les petits agents fauniques jouent directement un rôle dans la dispersion verticale des éléments archéologiques : les lombrics, par exemple, permettent l'enfouissement des vestiges de 5 mm par an et auraient agit dès le début de l'Holocène en milieu forestier (Vermeersch, 1995). Le degré d'homogénéité de l'assemblage peut être discuté à deux niveaux. Si l'on se place à l'échelle du Premier Mésolithique et de sa phase la plus ancienne telle qu'elle est définie par les modèles basés sur l'évolution morphologique des armatures depuis les travaux de J.-G. Rozoy (1978), l'ensemble est clairement cohérent avec de très rares intrusions d'occupations du Paléolithique final, du Mésolithique final et postérieures. On peut alors parler d'homogénéité relative pour une période qui s'étend tout de même sur plus d'un millénaire. Nous ne pouvons pas, par contre, affiner la résolution chronologique ou individualiser des occupations successives à Fontbelle, ce qui n'empêche pas d'y consolider les connaissances à l'échelle du Premier Mésolithique dans le Centre-Ouest. À l'ensemble récolté en prospection (1 225 éléments – Blanchet, 2004) s'ajoutent désormais 9 476 pièces lithiques dont 85 % proviennent de S1 (tableau 1). Elles ne sont malheureusement pas accompagnées de matériel osseux, l'acidité de la matrice sableuse encaissante n'ayant pas permis sa conservation. Les faibles surfaces ouvertes n'ont pas non plus livré de structure. Le matériel lithique est peu patiné, ce qui permet l'observation des matières premières employées qui s'avèrent être exclusivement du silex. Il revêt un aspect assez homogène, semi-opaque, aux variations de teinte allant du marron-beige au brun foncé. Ce silex correspond aux matériaux que nous avons pu récolter sur les affleurements turoniens dans les 5 km alentours lors de prospections menées en 2008 (fig. 1). Ceci n'implique pas que les tailleurs se soient approvisionnés en ces points précis, la végétation du début de l'Holocène ayant pu plus ou moins masquer ses affleurements; on peut tout de même penser à un territoire d'acquisition des matières premières siliceuses taillables restreint. Au-delà du « territoire domestique élargi » (Geneste, 1992), il ne semble pas y avoir d'attrait pour le silex, à preuve la présence plus qu'anecdotique d'une seule pièce en silex d'Ecoyeux, pourtant disponible à quelque 7 km seulement. Ce choix est compréhensible compte tenu de la qualité des silex locaux qui assure une bonne conduite du débitage. Il évoque les stratégies déjà observées pour le Premier Mésolithique en Corrèze, Quercy et Pyrénées (Demars, 1998) ou encore à l'abri des Rocs (Bellefonds, Vienne : Fouéré in Joussaume, 1992; Gouraud in Joussaume, 1996). Les indices récoltés évoquent une chaîne opératoire de production menée dans sa quasi-totalité sur le site même. En effet, si l'on se réfère aux pièces (semi -) corticales (11,3 % du corpus hors esquilles) et aux quelques blocs testés abandonnés immédiatement après l'apparition d'inclusions ou de plages mal silicifiées, on peut penser que les blocs de silex ont été, du moins en partie, introduits bruts sur le site. La mise en forme du bloc est simplifiée. Elle ne met pas en jeu de crêtes d'entame (à une exception près) et appelle plutôt un simple décorticage à l'aide d'un percuteur de pierre dure; les grands éclats ou lames alors extraits dégagent des nervures guides. Que l'on prenne en compte les enlèvements bruts ou les négatifs lisibles sur les nucleus (fig. 2 et 3), le débitage est orienté vers la production lamellaire au sens large du terme. Hormis pour quelques nucleus à éclats dont l'organisation succincte ne permet pas une grande productivité, les productions de lames et d'éclats ne sont pas autonomes : elles interviennent au cours des processus visant à la fabrication de lamelles. Ces derniers produits ne sont ni réguliers ni standardisés et peu importe que l'enlèvement extrait soit strictement lamellaire ou approximativement allongé tel un éclat lamellaire. On peut s'interroger sur la nature de cette seconde catégorie de produits qui peut être tantôt d'origine intentionnelle, tantôt relever d'enlèvements strictement lamellaires qui ont rebroussé ou qui n'ont pas filé. La faible régularité des lamelles stricto sensu confirme que, même si l'on exclut les éclats lamellaires, les tailleurs de Fontbelle ne recherchaient pas des produits calibrés. L'exploitation sur bloc laisse une place minoritaire au débitage sur éclat (fig. 3, n° 3). La table s'implante alors dans l'épaisseur de l'éclat, son exploitation étant frontale à partir d'un seul plan de frappe, lisse, qui s'avère être la face inférieure de l'éclat-support. Pour les autres nucleus, le débitage se fait majoritairement sur une table, ce qui n'exclut pas parfois le recours à une seconde surface de débitage. Les tailleurs n'ont pas cherché à implanter la table dans une partie étroite du bloc ou à en conserver l'axe longitudinal pour le débitage. Les nucleus peuvent être exploités aussi bien de manière frontale (fig. 3, n° 1) ou semi-tournante (fig. 2, n° 3, fig. 3, n° 2) que sur la totalité de leur pourtour (exploitation tournante : fig. 2, n° 1-2). Le débitage est essentiellement unipolaire. En présence d'un second plan de frappe en face opposée au premier, soit les séquences obtenues depuis l'un et l'autre sont clairement indépendantes et successives, soit la production est contrôlée par un plan de frappe, le second servant au contrôle de la carène. Les tailleurs ne préparent que sommairement les plans de frappe, les laissant lisses sans aménagement supplémentaire hormis l'abrasion de la corniche. Durant les séquences de débitage lamellaire, le tailleur a recours à un percuteur de pierre utilisé en percussion directe. En suivant les critères de J. Pelegrin (2000), les stigmates lisibles sur ces talons n'aident pas toujours à trancher quant à la dureté du minéral utilisé, même si les arguments vont plus dans le sens d'un percuteur de pierre tendre : des talons abrasés lisses minces, de quelques millimètres à punctiformes, des angles de chasse compris entre 70 et 80°, la récurrence d'une ligne postérieure irrégulière du talon, ainsi que la présence de petits bulbes avec identification ponctuelle d'esquillement du bulbe. Les flancs, quand ils n'ont pas été investis par le débitage, ont été conservés corticaux ou ont participé à l'aménagement du volume avec le retrait, à partir du plan de frappe contrôlant la table, d'enlèvements débordants tirés parfois bien en arrière du bord pour reconquérir du cintre. Le dos se résume le plus souvent à une plage corticale mais n'est pas toujours exclu de la logique volumétrique comme le prouvent quelques exemplaires à crête postérieure. Les néo-crêtes, essentiellement partielles à un pan, sont peu fréquentes dans la série. Il en est de même pour les enlèvements de réaménagement du plan de frappe qui prennent la forme d'éclats, parfois semi-corticaux, tirés sans exception depuis la table lamellaire. Leur épaisseur montre que les tailleurs ne se préoccupaient pas du coût en matière première de cette opération, ce qui est compréhensible compte tenu des facilités d'approvisionnement. L'abandon du nucleus répond à deux causes complémentaires : la présence de réfléchissements et un aplatissement marqué des convexités qui compromet le débitage. La perte de carène semble un problème majeur dans ces débitages, sans que les tailleurs y remédient pour autant : le changement de bloc est-il préféré aux réaménagements des blocs endommagés ? Est -ce alors en lien avec la disponibilité locale du silex ? Les 151 armatures mises au jour – 4,2 % du corpus hors esquilles; 86,8 % de l'outillage – permettent une bonne approche de la préparation des activités cynégétiques (schéma opératoire de fabrication des armatures) et des choix stylistiques préférentiels (types et caractéristiques des armatures) (fig. 4; tableau 2). Le tamisage systématique des sédiments a notamment permis d'orienter le débat sur les liens entre les groupes de Poitou-Charentes et le techno-complexe méridional sauveterrien caractérisé par des armatures hypermicrolithiques dites triangle de Montclus et pointe de Sauveterre. Le mobilier contient 178 pièces attestant du procédé du microburin, à savoir des microburins à proprement parler et des lamelles à cassure dans ou au-dessus de la coche. Parmi leurs caractères principaux s'affichent une implantation préférentielle des coches à droite ainsi que la prédominance des éléments proximaux sur les distaux, ce qui s'explique certainement par la difficulté à modifier par la seule retouche la partie proximale des supports à cause du bulbe et du talon. Certains microburins ont conservé du cortex, avec d'ailleurs parfois une face supérieure entièrement corticale, ce qui souligne une certaine flexibilité dans la sélection des supports. La régularité des 178 pièces est d'ailleurs faible à moyenne et se couple à des profils légèrement tors. Notons pour finir la forte amplitude de la largeur de ces éléments (2,4 à 15,1 mm). Quatorze pièces possèdent un bord abattu sinueux dont part une cassure orthogonale à l'axe du support. Elle se résume dans la quasi-totalité des cas à des accidents de type Krukowski (Tixier, 1963). Si l'on considère ces pièces en cours d'aménagement, on peut alors penser que l'abattage du bord s'effectue en deux temps : amorce par retouches abruptes à semi-abruptes et finition par retouches abruptes régulières. Le côté opposé est conservé brut, ce qui placerait l'opération de bordage en fin de fabrication. Les triangles, avec près des trois quarts de l'effectif, ne laissent que peu place aux autres types d'armatures. Une attention particulière a été portée aux modèles isocèles puisqu'ils forment plus de la moitié des armatures ayant obtenu une attribution typologique. Ces armatures ont dans un tiers des cas un profil tors, ce qui, plus qu'un trait recherché, traduirait une conséquence technique assumée. La conservation de cortex sur certains exemplaires portant des traces d'impact souligne la flexibilité des normes régissant les séquences de production et la sélection des supports. Quelques piquants-trièdres s'affichent en pointe (fig. 4, n° 8), d'autres ayant dû être entièrement retouchés. Aux retouches directes abruptes se substituent parfois des retouches croisées (fig. 4, n° 3). Les troncatures suivent une délinéation rectiligne; quand elles sont légèrement concaves ou convexes, la morphologie générale de la pièce ne sort pas réellement du lot. Le troisième côté n'est que peu fréquemment bordé; parfois quelques retouches inverses semi-abruptes servent à appointer un peu plus l'armature (fig. 4, n° 10). Les modèles longs, outre le fait d' être majoritaires dans ce corpus, sont en général légèrement plus étroits que les courts avec des largeurs moyennes respectives de 5,5 et 6,2 mm. Si l'on s'intéresse désormais aux triangles scalènes, on distingue les pièces proches du triangle isocèle (fig. 4, n° 18) des triangles scalènes allongés qui sont alors des hypermicrolithes (fig. 4, n° 21-24). Dans ce second cas, la « distance de dégagement de la barbelure », pour suivre la terminologie d'A. Thévenin (2005; fig. 5), peut ne mesurer qu'un douzième de la totalité de l'armature. Certaines possèdent un troisième côté bordé, mais une seule mérite l'assimilation au sous-type triangle de Montclus (fig. 4, n° 22). Si l'on revient à l'ensemble des triangles scalènes, un des faits marquants concerne leur latéralisation quasi-exclusivement dextre. L'allure la plus récurrente pour les deux troncatures correspond à une délinéation rectiligne pouvant parfois tendre vers la concavité ou la convexité sans être souvent affirmée. Notons, pour la suite du raisonnement, la présence aussi bien des modèles [a = 4-6 mm;  > 115°] et [a = 7-12 mm;  < 115°] définis par A. Thévenin (ibid.; cf. infra). Une armature, avec un bord abattu rectiligne et une troncature en partie distale du support formant un angle de 45° par rapport à l'orthogonale de la pièce, a été classée en lamelle-scalène (fig. 4, n° 27). Ce microlithe, qui a conservé un talon lisse mince, rappelle certains triangles scalènes mais aucun des deux modèles présents à Fontbelle, dont il se distingue nettement. L'étude a révélé que près d'un quart seulement du carquois s'exprimait sous la forme de pointes, sans préférence marquée pour les modèles à base naturelle ou retouchée. On peut en quelques points résumer ce qui les caractérise principalement : – une latéralisation majoritairement senestre; – le choix de placer la pointe du microlithe en partie proximale du support; – le recours ponctuel à la retouche inverse rasante (fig. 4, n° 30); – la variation de l'angle formé entre la troncature et l'orthogonale à l'axe du microlithe qui est soit proche de 45°, soit de 80° dans le cas des troncatures très oblique; – la rareté du bordage du côté opposé (fig. 4, n° 33-34); – la fréquente orthogonalité de la base lorsqu'elle est retouchée, avec alors une possible délinéation aussi bien rectiligne que concave (fig. 4, n° 28-29); – l'absence de pointes segmentiformes ou fusiformes, dont les sous-types de Chaville, de la Majoire et de Sauveterre. Quelques pièces isolées semblent se démarquer de ces armatures attribuables au Premier Mésolithique : outre deux fragments épais de pointes à bord abattu, une monopointe évoque aussi une phase récente de l'Azilien. Les segments, d'étroites pièces peu épaisses et symétriques, ne sont qu'au nombre de trois dans cet ensemble microlithique (fig. 4, n° 16); l'un ressemble à certains triangles isocèles, le schéma morpho-technique pouvant éventuellement être similaire. Avant même d'aborder la question de la fragmentation des pièces à l'utilisation, il est important de prendre en compte les armatures classées comme fragments dans cette partie. En effet, la plupart d'entre elles montrent un bord abattu, ce qui pourrait potentiellement les placer dans la catégorie des lamelles à bord abattu mais aussi, selon les cas, dans celles des triangles effilés ou des pointes. Même si cela relève de l'anecdote, finissons ce tour d'horizon du fonds microlithique par la présence isolée d'un trapèze (fig. 4, n° 42). De nombreuses séries du Premier Mésolithique, y compris dans des contextes considérés à juste titre comme homogènes pour ne prendre que l'exemple de la couche 6 de Fontfaurès (Lentillac-Lauzac, Lot : Barbaza et al., 1991), ont livré un voire quelques trapèzes. Volonté originale, armatures inachevées, intrusions ponctuelles de matériel provenant d'occupations ultérieures, le sujet est à creuser. Notons en tout cas que ce modèle – trapèze rectangle à grande troncature concave latéralisé à gauche – traduit plutôt une phase précoce du Second Mésolithique et donc peut-être une phase transitionnelle entre les industries à triangles et le Mésolithique aux armatures dites évoluées. Les traces de macro-utilisation sont plus nombreuses sur les triangles scalènes et les pointes à base naturelle que sur les triangles isocèles et les pointes à base retouchée. Plus des deux tiers des fractures sont nettes, mais l'on distingue également des fractures diagnostiques de l'impact – en charnière, plume ou marche (Fischer et al., 1984) – qui ampute plus ou moins les armatures au niveau de leur apex (fig. 6). S'y ajoutent des cassures secondaires comme les spin-off (ibid.) et les coups de burin. Les triangles portent également des ébréchures sur leur troisième côté, tranchant ou retouché. En associant l'observation des stigmates (types, localisation, orientation…), on peut facilement joindre les pointes à base naturelle ou aménagée au groupe des pointes axiales (fig. 6). La détermination se complique pour les triangles : il semble que l'on ait plus fréquemment affaire à des barbelures mais certains scalènes, avec une intensification de l'abattage du bord vers la grande pointe, pourraient fonctionner en pointes barbelures telles qu'elles ont pu être définies dans le techno-complexe sauveterrien (Philibert, 2002; Chesnaux, 2008). Ces pièces combinent alors les fonctions de pointes axiales perçantes et de barbelures dilacérantes. Sans pouvoir interpréter cette donnée et la traduire en termes d'emmanchement, notons que la troncature des triangles qui porte l'impact est constituée de retouches souvent plus abruptes que la seconde. L'outillage commun n'est constitué que de 23 pièces (fig. 7). Elles se rattachent majoritairement aux outils a posteriori et outils retouchés sans organisation de l'aménagement, qui forment 58,6 % de l'ensemble (n° 9-12). Les supports alors majoritairement utilisés, des pièces épaisses conservant en partie des plages corticales, proviennent des phases de mise en forme et des séquences de réaménagement. Cette stratégie signe plus un choix délibéré qu'une contrainte liée au matériau, compte tenu de son abondance locale. Les outils aménagés sont peu diversifiés puisque la moitié d'entre eux sont des grattoirs (n° 7-8). Les quelques outils encochés (n° 3-6), réalisés sur enlèvements de toute nature, ne voient leur bord modifié que par une seule coche. Leur statut de pièce achevée prête à l'emploi en tant qu'outil reste à confirmer; malheureusement, le sédiment encaissant n'est pas favorable à l'observation des traces de micro-utilisation (polis, émoussés, stries). La même question peut se poser pour les lames tronquées (n° 1-2). On trouve également de manière isolée les types burin et couteau. S'y ajoute un nucleus dont les stigmates de réutilisation pourraient évoquer une réfection de percuteur. Aucun couteau à encoches basilaires n'est venu s'ajouter aux deux exemplaires découverts en prospections. Nous avons ici affaire à une composante cohérente de pièces culturellement diagnostiques du Premier Mésolithique et plus exactement de sa phase ancienne (9700-8020 cal B.C. : Cupillard et Richard, 1998) si l'on s'en tient à la forte proportion de triangles isocèles. Les deux couteaux à encoches basilaires iraient dans le même sens puisque ce type d'outil assez caractéristique est associé à des corpus contemporains; une datation dans le dernier quart du 9 e millénaire avant notre ère a d'ailleurs été obtenue à partir d'ossements humains d'une tombe de la Grande Pièce (La Vergne, Charente-Maritime : Duday et Courtaud, 1998; Courtaud et al., 1999) présentant huit de ces outils. À Fontbelle, une poignée d'armatures évoque une phase azilienne, ce qui n'est pas le cas des autres éléments lithiques : ainsi les nucleus – et leurs objectifs de production – ne traduisent rien de ce qui a été observé pour cette époque sur le site voisin des Prises (Brizambourg, Charente-Maritime : Naudinot in Blanchet et al., 2007). Cette composante reste anecdotique et nous pouvons ainsi proposer une esquisse des savoir-faire et des choix stylistiques concernant l'occupation mésolithique. À Fontbelle, la production semble « intégrée au sein d'une unique chaîne opératoire » (Perlès, 1991) et orientée pour fournir des supports d'armatures. Les sous-produits, eux, sont utilisés en tant que supports de l'outillage commun. Les lamelles sont majoritairement extraites sur une table large exploitée de manière semi-tournante à partir d'un plan de frappe incliné vers le dos; un plan de frappe secondaire peut être utilisé pour corriger les convexités du bloc. Différentes options sont ensuite possibles : – l'exploitation devient périphérique, avec un débitage strictement unipolaire; – la gestion volumétrique se base sur des changements d'axe de débitage avec, soit une seconde table unipolaire recoupant orthogonalement la première, soit de multiples retournements du bloc. Ces savoir-faire et choix techniques s'affichent dans d'autres collections du Premier Mésolithique issues de prospections de J. et F. Blanchet, mais aussi à La Pierre-Saint-Louis (Geay, Charente-Maritime : Michel, à paraître), à une trentaine de kilomètres de là. On retrouve également les modalités Essart-E, Essart-F, Essart-G telles qu'elles ont été définies sur le site éponyme (Poitiers, Vienne : Marchand (dir.), 2009), auxquelles s'ajoutent des variantes opératoires mais aussi des gestions volumétriques tout autres. Les résultats de l'étude en cours sur la collection E. Patte (1971) de l'abri des Rocs (Bellefonds) permettront de préciser les filiations avec la Vienne. Mais les comparaisons ne s'arrêtent pas là et l'on peut notamment s'en référer à des sites de Loire-Atlantique tels que Les Vingt-Deux-Boisselées (Saint-Père-en-Retz : Tessier, 2000; 2001; Le Goff, 2002) ou L'Organais (Sainte-Reine-de-Bretagne : Gallais et al., 1985; Le Goff, 2003), même si les options de poursuite du débitage diffèrent alors (Michel, à paraître). Compte tenu de sa position médiane sur la façade atlantique de la France, la Charente-Maritime, au delà même des limites chronologiques du Premier Mésolithique, s'est vue tantôt rattachée à des groupes plus septentrionaux, tantôt soumise à des influences méridionales. Dans le cadre chronologique qui nous intéresse ici, les industries lithiques y ont parfois été attribuées, essentiellement à partir de modèles forgés sur les armatures, à des groupes évoluant en périphérie du centre sauveterrien localisé plus au sud, voire qualifiés de sauveterroïdes. Il est en effet indéniable qu'un lien existe entre les populations de Charente-Maritime et celles évoluant plus au sud (Gouraud, 1996; 2000; Laporte et al., 2000; Marchand et Laporte, 2000). Cependant, deux points peuvent être discutés : – la notion binaire opposant centre et périphérie, désormais largement contestée car sans doute peu adaptée pour définir des chasseurs-collecteurs; – la minimisation aussi bien de particularismes locaux que de traits communs aux industries des communautés plus septentrionales ou orientales. Fontbelle confirme en effet ce qui a été observé dans les Charentes avec un carquois d'une phase ancienne du Mésolithique dominé par des triangles, avec une faible occurrence des triangles de Montclus – qui d'ailleurs sont peu nombreux plus au sud avant le Montclusien (Valdeyron, 1994). Cette préférence stylistique se fait aussi au détriment des pointes, notamment des modèles fusiformes – telles les pointes de Sauveterre, de la Majoire ou de Chaville – absents à Fontbelle, des segments de cercle et des lamelles à bord(s) abattu(s). L'intervention du procédé du microburin dans la fabrication des armatures est fréquente. Par analogie avec le Mésolithique ancien ligérien (Valdeyron, 1994), on pourrait parler pour cette composition typologique d'un « Mésolithique ancien charentais » (Michel, 2007). Ce faciès ne s'intégrerait pas purement et simplement au techno-complexe sauveterrien mais s'insérerait dans de vastes réseaux d'interactions croisées qu'il resterait à définir. Certains auteurs ont soumis l'hypothèse d'un Mésolithique ancien atlantico-ligérien (Roussot-Larroque, 2000; Thévenin, 2005). Le décryptage des triangles de Fontbelle ne va pas à l'encontre de cette idée; en effet, des modèles [a = 4-6 mm;  > 115°] et [a = 7-12 mm;  < 115° ], qui respectivement caractériseraient les industries sauveterriennes ou le Mésolithique ancien ligérien et qui, associées, correspondraient au Mésolithique ancien atlantico-ligérien (Thévenin, 2005), ont été observés à Fontbelle. Ce site de Fontbelle contribue donc à la construction de modèles sur le Premier Mésolithique en Charente-Maritime. La proportion de triangles isocèles, mais aussi la présence de couteaux à encoches basilaires, plaideraient plus exactement pour des industries de la fin du 9 e millénaire avant notre ère. Les chasseurs-collecteurs de Fontbelle ont opté pour l'acquisition de matières siliceuses taillables uniquement locales. La totalité des phases de débitage sont représentées sur le site : à la suite d'une mise en forme simplifiée, le débitage lamellaire est régi par des séquences unipolaires qui peuvent se succéder avec un plan de frappe actif alors différent. La production est intégrée à une unique chaîne opératoire : les sous-produits servent de supports à l'outillage commun alors que les lamelles sont transformées en armatures. Le carquois, dominé par des triangles, traduit, plutôt qu'une zone sous influence méridionale, un « melting-pot » certainement dû à un réseau d'interactions réciproques multidirectionnelles. Si cette série de sondages a permis d'en savoir plus sur l'industrie lithique du Premier Mésolithique, l'organisation du site n'a, en revanche, pas pu être appréhendée compte tenu des dispersions du matériel en milieu sableux. Rappelons pour finir que la récurrence de l'implantation de l'habitat mésolithique sur ce type de terrain résulte localement d'un effet de prospection plutôt que d'une « loi des sables », comme l'indiquent des occupations voisines en fond de vallée, dont celle de la Grange (Surgères, Charente-Maritime : Laporte et al., 2000; Marchand et Laporte, 2000) .
Suite aux prospections de J. et F. Blanchet, une série de sondages a été réalisée à Fontbelle (Villars-les-Bois, Charente-Maritime) pour définir plus clairement l'occupation de ce site. L'étude de la série lithique a mis en évidence, sur des matériaux siliceux locaux, une production intégrée au sein d'une unique chaîne opératoire, les lamelles servant essentiellement à la confection d'armatures et plus particulièrement de triangles isocèles.
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Le site de La Magdeleine -La Plaine se trouve sur la rive droite de l'Aveyron à 2,5 km environ à vol d'oiseau en aval du village de Penne (Tarn) et à 3,5 km environ en amont de Bruniquel (Tarn-et-Garonne). Il se situe dans les environs immédiats du confluent de l'Aveyron avec un petit ruisseau temporaire, alimenté par une source de faible débit. L'étroite vallée creusée par ce ruisseau constitue un des rares accès au plateau situé en contre-haut. La vallée de l'Aveyron est ici très étroite et très encaissée, bordée en son sommet d'abrupts calcaires parfois surplombants. Le plateau culmine à 307 m tandis que l'étiage de l'Aveyron est à 101 m. Le gisement se trouve à proximité immédiate d'un réseau de grottes se développant sur quatre niveaux et dont les porches ne sont pas exactement superposés. La grotte occupant le deuxième niveau de ce réseau n'est autre que la grotte de la Magdeleine-des-Albis, connue pour les bas-reliefs paléolithiques (Magdalénien moyen probable, Rouzaud et alii 1989) qui ornent ses parois : c'est la grotte des Vénus, découvertes en 1952 par Henri Bessac (Bessac 1971) et authentifiées la même année par l'abbé Breuil (Breuil 1952). Le gisement se trouve à trois mètres environ en contrebas de la cavité ornée; il occupe une terrasse d'une douzaine de mètres de large, couverte d'une épaisse végétation de buis, chênes et érables. Ce replat surplombe de 2,5 m environ un chemin de terre qui longe la rive droite de l'Aveyron. Il bénéficie d'une excellente exposition au sud et son altitude par rapport à l'Aveyron, bien que modérée (une douzaine de mètres), le met à l'abri des plus hautes crues actuelles (Carte 1). La présence probable d'un gisement paléolithique a été signalée en 1977 par H. Bessac, inventeur des bas-reliefs de la grotte ornée. Des travaux d'élargissement du chemin, entamant le talus, avaient mis au jour en 1971 une abondante industrie lithique ainsi que de la faune fragmentée riche en renne (Bessac 1977). Par la suite, probablement entre 1976 et 1980, H. Bessac avait pratiqué un petit sondage sur le replat, opération qu'il n'avait jamais publiée mais qui lui avait donné un intéressant mobilier. Le gisement était donc peu et mal connu. Seule la publication de 1977 faisait état du matériel mis au jour lors de l'élargissement du chemin. Le matériel publié par H. Bessac était intéressant par son abondance (plus de 10 000 artefacts) et son attribution culturelle (Magdalénien final), corroborée par une radiodatation effectuée à Lyon (Ly-1109 : 11 800 ± 300 BP). La nature du gisement posait problème : habitat de plein air, vidanges répétées de la grotte des Vénus, mélange des deux ? C'est essentiellement pour tenter de répondre à ces questions qu'un nouveau sondage a été effectué par l'auteur en 1994. Le sondage principal, de 2 m par 1 m, orienté nord-sud, situé à proximité immédiate du sondage de H. Bessac, se trouve en contrebas de la grotte des Vénus. Fouillé jusqu' à une profondeur de 1,40 m sur 2 m2, il a été poursuivi par une fenêtre de 1/4 de mètre carré jusqu' à 1,90 m sans que la base des niveaux d'occupation ait été atteinte. La fouille a été abandonnée à cette profondeur lorsqu'il n'a plus été matériellement possible de travailler. En raison de l'importante épaisseur des niveaux archéologiques, de l'abondance du matériel mis au jour, et de la difficulté d'interprétation du site, il a paru préférable d'arrêter là l'opération. Le site est ainsi préservé au maximum pour une étude ultérieure plus approfondie. La stratigraphie est la suivante (fig. 1) : C 1 : 0,40 m : humus C 2 a : 0,05 m : argile rouge C 2 b : 0,06 m : argile jaune C 3 : 0,10 m : cendres blanches C 4 : 1 m à 1,10 m : sédiment très noir, charbonneux, cailloux et blocs calcaires, galets de quartz, gneiss, schiste, interstratifié en 14 niveaux, (C 4a à C4g) très riches en mobilier et faune. Pendage assez accentué (environ 12°) C 5 : puissance inconnue, fouillé sur 0,30 m : éboulis calcaire, sédiment interstitiel très noir, mobilier et faune abondants. Dans le niveau C 4 g, on note, en partie engagé dans la coupe, un foyer en cuvette bordé de pierres, surmonté de gros blocs anguleux. La couche C 4 a été étudiée sur toute la superficie du sondage. C'est donc elle qui a fourni l'essentiel du mobilier ainsi que trois des six plaquettes gravées, dont celle qui porte les figures féminines schématiques. Voici les principales données concernant ce niveau : Industrie lithique : très abondante (plus de 5200 artefacts) et très variée, elle comporte 548 outils. On note une nette prépondérance des burins (12,2 %) sur les grattoirs (6,02 %) qui sont en même proportion que les perçoirs. Les burins dièdres l'emportent sur les troncatures (Ibd : 7,48 %).L'indice de microlithes atteint 60,04 %, les lamelles à dos représentent plus de la moitié de l'outillage (54,18 %), les pièces à coche (6,39 %) et les denticulés (4,01 %) sont en nombre non négligeable. Industrie osseuse : moins abondante, elle comporte quelques fragments d'aiguilles et de sagaies ainsi que deux harpons. L'un, relativement complet, bien que les barbelures manquent, est bilatéral (fig. 2), l'autre, incomplet, est sans doute du même type puisqu'il montre deux tubercules au niveau de l'embase. Une radiodatation effectuée sur un fragment de bois de renne provenant du même niveau que le harpon bilatéral a donné un âge de 13620 ± 130 BP (GifA 96345). La présence de harpons permet d'attribuer l'industrie au Magdalénien supérieur. Faune : très abondante, très fragmentée parfois (fragmentation sur place due au gel probablement). On note la présence de cervidés (rennes et cerfs), de chevaux, de grands bovidés, de renards. Les restes d'oiseaux, comme les restes de poissons ne sont pas négligeables. Restes humains : plusieurs dents humaines, trouvées mêlées à la faune, sont en cours d'étude. Art mobilier : représenté par trois plaquettes de calcaire gravées, dont celle qui fait l'objet principal de ce travail. Trois autres plaquettes proviennent des déblais de H. Bessac. A l'exception d'un exemplaire (fragment de stalagmite), ce sont des plaquettes en calcaire local, dont le poids varie de 1 à 11 kg. Nous distinguerons les plaquettes portant des décors figuratifs de celles qui en sont dépourvues, en commençant par ces dernières. Longueur max. : 19,5 cm; largeur max. : 12,5 cm; épaisseur : 1 à 3 cm; poids : 1 kg. Fragment de stalagmite, de forme irrégulière. Le recto, convexe, montre une surface ondulée, encombrée partiellement de concrétions grisâtres. Le verso montre des traces d'arrachement. Sur le recto on note un décor sommaire, non figuratif, centré vers la gauche et en bas : quelques tracés rectilignes ou légèrement courbes forment une sorte d'angle aigu. Longueur max. : 28,5 cm; largeur max. : 17,5 cm; épaisseur : de 3 à 3,5 cm; poids : 3,8 kg. Plaquette de calcaire beige jaunâtre, de forme grossièrement hexagonale allongée, décorée sur les deux faces. Recto : surface assez plane peu accidentée, portant vers le milieu une dépression naturelle ovale, aux bords bien délimités. Un second creux assez semblable se situe sur le bord inférieur. La partie gauche de la plaquette porte un décor non figuratif constitué d'une série de tracés fins, plus ou moins rectilignes ou courbes. Vers le bord gauche, un léger ressaut de la surface est souligné à la base par un étroit faisceau de traits fins. Quelques traits isolés occupent l'extrémité droite de la pièce (fig.4). Verso : surface très accidentée, bosselée, portant des zones avec des concrétions de calcite. La partie droite était recouverte d'épaisses concrétions cendreuses, qui ont été enlevées à l'aiguille, sous loupe grossissement x 2, afin de dégager les traits gravés sous-jacents. La presque totalité de la surface est recouverte d'une fine couche d'ocre; les 2/3 droits portent en outre des plages noirâtres, probablement brûlées. Le décor gravé sur la partie gauche de la plaquette est postérieur au dépôt d'ocre : les traits se détachent en beige clair sur le fond rosé. En revanche, dans la zone droite, le fond des traits les plus profonds est encombré d'un épais dépôt d'ocre : les gravures sont donc antérieures (fig. 5). Longueur max. : 46,5 cm; largeur max. : 19 cm; épaisseur max. : 9,5 cm; poids : 11 kg. Grande plaquette de forme grossièrement triangulaire, en calcaire beige clair, avec une patine rougeâtre, couverte d'épaisses concrétions grisâtres, cendreuses, qui ont été retirées à l'aiguille pour dégager le décor. Celui -ci n'existe que sur une face. La surface décorée affecte la forme générale d'un triangle allongé; elle est grenue mais pas trop irrégulière. Le décor se concentre vers le bord gauche de la plaquette, dans une concavité qui s'étend du bord supérieur au bord inférieur. Centré plutôt vers le bord supérieur, ce décor consiste en traits plus ou moins profonds, d'orientations diverses, qui ne montrent aucune représentation figurative. Longueur max. : 24,5 cm; largeur max. : 14 cm; épaisseur : de 0,5 à 3,5 cm; poids : 1,350 kg. Calcaire beige clair, grossièrement en forme d'hexagone allongé. Le recto montre une surface assez lisse et régulière, portant une légère protubérance vers le haut, au milieu. Le verso est assez semblable; il montre en outre des concrétions brun clair. Le recto porte un décor figuratif, centré vers le bord gauche de la plaquette. une tête de bison, très simplifiée, tournée à gauche : cornes en accolade, de tracé discontinu, dirigées vers l'arrière, représentées en perspective, chanfrein, amorce du mufle, naseau possible, barbe et fanon traités en longues hachures parallèles. On distingue également une oreille, petite, ourlée, sous la corne gauche, et un œil, grand, bien dessiné par un trait large et peu profond. Le tracé du chanfrein, très accentué, repassé, souligne la base d'un léger ressaut de la surface. Le tracé est discontinu, l'assemblage des divers éléments de cette tête étant visuel (fig. 7 et 8). un faisceau de traits plus ou moins profonds, presque raclés pour certains, postérieur au chanfrein qu'il recoupe. Quatre traits parallèles, dans le prolongement de la barbe, à l'emplacement du mufle absent, sont antérieurs au tracé du chanfrein qui en recoupe un. La partie droite de la plaquette porte deux tracés légèrement courbes et subparallèles. Longueur max. : 32,5 cm; largeur max. : 20,5 cm; épaisseur max. : 6 cm; poids : 8 kg. Calcaire beige clair, à patine rougeâtre. Les recto et le verso sont recouverts d'épaisses concrétions grises, cendreuses, qui ont été enlevées à l'aiguille pour laisser apparaître le décor, limité au recto de la plaquette. Celle -ci est de forme à peu près rectangulaire; le petit côté supérieur porte une profonde encoche naturelle. La surface est plane, régulière, partagée en trois zones inégales par de légers ressauts à peu près parallèles entre eux et aux petits côtés. Le décor est centré dans les deux registres inférieurs. Le registre supérieur porte quelques traits extrêmement fins, inorganisés pour la plupart. Le registre central de la plaquette porte un faisceau de tracés plus ou moins profonds, plus ou moins larges, pour certains presque raclés, dessinant une sorte de feston. Sur le registre inférieur, à proximité immédiate du ressaut le séparant du registre central, se distingue une petite tête animale tournée à gauche, en position médiane. Esquissée, incomplète, elle comporte un chanfrein avec l'amorce du mufle et une oreille ourlée bien dessinée, surmontée de deux “cornes” étroites, en croissant. Ni les yeux, ni les naseaux, ni la bouche ne sont figurés. L'encolure est esquissée. La minceur des cornes légèrement indiquées par deux traits, comme leur courbure divergente, exclut la représentation d'un bouquetin ou d'un chamois (fig. 10a et 10b). Les tracés sont fins mais vigoureux. Cette tête, d'allure gracile, portée droite sur l'encolure, peut être interprétée comme la représentation d'un daguet, cerf de un an à un an et demi, dont la ramure se limite à une perche non ramifiée (Grzimek et Fontaine 1972). Longueur max. : 30 cm; largeur max. : 24,5 cm; épaisseur : de 3 à 15 cm; poids : 10 kg. Grande plaquette de forme trapézoïdale irrégulière, en calcaire beige clair à patine rougeâtre, recouverte d'épaisses concrétions cendreuses, qui ont été nettoyées à l'aiguille pour faire apparaître le décor, limité au recto et à un chant. La face décorée est grenue mais relativement régulière, de forme généralement concave. Un ressaut naturel très accentué, en arc de cercle, occupe le centre de cette face, et le décor est manifestement organisé en fonction de ce godet naturel, peut-être régularisé par piquetage. Trois éléments constituent le décor (fig. 11) : encadrement du godet : trois faisceaux de traits, le premier et le deuxième contigus, formant un angle ouvert, le troisième interne recoupant le second selon un angle ouvert. Ils sont constitués de traits larges avec sillon central. Le deuxième faisceau est recoupé perpendiculairement par une série de traits ondulés profonds. à proximité du bord du godet, quelques traits plus ou moins tangents à celui -ci. centrées dans le godet, quatre figures féminines schématiques de type Lalinde-Gönnersdorf (fig. 12). Figure a : tournée à droite : longue ligne de dos prenant naissance dans le godet, fessier proéminent, ligne de ventre, pliure postérieure du genou présente mais peu accentuée. Présence possible d'un sein conique, menu. Figure b : tournée à droite, emboîtée dans la précédente : ligne de dos esquissée, fessier proéminent, pas de pliure du genou. Utilise peut-être la ligne de ventre de la précédente. Ces deux figures sont gravées légèrement, au moyen de traits dissymétriques en V, fins, usés. Figure c : tournée à gauche : ligne dorsale prenant naissance dans le bord du godet, fessier peu volumineux mais bien marqué, ligne postérieure de la jambe légèrement concave, prolongée par un long tracé rectiligne. Le cou est indiqué, son tracé antérieur se poursuit par une ligne courbe, continue, qui paraît représenter un sein de profil, volumineux. Il serait disproportionné avec le fessier, selon les canons habituels de ce type de figuration, où les seins sont absents ou menus (Bosinski et Fischer 1974). Figure d : tournée à gauche : longue ligne de dos, arrondi du fessier, ligne postérieure de la cuisse dans le prolongement de celui -ci, indication possible de la pliure du genou (fig. 12). Le décor de la plaquette paraît constituer une composition, organisée autour du “godet” central : deux groupes de traits paraissant encadrer celui -ci en suivant son contour, deux groupes de deux femmes centrées à l'intérieur. L'élément principal de la composition est le groupe de quatre femmes, emboîtées deux à deux et disposées face à face. Divers éléments montrent l'existence de relations entre les deux groupes de deux femmes : leur situation dans le “godet ”, leur disposition en face à face, les différences morphologiques entre les deux groupes. Celles orientées à droite sont sveltes, élancées, représentées debout; celles orientées à gauche paraissent plus massives et sont représentées en position assise. Cette différence qui marque une opposition entre les deux groupes indique -t-elle une scène ? Il est difficile de l'affirmer. En tout état de cause, cette opposition renforce encore l'unité de la composition de ce groupe de femmes. Les représentations féminines schématiques mobilières, gravures ou statuettes, ne sont pas rares dans la vallée de l'Aveyron : on dénombre neuf gravures et deux statuettes à l'abri de Fontalès, une statuette et deux gravures à la grotte du Courbet (Ladier 1992, Welté et Ladier 1995). Ces quatre nouvelles figures féminines schématiques de type Lalinde-Gönnersdorf complètent les inventaires de ce type de figurations, montrant dans la vallée de l'Aveyron la principale concentration des figures féminines schématiques mobilières du Quercy (Ladier, Lenoir, Welté sous presse). Le site magdalénien supérieur de la Magdeleine -La Plaine, exploré sur une surface très restreinte, se caractérise par l'abondance de son industrie lithique et la présence d'art mobilier sur support lithique, en particulier de figures féminines. La superficie restreinte du sondage n'a pas permis de statuer sur la nature exacte du remplissage anthropique, d'autant que celui -ci n'a pas pu être exploré sur toute son épaisseur. Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées. L'existence d'une stratification nette et d'un foyer dans la C 4 semblent indiquer un habitat de plein air. La présence de figures féminines schématiques paraît constituer un argument supplémentaire dans ce sens, car dans la vallée de l'Aveyron toutes les autres figures de ce type proviennent d'habitats (Fontalès, le Courbet). Pourtant, cette interprétation peut être infirmée par le pendage du niveau, environ 12°, qui paraît incompatible avec un habitat, bien que nombre d'habitats de plein air paléolithiques occupant des terrasses situées au-dessus de cours d'eau montrent une pente sensible. C'est le cas par exemple à Gönnersdorf, où cette particularité pouvait permettre une bonne évacuation des eaux pluviales, et contribuer ainsi à la salubrité des habitations (G. Bosinski, communication personnelle). Compte tenu de la faible superficie explorée, le doute subsiste sur l'existence d'un habitat, sans que cette hypothèse puisse être totalement écartée. La situation du gisement, en contrebas de la grotte ornée, peut permettre de penser que le dépôt archéologique s'est constitué par des vidanges successives de la cavité, effectuées au Paléolithique. La stratification observée pourrait résulter de cette opération. La grotte a été vidée au siècle dernier, mais des restes du remplissage soudés aux parois par de la calcite contiennent encore du matériel archéologique. F. Rouzaud évoque un “dégagement périodique de la base des sculptures” (Rouzaud et alii, op. cit.) par les paléolithiques, visant à ce qu'elles ne soient pas recouvertes par le remplissage. Mais rien ne prouve qu'ils évacuaient le sédiment. Le volume des niveaux anthropiques, l'étendue du gisement, et surtout sa large extension de part et d'autre de la grotte constituent autant d'obstacles à cette interprétation. En effet, le faible volume de cette cavité aurait nécessité des vidanges répétées, sur une très longue période, que rien ne peut démontrer. Là encore, nous n'avons que trop peu d'éléments pour trancher. On peut envisager enfin que la constitution des niveaux archéologiques soit due à l'accumulation ou à la succession des deux causes précédentes. La nature du gisement reste donc hypothétique, plusieurs possibilités étant envisageables. En tout état de cause, la présence des figures féminines schématiques permet de rattacher le site, quelle que soit sa nature, au groupe culturel qui occupait les sites de Fontalès et du Courbet (Ladier et Welté sous presse). L'existence d'une relation entre le gisement de plein air et la grotte ornée, si elle paraît probable, reste à établir et éventuellement à déterminer dans sa nature. Il en va de même en ce qui concerne d'éventuelles relations entre les femmes mobilières et les femmes pariétales. Ces questions sont particulièrement épineuses, puisque les œuvres de la grotte sont attribuées au Magdalénien moyen au plus tard, alors que le gisement se rapporte au Magdalénien supérieur .
Lors d'un sondage réalisé en 1994 sur le site magdalénien supérieur de La Magdeleine-La Plaine, plusieurs plaquettes gravées ont été mises au jour. L'une d'elles porte quatre figures féminines schématiques de type Lalinde-Gοnnersdorf.
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Les vestiges gallo-romains de Cassinomagus sont localisés à Chassenon, commune implantée en bordure orientale du département de la Charente. Cassinomagus est positionné sur un plateau culminant à 250 m d'altitude, bordé au Nord par la Vienne et au Sud par l'un de ses affluents, la Graine (Fig. 1). Deux particularités majeures caractérisent Cassinomagus. La première est la présence d'un complexe monumental démesuré, s'étendant sur une superficie de plus de 20 hectares, à l'intérieur duquel ont été retrouvées des structures atypiques liées au culte de l'eau, par exemple un réseau de 49 fosses disposées en damier au sud du temple gallo-romain. Le contexte géologique constitue la seconde particularité du site : le substrat de Cassinomagus est constitué d'impactites. Ces formations géologiques sont affiliées à l'astroblème de Rochechouart-Chassenon (Kraut, 1969) et résultent d'un impact de météorite survenu à la fin du Trias, daté à 214 ± 8 Ma (Kelley et Spray, 1997). Durant la période gallo-romaine, le fonctionnement du bâtiment thermal, les pratiques liées au culte de l'eau et, éventuellement, l'alimentation des quartiers privés de Cassinomagus, ont nécessité un apport régulier et important en eau. Cependant, les modalités d'approvisionnement en eau et les ressources hydrogéologiques du site restaient mal connues. En effet, seulement quelques tronçons de l'aqueduc ont été mis au jour et l'observation des galeries profondes sub-horizontales, ayant pour fonction de drainer la nappe phréatique, n'a été possible qu'en deux puits-regards. Par ailleurs, les estimations avancées sur les débits apportés par l'aqueduc paraissaient peu vraisemblables (Saumade, 1995) : 30 à 50 m 3 auraient été acheminés quotidiennement via le réseau superficiel alors que le remplissage des piscines et des fosses nécessitait à elles seules plus de 700 m 3 d'eau. À tout ceci s'ajoutent les inconnues sur le fonctionnement hydrogéologique des impactites, connaissance indispensable à la compréhension du fonctionnement hydrodynamique des galeries drainantes. L'étude visait à identifier les stratégies d'approvisionnement en eau choisies pour alimenter l'agglomération de Cassinomagus (Bobée, 2007). Elle ambitionnait plus particulièrement de i) retrouver le réseau hydraulique gallo-romain, ii) mettre en évidence les connexions entre ce réseau et la trame urbaine et, iii) localiser les ressources permettant l'alimentation en eau de Cassinomagus. Pour répondre à cette problématique, archéologique et hydrogéologique, une étude couplant prospections géophysiques à maille large, à maille fine et mesures de susceptibilité magnétique a été menée entre 2003 et 2006. Ce travail a été réalisé dans le cadre d'un programme de valorisation du site archéologique de Chassenon, en réponse à un appel à projets de recherches lancé en 2003 par le Conseil Général de la Charente, appel qui a permis la création d'une réserve archéologique de 28 hectares englobant les édifices monumentaux (Fig. 1 et Fig. 3). Cassinomagus fut implantée sur le cratère de Rochechouart-Chassenon, à 5 km au nord-ouest du point d'impact, situé à Babaudus (Pohl et al., 1978) (Fig. 2). Le socle de la région était constitué avant l'impact de formations plutoniques à sub-volcaniques (granites et granodiorites) et de roches métamorphiques (gneiss plagioclasiques), mises en place au cours du cycle orogénique hercynien, entre 420 et 280 Ma (Chèvremont et al., 1996). L'impact météoritique, daté à 214 ± 8 Ma (Kelley et Spray, 1997), a provoqué deux phénomènes majeurs. La propagation de l'onde de choc a d'une part engendré une intense fracturation du socle cristallin, appelé brèche monogénique de dislocation et, d'autre part, a causé l'éjection puis la retombée de fragments de socle; ces matériaux, liés par une fine matrice, sont appelés impactites ou bien encore brèches polygéniques de retombée. Kraut (1969) classa les impactites en fonction de leur éloignement par rapport au point d'impact. À Chassenon, deux types de brèches ont été identifiés : les impactites de type Chassenon et les impactites de type Rochechouart. La différence entre ces deux matériaux est pétrochimique : les impactites de Chassenon contiennent des inclusions vitreuses riches en fer et en nickel (résidus de fusion de la météorite) alors que les impactites de type Rochechouart en sont dépourvues. Des études récentes (Bobée, 2007) ont montré que les matériaux bréchiques, dépassant localement 100 m d'épaisseur, présentaient une stratification complexe. Son toponyme gaulois, composé des termes cassino et magos, a été traduit par « le marché du chêne » (Delage, 1935). Cassinomagus fut implantée au cours de la seconde moitié du i er siècle apr. J.-C., dans la partie occidentale de la cité des Lémovices, dans une zone de contact avec les peuples Angoumoisins, Pictons et Pétrucores. Le vicus se situait à 1 km au sud de la Vienne et au croisement des axes routiers Lyon-Saintes et Périgueux-Poitiers (Courraud, 1962). Si Gémon (1958) ne voyait en Cassinomagus qu'un simple relais routier rattaché à un sanctuaire rural, le vicus aurait été, à la vue des découvertes récentes, une agglomération secondaire de type urbain (Aupert et al., 1998). En effet, la mise au jour de fondations d'habitats, datées entre le i er et le iii e siècle apr. J.-C., au Coutis (Delage, 1947), à Lachenaud (Eygun, 1961), à Chènevière (Précigou, 1889) et à Longeas (Poirier et al., 2005), et les traces d'occupations appréhendées en prospection géophysique (Aubry et al., 1999 et 2000), en prospection pédestre (Sicard, 2001), phytologique (Ghestem et al., 1999) et aérienne (Perrin et Vernou, 2001) ont permis d'évaluer la superficie de l'agglomération (Fig. 3a) : celle -ci serait de plus de 40 hectares (Bobée, 2007). L'agglomération est également composée d'un complexe monumental : thermes de Longeas, temple de Montélu, fana et édifice de spectacle sont disposés sur une superficie de plus de 20 hectares (Fig. 3a). Le réseau l'alimentation en eau se compose d'un aqueduc et de galeries profondes sub-horizontales (Fig. 3a et Fig. 3b). L'aqueduc est visible en deux endroits. Le specus a été retrouvé sur 27 m au sud-est des fana (n° A1, Fig. 3b). Le second tronçon connu est situé au sud du complexe monumental (n° A2, Fig. 3b) : la conduite repose ici sur un mur de soutènement large de 2,15 m (Aupert et Hourcade, 1995). Les fouilles récentes de Rocque et al. (2005) ont pu mettre en évidence la connexion entre ces deux tronçons (n° A3, Fig. 3b). Par ailleurs, une anomalie résistante linéaire, détectée en prospection électrique (Aubry et al., 1999) et se raccordant aux thermes et à l'aqueduc, laissait présager la présence d'une canalisation secondaire (n° A4, Fig. 3b). Sa fonction fut confirmée par Sicard et al. (2005) : au sud du temple de Montélu l'aqueduc pivote à angle droit vers le Nord, se prolonge alors sur quelques mètres pour aboutir à un premier bassin partiteur. De ce point, une première canalisation alimenterait les thermes de Longeas tandis que la seconde, d'extension encore inconnue, se dirigerait vers l'ouest (n° A4, Fig. 3b). L'aqueduc canaliserait les sources de Londeix (Fig. 1), situées à 1,8 km au sud-est des thermes de Longeas et sourdant à 230 m d'altitude (Michon, 1848; Précigou, 1889; Saumade et Moreau, 1972). Cette hypothèse est cependant en contradiction avec les études hydrologiques de Bobée (2007) : en général les sources de Chassenon ne présentent pas de forts débits, tout au plus quelques centaines de m 3 par jour en période de hautes eaux, et les sources de Londeix ne présentent pas de débits particulièrement importants. Des galeries drainantes, creusées dans le plateau au sud du complexe monumental, ont été observées lors de la fouille de deux puits-regards (Fig. 3a et Fig. 3b) : le puits de Longeas (Moreau, 1972) et le puits de Champonger (Masfrand, 1961). Larges de 0,7 m et hautes de 1,7 m, elles permettaient le passage d'un homme. La galerie de Longeas est orientée nord-sud (Fig. 3b); située à 8,5 m de profondeur, le fond du regard a été coté à 213,4 m NGF (Aupert et Hourcade, 1997). La galerie de Longeas approvisionnerait un bassin en contrebas des thermes de Longeas (B, Fig. 3b) (Aupert et Hourcade, 1997). Les galeries nord-sud et est-ouest de Champonger ont été retrouvées à 3 m de profondeur (Fig. 3b); le fond du regard, à 223 m NGF, pourrait approvisionner une partie du complexe monumental. Cependant, si selon Masfrand (1961) les galeries de Champonger s'étendent bien « au-delà des limites de la vue », leur extension reste inconnue et leur orientation approximative. Par ailleurs, des structures singulières ont été retrouvées au sud du temple de Montélu (Masfrand, 1900; Perrin et Vernou, 2001; Aubry et al., 1999) : sept rangées de sept fosses cylindriques sont disposées en damier. Profondes de 1,2 m, elles seraient reliées entre elles par de « petits aqueducs » (Masfrand, 1900) et raccordées à un canal collecteur (n° A5, Fig. 3b). Retrouver les stratégies d'approvisionnement en eau nécessite de mettre en évidence d'une part les relations entre le réseau hydraulique et l'agglomération de Cassinomagus et, d'autre part, les relations entre le réseau hydraulique et les ressources en eau superficielles. Si les connaissances actuelles laissent présager une double alimentation en eau via un aqueduc et des galeries profondes, le lieu de captage et les modalités de redistribution de l'eau ne sont pas connus. Par ailleurs, on peut questionner sur le choix, stratégique ou non, de l'implantation de galeries profondes : interceptent-elles un aquifère dans les impactites ? Pour retrouver l'agencement spatial des structures archéologiques enfouies à proximité et à l'intérieur du périmètre de valorisation archéologique, nous avons réalisé des prospections magnétiques, couplées localement avec des prospections électriques. L'interprétation des anomalies magnétiques n'est possible, dans ce contexte géologique singulier, qu'après avoir effectué des campagnes de mesures de susceptibilité magnétique sur les sols et formations géologiques présentes à Chassenon. En effet, les mesures de susceptibilité magnétique doivent permettre de caractériser les contrastes d'aimantation entre structures archéologiques maçonnées ou fossoyées et les sols développés sur les impactites de type Chassenon et de type Rochechouart. Par ailleurs, le fonctionnement hydrogéologique n'ayant fait l'objet d'aucune étude, nous avons tenté de caractériser l'extension de l'aquifère superficiel dans les impactites par la réalisation de prospections électromagnétiques fréquentielles à maille large. En général, les sols, produits d'altération enrichis en oxydes et hydroxydes de fer fortement magnétiques, présentent une intensité d'aimantation induite plus importante que leurs matériaux parentaux. Ce phénomène est généralement amplifié par l'activité bactérienne (Fassbinder, 1990) et l'activité humaine (Marmet, 2000). Les structures fossoyées se détectent alors souvent par une augmentation du signal magnétique alors que les structures empierrées sont moins magnétiques que le sol. Afin de définir les signatures magnétiques des matériaux rencontrés à Chassenon, 80 mesures de susceptibilité magnétique au sol et 85 mesures sur un affleurement original, l'église de Chassenon (localisée au bourg, Fig. 1), ont été effectuées. Ce dernier présentait l'avantage d'offrir des surfaces planes de granite, de gneiss et d'impactites de type Rochechouart et de type Chassenon. Au préalable, quarante mesures au sol ont été faites entre le temple de Montélu et le bâtiment thermal. Après chaque mesure, la couverture végétale a été ôtée et la mesure renouvelée afin de réaliser une correction liée à la présence du couvert végétal (Benech et Marmet, 1999). L'appareil utilisé (MS2, Bartington) a une profondeur d'investigation de l'ordre de 10 cm et présente les caractéristiques suivantes : une bobine unique de 18,5 cm, une fréquence d'émission de 958 Hz. Des prospections électriques (3 ha) et magnétiques (13,6 ha) ont été effectuées à l'intérieur et à proximité de la réserve archéologique. Les variations spatiales du champ magnétique terrestre ont été enregistrées à l'aide d'un magnétomètre à vapeur de césium (G858, Geometrics) en mode gradiométrique, par un balayage régulier des surfaces de prospection par profils en boustrophédon. La distance entre chaque profil a été fixée à 1 m et le pas d'enregistrement sur chaque profil a été défini à 0,2 seconde. Les prospections électriques ont été faites avec un RM15 (Geoscan); ce résistivimètre, relié à un multiplexeur (MXP15, Geoscan), permet un enregistrement multi-profondeurs des résistivités électriques apparentes. Seules les cartes acquises en dispositif pôle-pôle et pour un écartement entre électrodes de 1 m (fixées sur le portique), seront présentées. La maille d'échantillonnage est de 1 m 2. Une campagne de prospections électromagnétiques fréquentielles à maille large a été menée sur l'ensemble de la commune de Chassenon. L'appareil, de type slingram (EM34, Geonics), est composé d'une bobine émettrice (63 cm de diamètre) et d'une bobine réceptrice (100 cm de diamètre) reliées par un câble mesurant 10, 20 ou 40 m, selon la profondeur d'investigation que l'on cherche à atteindre. La fréquence d'émission, allant de 400 à 6 400 Hz, dépend de la distance séparant les bobines. En jouant sur la position des bobines, verticale coplanaire ou horizontale coplanaire, et sur la distance séparant les parties émettrices et réceptrices, six mesures de conductivité électrique apparente ont été enregistrées par point de sondage. Après inversion, chaque sondage permet la description de la variation verticale de la résistivité électrique des terrains jusqu' à une profondeur de l'ordre de 40 m. Après interpolation des modèles, des cartes de résistivité électrique pour différentes profondeurs du sous-sol ont été effectuées. La carte de résistivité électrique pour une profondeur de terrain de 8 m sera présentée. Les valeurs de susceptibilité magnétique sont globalement plus fortes dans les impactites que dans les matériaux parentaux de type gneissique (tableau 1). Les impactites de Chassenon présentent une susceptibilité magnétique de l'ordre de 145.10 - 5 uSI et, contrairement à ce que pourraient laisser présager les connaissances sur les caractéristiques magnétiques des matériaux pédogénéisés, les arènes qui se développent à leurs dépens ont une susceptibilité magnétique plus faible, d'environ 55.10 - 5 uSI en moyenne. A contrario, les sols se développant sur les impactites de type Rochechouart sont caractérisés par une légère augmentation de la susceptibilité magnétique. Enfin, les trois mesures de susceptibilité sur granite rose, localisés dans la partie sud-ouest de la commune et enregistrées sur l'affleurement, sont très variables : elles peuvent varier de plus d'un facteur 100. Les fortes gammes de susceptibilité des impactites peuvent être causées par trois facteurs : i) les conditions thermiques très élevées lors de l'impact (Lambert, 1974), provoquant la fusion et/ou la décomposition des minéraux ferromagnésiens et la formation préférentielle de magnétite, ii) la présence de particules vitrifiées en proportion variable dans les impactites et iii) la nature des éléments clastiques (gneiss ou granite) et les proportions de clastes par rapport à la fraction matricielle. À la vue des mesures de susceptibilité magnétique, l'interprétation des anomalies magnétiques est complexe. Cependant, nous avons remarqué que les structures gallo-romaines avaient été bâties essentiellement en impactites de Rochechouart, ce qui tend à simplifier l'analyse des anomalies magnétiques. En effet, les prospections magnétiques ont été réalisées au niveau des impactites de type Chassenon. Les sols qui s'y développent ont une susceptibilité magnétique de 55.10 - 5 uSI en moyenne. Ainsi, les anomalies linéaires présentant une intensité d'aimantation moins importante que le sol seront dues à la présence de structures maçonnées enfouies (impactites type Rochechouart) tandis que les anomalies légèrement contrastées avec le sol marqueront la présence de structures fossoyées. Quatre zones ont été couvertes en prospections géophysiques; celles -ci sont notées Z1 à Z4 (Fig. 4a et Fig. 4b). La zone Z1, couverte en prospection magnétique, se localise au sud-ouest du complexe monumental (Fig. 4a et Fig. 5). Les parcelles sont parcourues de linéaments de plus faible intensité d'aimantation que le sol; ceux -ci sont agencés en deux réseaux orthogonaux orientés NNE-SSO et ONO-ESE dans le secteur occidental (quartiers 1 et 2, Fig. 5) et NO-SE/NE-SO plus à l'est (quartiers 3 et 4, Fig. 5). Les anomalies longilignes, plus magnétiques que le sol, parfois en relation avec d'anciennes limites de parcelle, marqueraient la trace de fossés. Les linéaments traduisent la présence de structures maçonnées; en recoupant ces informations avec les découvertes faites en prospection aérienne (Perrin et Vernou, 2001) et lors de fouilles (Poirier et al., 2005), ces anomalies linéaires soulignent l'agencement de quartiers d'habitations. Par ailleurs, les cartes magnétiques sont bruitées : les anomalies ponctuelles, fortement contrastées avec l'encaissant, traduisent ici la présence d'accumulations de terres cuites (niveaux de destruction et/ou rejets d'activités artisanales) et de structures de combustion. Les prospections géophysiques montrent aussi la présence d'une structure linéaire maçonnée (structure A, Fig. 5) délimitant le quartier 2 au nord; possédant au moins trois exèdres sur son flanc sud, elle pourrait correspondre au prolongement du péribole du temple de Montélu vers l'ouest, sur une distance d'au moins 125 mètres. Disposés dans un secteur excentré de l'agglomération, à proximité des édifices monumentaux et de la carrière gallo-romaine de Champonger (Fig. 3a), ces quartiers privés pourraient également être le siège d'une activité artisanale. Cette hypothèse est appuyée par la présence probable de structures de combustion, identifiées en prospection magnétique, ainsi que par les fouilles de Poirier et al. (2005) qui, effectuées dans la partie est du quartier 3, ont mis au jour six unités d'habitats à caractère artisanal (2 e moitié du i er siècle apr. J.-C. - iii e siècle. apr. J.-C.). Les prospections réalisées dans la zone Z2 (Fig. 4a et Fig. 4b) ont permis d'entrevoir en partie la géométrie de l'édifice de spectacle et de mettre en évidence la présence d'un autre bâtiment au nord des thermes de Longeas. En effet, d'une part, les deux anomalies magnétiques arquées, notées B et C (Fig. 5), visibles dans la partie ouest de l'édifice de spectacle et, d'autre part, les fouilles anciennes (Michon, 1848; George et Guérin-boutaud, 1913) et l'analyse des anomalies microtopographiques (Bobée, 2007), suggèrent que l'édifice de spectacle est inscrit dans un cercle d'environ 80 mètres de diamètre. Par ailleurs, une structure faiblement magnétique et résistante, longue de 30 m et large de 22 m (Zone Z2, structure D, Fig. 5), revêt un caractère monumental. Des structures monumentales ont également été détectées au nord et à l'est des fana (structures E, zone Z3, Fig. 5). Enfin, les cartes électriques réalisées dans la zone Z3 (Fig. 4b) ont permis d'établir un plan du bâtiment thermal encore enfoui (structures F, Fig. 5) : nous avons pu mettre en évidence le prolongement des deux palestres à natatio (dimensions : 40 m x 30 m), et de l'entrée principale (dimensions : 40 m x 45 m). Une « salle » non appréhendée (structure G, Fig. 5) se situerait dans la partie nord-est du bâtiment (dimensions : 40 m x 15 m). La zone Z4 est localisée à l'extérieur du périmètre de valorisation archéologique et des tronçons connus de l'aqueduc (Fig. 4a et Fig. 4b). Les contrastes d'aimantation observés dans cette zone sont généralement très faibles (hors pollutions métalliques). Dans le prolongement théorique de l'aqueduc ont été retrouvées les anomalies géophysiques M1-E1 (Fig. 6a et Fig. 6b). L'anomalie linéaire M1, très nette, est moins magnétique que le sol (secteur M3, Fig. 6a). Elle s'observe également sur les cartes électriques : un linéament résistant E1 s'individualise dans une zone particulièrement conductrice (notée E3, Fig. 6b). Cette anomalie longiligne M1-E1, en déviant légèrement vers le sud, semble se prolonger en M2-E2; résistante, elle est cette fois -ci marquée par un contraste d'aimantation positif avec le sol, causé soit par l'emploi de matériaux de construction différents soit par le remplissage argileux d'une conduite. Les anomalies M1-E1 et M2-E2 mesurent au total près de 80 mètres de long et traduisent la présence d'un aqueduc. Une grande anomalie en arc de cercle, notée M5-E5 (Fig. 6a et Fig. 6b), est définie par une intensité d'aimantation légèrement plus faible que le sol. Cette structure s'identifie également très nettement par une augmentation de la résistivité électrique. Elle est large de 4 mètres et mesure environ 80 mètres. Ce secteur montre également de nombreux linéaments magnétiques faiblement contrastés avec le sol (anomalies M4, M6 à M8, Fig. 6a) et fortement résistants (anomalies E4 et E6, Fig. 6b); ils sont globalement orientés NE-SO et NO-SE. Ainsi, l'aqueduc en amont a été retrouvé sur 800 m de long. Les prospections électriques et magnétiques ne montrent aucun prolongement de l'aqueduc vers les sources de Londeix, supposées captées. Deux cartes électriques ont été réalisées dans la zone Z1 (Fig 4b et Fig. 6c). Cette zone d'étude est localisée dans le prolongement de la canalisation occidentale (cf. structure n° A4, Fig. 3b) mise au jour par Sicard et al. (2005). Dans le prolongement vers l'ouest de la canalisation secondaire (cf. structure n° A4, Fig. 3b) s'observe une structure linéaire résistante notée E7 (Fig. 6c). Elle se dirige à l'ouest vers une structure sub-circulaire résistante E8 de 5 m de diamètre. Celle -ci est traversée par une anomalie linéaire conductrice (E9) se dirigeant vers les fosses du sanctuaire. Un peu plus vers l'ouest se dessine une structure rectangulaire résistante E10 (dimensions : 7 m x 12 m). Elle possède deux petites « ouvertures » sur ses côtés ouest et sud. Deux anomalies linéaires conductrices, sub-parallèles, sont visibles en E11 et en E12. Enfin, notons également la présence du mur à exèdres en E13. La structure linéaire résistante E7 correspond probablement à une canalisation secondaire. La canalisation s'interrompt en limite de parcelle. Sa terminaison montre un évasement des fortes résistivités, traduisant peut-être la présence d'un bassin partiteur en E8. De là partirait deux drains (E9 et E10) : l'un conduirait l'eau vers les fosses en se raccordant au canal collecteur (cf. structure n° A5, Fig. 3b), l'autre alimenterait les quartiers privés à l'ouest du complexe monumental. Notons que E10 recoupe une structure rectangulaire maçonnée qui lui est peut-être antérieure. L'anomalie E11 est par contre à mettre en relation avec un fossé actuel, confondu avec une ancienne limite de parcelle. Ainsi, les prospections électriques effectuées dans la zone Z1 (Fig. 4b et Fig. 6c) ont permis de visualiser la présence d'un second bassin partiteur, acheminant l'eau vers les fosses du sanctuaire et vers les quartiers d'habitations. Des cartes de résistivité électrique, couvrant la commune de Chassenon, ont été construites pour différentes profondeurs de sous-sol par interpolation des modèles de résistivité électrique. Nous montrons ici la carte de résistivité électrique pour une profondeur de sous-sol de 8 mètres (Fig. 7). Les résistivités électriques des terrains oscillent entre 15 et 820 Ω.m. Un grand lambeau conducteur (résistivité inférieure à 55 Ω.m) se développe dans les zones de plateau, essentiellement au niveau des impactites. Quelques lambeaux conducteurs sont également présents au niveau des poches d'alluvions anciennes de la Vienne et des altérites. Le socle granito-gneissique est caractérisé par des résistivités électriques plus élevées, comprises entre 120 et 820 Ω.m. La zone conductrice peut-être interprétée comme étant une couche plus argileuse aussi bien saturée que non saturée en eau. Cependant, en superposant à la carte de résistivité électrique le réseau hydrographique, nous voyons qu'il existe une relation étroite entre la morphologie des cours d'eau et l'extension de la zone conductrice : les sources sourdent à la périphérie des zones conductrices. La carte de résistivité électrique pour une profondeur de terrain de 8 mètres (profondeur à laquelle l'extension du lambeau conducteur dans les impactites est maximale) révèle ainsi la géométrie de l'aquifère superficiel dans les impactites. Les prospections géophysiques à maille fine ont montré que l'aqueduc s'arrêtait après 800 mètres de parcours, en amont des sources d'Epenèdre (Fig. 1). Contrairement aux hypothèses avancées dans la littérature, le captage ne se situerait pas à Londeix (Fig. 1). L'interruption de l'aqueduc traduit soit un arrêt du chantier de construction soit un captage. Pour lever cette indétermination, une confrontation entre données archéologiques et hydrogéologiques est nécessaire. Dans cette optique, un programme informatique a été conçu afin de visualiser en coupe les variations verticales de la résistivité électrique recalées par rapport à un modèle numérique de terrain (Bobée, 2007). Une coupe, allant du plateau au sud du complexe monumental aux sources d'Epenèdre a été construite (Fig. 8). Les terrains présentent une légère déclivité allant du OSO vers ENE. Dans la partie OSO de la coupe, sur près de 400 m de long s'observe un horizon superficiel défini par de faibles résistivités électriques, allant de 15 à 80 Ω.m (épaisseur de 10 m environ). Cet horizon caractérise l'aquifère dans les impactites. Les terrains bréchiques sous-jacents et les formations gneissiques possèdent des résistivités plus importantes, comprises entre 80 et 820 Ω.m. Ici, cette différence de résistivité électrique se traduit par une différence de perméabilité hydraulique. C'est en bordure de cette langue conductrice superficielle, où sourdent généralement les sources, qu'est positionné le point amont de l'aqueduc gallo-romain. Si les sources d'Epenèdre, actuellement captées, sourdent à plus faible altitude, cette coupe (Fig. 8) révèle que le point amont de l'aqueduc pouvait être le lieu de captage. L'aqueduc gallo-romain de Cassinomagus a été retrouvé sur 800 mètres. À environ 500 m à l'est des thermes de Longeas, l'aqueduc s'interrompt brutalement. Aucune trace n'indique son prolongement vers le lieu présumé du captage, Londeix (cf. Fig. 1). Plusieurs hypothèses peuvent a priori être émises pour expliquer cette interruption : i) l'aqueduc a été démoli ou récupéré plus à l'est, ii) L'aqueduc n'a pas été achevé ou iii) l'aqueduc capte une source ou draine un aquifère. Les prospections géophysiques à maille fine nous livrent des indices permettant de plaider en faveur de la troisième hypothèse : Des linéaments NE-SO (M4, Fig. 6a) recoupent le tracé théorique de l'aqueduc dans la partie est de la prospection. Le démantèlement ou la destruction de l'aqueduc à l'est de M2-E2 (Fig. 6a et Fig. 6b) montrerait un contraste d'aimantation avec l'encaissant. Or, aucune anomalie géophysique traduisant sa présence n'a été repérée plus à l'est. L'anomalie M5-E5 (Fig. 6a et Fig. 6b) définit une structure arquée maçonnée s'inscrivant dans un cercle de 80 mètres de diamètre. Elle se situe au nord de l'aqueduc et pourrait constituer une des clés pour expliquer le mode de captage des eaux, peut-être en servant de barrière aux écoulements superficiels venant du plateau de Champonger. Par ailleurs, la carte de résistivité électrique pour une profondeur de 8 mètres (Fig. 7) montre également un écoulement souterrain certain allant du plateau sud de Champonger vers les sources d'Epenèdre, recoupant le lieu de captage gallo-romain. Les travaux de Bobée (2007) indiquent que ce sont les sources d'Epenèdre qui présentent les plus forts débits; ils ont été estimés à environ 600 m 3 /jour en périodes de hautes eaux. Ces débits restent faibles et il est probable que, pour répondre aux besoins en eau de la population, des galeries souterraines aient été creusées. Nous noterons également que l'implantation des galeries résultent d'un choix judicieux : elles sont situées dans le secteur le plus aquifère de Chassenon. Nous notons également que les modèles hydrogéologiques effectués par Bobée (2007) ont montré que l'apport en eau via les galeries drainantes constituent une ressource non négligeable : si les galeries traversent de part -en part l'aquifère, ce sont environ 3 000 m 3 qui pouvaient être apportés quotidiennement à Cassinomagus. Au niveau du complexe monumental, les sondages archéologiques de Sicard et al. (2005) ont mis en évidence une bifurcation à angle droit de l'aqueduc : celui -ci dévie au nord sur quelques mètres au niveau du Temple de Montélu et aboutit à un premier bassin partiteur; de là deux canalisations conduisent l'eau vers les thermes de Longeas et vers l'ouest. Les prospections géophysiques à maille fine ont montré que la conduite secondaire occidentale se poursuit sur 130 m et aboutit à un second bassin de forme ovoïde. De ce point, deux drains ont été mis en évidence : l'un se dirige vers le nord pour se raccorder au canal collecteur passant entre les fosses disposées en damier, l'autre permettrait l'alimentation des quartiers privés mis en évidence à l'ouest du complexe monumental. L'étude hydrogéophysique menée sur le site gallo-romain de Chassenon visait à retrouver l'organisation spatiale et le réseau hydraulique de Cassinomagus. Les mesures de susceptibilité magnétique et les prospections géophysiques à maille fine et à maille large ont permis d'entrevoir les relations entre réseau hydraulique et ressources en eau. Ainsi, bien que les ressources en eau soient faibles sur le site, les architectes de Cassinomagus ont fait le choix de puiser préférentiellement les ressources locales plutôt que de construire un aqueduc de grande dimension. L'alimentation en eau des thermes de Longeas, des fosses présentes dans le sanctuaire et des quartiers d'habitations à caractère artisanal (quartiers 1 à 4, Fig. 5), n'a pu être réalisée que par le choix d'associer le captage de sources (Epenèdre) et le drainage par galeries souterraines de l'aquifère superficiel dans les impactites .
Le but de cette étude était de retrouver les ressources en eau en contexte de métamorphisme de choc (astroblème de Rochechouart-Chassenon), de reconstituer l'organisation spatiale des structures gallo-romaines de Cassinomagus, implantées à Chassenon, et de tenter de comprendre les relations entre les constructions gallo-romaines et les ressources en eau. Nous avons répondu à cette problématique par la réalisation de prospections géophysiques. La réalisation de prospections électriques et magnétiques à maille fine, couplées à des mesures de susceptibilité magnétique, ont permis d'entrevoir l'extension du bâtiment thermal, l'agencement des quartiers privés à proximité du complexe monumental ainsi que l'extension du réseau hydraulique superficiel. Le traitement des sondages électromagnétiques à maille large a permis de produire des cartes de résistivité électrique pour différentes profondeurs de terrains; ces cartes ont révélé la présence d'un aquifère dans les impactites et ont montré d'étroites relations entre la position du captage, des galeries drainantes et l'extension des formations aquifères.
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La première moitié du XXème siècle a vu émerger les principales appellations d'outils, encore usitées aujourd'hui. Dans cette phase de désignation et de caractérisation des industries, le nom du site éponyme a souvent été employé pour singulariser un outil, définissant alors un type particulier. Ces termes eurent des avenirs contrastés, certains furent adoptés très rapidement, d'autres concurrencés, puis remplacés, voire oubliés (Le Brun-Ricalens 2005). À ces péripéties historiographiques, s'ajoute parfois un glissement terminologique. Ainsi, un décalage peut également se dessiner entre le sens initial d'une appellation et l'acception qui en est faite quelques décennies plus tard (Brézillon 1968; Le Brun-Ricalens 2005). L ' « histoire » du burin des Vachons illustre bien le long processus qui se déroule entre la découverte d'un outil, la reconnaissance de ses spécificités et les différentes phases de description. Le burin des Vachons, mis au jour à la fin du XIXème siècle par J. Coiffard, identifié par J. Bouyssonie en 1948, puis défini par M. Perpère en 1972, se trouve actuellement dans sa phase de caractérisation technologique. La dénomination « Vachons » a été appliquée à de nombreux burins carénés plans dont les enlèvements tendent à envahir la face inférieure de l'éclat, conférant à ce « type » une définition très large et, par conséquent, assez floue. Un retour à la série éponyme, objet de cet article, révèle clairement que l'appellation Vachons ne peut se résumer ainsi, et renvoie au contraire à une réalité technique bien plus spécifique, qu'il paraît pertinent de préciser et définir. Une fois redéfini et replacé dans son contexte chronologique, le burin des Vachons illustre bien plus qu'une anecdote technologique : il semble synonyme d'un changement fort dans les conceptions et les objectifs de la production lamellaire qui accompagne les dernières phases de l'Aurignacien. La station des Vachons, commune de Voulgézac, Charente, correspond à une suite d'abris et de grottes, s'ouvrant sur la partie méridionale d'un vallon dans lequel serpente la bien-nommée Font-Robert. Dès 1867, A. Trémeau de Rochebrune, puis G. Chauvet en 1896, commencèrent les premières prospections et ramassages. Peu après J. Coiffard entreprit des fouilles (Coiffard 1914,1922) dans l'Abri 1 et plus particulièrement dans l'Abri 2. P. David réalisa ensuite une tranchée dans la grotte attenante. De 1929 à 1937, les fouilles furent menées de concert par J. Coiffard et J. Bouyssonie (Bouyssonie et Sonneville-Bordes 1956; Fontaine 2000). Le chanoine de Brive effectua dans l'Abri 1 une tranchée perpendiculaire à la cavité, puis prolongea la fouille de P. David dans la grotte de l'Oeil-de-boeuf. J. Bouyssonie reconnut cinq niveaux archéologiques dans l'Abri 1, allant de l'Aurignacien au Gravettien final, et un seul niveau gravettien sur la plateforme inférieure du même abri (Bouyssonie 1948). L'Abri 2 livra à J. Coiffard une séquence similaire (Bouyssonie et Sonneville-Bordes 1956). La séquence de la grotte est légèrement plus récente. Dans cette cavité, les quatre ensembles rencontrés débutent au Gravettien pour s'achever avec le Solutréen. La qualité de la lecture stratigraphique des fouilleurs permet à partir de leurs observations de restituer avec plus de précision la séquence archéologique. Dans l'Abri 1, à la base du niveau 1, J. Bouyssonie mentionne la présence « d'un lit assez mince et poussiéreux, mais gris » contenant des pièces aurignaciennes, mais aussi « des éclats de facture moustérienne, voire un biface » (Bouyssonie 1948, p. 5). Cette observation fut reprise dans la publication suivante : « il est vraisemblable de supposer qu'une trace de niveau moustérien existait aussi à l'Abri n°2 » (Bouyssonie et Sonneville-Bordes 1956, p. 279). En effet, de nombreux éléments lithiques peuvent être rapportés à une occupation du Paléolithique moyen : racloirs, denticulés, supports issus de productions discoïdes, biface et fragment de biface, tous deux de type MTA (comm. pers. J.-Ph. Faivre). Selon J. Bouyssonie, la couche 2 de l'Abri 1 correspond peut-être à « deux strates, assez friables en arrière, très compactes en avant, où elles se trouvent coincées sous des blocs tombés » (Bouyssonie 1948, p. 6). Enfin, si un seul ensemble est individualisé sur la plateforme inférieure de l'Abri 1, le chanoine identifia « plusieurs lits minces noirâtres, sensiblement horizontaux, intercalés de lits sableux » (Bouyssonie 1948, p. 8). Il note que « les plus inférieurs de ces foyers bousculés contenaient pas mal de grattoirs carénés et de rabots [et] pourraient être contemporains de la couche 2 de l'Abri 1. À peu près au même niveau, j'ai remarqué de jolis spécimens de « fléchettes » du type de La Gravette; les autres foyers, plus ou moins superposés, fournirent toujours des pointes à pédoncule » (Bouyssonie, 1948, p. 9). Ces éléments témoignent en faveur de l'existence de plusieurs niveaux archéologiques identifiés lors de la fouille, mais non isolés les uns des autres. Enfin, dans la grotte, J. Bouyssonie mentionne la présence d'un niveau d'Aurignacien évolué, comparable à celui de la couche 2, situé un peu en avant (Bouyssonie 1948, p. 35). Ces observations permettent d'affiner la stratigraphie habituellement retenue, bien que cela ne corresponde vraisemblablement qu' à une vague image de ce que fût la séquence archéologique complète (tab. 1). Les burins des Vachons furent rencontrés dans des ensembles comparables dans les quatre locus fouillés (Bouyssonie 1948; Bouyssonie et Sonneville-Bordes 1956; Perpère 1972 a et b, 1977). Sa position stratigraphique peut être définie comme sus-jacente à l'Aurignacien typique dans l'Abri 1, sous-jacent au Gravettien ancien devant ce même abri, dans le prolongement horizontal de l'Aurignacien typique de l'Abri 2, et pour la grotte, sur le substrat, en avant, apparemment déconnecté de la séquence intérieure. La collection des Vachons fut dispersée dans divers musées et institutions dont le Centre Régional d'Archéologie de Poitiers, l'Institut de Paléontologie Humaine (Fontaine 2000) et le musée Henri Barré de Thouars dans les Deux-Sèvres. La série de la couche 2 abordée ici provient des fouilles réalisées par J. Coiffard. Il en fit don, en 1900, au Musée des Eyzies, actuel Musée National de Préhistoire; elle provient majoritairement de l'Abri 2 (tabl. 2). Son intégrité peut être largement remise en question par la présence d'éléments lithiques attribuables à différentes périodes du Paléolithique : éléments moustériens cités précédemment, puis un outillage comparable à celui de la couche 1, dont de nombreux grattoirs carénés et une lame étranglée, et enfin, une microgravette proche de celles de la couche 3. Compte tenu de ces biais, le mobilier présent ne peut être abordé comme un système technique cohérent et donc être interprété de manière globale. C'est donc à une approche du burin des Vachons partiellement déconnecté de son contexte industriel que nous contraint cet assemblage. Très tôt l'abbé J. Bouyssonie distingua les burins rencontrés à l'Abri des Vachons : « Ici, nos ouvriers sont arrivés à une perfection remarquable : en amincissant la pièce par des retouches latérales en écaille, ils obtiennent ce qu'on pourrait appeler un burin caréné plan ou pointu » (Bouyssonie 1948, p. 16). En 1956, il affine leur caractérisation : ces burins « ont en commun le fait qu' à un enlèvement unique, celui qui est parallèle à l'axe de la pièce, est opposé un groupe d'enlèvements étroits obtenus par une technique lamellaire identique à celle employée pour les grattoirs carénés les moins larges » (Bouyssonie et Sonneville-Bordes 1956, p. 284). Toutefois, ce burin ne futpas introduit dans la liste typologique du Paléolithique supérieur (Sonneville-Bordes et Perrot 1956), ni dans celle révisée en 1972 (non publiée), mais intégré au manuel de typologie de Heinzelin (Heinzelin 1962, p. 30). M. Brézillon compara ensuite ces pièces à des « burins carénés sans encoche » (Brézillon 1968, p. 181). En 1972, M. Perpère individualisa enfin ces outils sous le terme « burin des Vachons » (Perpère 1972a, p. 414; 1972b, p. 321). Les critères de définition retenus concernent la présence d'un pan unique préférentiellement à droite, des enlèvements plans multiples à gauche, une retouche inverse du bord droit prolongeant ces négatifs, la présence d'une coche sur le bord gauche et l'implantation du burin fréquemment sur la partie proximale d'un éclat cortical épais (Perpère 1972a, p. 416). Cette définition fut reprise dans le dernier essai de classification des outils du Paléolithique supérieur (Demars et Laurent 1989). Le burin des Vachons constitue une catégorie apparemment polymorphe. Les aménagements varient en effet de manière très prononcée. Toutefois, la mise en forme de ces pièces conduit toujours à interpréter ces aménagements comme tributaires d'une intention de production lamellaire, ce que la restitution des logiques opératoires semble confirmer. Ces burins sont réalisés sur des supports de natures diverses, comprenant des lames, des sous-produits du débitage laminaire, et une fraction importante d'éclats, fréquemment corticaux. Les supports recherchés sont souvent asymétriques et présentent parfois un dos naturel qui sera utilisé comme plan de frappe, brut ou après une modification du bord par une retouche directe abrupte. La variabilité morphologique initiale des supports est corrélée à une mise en forme différentiée, sensiblement liée à la régularité et à l'épaisseur du support transformé. Les supports les plus fins, comme les lames, ne sont ainsi pratiquement pas investis (fig. 1, n° 1). A l'opposé, l'exploitation de supports épais, notamment des éclats corticaux, induit un aménagement accru (fig. 1, n° 2; fig. 2), voire complet, de la face inférieure (fig. 3). Les exemplaires les plus investis témoignent de mises en forme complètes, par le biais d'une crête périphérique, structurant totalement le volume initial, qu'il s'agisse d'éclats, d'éclats diaclasiques ou même de fines plaquettes (fig 4). Les nucléus ainsi obtenus possèdent des morphologies très distinctes. Les nucléus sur lames ou sur préformes complètes sont étroits et symétriques alors que l'exploitation d'éclats épais, fréquemment corticaux, configure le volume de manière asymétrique. Ce facteur trouve une incidence notable sur les modalités respectives de gestion du débitage. Le positionnement de la table s'effectue dans la partie étroite du volume, transversalement à la longueur du support. Dans certains cas, l'allongement des enlèvements a été privilégié par le biais d'une orientation de la table dans le grand axe du nucléus (fig. 3, n° 1). L'exploitation de nucléus étroits permet de maintenir la progression du débitage au centre du volume, de manière frontale, sans investir fortement les flancs (fig. 1, n° 1; fig. 4). En revanche, l'asymétrie des nucléus épais implique un positionnement de la table légèrement différent car l'importante convexité du flanc cortical réduit la possibilité de déborder vers la face supérieure. L'envahissement se trouve plus fortement limité si le plan de frappe est aménagé par retouche directe. Dans ce cas, la table est alors implantée de manière désaxée entre la tranche et la face inférieure de l'éclat (fig. 1, n° 2; fig. 2). Le débordement vers la face inférieure s'effectue par l'intermédiaire de lamelles torses et outrepassantes, emportant un pan de la face inférieure en bordure de table ou les négatifs de la mise en forme. L'entretien de la face supérieure passe préalablement par l'extraction d'une tablette emportant la troncature (Le Brun-Ricalens et Brou 2003). Cet enlèvement burinant met en place une angulation plan de frappe/face supérieure et une nervure d'accroche pour le percuteur, favorables à l'envahissement de la face supérieure. Un éclat de cadrage peut alors être extrait à la jonction table/face supérieure. Cet éclat très standardisé présente une morphologie triangulaire, évasée en partie distale. Il emporte sur son bord droit une part des négatifs lamellaires issus de la table, en son centre, le négatif du précédent éclat de même type, et en son bord gauche, un pan de la face supérieure (emportant soit les négatifs des enlèvements antérieurs, soit du cortex) (fig. 5, n° 3 et 4, et pour les négatifs de ces éclats fig. 1, n°2; fig. 3, n°2). L'exploitation d'éclats épais asymétriques implique donc une gestion différentiée des flancs. La progression, dans ce cas, n'est pas véritablement semi-tournante, puisque la position des produits recherchés ne varie pas au cours de la réduction. L'extraction de supports de cadrage en bordure de table constitue une des spécificités de la production de type Vachons. Il répond à une intention de délimiter précisément la table, en réduisant les convexités latérales, liées à l'exploitation d'une tranche d'éclat. Cela contribue également à configurer la délinéation latérale des enlèvements. Ainsi, la morphologie des supports lamellaires extraits au centre de la table n'est pas tributaire de la morphologie initiale du volume exploité. Compte tenu de l'absence de fraction lamellaire dans la série étudiée, la morphologie des produits recherchés ne peut être appréhendée que par l'observation des négatifs lamellaires et la compréhension des logiques d'agencements des supports. Deux types d'enlèvements peuvent ainsi être distingués. Les supports extraits au centre de la table sont droits et rectilignes car l'onde de choc détache l'enlèvement avant d'arriver en fin de table. Les supports, extraits à partir du négatif du bord droit des précédents, donc légèrement désaxés vers la face inférieure, montrent une torsion dextrogyre ténue en partie proximale et une faible courbure. L'outrepassage des lamelles latérales et la convergence des enlèvements lamellaires confèrent une extrémité acuminée à ces deux types de produits. D'un point de vue dimensionnel, les négatifs lamellaires dessinent des gabarits très distincts, de 17 à 60 mm de longueur (jusquà 80 mm pour le plus long), et 3 à 12 mm de large. Seules certaines orientations techniques, certaines conceptions de la production de type Vachons transparaissent dans cette collection, très fragmentaire. En dépit de ce biais, la diversité et la complexité de ce système technique se profilent clairement. La production de type Vachons ne peut être comprise comme l'expression d'une unique modalité technique mais comme un « concept » de production se déclinant selon différents axes. Cette conception se manifeste par la réalisation d'un objectif, la production de lamelles subrectilignes à rectilignes, pointues, selon différentes modalités techniques, liées notamment à la morphologie initiale des supports sélectionnés (fig. 5). L'apparente variabilité du burin des Vachons disparaît ainsi derrière une manière unique de concevoir la production. Seule l'étude d'ensembles lithiques homogènes sera à même de définir si à ces modalités peuvent être corrélées des différences d'objectifs notables, et ainsi de distinguer des sous-types de production. La reconnaissance d'une logique de production de type Vachons s'avère d'autant plus importante que les débitages réalisés sur tranches d'éclats peuvent présenter de fortes convergences techniques. Le mode de ravivage des burins des Vachons s'effectue en effet selon une modalité documentée pour le Magdalénien ancien de Thèmes (Le Brun-Ricalens et Brou 2003). De même, l'entretien latéral de la table à la jonction de la face supérieure, par l'extraction d'un sous-produit très spécifique, trouve de forts points de comparaison avec les productions sur burins carénés fins de l'Aurignacien récent du Levant (Tixier 1974; Bergman 1987; Soriano 1997), mais également du Gravettien ancien de la Vigne Brun (Pesesse 2002, 2003). La reconnaissance depuis ces dix dernières années de nombreux schémas opératoires basés sur l'exploitation de la tranche d'un éclat tant pour le Paléolithique supérieur (Le Brun-Ricalens et Brou à paraître; Le Brun-Ricalens et Brou 2003; Le Brun-Ricalens 2005; Brou et Le Brun-Ricalens 2005) que pour certaines industries du Paléolithique moyen récent (Slimak 1999, Slimak et Lucas 2005) révèle la multiplicité des objectifs et des réponses adoptées par les artisans paléolithiques pour faire face aux contraintes volumétriques et morphologiques inhérentes à l'exploitation d'une tranche d'éclat. Si des convergences techniques apparaissent entre elles, des logiques d'exploitations différentes permettent, selon l'agencement des supports et des éléments de cadrage, d'exprimer des objectifs distincts. Au-delà de convergences techniques, des formes de passage peuvent apparaître entre différents procédés. La série des Vachons offre des exemples de pièces partageant des caractères de gestion mixte, depuis le burin busqué à cadrage latéral, jusqu'au burin des Vachons à coche d'arrêt (fig. 6). Ces éléments tendent à nuancer sinon réduire l'impression de rupture créée par les exemplaires les plus typiques de chacun des procédés lamellaires. Très tôt des comparaisons furent établies entre le niveau 2 des Vachons et des ensembles aurignaciens à fort indice de burins (Bouyssonie 1948). En 1950, J. Bouyssonie remarque que « la similitude de l'industrie du burin au niveau 2 de ces 3 gisements : Chanlat, Bouïtou, Vachons est frappante » (Bouyssonie et Delsol 1950, p 188). Ce niveau d'Aurignacien évolué fut ensuite rapproché du niveau D2S de Caminade-Est (Bouyssonie et Sonneville-Bordes 1956, p. 284), bien que D. de Sonneville-Bordes ne décrive pas de burin caréné proche des Vachons dans ces niveaux riches en burins busqués (Sonneville-Bordes 1970). D. de Sonneville-Bordes compara cette industrie à l'Aurignacien II de la Ferrassie et de la Faurélie (Sonneville-Bordes 1960, p. 131). En 1962, H. Delporte mentionne la présence « du « burin caréné » de l'Aurignacien évolué des Vachons » dans la couche 17 de l'Abri du Facteur (Delporte 1962), présent dans les couches 17 à 15 (Delporte 1968). La dénomination « burin des Vachons » et la définition proposées par M. Perpère (Perpère 1972 a et b) confèrent enfin une certaine lisibilité à cette catégorie d'outils. En Charente, M. Perpère retrouve ces burins particuliers dans la couche B de l'Abri du Chasseur (Perpère 1975, p. 245) bien que l'homogénéité des niveaux présentant de tels témoignages de « survivance » (Balout 1956) de l'Aurignacien au Gravettien aie pu être remise en question(Perpère 1975, Sonneville-Bordes 1985). A. Morala rencontre ces burins dans l'Abri Peyrony, niveau 9a-10 (Morala 1982, 1984). Par la suite, P. -Y. Demars reconnaît ces outils dans la couche supérieure de Chanlat (Demars 1982), puis à Roc de Combe, couches 5 et 6 et à Gorse (Demars et Laurent 1989; Demars 1994). Le Grand Abri de la Ferrassie a livré à H. Delporte des burins « du type des Vachons » dans la partie sommitale de la séquence, à partir de la couche K3b (Delporte 1984). Dans les sériations successives de l'Aurignacien, H. Delporte ne prit pourtant jamais en compte la présence de burins des Vachons, comme un élément de subdivision des phases récentes de l'Aurignacien (Delporte 1962, 1968, 1984, 1991). Les burins des Vachons sont aussi présents dans la couche VIII du Flageolet I et dans la couche 5 (peut-être dans les couches 4 et 6) de la grotte Maldidier (Rigaud 1982). L'importante séquence de l'Abri Pataud abonde en ce sens, les burins des Vachons apparaissent dans la partie supérieure, à partir de la couche 7 (Chiotti 2003). En résumé, les burins des Vachons furent toujours rencontrés en sommet de séquence aurignacienne, dans des niveaux sus-jacents à des assemblages à grattoirs à museaux, et associés à des burins busqués (fig. 7). Ces éléments de stratigraphie confirment leur valeur chrono-culturelle reconnue par P. -Y. Demars (Demars 1994; Demars et Laurent 1989) comme marqueur de la fin de l'Aurignacien dans les gisements du Nord de l'Aquitaine et des Charentes. Dans certains niveaux archéologiques comprenant des burins des Vachons, plusieurs populations de lamelles retouchées peuvent être distinguées. Il s'agit notamment de lamelles Dufour torses dextrogyres, à retouche dextre inverse ou alterne, correspondant au sous-type Roc-de-Combe (Demars et Laurent 1989). Ces supports sont produits à partir de grattoirs à museaux et de burins busqués (Lucas 1997, 2000; Chiotti 1999, 2000, 2003; Bordes 2005). La seconde population, représentée par les lamelles Caminade, est réalisée sur des lamelles rectilignes, de très petites dimensions, portant une retouche directe sur un bord, ou, plus rarement, sur les deux (Bordes et Lenoble 2002). Ces lamelles sont issues, comme les lamelles Roc-de-Combe, de burins busqués. À côté de ces deux populations, certains supports se différencient par un module plus important, un profil rectiligne ou légèrement courbe, et par la présence d'une fine retouche dextre directe. Ces lamelles retouchées s'observent notamment à l'Abri Peyrony (Morala 1984), à Maldidier, au Flageolet I (Rigaud 1982) et à la Ferrassie (Delporte 1984) (fig. 8). Ces supports présentent des caractéristiques dimensionnelles et morpho-techniques très distinctes des lamelles Dufour et Caminade de l'Aurignacien récent. En revanche, elles partagent le module et la rectitude des négatifs décrits pour la production de type Vachons (fig. 8, n° 8 à 13). Compte tenu de cette correspondance en termes d'objectifs, il est alors envisageable que ces lamelles à retouche directe marginale correspondent aux lamelles produites à partir des burins des Vachons. La réalisation de remontages et la discrimination d'autres schémas lamellaires concordants dans ces niveaux seront nécessaires pour vérifier pleinement cette hypothèse. L'association du burin des Vachons avec d'autres modes de productions lamellaires, grattoirs à museaux et burins busqués, pose certains questionnements concernant la stricte co-existence de ces modalités que seules de nouvelles fouilles, notamment de sites de plein-air, permettront de vérifier. La présence du burin des Vachons a pu être confirmée lors de l'examen du matériel de certains gisements nord-aquitains. Dans la collection Peyrony de l'Abri de la Ferrassie, conservée au Musée National de Préhistoire, ces burins se rencontrent de manière épisodique dès la couche H (fig. 9), attribuée à l'Aurignacien II (Peyrony 1933), leur fréquence augmente de manière significative dans les couches sus-jacentes, H ', attribuée à l'Aurignacien III, et H ' ' à l'Aurignacien IV (Peyrony 1933). Pour l'heure, la position stratigraphique des burins des Vachons de la couche H reste discutable. Les couches 6 et 5 du Roc-de-Combe, respectivement attribuées à un Aurignacien II et évolué par D. de Sonneville-Bordes (Sonneville-Bordes 2002) et la couche VIII du Flageolet I, décrite comme un Aurignacien récent (Lucas 2000, Rigaud 1982) recèlent effectivement ces burins spécifiques (fig. 10). Dans ces gisements, les burins des Vachons révèlent une logique opératoire identique à celle observée dans la série éponyme. Le choix des supports de nucléus s'avère aussi varié. Toutefois, bien que certaines pièces aient été fortement investies, la mise en forme demeure généralement sommaire. Un examen de la fraction fine des séries du Roc-de-Combe et du Flageolet I a permis de retrouver les éclats de mise en forme (notamment des éclats kombéwa) et des éléments d'entretien des nucléus (fig. 11). Leurs caractéristiques techniques viennent confirmer les tendances décrites précédemment. Certains éclats kombéwa ont pu être remontés sur des burins des Vachons, dans la couche VIII du Flageolet I, mais malheureusement aucune lamelle retouchée. La variation des types de produits, pressentie lors de l'étude des burins-nucléus, se retrouve dans la fraction lamellaire de la couche VIII du Flageolet I, et dans une moindre mesure dans celles des couches 6 et 5 du Roc-de-Combe. Les produits recherchés étant soit tors en partie proximale, soit totalement rectilignes. Malgré cette différence, ils présentent une retouche directe sur un bord, voire les deux, affectant surtout la partie distale, renforçant ainsi l'aspect appointé de ces lamelles. La série éponyme permet de reconsidérer la nature du burin des Vachons et de poser, en complément aux observations antérieures, des bases nouvelles pour sa définition et sa compréhension. Cette pièce peut dorénavant être considérée comme un nucléus à lamelles et non plus comme un simple outil, aspect déjà évoqué par L. Chiotti (2003). Le burin des Vachons ne correspond pas seulement à un schéma de débitage original réalisé à partir d'un burin caréné mais à un concept de production lamellaire décliné sous des formules très diverses, du burin caréné fin à la préforme complète. Ainsi, l'envahissement de la face inférieure ne constitue qu'un des éléments de définition et de reconnaissancedu burin des Vachons et ne peut être retenu isolément comme diagnostique. Mais l'intérêt ne réside pas dans le degré d'élaboration ou de complexité du système technique; des productions lamellaires très normées, très investies existent durant tout l'Aurignacien. En revanche, la manière dont les objectifs de production lamellaire évoluent à partir des traditions techniques de l'Aurignacien récent constitue un élément remarquable. Après l'évolution morphologique et technologique progressive de la lamelle Dufour depuis l'Aurignacien ancien jusqu'au sous-type Roc-de-Combe, une modification importante apparaît enfin dans ce continuum. Les objectifs lamellaires, depuis le processus de production de type burin busqué, dont la rigidité opératoire assure la constance du profil et la faible dispersion dimensionnelle des produits recherchés, les nano-lamelles torses (Lucas 1997, 2000; Chiotti 1999, 2003; Chazan 2001; Bordes 2005; Bordes et Lenoble 2002), évoluent en faveur d'un élargissement dimensionnel de la gamme des produits et une modification notoire des paramètres. Les lamelles provenant du burin des Vachons mesurent en effet de 20 à 60 mm de longueur, possèdent un profil rectiligne à subrectiligne et une extrémité distale aigüe. La généralisation de la retouche directe, apparue avec la lamelle Caminade, constitue un des paramètres de cette évolution. Toutefois, bien que les logiques opératoires des burins busqués et des burins des Vachons diffèrent notablement, une mise en opposition stricte de ces processus ne permettrait pas d'appréhender les mécanismes d'évolution de ces systèmes techniques. Dans ce sens, le burin des Vachons pourrait être abordé comme le prolongement technique de certaines innovations manifestées, dès la phase à burins busqués, avec la lamelle Caminade (Bordes et Lenoble 2002). En effet, cet outil cristallise déjà certaines intentions, dont la rectitude, qui seront les éléments constitutifs de la production de type Vachons. La reconnaissance d'un tel objectif dans les phases récentes de l'Aurignacien nord-aquitain modifie profondément notre compréhension des dernières expressions de cette culture. Au-delà des variations techniques, le burin des Vachons révèle une modification profonde dans la manière même de concevoir la production dans l'histoire lithique aurignacienne. Ce changement conceptuel permet de mieux envisager les innovations et les restructurations ultérieures que ne laissait entrevoir la rigidité du processus de production de type burin busqué. Un important travail reste à accomplir dans la compréhension de l'Aurignacien récent, notamment dans la caractérisation des objectifs de production des burins des Vachons, dans la documentation de la diversité de ce système technique, dans la définition de son ancrage dans la tradition technique et économique aurignacienne. La manière dont les productions lamellaires évoluent à partir de l'Aurignacien récent, dans les objectifs et leur intégration à la sphère laminaire (Bordes et Lenoble 2002; Michel 2005) constitue une voie d'investigation privilégiée à la compréhension des sociétés de la fin de l'Aurignacien. Cette contribution ne constitue qu'un jalon de cette enquête .
La couche 2 des Vachons a livré un type de burin particulier reconnu par J. Coiffard (Coiffard 1914, 1922), puis J. Bouyssonie (Bouyssonie 1948) et défini par M. Perpère comme le " burin des Vachons " (Perpère 1972 a et b). Le façonnage de ces burins correspond à une intention de production lamellaire orientée vers la recherche de lamelles à tendance rectiligne, mesurant de 20 à 60 mm de long. Un schéma opératoire complexe peut alors être restitué. Cette redéfinition confirme la forte charge culturelle de ce procédé, dont témoigne sa position chronologique dans les gisements du nord de l'Aquitaine. En effet, les ensembles comprenant des burins des Vachons clôturent certaines séquences aurignaciennes classiques dont la Ferrassie, le Roc-de-Combe, l'Abri Pataud, le Facteur et le Flageolet I. La nature du procédé opératoire et de l'objectif sous-jacent révèlent un changement fort dans les conceptions lamellaires de la fin de l'Aurignacien, en décalage avec les productions antérieures issues des burins busqués. Ce travail propose de documenter cette évolution technique qui permet d'envisager sur des bases nouvelles les dernières phases de l'Aurignacien.
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